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22/01/2007 | BELGIQUE | N°S.05.0095.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 janvier 2007, S.05.0095.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.05.0095.N

L. E.,

Me Huguette Geiner, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

M. C.

I. La procedure devant la Cour

III. IV. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le21 decembre 2004 par la cour du travail d'Anvers.

V. Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.

VI. L'avocat general Anne De Raeve a conclu.

VII. II. Le moyen de cassation

* VIII. Le demandeur presente un moyen dans sarequete.

* * Dispositions legales violees

* article 149 d

e laConstitution coordonnee ;

* articles 15, alinea 1er, et20, 3DEG, de la loi du3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail ;

...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.05.0095.N

L. E.,

Me Huguette Geiner, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

M. C.

I. La procedure devant la Cour

III. IV. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le21 decembre 2004 par la cour du travail d'Anvers.

V. Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.

VI. L'avocat general Anne De Raeve a conclu.

VII. II. Le moyen de cassation

* VIII. Le demandeur presente un moyen dans sarequete.

* * Dispositions legales violees

* article 149 de laConstitution coordonnee ;

* articles 15, alinea 1er, et20, 3DEG, de la loi du3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail ;

* articles 2, alinea 1er,1DEG, 42, 1DEG, ce dernierarticle tant dans laversion anterieure que dansla version posterieure àsa modification par la loidu 13 fevrier 1998, de laloi du 12 avril 1965concernant la protection dela remuneration destravailleurs ;

* article 56, alinea 1er,1DEG, de la loi du5 decembre 1968 sur lesconventions collectives detravail et les commissionsparitaires ;

* articles 3, 4, ce dernierarticle tant dans laversion anterieure que dansla version posterieure àsa modification par leslois des 11 juillet 1994,28 mars 2000 et 13 avril2005, et 26, ce dernierarticle tant dans laversion anterieure que dansla version posterieure àsa modification par la loidu 10 juin 1998, de la loidu 17 avril 1878 contenantle titre preliminaire duCode de procedure penale ;

* articles 1165, 1382, 1383et 2262bis du Code civil ;

* article 1138, 4DEG, du Codejudiciaire ;

* article 14 de la loi du27 juin 1969 revisantl'arrete-loi du 28 decembre1944 concernant la securitesociale des travailleurs ;

* article 19, S:2, 2DEG, del'arrete royal du28 novembre 1969 pris enexecution de la loi du27 juin 1969 revisantl'arrete-loi du 28 decembre1944 concernant la securitesociale des travailleurs,tant dans la versionanterieure que dans laversion posterieure à samodification par l'arreteroyal du 10 juin 2001.

* * Decisions et motifscritiques

Par arret rendu le 21 decembre 2004, la cour dutravail d'Anvers, section d'Anvers, declarel'appel interjete par la defenderesse contre lejugement rendu le 5 decembre 2003 par letribunal du travail d'Anvers recevable et fondedans la mesure suivante.

La cour du travail annule le jugement dontappel sauf en tant qu'il constate ledesistement d'action quant au chef de lademande concernant les frais de transport et,statuant à nouveau, declare la demandeoriginaire de la defenderesse, telle qu'elle aete restreinte, recevable et fondee dans lamesure suivante.

La cour du travail condamne le demandeur aupaiement du solde des complements de salaires'elevant à la somme de 8.426,10 euros, sousdeduction des retenues legales de securitesociale et du precompte professionnel du etavec majoration des montants nets avec lesinterets compensatoires à partir de leurexigibilite et les interets judiciaires, sousla reserve toutefois de la deduction deseventuels paiements effectues dans le cadre dela faillite.

Avant de statuer sur l'extension de la demandeportant sur la remuneration pour prestations deweek-end, plus specialement sur la demandeconcernant les bonifications pour lesprestations des samedis et dimanches et lepecule de vacances en raison du desengagement,la cour du travail autorise la defenderesse àprouver par tous moyens de preuve, y compris lapreuve testimoniale, "qu'au cours de toute laperiode d'occupation du mois de juillet 1990 aumois de janvier 1999 inclus, elle etait tenued'effectuer tous les quinze jours, pendant leweek-end, seize heures de travail ou deux joursde huit heures (soit vingt-quatre semaines paran)" et autorise le demandeur à apporter lapreuve contraire par les memes moyens depreuve.

La cour du travail fonde sa decision sur lesmotifs suivants :

"1. Les pieces de la procedure, notamment :

- la citation du 10 octobre 2001, signifiee àl'intervention de W. V. O., huissier de justiceà Lierre ;

2. Les faits et les procedures anterieures :

(Le 1er juillet 1990), (la defenderesse) estentree au service de la s.a. Domenica enqualite d'infirmiere, dans les liens d'uncontrat de travail à duree indeterminee (...).

Les parties ne contestent pas qu'en ce quiconcerne l'occupation de (la defenderesse), las.a. Domenica releve de la commission paritairenDEG 305.02 pour les etablissements et lesservices de sante.

Les parties ne contestent pas davantage que (ledemandeur) etait l'administrateur de las.a. Domenica.

Par envoi recommande du 30 octobre 1998, (ladefenderesse) a notifie un preavis de troismois, prenant cours le 1er novembre 1998 (...).

Le 4 aout 2000, à l'intervention de sonorganisation syndicale, (la defenderesse) areclame à la s.a. Domenica le paiement descomplements de salaire portant sur la periodede 1993 à 1999 inclus, les bonifications pourprestations de week-end portant sur la periodede 1990 à janvier 1999 inclus et des frais detransport (...).

Par jugement rendu le 30 mai 2000 par letribunal de commerce d'Anvers, la s.a. Domenicaa ete declaree en etat de faillite.

Le 10 octobre 2001, (la defenderesse) a cite(le demandeur) devant le tribunal du travaild'Anvers en vue d'obtenir le paiement de :

- la somme brute de 411.366 FB.(10.197,50 euros) à titre de complements desalaire de 1993 à 1998 inclus ;

- la somme brute de 169.234 FB (4.195,20 euros)à titre de bonifications pour les prestationsdes samedis et dimanches ;

- la somme brute de 24.195 FB. (599,78 euros)à titre de complements des doubles pecules devacances et des pecules complementaires devacances portant sur la periode de 1993 à 1997inclus ;

- la somme brute de 4.816 FB. (119,39 euros) àtitre de pecule de vacances sur les complementsde salaire 1998-1999 ;

- la somme brute de 25.047 FB. (620,90 euros)à titre de pecule de vacances portant sur lesbonifications pour les prestations des samediset dimanches ;

- la somme de 211.340 FB. (5.238,98 euros) àtitre de frais de transports portant sur laperiode de 1990 à 1999 inclus,

à majorer des interets legaux, des interetsjudiciaires et des depens.

(La defenderesse) a reclame en outre la remisedes fiches de salaire, des decomptesindividuels et des fiches fiscales 281.10faisant etat des montants reclames, desattestations complementaires de vacances1998-1999, à peine d'astreinte de 1.000 FB.(24,79 euros) par document manquant et par jourde retard.

Par conclusions deposees le 10 octobre 2002 augreffe du tribunal du travail d'Anvers, (ladefenderesse) a restreint sa demande en sebornant à reclamer :

- la somme brute de 8.426,10 euros à titre desolde des complements de salaire portant sur laperiode de 1990 à 1999 (lire : 1993 à 1999) ;

- la somme brute de 2.248,20 euros à titre desolde des remunerations pour prestations deweek-end portant sur la periode de 1990 à1999 ;

- la somme brute de 231,05 euros à titre desolde du pecule de vacances en raison dudesengagement reclame par la voie del'extension de la demande portant sur laremuneration pour prestations de week-end,

à titre de reparation en nature ex delicto,avec majoration des interets legaux sur lesmontants apres deduction des retenues legalessociales et fiscales, etant entendu que lesinterets ne sont dus que jusqu'à la date de ladeclaration de faillite.

(La defenderesse) a demande ensuite que, àtout le moins, (le demandeur) soit condamne aupaiement, à titre de reparation par equivalentex delicto, d'une somme egale au solde descomplements de salaire s'elevant à la sommebrute de 8.426,10 euros, au solde desremunerations pour prestations de week-ends'elevant à la somme brute de 2.248,20 euroset au solde du pecule de vacances en raison dudesengagement reclame par la voie del'extension de la demande portant sur laremuneration pour prestations de week-ends'elevant à la somme brute de 231,05 euros, àmajorer des interets compensatoires sur lesmontants nets provenant de ces sommes brutes.

Par jugement rendu le 5 fevrier 2003, lademande de (la defenderesse) a ete declareerecevable mais non fondee.

Par requete deposee le 24 avril 2003 au greffede (la cour du travail), (la defenderesse) afait appel de ce jugement.

3. Les chefs de demande en degre d'appel :

Par conclusions deposees le 12 juillet 2004 augreffe de (la cour du travail), (ladefenderesse) a demande, en ordre principal,que (le demandeur) soit condamne au paiement,à titre de reparation en nature ex delicto,de :

- la somme brute de 8.426,10 euros à titre desolde des complements de salaire portant sur laperiode de 1990 à 1999 (lire : 1993 à 1999) ;

- la somme brute de 2.248,20 euros à titre desolde des remunerations pour prestations deweek-end portant sur la periode de 1990 à1999 ;

- la somme brute de 231,05 euros à titre desolde du pecule de vacances en raison dudesengagement reclame par la voie del'extension de la demande portant sur laremuneration pour prestations de week-end,

avec majoration des interets legaux sur cesmontants nets apres deduction des retenueslegales sociales et fiscales, etant entendu queles interets ne sont dus que jusqu'à la datede la declaration de faillite de las.a. Domenica, c'est-à-dire jusqu'au 30 mai2000.

(La defenderesse) a egalement demande que (ledemandeur) soit condamne à la remise d'unefiche de salaire, d'un decompte individuel etd'une fiche fiscale 281.10 faisant etat de cesmontants.

En ordre subsidiaire, (la defenderesse) ademande que (le demandeur) soit condamne aupaiement, à titre de reparation par equivalentex delicto, d'une somme egale au solde descomplements de salaire s'elevant à la sommebrute de 8.426,10 euros, au solde desremunerations pour prestations de week-ends'elevant à la somme brute de 2.248,20 euroset au solde du pecule de vacances en raison dudesengagement reclame par la voie del'extension de la demande portant sur laremuneration pour prestations de week-ends'elevant à la somme brute de 231,05 euros, àmajorer des interets compensatoires sur lesmontants nets provenant de ces sommes brutes.

Et, ensuite, que (le demandeur) soit condamneaux depens des deux instances.

Finalement, (la defenderesse) a demandel'autorisation de prouver par tous moyens depreuve, y compris la preuve testimoniale, qu'aucours de toute la periode d'occupation du moisde juillet 1990 au mois de janvier 1999 inclus,elle etait tenue d'effectuer tous les quinzejours des prestations de week-end et qu'elle aeffectivement effectue ces prestations.

A l'audience publique du 16 novembre 2004, àl'intervention de son organisation syndicale,(la defenderesse) a confirme qu'ellerestreignait ses demandes originaires etqu'elle limitait ses reclamations aux montantsreleves à la fin des conclusions d'appeldeposees le 12 juillet 2004 au greffe de (lacour du travail) (voir le proces-verbald'audience de la meme date).

(Le demandeur) a demande que l'appel de (ladefenderesse) soit declare recevable,admissible mais non fonde et, en consequence,que le jugement dont appel attaque soitconfirme et (la defenderesse) condamnee auxdepens.

(...)

5. Au fond :

5.1. La qualification de la demande :

Le premier juge a qualifie la demandeintroduite par (la defenderesse) d'action exdelicto, c'est-à-dire de demande fondee surune infraction introduite par la victime del'infraction en vue d'obtenir la reparation dudommage resultant de cette infraction.

La seule question qui se pose à cet egard estde savoir si la demande de (la defenderesse)est fondee sur une infraction et tend àobtenir la reparation du dommage resultant decette infraction ou si elle est fondee sur unmanquement à une obligation contractuelle ettend à obtenir l'execution de cetteobligation.

Par ses conclusions deposees le 10 octobre 2002au greffe du tribunal du travail d'Anvers, (ladefenderesse) a demande en ordre principal lepaiement des complements de salaire, desbonifications pour prestations de week-end etdu pecule de vacances en raison dudesengagement reclame par la voie del'extension de la demande portant sur laremuneration pour prestations de week-end àtitre de reparation en nature du dommageresultant des infractions commises par (ledemandeur) et, en ordre subsidiaire, lepaiement des memes montants à titre dereparation par equivalent.

Ainsi, (la defenderesse) a revele clairement etsans ambiguite que l'objet de sa demande estd'obtenir la reparation en nature du dommagequ'elle a subi à la suite de l'infractioncommise par (le demandeur).

Eu egard à ce qui precede, il y a lieu deconclure que (la defenderesse) a introduit uneaction ex delicto.

5.2. L'existence d'une infraction :

(La defenderesse) a reclame le paiement descomplements de salaire et des bonificationspour les prestations des samedis et dimanchessur la base des dispositions penales de deuxconventions collectives de travail renduesobligatoires (à savoir la conventioncollective de travail du 24 juin 1996 relativeaux conditions de travail et de remuneration dupersonnel des homes pour personnes agees et desmaisons de repos et de soins et la conventioncollective de travail du 18 decembre 1995relative au paiement d'un supplement pour lesprestations de travail irregulieres).

Conformement à l'article 42 de la loi du12 avril 1965, l'employeur, son prepose oumandataire qui ne payent pas (en temps utile)les remunerations dues commettent uneinfraction.

Il y a lieu d'entendre par remuneration au sensde la loi du 12 avril 1965, notamment "lesalaire en especes auquel le travailleur adroit à charge de l'employeur en raison de sonengagement". Il importe peu que le travailleurpuise son droit dans un contrat de travailindividuel ou dans une conventioncollective. (...)

(La cour du travail) ne peut davantage serallier à la these du (demandeur) suivantlaquelle l'infraction ne lui est pasimputable. (...)

En consequence, il incombait au (demandeur) derespecter les obligations de droit socialauxquelles (la s.a. Domenica) etait tenue àl'egard de ses travailleurs.

En tant que personne physique, il etaitcompetent pour veiller au sein de las.a. Domenica au respect des lois penalessociales à l'egard des membres dupersonnel. (...)

Subsiste encore la question de savoir si (ladefenderesse) apporte la preuve des elementsconstitutifs de l'infraction.

En ce qui concerne les complements de salairereclames, (la defenderesse) prouve àsuffisance de droit qu'elle est titulaire dubrevet d'infirmiere de niveau A2 requis par laconvention collective de travail du 24 juin1996, de sorte que c'est à bon droit qu'ellese prevaut de la categorie salariale 5(bareme 2.43-2.55bis) du personnel infirmier etparamedical pour la periode de 1993 à 1995inclus et de la categorie 6 (meme bareme) pourla periode de 1996 à 1999 inclus (...).

Ainsi, l'element materiel de l'infractioninvoquee est etabli.

En ce qui concerne les bonifications pour lesprestations des samedis et dimanches et lepecule de vacances en raison du desengagementcalcule sur ces bonifications, (la cour dutravail) ne peut que constater hic et nunc queles pieces produites ne suffisent pas àetablir que (la defenderesse) etait tenued'effectuer tous les quinze jours desprestations de week-end (seize heures ou deuxfois huit heures). (...)

Il y a lieu d'accueillir l'offre de preuvefaite en ordre subsidiaire par (ladefenderesse) et formulee comme suit. (...)

Des lors que (le demandeur) n'oppose aucunecause de justification ou d'excuse digne defoi, il y a lieu de conclure que l'elementmoral de l'infraction est egalement etabli.

5.3. La non-prescription de la demande :

C'est en vain que, par reference à l'arret dela Cour de cassation du 2 avril 2001 (R.W.,2001-2002, 1321), (le demandeur) releve à cetegard que les demandes de (la defenderesse)decoulent directement du contrat de travail etqu'en consequence, elles sont soumises au delaide prescription prevu à l'article 15 de la loidu 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail, meme si elles sont egalement fondeessur l'infraction de ne pas payer laremuneration.

L'allegation que (la defenderesse) ne peutreclamer au demandeur une reparation autre quepar equivalent n'est pas davantage convaincanteet ne peut etre admise.

Sous le point 5.1. du present arret, (la courdu travail) a decide que (la defenderesse) aintroduit une action ex delicto et que sademande tend à obtenir directement lareparation en nature du dommage qu'elle a subià la suite de l'infraction commise par (ledemandeur).

De toute evidence, le delai de prescriptionprevu à l'article 15 de la loi du 3 juillet1978 n'est pas applicable à une telledemande : comme le premier juge l'a constateavec raison, seul le delai de prescriptionprevu à l'article 21 de la loi du 17 avril1878 contenant le titre preliminaire du Code deprocedure penale, qui n'etait pas arrive àexpiration au moment de l'introduction de lademande, est applicable.

A cet egard, il suffit de se referer auxcommentaires de W. Rauws sur la portee del'arret de cassation precite ("Actualia inzakede verjaring in het arbeidsrecht", R.W.,2002-2003, 371), auxquels (la cour du travail)se rallie.

Ainsi, monsieur Rauws a releve que la Cour decassation ne rend pas necessairement unedecision de principe sur la question de savoirsi la remuneration meme peut etre reclamee parla voie d'une action ex delictoextracontractuelle. En effet, la Cour decassation considerait que le juge du fond avaitete saisi d'une action ex contractu tendant aupaiement de la remuneration.

La Cour enonc,ait explicitement qu'en l'espece,la reparation ne pouvait etre reclamee ni ennature ni par equivalent. A son sens, lademande etait fondee sur le seul contrat, memesi le travailleur avait egalement invoque uneinfraction.

Ainsi, la Cour de cassation considerait quel'objet de la demande avait ete modifieillegalement et elle a decide que c'est à tortque le delai de prescription prevu àl'article 26 de la loi du 17 avril 1878 avaitete applique à un dommage resultant d'uneinfraction.

Ainsi, la Cour considere que le travailleurpeut reclamer par la voie d'une action exdelicto non seulement le paiement desremunerations à titre de reparation ex delictomais aussi le paiement d'une reparation parequivalent.

L'allocation de remunerations à titre dereparation en nature du dommage resultant d'uneinfraction aux lois sociales est admise endroit commun et replace le travailleur dans lasituation dans laquelle il se serait trouve sil'infraction aux lois sociales n'avait pas etecommise.

En effet, rien n'oblige la victime d'uneinfraction aux lois sociales à reclamer lareparation de son dommage par equivalent : ellepeut à tout le moins opter pour une reparationen nature (Eliaerts, L., 'Loon alsschadevergoeding ex delicto', Chron. dr. soc.,1995, 257-261, ainsi que la jurisprudence et ladoctrine citees ; Rauws, W., 'De verjaring inhet arbeidsrecht', dans CBR-jaarboek 2001-2002,Anvers-Apeldoorn, Maklu, 2002, 318 e.s., ainsique la jurisprudence et la doctrine citees).

En l'espece, la distinction entre les deuxmodes de reparation est par ailleursartificielle des lors que la demande de (ladefenderesse) tend finalement à obtenir lepaiement des montants (nets) qui ne lui ont pasete payes et que, de toute evidence, elle nepeut reclamer ces memes montants à titre dereparation par equivalent.

Il est en outre generalement admis que lareparation en nature prime la reparation parequivalent.

Ainsi, (le demandeur) peut faire l'objet d'unedemande tendant à la reparation ennature. (...)

5.5. La preuve de l'existence et de l'etenduedu dommage - interets - documents sociaux :

Il ressort de ce qui precede qu'au cours de laperiode de 1993 à janvier 1999 inclus, (ladefenderesse) a perc,u des remunerationsinsuffisantes des lors qu'en tant que titulairedu brevet d'infirmiere de niveau A2, ellepouvait pretendre à des baremes salariauxsuperieurs.

Ainsi, il est incontestable qu'(elle) a subi undommage de ce chef.

Comme il a ete expose precedemment, les calculsde la demande ne sont pas contestes, de sorteque l'etendue du dommage est egalement etablie.

Toutefois, c'est à bon droit que (ledemandeur) releve que les paiementssusceptibles d'etre effectues dans le cadre dela faillite sont susceptibles d'influer surl'etendue du dommage, tel qu'il estactuellement etabli.

Ainsi, il y a lieu de tenir compte de cettehypothese, dans la mesure relevee à la fin dupresent arret.

Ceci n'empeche toutefois pas que (ladefenderesse) a droit à la reparation par (ledemandeur) du dommage dejà subi et qu'enconsequence, il y a lieu de (le) condamner desà present à cette reparation.

L'observation de (la defenderesse) quant à laresponsabilite solidaire de l'administrateur etde la societe est denuee de pertinence, deslors que l'action ex delicto a uniquement eteintroduite à l'egard de la personne physiquede l'administrateur alors que ce n'est pas lecas en ce qui concerne la declaration decreance introduite dans le cadre de la faillitede la societe anonyme en tant que personnemorale.

Ainsi, il y a lieu de condamner des à present(le demandeur) au paiement des complements desalaire à titre de reparation en nature, sousdeduction des cotisations de securite socialeet du precompte professionnel.

Des lors que la demande de (la defenderesse)est fondee sur une infraction et tend à lareparation en nature du dommage resultant del'infraction commise par (le demandeur), il n'ya pas lieu d'allouer les interets legaux surles sommes reclamees en ordre principal et (ladefenderesse) ne peut que se prevaloir desinterets compensatoires à partir des datesd'exigibilite respectives.

Par les memes motifs, il n'y a pas lieud'accueillir la demande relative à la remisedes documents sociaux".

* Griefs

* (...)

Deuxieme branche

6.1. Conformement aux dispositions salarialesprevues notamment par les conventionscollectives de travail, l'employeur est tenu depayer au travailleur la remuneration convenueau contrat de travail.

En effet, il ressort de l'article 20, 3DEG, dela loi du 3 juillet 1978 relative aux contratsde travail que l'employeur a l'obligation depayer la remuneration aux conditions, au tempset au lieu convenus. Il ressort egalement de laloi du 12 avril 1965 concernant la protectionde la remuneration des travailleurs, et plusspecialement de son article 2, alinea 1er,1DEG, que la remuneration à laquelle letravailleur a droit en raison de son engagementest à charge de l'employeur.

Aucun justiciable, autre que l'employeur, nepeut etre oblige à payer au travailleur laremuneration à laquelle celui-ci a droit envertu de son engagement. Obliger un tiers,non-employeur, à payer la remuneration seraitcontraire aux dispositions des articles 20,alinea 1er, 3DEG, de la loi du 3 juillet 1978,2, alinea 1er, 1DEG, de la loi du 12 avril 1965et 1165 du Code civil.

En effet, aux termes de l'article 1165 du Codecivil, les conventions n'ont d'effet qu'entreles parties contractantes ; elles ne nuisentpoint au tiers et elles ne lui profitent quedans le cas prevu par l'article 1121.

6.2. Conformement à l'article 42, 1DEG, de loidu 12 avril 1965, le fait de ne pas payer laremuneration (ou de payer une remunerationinsuffisante) constitue une infraction. Auxtermes de cette disposition, "l'employeur, sespreposes ou mandataires" sont punissables.

Le fait de ne pas payer la remuneration prevuepar une convention collective de travail rendueobligatoire est egalement punissable dans lechef de "l'employeur, ses preposes oumandataires" en application de l'article 56,alinea 1er, 1DEG, de la loi du 5 decembre 1968sur les conventions collectives de travail etles commissions paritaires.

Ainsi, non seulement l'employeur mais egalementses preposes ou mandataires et, si l'employeurest une personne morale et les faits ont etecommis avant l'entree en vigueur de la loi du4 mai 1999 instaurant la responsabilite penaledes personnes morales, la personne physique àl'intervention de laquelle la personne moraleagit, sont penalement responsables dunon-paiement de la remuneration.

6.3. Toutefois, la circonstance qu'unepersonne, autre que l'employeur, est penalementresponsable en raison du non-paiement de laremuneration n'implique pas que cette personnepeut etre condamnee au paiement de laremuneration convenue entre l'employeur et letravailleur.

En effet, cette personne, non-employeur, estetrangere à la relation contractuelle quiexiste entre l'employeur et le travailleur et,en consequence, ne peut etre tenue d'executerune des obligations contractuelles del'employeur.

Meme dans l'hypothese ou il serait admis qu'enprincipe, le travailleur peut introduire uneaction civile ex delicto tendant au paiement dela remuneration à titre de reparation ennature du dommage resultant de l'infraction dene pas payer la remuneration - quod non - cetteaction ne peut etre introduite qu'à l'egard del'employeur et non à l'egard de ses preposes,de ses mandataires ou des personnes physiquesà l'intervention desquelles la societe,employeur, agit.

En effet, le dommage subi par le travailleur àla suite de l'infraction de ne pas payer laremuneration consiste en ce que l'employeur n'apas rempli l'obligation contractuelle de payerla remuneration. L'obligation de reparer cedommage en nature, c'est-à-dire l'obligationd'executer le contrat, n'existe que dans lechef de la personne qui s'est engagee à cetteobligation, à savoir l'employeur, et non dansle chef des personnes qui, bien que penalementresponsables, ne se sont pas engagees (en leurnom propre) à payer la remuneration.

7. La cour du travail a constate dans l'arretattaque que :

- la defenderesse qui, par envoi recommande du30 octobre 1998, a notifie un preavis de troismois prenant cours le 1er novembre 1998, etaitentree le 1er juillet 1990 au service de las.a. Domenica, dont le demandeur etaitl'administrateur (...) ;

- la defenderesse a reclame le paiement descomplements de salaire et des bonificationspour les prestations des samedis et dimanchessur la base des dispositions penales de deuxconventions collectives de travail renduesobligatoires (...) ;

- conformement à l'article 42 de la loi du12 avril 1965, l'employeur, son prepose oumandataire qui ne payent pas (en temps utile)les remunerations dues commettent uneinfraction ; il y a lieu d'entendre parremuneration au sens de la loi du 12 avril1965, notamment "le salaire en especes auquelle travailleur a droit à charge de l'employeuren raison de son engagement" ; il importe peuque le travailleur puise son droit dans uncontrat de travail individuel ou dans uneconvention collective (...) ;

- la defenderesse prouve qu'elle a droit auxcomplements de salaire en vertu d'uneconvention collective de travail (...) et estautorisee, avant qu'il ne soit statue sur lademande portant sur la remuneration pourprestations de week-end et le pecule devacances en raison du desengagement reclame parla voie de l'extension de la demande portantsur la remuneration pour prestations deweek-end, à prouver par tous moyens de preuve,y compris la preuve testimoniale, "qu'au coursde toute la periode d'occupation du mois dejuillet 1990 au mois de janvier 1999 inclus,elle etait tenue d'effectuer tous les quinzejours, pendant le week-end, seize heures detravail ou deux jours de huit heures (soitvingt-quatre semaines par an)" (...) ;

- l'infraction est imputable au demandeur,administrateur et administrateur delegue de las.a. Domenica, competent, en tant que personnephysique, pour veiller au sein de las.a. Domenica au respect des lois penalessociales à l'egard des membres dupersonnel (...) ;

- l'element moral de l'infraction est etablidans le chef du demandeur (...).

8. Des lors que la cour du travail aexpressement constate que la defenderesse estentree au service de la s.a. Domenica le1er juillet 1990 et, en consequence, que lasociete et non le demandeur etait sonemployeur, la cour du travail n'a pas condamnelegalement le demandeur à payer lescomplements de salaire de la defenderesse,fut-ce à titre de reparation en nature dudommage resultant de l'infraction declareeetablie dans le chef du demandeur (violationdes articles 1165, 1382, 1383, du Code civil,20, 3DEG, de la loi du 3 juillet 1978 relativeaux contrats de travail, 2, alinea 1er, 1DEG,42, 1DEG, ce dernier article tant dans laversion anterieure que dans la versionposterieure à sa modification par la loi du13 fevrier 1998, de la loi du 12 avril 1965concernant la protection de la remuneration destravailleurs et 56, alinea 1er, 1DEG, de la loidu 5 decembre 1968 sur les conventionscollectives de travail et les commissionsparitaires).

(...)

III. La decision de la Cour

(...)

Quant à la deuxieme branche :

1. Contrairement à ce que le moyen, encette branche, invoque, la demandetendant au paiement d'arrieres desalaire à titre de reparation ennature du dommage resultant del'infraction "de ne pas payer laremuneration convenue" peut etreintroduite non seulement à l'egard del'employeur mais aussi à l'egard duprepose ou du mandataire qui s'estrendu coupable de cette infraction ausens de l'article 42 de la loi du12 avril 1965 concernant la protectionde la remuneration des travailleurs.

Le moyen, en cette branche, manque en droit.

(...)

* Par ces motifs,

* * La Cour

* * Casse l'arret attaque en tant qu'ilstatue sur les cotisations à la securitesociale et le precompte professionnel ;

* Ordonne que mention du present arret serafaite en marge de l'arret partiellementcasse ;

* Reserve les depens pour qu'il soit statuesur ceux-ci par le juge du fond ;

* Renvoie la cause, ainsi limitee, devant lacour du travail de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisiemechambre, à Bruxelles, ou siegeaient lepresident de section Robert Boes, lesconseillers Ghislain Londers, Eric Dirix, EricStassijns et Beatrijs Deconinck et prononce enaudience publique du vingt-deux janvier deuxmille sept par le president de section RobertBoes, en presence de l'avocat general Anne DeRaeve, avec l'assistance du greffier adjointJohan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle duconseiller Didier Batsele et transcrite avecl'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.

Le greffier, Le conseiller,

22 janvier 2007 S.05.0095.N/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 22/01/2007
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : S.05.0095.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-01-22;s.05.0095.n ?
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