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18/05/2007 | BELGIQUE | N°C.06.0567.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 mai 2007, C.06.0567.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGC.06.0567.N

REGION FLAMANDE,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. W.H.,

2. B. G.,

3. B.L.,

4. B.M.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 8 novembre 2005par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants.

Dispos

itions legales violees

- article 159 de la Constitution ;

- articles 149 et 154 du decret du 18 mai 1999 portant organisation del'amenagement ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGC.06.0567.N

REGION FLAMANDE,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. W.H.,

2. B. G.,

3. B.L.,

4. B.M.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 8 novembre 2005par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants.

Dispositions legales violees

- article 159 de la Constitution ;

- articles 149 et 154 du decret du 18 mai 1999 portant organisation del'amenagement du territoire ;

- article 65 de la loi du 29 mars 1962 organique de l'amenagement duterritoire et de l'urbanisme, tel qu'il etait applicable avant lacoordination par le decret du 22 octobre 1996 ;

- articles 1039 et 1042 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

Le demandeur critique la decision attaquee dans la mesure ou les jugesd'appel ont declare son appel non fonde et confirme le jugement dontappel, et ont ainsi declare fondee la demande originaire des defendeurs etordonne la levee de l'ordre de cessation. Les juges d'appel ont fonde leurdecision sur les motifs suivants :

« Antecedents et procedure :

Dans le jugement du 22 avril 1983 du tribunal correctionnel de Tongres -qui est passe en force de chose jugee - Monsieur J.B. , auteur desdefendeurs, a ete condamne conformement à l'article 65 de la loi du 29mars 1962 à une amende de 50 francs belges pour avoir construit etmaintenu sans permis de batir un chalet et un grand etang de peche dansune zone naturelle (à Zutendaal). La remise des lieux en etat dans ledelai d'un an a aussi ete ordonnee et le fonctionnaire delegue et lecollege des bourgmestre et echevins ont ete autorises à remettre d'officeles lieux en etat.

Ce jugement n'a jamais ete execute.

Le chalet (cafeteria), la terrasse qui a entre-temps encore ete agrandieet l'etang de peche constituent actuellement la copropriete indivise desdefendeurs et sont exploites par le deuxieme et le quatrieme defendeurs.

Le 10 septembre 2003, le collaborateur principal du service del'amenagement du territoire du Ministere de la communaute flamande aredige un proces-verbal de constat à charge des defendeurs en raison dela construction (et/ou du maintien) de la cafeteria comprenant uneterrasse et le maintien illicite d'un etang de peche dans une zonenaturelle (commune de Zutendaal, Schansstraat, parcelle cadastree division2, section D, parcelles nDEG 825 H, 825 K).

Ce proces-verbal a ete notifie au procureur du Roi à Tongres et aucollege des bourgmestre et echevins de la commune de Zutendaal.

Par lettre du 30 novembre 2004 adressee au procureur du Roi à Tongres,l'inspecteur urbaniste regional reclame sur la base de l'article 149 duDecret du 18 mai 1999 portant organisation de l'amenagement du territoire,modifie par des decrets ulterieurs, la remise des lieux dans leur etatinitial dans le delai d'un an au maximum et ce, à peine d'une contraintede 125,00 euros par jours en cas d'inexecution du jugement dans le delaifixe.

Cela implique :

- la destruction (y compris le plancher) du chalet originaire en bois ;

- la destruction de l'extension de la cafeteria ;

- l'enlevement des rives des etangs de sorte que leur profil deviennenaturel et soit legerement en pente ;

- l'enlevement du revetement en gravier autour de l'etang ;

- l'enlevement des poteaux electriques et des mats de drapeaux à cote del'etang.

Par lettre du 31 mars 2005, le procureur du Roi à Tongres communique àl'inspecteur urbaniste regional que le dossier a ete classe sans suite deslors que le jugement du 22 avril 1983 a dejà ordonne la demolition duchalet et le comblement de l'etang.

Le 24 mai 2005, un collaborateur assermente du service de l'amenagement duterritoire de Ministere de la Communaute flamande a redige un nouveauproces-verbal de constat indiquant que, eu egard aux contrats en coursconclus par le deuxieme defendeur (exploitant) avec plusieurs firmes afinde louer l'etang et la cantine au mois de juin, il a ete decide deremettre la cessation de l'utilisation jusqu'au 1er juillet 2005 (dateultime) et que l'exploitant etait d'accord.

En reponse à une lettre du 1er juin 2005 du conseil des defendeurs,l'inspecteur urbaniste soutient dans une lettre du 9 juin 2005 notammentque la cessation de l'utilisation est actuellement employee de plus enplus souvent pour obtenir malgre tout l'execution des jugements et arretssans qu'une contrainte soit prononcee.

Le 29 juin 2005, le technicien competent pour detecter et constater lesinfractions dans le cadre de l'article 146 et suivants du decret du 18 mai1999 ordonne par voie orale la cessation immediate de l'utilisationcontraire.

Il est aussi indique que la poursuite de l'utilisation en violation de cetordre de cessation constitue une infraction distincte et est renduepunissable par l'article 146, alinea 2, du decret du 18 mai 1999 ; que lapoursuite de l'utilisation en violation de cet ordre de cessation donnelieu à l'imposition d'une amende administrative de 5.000 euros (article156, S: 1er, alinea 1er du decret du 18 mai 1999) ; que la poursuite del'utilisation en violation de cet ordre de cessation a finalement pourconsequence qu'en cas de poursuite judiciaire eventuelle la plus-value estexclue en tant que mesure de reparation (article 149, S: 1er, alinea 2,2DEG du decret du 18 mai 1999).

L'inspecteur urbaniste regional a confirme l'ordre donne par voie orale etl'a envoye avec le proces-verbal du 29 juin 2005, par lettre recommandeedu 1er juillet 2005, à chacun des defendeurs.

Par citation du 6 juillet 2005, les defendeurs demandent qu'il soit ditpour droit que l'ordre de cessation immediate de l'utilisation concernantles parcelles sises à Zutendaal, division 2, section D, numeros deparcelles 835 H, 825 K, qui a ete donne par voie orale, soit leve et àdire que cet ordre n'aura pas de consequences juridiques.

L'ordonnance attaquee declare la demande des defendeurs recevable etfondee; ordonne sur la base de l'article 154, alinea 6, du decret du 18mai 1999 portant organisation de l'amenagement du territoire, modifie parl'article 34 du decret du 25 avril 2000, la levee de l'ordre de cessationde l'utilisation de la cafeteria, d'une terrasse exterieure et d'un etangà truites, sis à 3690 Zutendaal, division 2, `Stalkerwijer', section D,parcelles numeros 825 H (cafeteria) et 825 K (etang), donne par letechnicien ( fonctionnaire assermente) le 29 juin 2005 et confirme parl`inspecteur urbaniste regional le 1er juillet 2005, condamne le demandeuraux depens de l'instance.

L'appel du demandeur tend à l'annulation de l'ordonnance attaquee et àdeclarer la demande originaire à tout le moins non fondee ;à direensuite pour droit que l'ordre de cessation immediate de l'utilisationconcernant les parcelles sises à Zutendaal, division 2, section D,numeros de parcelles 825 H et 825 K, donne par voie orale le 29 juin 2005et confirme par lettre recommandee du 1er juillet 2005, a ete donne demaniere valable ; à condamner les defendeurs aux depens de l'instance.

Les defendeurs ont conclu au caractere non fonde de l'appel et ontconfirme l'ordonnance attaquee et condamne le demandeur aux depens.

En droit :

(...)

L'article 154 du decret du 18 mai 1999 offre aux fonctionnaires etofficiers de police la possibilite d'ordonner par voie orale et sur placela cessation immediate des travaux, des operations ou de l'utilisationillicites.

Le demandeur soutient à juste titre qu'il n'appartient pas au presidentd'apprecier l'opportunite de l'ordre donne, mais que le president estuniquement competent pour decider si l'ordre donne est licite.

Il releve uniquement de la competence du president d'apprecier la legaliteexterne et interne de l'ordre de cessation et d'examiner s'il est conformeà la loi ou s'il est fonde sur un abus ou un detournement de pouvoir,plus particulierement s'il a ete pris exclusivement en vue d'un bonamenagement du territoire.

Il y a lieu, des lors, d'examiner si en l'espece l'ordre de cessation aete pris exclusivement en vue d'un bon amenagement du territoire.

Dans la reponse de l'inspecteur urbaniste regional du 9 juin 2005 à lalettre du conseil des defendeurs du 1er juin 2005 demandant le fondementjuridique de l'ordre de cessation, les motifs suivants sont invoques :

- dans son jugement du 22 avril 1983, le tribunal de premiere instance deTongres a dejà demande la demolition du chalet. Le comblement de l'etanga aussi ete ordonne par ce jugement ;

- les faits se sont deroules et se deroulent dans les limites d'une zonenaturelle. Un tel etang de peche dont les formes sont artificielles(rectangle) et un chalet qui est utilise comme club house ne peuvent etreacceptes sous aucun pretexte d'un point de vue de l'amenagement duterritoire ;

- les mesures de reparation ordonnees à l'epoque concernent le bienimmeuble ;

- au cours de la visite des lieux faite par un collaborateur de notresection le 25 mai dernier, un accord a ete obtenu pour cesser lesactivites à partir du 1er juillet ;

- selon moi, notre attitude a ete raisonnable et nous avons encore accordeun sursis sur les denommes `contrats en cours' ;

- la cessation de l'utilisation est actuellement de plus en plus employeepour obtenir malgre tout l'execution de jugements et arrets sans prononcerde contrainte ;

- le fait que l'autorite attende plus de 22 ans pour poursuivrel'execution d'une decision judiciaire ne peut nous etre mis à charge.Dans un arret recent de la Cour de cassation du 4 mars 2005, il a eteconstate que l'on ne peut invoquer le principe de confiance, en se fondantsur l'immobilisme `de longue duree' de l'autorite pour considerer qu'unecondamnation obtenue a ete executee. En premier lieu, le condamne ou lenouveau proprietaire doit executer un jugement ou un arret passe en forcede chose jugee. En outre, certains hommes politiques ont omis par le passede mener une politique de maintien consequente.

Il ressort clairement de cette lettre que l'ordre de cessation n'a pas eteexclusivement donne en vue d'un bon amenagement du territoire, mais pourobtenir l'execution du jugement prononce par le tribunal correctionnel deTongres le 22 avril 1983 à charge de l'auteur des defendeurs et ordonnantla demolition du chalet et le comblement de l'etang.

L'ordre de cessation a donc ete detourne de son but originaire pourobtenir l'execution d'un titre judiciaire obtenu il y a plus de 22 ans.

C'est à juste titre que le premier juge a declare fondee la demande desdefendeurs.

L'appel du demandeur est, des lors, non fonde et il y a lieu de condamnerle demandeur aux depens de l'appel, taxes ci-dessous ».

Griefs

Conformement à l'alinea 6 de l'article 154 du decret du 18 mai 1999,l'interesse peut requerir en refere l'abrogation de la mesure de cessationdes travaux ou des operations illicites ordonnee par les services depolice et confirme par l'inspecteur urbaniste regional.

A ce propos, le juge des referes ne peut apprecier l'opportunite del'ordre de cessation, mais il ne peut en controler que la legalite et laliceite en application de l'article 159 de la Constitution. En vertu del'article 159 de la Constitution, le juge est, en effet, competent pourcontroler la legalite interne et externe des arretes et reglementsnotamment du pouvoir executif, parmi lesquels l'ordre de cessationconteste, et pour verifier s'ils sont conformes à la loi ou s'ils sontfondes sur un abus ou un detournement de pouvoir.

La circonstance qu'en vertu de l'article 1039 du Code judiciaire, qui estapplicable aux voies de recours en application de l'article 1042 du memecode, l'ordonnance sur refere ne peut, en principe, porter prejudice auprincipal, n'y deroge pas des lors que le juge qui doit statuer sur unedemande qui est introduite en application de l'alinea 6 de l'article 154du decret du 18 mai 1999, doit en tout cas en apprecier le bien-fonde.

En l'espece, les juges d'appel se sont fondes dans l'arret attaque sur lalettre de l`inspecteur urbaniste regional du 9 juin 2006, à propos delaquelle la cour d'appel decide que « il ressort clairement de cettelettre que l'ordre de cessation n'a pas ete exclusivement donne en vued'un bon amenagement du territoire, mais pour obtenir l'execution dujugement prononce par le tribunal correctionnel de Tongres le 22 avril1983 à charge de l'auteur des defendeurs et ordonnant la demolition duchalet et le comblement de l'etang » et que «l'ordre de cessation a doncete detourne de son but originaire pour obtenir l'execution d'un titrejudiciaire obtenu il y a plus de 22 ans ».

Cette decision n'est toutefois pas legalement justifiee des lors que lacour d'appel constate ainsi expressement que l'ordre de cessation tendaità l'execution d'un jugement passe en force de chose jugee ordonnant lareparation, en l'espece la remise en etat des lieux ordonnee par lejugement du tribunal correctionnel du 22 avril 1983.

Lorsque la reparation est ordonnee conformement à l'article 149 du decretdu 18 mai 1999, auparavant article 65 de la loi du 29 mars 1962 organiquede l'amenagement du territoire et de l'urbanisme, par une instancejudiciaire, il est etabli d'office que cette remise en etat a ete ordonneeen vue d'un bon amenagement du territoire.

En tant que tels, les juges d'appel n'ont pu considerer legalement, àpropos de la cessation qui a ete ordonnee par l'inspecteur urbanisteregional en application de l'article 154 du decret du 18 mai 1999, que cetordre de cessation n'aurait pas ete donne exclusivement en vue d'un bonamenagement du territoire et qu'il aurait donc « ete detourne de sonobjectif originaire » (violation des articles 159 de la Constitution et154 du decret du 18 mai 1999 « portant organisation de l'amenagement duterritoire » et pour autant que de besoin aussi des articles 1039 et 1042du Code judiciaire). Les juges d'appel ont aussi meconnu la portee de lamesure de la reparation ordonnee par le tribunal, qui est en effetnecessairement censee etre ordonnee en vue d'un bon amenagement duterritoire, en l'espece la remise en etat ordonnee par le jugement du 22avril 1983 (violation de l'article 65 de la loi du 29 mars 1962 organiquede l'amenagement du territoire et de l'urbanisme, tel qu'il etaitapplicable avant la coordination par le decret du 22 octobre 1996, et pourautant que de besoin aussi des articles 149 du decret du 18 mai 1999portant organisation de l'amenagement du territoire »).

III. La decision de la Cour

1. L'article 154, alinea 1er, du decret du Parlement flamand du 18 mai1999 portant organisation de l'amenagement du territoire dispose que lesfonctionnaires, agents ou officiers de police judiciaire vises àl'article 148 du meme decret peuvent ordonner par voie orale et sur placela cessation immediate des travaux, des operations ou de l'utilisation,lorsqu'ils constatent que le travail, les operations ou les modificationsconstituent une infraction au sens de l'article 146.

2. L'ordre de cessation constitue une mesure preventive.

Le simple motif que la remise en etat a ete ordonnee auparavant parjugement en vue d'un bon amenagement du territoire, ne peut justifierl'ordre de cessation en execution de ce jugement.

Le moyen, qui procede d'une autre conception juridique, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour,

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Ernest Wauters, les conseillers EtienneGoethals, Eric Dirix, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, et prononce enaudience publique du dix-huit mai deux mille sept par le president desection Ernest Wauters, en presence de l'avocat general ChristianVandewal, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction etablie sous le controle du president de section ClaudeParmentier et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-JeanneMassart.

Le greffier, Le president de section,

18 MAI 2007 C.06.0567.N/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 18/05/2007
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.06.0567.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-05-18;c.06.0567.n ?
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