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27/05/2004 | BELGIQUE | N°C.02.0435.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 mai 2004, C.02.0435.N


REGION FLAMANDE,
Me Philippe Gérard, avocat à la Cour de cassation,
contre
HEFFINCK Franck, q. q.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2001 par la cour d'appel de Gand.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat général Guido Bresseleers a conclu.
III. Les faits
1. La s.p.r.l. Desweemer Rudy a effectué, en tant que sous-traitant, des travaux pour la s.a. L & H Construct dans le cadre d'un marché public qu

i a été exécuté pour la Région flamande (demanderesse).
2. Le 11 décembre 1998, un créancie...

REGION FLAMANDE,
Me Philippe Gérard, avocat à la Cour de cassation,
contre
HEFFINCK Franck, q. q.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2001 par la cour d'appel de Gand.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat général Guido Bresseleers a conclu.
III. Les faits
1. La s.p.r.l. Desweemer Rudy a effectué, en tant que sous-traitant, des travaux pour la s.a. L & H Construct dans le cadre d'un marché public qui a été exécuté pour la Région flamande (demanderesse).
2. Le 11 décembre 1998, un créancier de l'entrepreneur principal a effectué une saisie-arrêt entre les mains de la demanderesse sur «tous les montants qui étaient dus ou qui sont dus par la s.a. L & V Construct».
3. Le 25 juin 1999, l'entrepreneur principal, la s.a. L & H Construct a été déclarée en faillite.
4. Le 4 août 1999, soit après la faillite de l'entrepreneur principal et après la saisie-arrêt, la s.p.r.l. Desweemer Rudy a, par voie de citation, intenté une action directe contre la Communauté flamande et la demanderesse.
5. La s.p.r.l. Desweemer Rudy a été déclarée en faillite le 19 mai 2000 et le défendeur fut désigné en tant que curateur.
IV. Les moyens de cassation
Dans sa requête le demandeur présente deux moyens libellés dans les termes suivants :
1. Premier moyen
Dispositions légales violées
- article 23 (notamment §1 et §2) de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services (ci-après «loi relative aux marchés publics»);
- article 1798 du Code civil.
Décisions et motifs critiqués
Afin de confirmer le jugement dans la mesure où il déclarait fondée l'action du défendeur et condamnait le demandeur, en application de l'article 1798 du Code civil, à payer au défendeur une somme de 155.578 francs, majorée des intérêts moratoires depuis le 30 avril 1999 et des frais judiciaires, les juges d'appel ont décidé notamment que:
«L'opposition à l'application d'une action directe est tout d'abord fondée sur l'article 23, §1er, de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics, qui prévoit notamment que 'les créances des adjudicataires dues en exécution d'un marché public de travaux, de fournitures ou de services, passé par un pouvoir adjudicateur visé à l'article 4, § 1er et § 2, 1° à 8° et 10°, ne peuvent être ni saisies, ni cédées, ni données en gage jusqu'à la réception provisoire'.
Le paragraphe 2 de l'article précité prévoit d'autre part qu'à l'exception des avances prévues à l'article 8, alinéa 2, ces créances peuvent toutefois être saisies ou faire l'objet d'une opposition même avant la réception provisoire :
- par les ouvriers et les employés de l'adjudicataire pour leurs salaires et appointements, dus pour des prestations afférentes au marché ;
- par les sous-traitants et les fournisseurs de l'adjudicataire pour les sommes dues à raison des travaux, des fournitures ou des services servant à l'exécution du marché'.
Sans préjudice, dès lors, de la position privilégiée que reconnaît également le second paragraphe de l'article 23 notamment aux ouvriers, sous-traitants et autres, il ne ressort nullement du texte du paragraphe 1er que d'une quelconque manière la possibilité d'une action directe du sous-traitant contre le maître de l'ouvrage serait visée ou exclue (.). Ceci indépendamment de la constatation qu'en l'espèce les parties ne fournissent pas de données exactes au sujet du moment auquel la réception provisoire aurait eu lieu, et, vu les pièces produites, il n'est même pas exclu que celle-ci était déjà faite au moment de l'introduction de la procédure présente (comp. la lettre du 16 juillet 1999 promettant la réception provisoire).
Dès lors l'article 23 n'empêche pas l'action directe introduite».
Griefs
Dans l'intérêt des pouvoirs publics concernés, à savoir l'exécution complète des travaux ou services qu'ils ont commandés, l'article 23, §1er, de la loi sur les marchés publics, a soumis à un régime spécifique les créances de l'adjudicataire contre les personnes de droit public, en introduisant une interdiction de principe, jusqu'à la réception provisoire, des mesures qui mettent en péril le payement de cette créance à l'adjudicataire, telles que la saisie, la cession ou la mise en gage.
Ensuite le paragraphe 2 de l'article 23 précité a introduit, à nouveau dans l'intérêt de l'achèvement du marché public, des exceptions à cette interdiction de principe au bénéfice des débiteurs de l'adjudicataire qui ont contribué à la réalisation des travaux, à savoir, les ouvriers, employés, sous-traitants, fournisseurs et bailleurs de fonds. En outre, le législateur a prévu dans ce régime dérogatoire au droit commun des règles spécifiques en matière de crédit et de notification obligatoire.
En vertu de l'article 23, §2, de la loi relative aux marchés publics, ce régime légal spécifique permet dès lors aux sous-traitants de l'adjudicataire d'un marché public de saisir les créances ou de former opposition pour les travaux effectués en vue de l'exécution du marché; les exceptions à l'interdiction de principe de l'article 23, §1er, doivent être interprétées restrictivement; étant donné que ledit article 23, §2, autorise uniquement les mesures conservatoires que sont la saisie et l'opposition et non l'introduction d'une action directe, une action directe ne peut être introduite par le sous-traitant contre le maître de l'ouvrage de marchés publics.
L'application aux marchés publics de l'article 1798 du Code civil est, en outre, incompatible avec la réglementation légale spécifique de l'article 23 susmentionné et est donc implicitement exclue par la loi. L'application aux marchés publics dudit article 1798 est notamment incompatible avec le système de préférences particulièrement spécifique de l'article 23, qui, en raison de leur contribution à l'achèvement des travaux, introduit une protection en faveur des ouvriers, employés, sous-traitants et fournisseurs de marchés publics, leur permettant ainsi de s'opposer au payement de la créance à leur entrepreneur et de jouir d'un privilège (même antérieur) sur les cessionnaires et détenteurs de gage de la créance de l'entrepreneur concernée.
L'admission des actions directes de droit commun des personnes visées à l'article 1798 du Code civil viole en particulier l'article 23, notamment 1) dès lors que celui qui introduit l'action visée à l'article 1798 du Code civil, dans la mesure où celle-ci échappe au concours et que le produit de l'action lui revient directement, sera payé avant les autres catégories de créanciers protégées par l'article 23, §2, 2) dès lors que l'article 1798 n'accorde pas d'action directe à certains créanciers visés à l'article 23, §2, à savoir les employés et fournisseurs, 3) dès lors que le pouvoir public adjudicateur qui est cité en application de l'article 1798 du Code civil, est empêché de payer sa dette, conformément au régime spécifique qui lui est applicable, aussi longtemps qu'il n'a pas été statué sur l'action directe, alors qu'en vertu du régime de l'article 23 le pouvoir public peut simplement procéder au payement d'une dette échue aux bénéficiaires en ayant égard aux mesures d'opposition et aux règles de priorité de l'article 23 et 4) dès lors que l'application de l'article 1798 du Code civil aux marchés publics, empêche le payement normal et en temps voulu de la créance selon les règles de l'article 23 et prive les personnes visées à l'article 23 de la protection que le pouvoir public, dans son propre intérêt, avait reconnue aux créanciers qui participent à l'exécution du marché public.
En décidant que l'article 23 de la loi relative aux marchés publics ne fait pas obstacle à l'introduction d'une action directe visée à l'article 1798 du Code civil, les juges d'appel n'ont dès lors pas justifié légalement leur décision (violation des dispositions légales indiquées au moyen).
2. Second moyen
Dispositions légales violées
- article 1798 du Code civil;
- articles 7, 8 et 9 de la loi du 16 décembre 1851, insérée en tant que Titre XVIII du Code civil, ci-après «loi hypothécaire»;
- articles 16, 23, 25, 26 et 99 de la loi sur les faillites du 8 août 1997, ci-après «loi sur les faillites»;
- articles 1451 et 1540 du Code judiciaire.
Décisions et motifs critiqués
Les juges d'appel ont confirmé le jugement critiqué dans la mesure où il déclarait fondée l'action du défendeur et, en application de l'article 1798 du Code civil, condamnait le demandeur à payer au défendeur une somme de 155.578 FB, majorée des intérêts moratoires depuis le 30 avril 1999 et les frais de justice, notamment sur la base des motifs suivants:
«Il y a ensuite la discussion de principe relative à l'éventuelle existence de la possibilité pour le sous-traitant d'introduire également après la faillite de l'entrepreneur principal une action directe de façon efficace contre le maître de l'ouvrage.
La doctrine en la matière est divisée et adopte des opinions diamétralement opposées (.). Cette contradiction est probablement due au point de départ de la discussion qui est de considérer le sous-traitant comme un tiers qui est mandaté pour exercer la créance ou le droit d'action de son entrepreneur principal à l'égard du maître de l'ouvrage, plutôt que comme un contractant (de l'entrepreneur principal) ayant la possibilité d'exercer son propre droit d'action à l'égard d'un tiers à son propre contrat, à savoir le cocontractant de l'entrepreneur principal, à tout le moins un droit autonome vis-à-vis de celui de l'entrepreneur principal (.).
L'article 1798 du Code civil, tel que modifié par la loi du 19 février 1990, dispose notamment que: 'Les maçons, charpentiers, ouvriers, artisans et sous-traitants qui ont été employés à la construction d'un bâtiment ou d'autres ouvrages faits à l'entreprise ont une action directe contre le maître de l'ouvrage jusqu'à concurrence de ce dont celui-ci se trouve débiteur envers l'entrepreneur au moment où leur action est intentée'.
Selon la décision de la cour il en ressort suffisamment que le législateur a prévu une responsabilité supplémentaire (ou un droit d'action) dans le chef notamment du sous-traitant à l'égard d'un tiers, dont (seulement) l'étendue (à savoir l'existence même de la responsabilité: 'jusqu'à concurrence de') est toutefois tributaire du moment de l'introduction de l'action. Ainsi, dans certaines conditions et limites, un nouveau débiteur est pour ainsi dire attribué au sous-traitant.
En l'espèce il n'est toutefois pas contesté que le maître de l'ouvrage se trouvait ou se trouve encore débiteur de la somme litigieuse au principal à l'entrepreneur principal.
Dès lors, dans ces circonstances, la faillite de l'entrepreneur principal n'est pas de nature à exclure la possibilité d'une action directe ultérieure par le sous-traitant (à savoir sa recevabilité, à distinguer de l'admissibilité procédurale), seulement de nature à influencer son bien-fondé (à savoir son étendue), ce qui ne semble pas en cause en l'espèce.
La possibilité d'une action directe du sous-traitant contre le maître de l'ouvrage n'est, dès lors, pas empêchée par la faillite ou une autre forme de concours dans le patrimoine de l'entrepreneur principal. Indépendamment des exceptions éventuelles que le maître de l'ouvrage peut faire valoir ultérieurement, ou des payements qui sont effectués par ce dernier, le sous-traitant dispose en effet, sur le fondement de l'article précité, d'un droit d'action directe ou d'une possibilité de prétention 'propres', contrairement à la situation lors d'une action oblique.
Selon la cour, l'égalité des créanciers n'est vérifiable qu'à l'égard du débiteur (direct), soit en l'espèce le maître de l'ouvrage (voir à ce sujet infra), mais pas à l'égard du débiteur sur une base purement contractuelle, à savoir l'entrepreneur principal.
Les travaux parlementaires de la modification légale du 19 février 1990 sont parfois peu clairs et même imprécis là où il est fait référence à la doctrine existante (notamment en ce qui concerne la vision de L. Simont), mais très clairs lorsque la ratio legis est soulignée, à savoir éviter les effets dramatiques de la faillite de l'entrepreneur principal pour le sous-traitant (.) et l'introduction d'une action directe 'en évitant un partage avec les autres créanciers' (.). Ultérieurement ceci a également été confirmé par le législateur lors de la nouvelle loi sur les faillites (.).
Vu ce qui précède, la cour considère que l'action directe du sous-traitant apparaît recevable en l'espèce, nonobstant la faillite del'entrepreneur principal.
L'obstacle de l'existence d'un concours en raison d'une saisie antérieure, invoqué par les appelants, ne peut pas davantage être admis. Il ressort des pièces communiquées qu'une saisie-arrêt conservatoire a été pratiquée à charge du même entrepreneur principal, entre les mains de la Communauté flamande. Vu ce qui précède, ceci ne crée pas de concours, dès lors qu'il ne s'agit pas du même patrimoine».
Griefs
2.1.Première branche
L'article 1798, alinéa 1er, du Code civil dispose que les maçons, charpentiers, ouvriers, artisans et sous-traitants qui ont été employés à la construction d'un bâtiment ou d'autres ouvrages faits à l'entreprise ont une action directe contre le maître de l'ouvrage jusqu'à concurrence de ce dont celui-ci se trouve débiteur envers l'entrepreneur au moment où leur action est intentée.
L'article 1798 reconnaît au sous-traitant un droit sur la créance de l'entrepreneur sur le maître de l'ouvrage, qui ne naît qu'au moment où l'action directe est intentée; lorsque le maître de l'ouvrage a déjà payé au moment où l'action directe est intentée, cette dernière est sans objet; lorsqu'un autre créancier de l'entrepreneur fait saisir la créance de l'entrepreneur sur le maître de l'ouvrage avant l'introduction de l'action directe, l'action directe ne peut être opposée au créancier saisissant.
Le titulaire de l'action directe qui n'a pas intenté son action directe avant la naissance du concours sur la créance ou sur la totalité du patrimoine de l'entrepreneur, est dès lors soumis aux effets du concours, en particulier la faillite.
Si l'entrepreneur principal est déclaré en faillite, en vertu de l'article 16 de la loi sur les faillites, celui-ci perd la disposition et la gestion de son patrimoine, les payements faits au failli ne peuvent être opposés à la masse et le principe de l'égalité de ses créanciers s'applique, tel que consacré par les articles 7 et 8 de la loi hypothécaire et confirmés en matière de faillite notamment aux articles 16, 23, 25, 26 et 99 de la loi sur les faillites.
L'action directe du sous-traitant sur le maître de l'ouvrage ayant pour effets, comme une saisie-arrêt, premièrement, que la
créance de l'entrepreneur principal devient indisponible, deuxièmement, que le payement fait par le maître de l'ouvrage au sous-traitant à la suite de l'exercice de l'action directe, met à néant la créance de l'entrepreneur principal failli et, troisièmement, que le sous-traitant est payé à concurrence de sa créance par le produit de l'action directe, à l'exclusion des autres créanciers, l'introduction d'une action directe après la faillite viole le principe d'égalité, l'interdiction des mesures d'exécution après faillite et pour autant que de besoin, l'interdiction de payement après faillite. L'action directe, dès lors, ne peut plus être introduite après la faillite.
Dans l'arrêt attaqué les juges d'appel ont constaté, en l'espèce, qu'«il n'est pas contesté que le 25 juin 1999 l'entrepreneur principal précité a été déclaré en état de faillite» et que «la citation contenant l'action directe à l'égard du maître de l'ouvrage date du 4 août 1999, soit après la faillite».
En décidant que la faillite de l'entrepreneur principal n'est pas de nature à exclure la possibilité d'une prétention directe ultérieure par le sous-traitant et en décidant que la possibilité d'une prétention directe du sous-traitant à l'égard du maître de l'ouvrage n'est pas empêchée par la faillite ou une autre forme de concours dans le patrimoine de l'entrepreneur principal et que l'égalité des créanciers n'est vérifiable qu'à l'égard du débiteur direct, en l'espèce le maître de l'ouvrage et non le débiteur contractuel, à savoir l'entrepreneur principal, les juges d'appel n'ont, dès lors, pas justifié légalement leur décision (violation de toutes les dispositions légales indiquées au moyen, à l'exception des articles 1451 et 1540 du Code judiciaire).
2.2.Seconde branche
En vertu des articles 1451 et 1540 du Code judiciaire, dès la réception de l'acte contenant saisie-arrêt, le tiers saisi ne peut plus se dessaisir des sommes ou effets qui font l'objet de la saisie, à peine de pouvoir être déclaré débiteur pur et simple des causes de la saisie; le tiers saisi ne peut, dès lors, plus payer à son créancier, ni à un quelconque bénéficiaire de la créance concernée; la créance devient indisponible à la suite de la saisie.
En l'espèce, les juges d'appel ont constaté qu'il ressort des pièces qu'à charge du même entrepreneur principal failli une saisie conservatoire antérieure a été pratiquée entre les mains de la Communauté flamande, avant l'introduction de l'action directe par le défendeur par une citation du 4 août 1999.
Lors de l'introduction de son action directe, le défendeur ne pouvait, dès lors, à la suite de l'effet de la saisie-arrêt, de façon régulière en droit et opposable, intenter une action directe.
En décidant, par référence aux motifs cités ci-avant et attaqués par ce moyen en sa première branche, que «ceci ne crée pas de concours, ne s'agissant pas du même patrimoine» et en admettant l'action directe du défendeur, les juges d'appel ont violé les effets de la saisie-arrêt et n'ont pas légalement justifié leur décision (violation des articles 1451 et 1540 du Code judiciaire et de l'article 1798 du Code civil et des articles 7, 8 et 9 de la loi hypothécaire).
V. La décision de la Cour
Sur le premier moyen:
Attendu qu'en vertu de l'article 23, §2 de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services, les créances des adjudicataires dues en exécution d'un marché public de travaux, de fournitures ou de services passé par un pouvoir adjudicateur peuvent être saisies ou faire l'objet d'une opposition avant la réception provisoire notamment par les sous-traitants, pour les sommes dues à raison des travaux, des fournitures ou des services servant à l'exécution du marché;
Qu'en vertu de l'article 1798, alinéa 1er, du Code civil, notamment les sous-traitants qui ont été employés à la construction d'un bâtiment ou d'autres ouvrages faits à l'entreprise, ont une action directe contre le maître de l'ouvrage jusqu'à concurrence de ce dont celui-ci se trouve débiteur envers l'entrepreneur au moment où leur action est intentée;
Attendu qu'il ressort des travaux parlementaires que l'article 23 de la loi du 24 décembre 1993 complète la protection qui est garantie au sous-traitant en vertu de l'article 1798, alinéa 1er, du Code civil;
Qu'il s'ensuit que le sous-traitant qui est employé dans le cadre d'un marché public bénéficie tant de la protection garantie par l'article 1798, alinéa 1er, du Code civil que de celle qui lui est offerte par l'article 23 de la loi du 24 décembre 1993;
Que le moyen, qui suppose que l'application aux marchés publics de l'article 1798, alinéa 1er, du Code civil est inconciliable avec la réglementation légale de l'article 23 de la loi du 24 décembre 1993, manque en droit;
Sur le second moyen:
Quant à la première branche:
Attendu que l'article 1798 du Code civil accorde notamment aux sous-traitants qui ont été employés à la construction d'un bâtiment ou d'autres ouvrages faits à l'entreprise, une action directe contre le maître de l'ouvrage jusqu'à concurrence de ce dont celui-ci se trouve débiteur à l'entrepreneur au moment où leur action est intentée;
Attendu qu'en vertu des articles 7 et 8 de la loi du 16 décembre 1851 sur la révision du régime hypothécaire, le débiteur est tenu de remplir ses obligations sur l'ensemble de son patrimoine, ces biens sont le gage commun des créanciers et le prix s'en distribue ente eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence;
Attendu qu'en vertu de l'article 16, alinéa 1er, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, à compter du jour de la faillite, le failli est dessaisi de plein droit de tous ses biens et tous paiements, opérations et actes accomplis depuis ce jour sont inopposables à la masse;
Attendu qu'il résulte de la faillite que la créance de l'entrepreneur envers le maître de l'ouvrage devient indisponible;
Que ladite action directe ne peut être introduite que lorsque la créance de l'entrepreneur envers le maître de l'ouvrage est encore disponible dans le patrimoine de l'entrepreneur;
Attendu que les juges d'appel ont considéré que l'action directe ne modifie rien au patrimoine de l'entrepreneur parce qu'elle intervient directement dans le patrimoine d'un tiers, à savoir le maître de l'ouvrage, et qu'il n'est question du principe de l'égalité entre les créanciers en concours qu'à l'égard de ce patrimoine; qu'ils en ont déduit qu'une action directe peut être intentée après la faillite de l'entrepreneur principal;
Qu'en décidant ainsi, ils ont violé les dispositions légales indiquées;
Qu'en cette branche, le moyen est fondé;
Sur les autres griefs:
Attendu que les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il statue sur l'appel formé contre la Communauté flamande;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, le président de section Robert Boes, les conseillers Eric Dirix, Eric Stassijns et Albert Fettweis, et prononcé en audience publique du vingt-sept mai deux mille quatre par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Guido Bresseleers, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Daniel Plas et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.02.0435.N
Date de la décision : 27/05/2004
1re chambre (civile et commerciale)

Analyses

FAILLITE ET CONCORDATS - EFFETS (PERSONNES, BIENS, OBLIGATIONS) / Faillite de l'entrepreneur / Créance sur le maître de l'ouvrage / Action directe du sous-traitant contre le maître de l'ouvrage

L'action directe du sous-traitant contre le maître de l'ouvrage à concurrence de ce dont celui-ci se trouve débiteur envers l'entrepreneur ne peut être intentée que lorsque la créance de l'entrepreneur sur le maître de l'ouvrage est encore disponible dans le patrimoine de l'entrepreneur.

LOUAGE D'INDUSTRIE / Entreprise / Entrepreneur / Sous-traitant / Créance sur le pouvoir adjudicateur / C. civ., article 1798, al. 1er. / L. du 24 décembre 1993, article 23, ,§ 2 / Compatibilité

Le sous-traitant occupé dans le cadre d'un marché public bénéficie tant de la protection garantie par l'article 1798, alinéa 1er, du Code civil que de celle garantie par l'article 23 de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2004-05-27;c.02.0435.n ?
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