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24/10/2002 | BELGIQUE | N°C.00.0042.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 octobre 2002, C.00.0042.N


FORTIS BANQUE, société anonyme,
Me Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation,
contre
J. M., et cons.
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 2juin 1999 par la cour d'appel de Gand.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Ghislain Londers a fait rapport.
L'avocat général Guy Dubrulle a conclu.
III. Les faits
Suivant le pourvoi en cassation, les faits et les antécédents de la procédure sont les suivants:
Par acte sous seing privé du 15se

ptembre 1993, la demanderesse a consenti à la s.a. Socks & Slips un crédit d'investissement s'élev...

FORTIS BANQUE, société anonyme,
Me Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation,
contre
J. M., et cons.
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 2juin 1999 par la cour d'appel de Gand.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Ghislain Londers a fait rapport.
L'avocat général Guy Dubrulle a conclu.
III. Les faits
Suivant le pourvoi en cassation, les faits et les antécédents de la procédure sont les suivants:
Par acte sous seing privé du 15septembre 1993, la demanderesse a consenti à la s.a. Socks & Slips un crédit d'investissement s'élevant à la somme de 14.000.000francs pour le financement de l'achat d'un magasin.
En garantie du remboursement, il a notamment été stipulé la constitution d'une hypothèque de premier rang sur l'immeuble concerné à concurrence de 2.000.000francs et l'octroi d'un mandat authentique irrévocable autorisant la constitution d'une hypothèque de deuxième rang sur le même immeuble à concurrence de 12.000.000francs.
Le même jour, la s.a. Socks&Slips, propriétaire du magasin, et la s.a. GoldenCorner, propriétaire du terrain sur lequel le magasin a été bâti, ont signé devant le notaire V.H. l'acte de mandat irrévocable précité, autorisant certains membres du personnel de la demanderesse à grever l'immeuble d'une hypothèque de deuxième rang à concurrence de 12.000.000francs au profit de la banque.
Par acte passé le 16juin 1994 devant le notaire M., le mandataire fondé de pouvoir a constitué l'hypothèque de deuxième rang en faveur de la demanderesse.
Cette hypothèque a été inscrite au bureau de la conservation des hypothèques de l'arrondissement de Termonde le 17juin 1994.
Le 2décembre 1994, la s.a. Socks&Slips a été déclarée en état de faillite par le tribunal de commerce de Termonde. La date de la cessation des paiements a été fixée au 6juin 1994.
Le 21décembre 1994, en temps utile, la demanderesse a introduit sa déclaration de créances.
Les défenderesses, curateurs de la faillite de la s.a. Socks&Slips, font valoir qu'en application de l'article 445, alinéa4, de la loi du 18avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis de paiement, l'hypothèque de deuxième rang grevant le complexe commercial de la faillie au bénéfice de la Générale de banque est inopposable à la masse.
La demanderesse considère au contraire qu'il n'est pas satisfait aux conditions requises par l'article 445, alinéa4, précité lorsque l'hypothèque est constituée au cours de la période suspecte en vertu d'un acte de mandat irrévocable hypothécaire consenti avant la période suspecte.
En première instance, le tribunal de commerce de Termonde a décidé par jugement rendu le 15avril 1996 que l'article 445, alinéa4, de la loi précitée est applicable en l'espèce et qu'en conséquence, l'hypothèque de deuxième rang constituée au bénéfice de la demanderesse est inopposable à la masse.
Le 11 octobre 1996, la demanderesse a formé appel contre ce jugement. L'arrêt attaqué a déclaré l'appel recevable mais non fondé.
IV. Le moyen
La demanderesse présente un moyen de cassation, libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées
Article 445, alinéa4, de la loi du 18avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis de paiement, tel qu'il était applicable avant la nouvelle loi du 8août 1997 sur les faillites.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué déboute la demanderesse de son appel et confirme le jugement entrepris par lequel le premier juge a décidé que l'hypothèque constituée au bénéfice de la demanderesse est inopposable à la masse des créanciers, par les considérations suivantes:
«La seule question qui se pose est de savoir si l'octroi d'un mandat irrévocable équivaut à la constitution même de l'hypothèque.
En l'espèce:
- le mandat hypothécaire date du 15septembre 1993,
- l'hypothèque a été constituée le 16juin 1994,
- la faillite a été prononcée le 2décembre 1994 et la date de la cessation des paiements a été fixée au 6juin 1994.
Il est dès lors incontestable que le mandat hypothécaire est antérieur à la période suspecte et que l'hypothèque a été constituée au cours de cette période.
Il ressort à tout le moins de la jurisprudence et de la doctrine relevées par les deux parties que la question ne fait pas l'unanimité.
La cour considère que l'octroi d'un mandat, même irrévocable, autorisant la constitution d'une hypothèque n'équivaut pas à la constitution d'une hypothèque.
L'article 445, alinéa4, de la loi du 18avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis de paiement, tel qu'il doit être lu, sanctionne la constitution même de l'hypothèque; il est en tous cas établi que l'hypothèque n'est constituée qu'au moment de la passation de l'acte et qu'elle n'est opposable aux tiers qu'à partir de son inscription au bureau de la conservation des hypothèques; en l'espèce, les deux dates se situent dans la période suspecte.
(La demanderesse) allègue que l'article précité requiert également que l'hypothèque soit constituée 'par le débiteur'»; selon (elle), ce n'est pas le cas en l'espèce dès lors que la débitrice n'est pas intervenue au cours de la période suspecte pour constituer l'hypothèque; (la demanderesse) fait valoir qu'ayant consenti le mandat hypothécaire irrévocable bien avant cette date, la débitrice est totalement étrangère à l'opération de constitution même: la faillie a cédé ses droits et facultés d'intervention en matière de constitution d'hypothèque à (la demanderesse) antérieurement, avant la période suspecte, au moment où elle a consenti le mandat hypothécaire irrévocable.
La débitrice n'étant pas intervenue en personne pour la constitution de l'hypothèque, les termes de l'article 445, alinéa4, de la loi du 18avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis de paiement ne seraient pas respectés.
La cour ne se rallie pas à cette thèse. La constitution de l'hypothèque a eu lieu au cours de la période suspecte et a été pratiquée par la débitrice, fût-ce ultérieurement, en exécution d'un mandat consenti antérieurement.
L'article 445, alinéa4, de la loi du 18avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis de paiement vise essentiellement la protection des droits de tous les créanciers sur l'assiette de l'hypothèque.
La constitution d'une hypothèque sur un bien immeuble au cours de la période suspecte nuit incontestablement aux droits concurrents des autres créanciers sur ce bien. Le fait de faire rétroagir les effets de la constitution de l'hypothèque à la date du mandat irrévocable serait contraire aux dispositions de l'article 445, alinéa4, de la loi du 18avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis de paiement dès lors qu'il serait ainsi porté atteinte aux droits concurrents des autres créanciers confrontés à une hypothèque supplémentaire constituée au cours de la période suspecte.
Ce principe admis, il est établi que l'hypothèque a été constituée au cours de la période suspecte et qu'elle porte sur des dettes antérieurement contractées dès lors qu'elles sont nées à l'époque de l'octroi du mandat hypothécaire de sorte que l'article 445, alinéa4, de la loi du 18avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis de paiement est applicable et qu'en conséquence, l'hypothèque litigieuse est inopposable à la masse des créanciers».
Griefs
L'application de l'article 445, alinéa4, de la loi du 18avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis de paiement, implique que le débiteur accomplisse librement un acte postérieurement à la date de la cessation des paiements fixée par le tribunal ou dans les dix jours précédant cette date et par lequel il constitue une hypothèque ou un droit d'antichrèse ou de gage sur ses biens, à titre de sûreté pour dettes antérieures.
En conséquence, cet article n'est pas applicable lorsque, au moment de contracter la dette, plus de dix jours avant la date de cessation des paiements, le débiteur consent un mandat hypothécaire irrévocable à son créancier et que l'hypothèque est constituée sur le bien immeuble après la date de cessation des paiements ou dans les dix jours précédant cette date.
Le but de l'article 445, alinéa4, de la loi du 18avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis de paiement est de rétablir l'égalité entre les créanciers qui a été rompue au cours de la période suspecte par le créancier auquel le débiteur a octroyé une nouvelle sûreté pour une dette déjà existante par la voie d'une hypothèque ou d'un droit d'antichrèse ou de gage, alors qu'antérieurement la dette n'était pas garantie. En conséquence, cet article n'est pas applicable lorsque, comme en l'espèce, la sûreté découlant du mandat hypothécaire irrévocable est acquise dès la naissance de la dette et en constitue une condition.
Il s'ensuit qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué viole l'article 445, alinéa4, de la loi du 18avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis de paiement.
V. La décision de la Cour
Attendu qu'en vertu de l'article 445, alinéa4, de la loi du 18avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis de paiement, tel qu'il est applicable en l'espèce, toute hypothèque conventionnelle et tous droits d'antichrèse ou de gage constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées sont nuls et sans effet, relativement à la masse, lorsqu'ils ont été faits par le débiteur depuis l'époque déterminée par le tribunal comme étant celle de la cessation de ses paiements ou dans les dix jours qui auront précédé cette époque;
Attendu que le mandat consenti par le débiteur en vue de la constitution d'une hypothèque ne confère pas un effet rétroactif à l'hypothèque que le créancier constitue ultérieurement;
Qu'en conséquence, l'hypothèque constituée en vertu d'un mandat hypothécaire au cours de la période suspecte pour garantir des dettes antérieurement contractées entre dans le champ d'application de l'article 445, alinéa4, de la loi du 18avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis de paiement et est en conséquence inopposable à la masse;
Attendu que les juges d'appel constatent que la faillie a consenti le mandat hypothécaire avant la période suspecte mais que la demanderesse a constitué l'hypothèque au cours de cette période;
Qu'ils décident ensuite que l'article 445, alinéa4, de la loi précitée est applicable et que l'hypothèque n'est pas opposable à la masse;
Qu'ainsi, ils justifient légalement leur décision;
Que le moyen ne peut être accueilli;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, les conseillers Greta Bourgeois, Ghislain Londers, Eric Dirix et Eric Stassijns, et prononcé en audience publique du vingt-quatre octrobre deux mille deux par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Guy Dubrulle, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Sylviane Velu et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.00.0042.N
Date de la décision : 24/10/2002
1re chambre (civile et commerciale)

Analyses

FAILLITE ET CONCORDATS - EFFETS (PERSONNES, BIENS, OBLIGATIONS) - Hypothèque - Procuration - Opposabilité /

La procuration donnée par le débiteur en vue de la constitution d'une hypothèque n'a pas pour effet de conférer un effet rétroactif à une constitution d'hypothèque ultérieure par le créancier; aucune constitution effectuée au cours de la période suspecte en vue de la sûreté de dettes antérieurement contractées n'est dès lors opposable à la masse.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2002-10-24;c.00.0042.n ?
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