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18/05/2007 | BELGIQUE | N°C.06.0581.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 mai 2007, C.06.0581.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0581.N

COMMUNE DE AS,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

GEMOCO, societe anonyme.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 23 mai 2006 parla cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants.

Dispositions legales violees

- article

15 de la loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics età certains marches de travaux, de fourniture et de services (M.B. du...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0581.N

COMMUNE DE AS,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

GEMOCO, societe anonyme.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 23 mai 2006 parla cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants.

Dispositions legales violees

- article 15 de la loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics età certains marches de travaux, de fourniture et de services (M.B. du 22janvier 1994) ;

- articles 106, avant sa modification par l'arrete royal du 18 fevrier2004, et 107 de l'arrete royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchespublics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions detravaux publics (M.B. du 26 janvier 1996).

Decisions et motifs critiques

A l'appui de sa decision de declarer la demande de la defenderesse« fondee » et de condamner par consequent la demanderesse à payer à ladefenderesse la somme de 55.568,26 euros majoree des interetscompensatoires à partir du 22 novembre 2000, des interets judiciaires etdes depens, l'arret attaque a considere notamment ce qui suit :

« Il n'est pas conteste que lors de l'ouverture des offres ladefenderesse etait le soumissionnaire qui a remis l'offre reguliere laplus basse.

Meme apres la correction de la faute de calcul qui a ete constatee pour leposte 3.7.1., le montant de la soumission de la defenderesse ayant eteporte à 27.123.632 francs belges, elle demeurait le soumissionnaire leplus bas.

La demanderesse, suivie par le premier juge, soutient qu'il ressort del'offre de la societe anonyme Seghers qu'il a ete mentionne à troisendroits qu'une ristourne de 3 p.c. serait accordee sur tous les prixunitaires, le montant de la soumission de la societe anonyme Seghers etantainsi portee de 27.876.593 francs belges à 27.037.190 francs belges, desorte qu'elle est devenue le soumissionnaire qui a remis l'offre la plusbasse et que le marche lui a ete attribue.

Il ressort, en effet, de la soumission produite par la societe anonymeSeghers qu'une ristourne de 3 p.c. etait mentionnee en trois endroits danscette offre à savoir :

- au bas de la page 1 dans l'indication du prix total de la soumission :une mention manuscrite datee du 4 octobre 2000 et signee parl'administrateur delegue W. Seghers `tous les prix unitaires doiventencore etre diminues de 3 p.c. (trois pourcents) ` ;

- au bas de la derniere page : une mention manuscrite datee du 4 octobre2000 et signee par l'administrateur delegue W. Seghers `tous les prixunitaires doivent entre etre diminues de 3 p.c . ( trois pourcents)';

- à la fin du releve de mesurage recapitulatif qui est joint à lasoumission à titre d'annexe : une mention ecrite manuscrite datee du 4octobre 2000 et signee par l'administrateur delegue W. Seghers `tous lesprix unitaires doivent encore etre diminues de 3 p.c. (trois pourcents).

Toutes les pages de l'offre de la societe anonyme Seghers, y compris lespages precitees faisant mention de la ristourne, sont paraphees par lebourgmestre de la commune de As, par un representant du service techniquede la commune de As et par un representant du bureau d'etudes Belgroma,d'ou il ressort que la ristourne etait mentionnee sur la soumission aumoment de l'ouverture des offres.

Il n'est pas interdit au soumissionnaire d'accorder des ristournes sur lesprix qu'il offre. L'autorite adjudicatrice est alors obligee de tenircompte des ristournes indiquees de maniere reguliere.

La ristourne sur le prix offert doit etre signee par le soumissionnaire oupar son delegue, et ce au plus tard avant la seance d'ouverture desoffres.

Comme developpe sous le point 2.3, il apparait que la ristourne accordeepar la societe anonyme Seghers etait indiquee sur la soumission au momentde l'ouverture des offres.

Apres que le president et l'assesseur designe par l'autorite adjudicatriceont paraphes les offres pages par pages, la ristourne accordee par lasociete anonyme Seghers (indiquees en trois endroits) ne pouvant ainsileur echapper, le president aurait du proclamer cette ristourne de sortequ'il en aurait ete fait mention dans le proces-verbal d'ouverture desoffres.

Il n'est pas conteste que cela n'a pas eu lieu en l'espece et que lepresident n'a pas proclame la ristourne et qu'il n'a pas davantage etefait mention de cette ristourne dans le proces-verbal de l'ouverture desoffres.

La societe anonyme Gemoco soutient des lors à juste titre qu'elle etaitle soumissionnaire qui a remis l'offre reguliere la plus basse auquel lestravaux auraient du etre adjuges, à peine d'une indemnite de 10 p.c. dumontant de la soumission ».

Griefs

Violation de l'article 15 de la loi du 24 decembre 1993 relative auxmarches publics et à certains marches de travaux, de fourniture et deservices (M.B. du 22 janvier 1994) et des articles 106, avant samodification par l'arrete royal du 18 fevrier 2004, et 107 de l'arreteroyal du 8 janvier 1996 relatif aux marches publics de travaux, defournitures et de services et aux concessions de travaux publics (M.B. du26 janvier 1996).

1. L'article 15 de la loi du 24 decembre 1993 dispose que :

« Lorsque l'autorite competente decide d'attribuer le marche, celui-cidoit etre attribue, en adjudication publique ou restreinte, ausoumissionnaire qui a remis l'offre reguliere la plus basse, sous peined'une indemnite forfaitaire fixee à 10 p.c. du montant, hors taxe sur lavaleur ajoutee, de cette offre».

En ce qui concerne l'ouverture des offres, l'article 106 de l'arrete royaldu 8 janvier 1996, avant sa modification par l'arrete royal du 18 fevrier2004 dispose que :

L'ouverture des offres se deroule aux lieu, date et heure fixes par l'avisde marche ou par le cahier special des charges. Les operations sederoulent dans l'ordre suivant :

1DEG avant d'admettre le public dans le local designe, (le president de laseance y depose les offres dejà rec,ues et non envoyees par des moyenselectroniques). En cas de procedure restreinte, seuls les soumissionnairesou leurs representants sont admis dans le local;

2DEG le local etant ouvert au public, les offres nouvellement apporteessont remises au president;

3DEG le president declare la seance ouverte; à partir de ce moment,aucune offre ne peut plus etre acceptee;

4DEG Il est procede ensuite au depouillement de toutes les offresrecueillies.

5DEG (les offres, les documents annexes exiges sous peine de nullite, lesdocuments modificatifs et les retraits sont paraphes page par page par lepresident ou un assesseur. Le president proclame le nom dessoumissionnaires, leur domicile et les retraits d'offres).En adjudication publique ou restreinte, le president proclame en outre lesprix offerts y compris pour les variantes eventuelles, ainsi que lesmodifications de prix. Lorsque l'adjudication est relative à un grandnombre de lots, la proclamation des prix peut etre remplacee par un autremoyen de publicite, dont la nature et les modalites sont fixees dans lecahier special des charges ».

Enfin, l'article 107 de l'arrete royal precite dispose que :

« Les resultats proclames par le president en application de l'article106, 5DEG, ainsi que les incidents survenus au cours de la seanced'ouverture des offres sont consignes dans un proces-verbal, lequel estsigne immediatement par le president et un assesseur designe par lepouvoir adjudicateur, ainsi que par toute personne presente qui en exprimele desir ».

2. L'arret attaque constate en fait « qu'apres avoir corrige la faute decalcul constatee dans le poste 3.7.1. », « le montant de la soumissionde la defenderesse a ete porte à 27.123.632 francs belges ».

Le juge d'appel a constate en fait « qu'il ressort en effet de lasoumission produite par la societe anonyme Seghers qu'une ristourne a etementionnee à trois endroits dans cette offre », que cela constitue« une mention manuscrite datee du 4 octobre 2000 et paraphee parl'administrateur delegue W. Seghers » et que « la ristourne etaitindiquee au moment de la seance d'ouverture des offres ».

Enfin, l'arret ne conteste pas que « le montant de la soumission de lasociete anonyme Seghers (compte tenu de la ristourne) serait modifie pouretre de 27.037.190 francs belges au lieu de 27.826.593 francs belges ».

L'arret n'a pas deduit legalement de ces constatations de fait que ladefenderesse soutient « à juste titre » « qu'elle etait lesoumissionnaire qui a remis l'offre reguliere la plus basse auquel lestravaux auraient du etre adjuges, à peine d'une indemnite de 10 p.c. dumontant de sa soumission ».

3. Comme le reconnait l'arret attaque, l'octroi d'une ristourne est eneffet autorisee (C.E., S.A. Entreprises Louis de Waele, 1er avril 1987,nDEG 27.764) dans la mesure ou l'offre d'une ristourne est paraphee aumoment de la seance d'ouverture des offres (C.E., SPRL Entreprises Hons etCie/ Etat Belge, 22 janvier 1986, nDEG 26.094).

Le Conseil d'Etat estime en outre que la non-proclamation des prix devariantes ne constitue pas une irregularite substantielle lorsqu'iln'apparait pas qu'ainsi l'objectif de la proclamation, à savoir laprotection contre l'acceptation de soumissions tardives, est mise en peril(C.E. Societe de droit franc,ais Tunzini Nessi et Spie Batignolles, 3 mars1993, nDEG 42.129 ; D. D'Hooghe, De gunning van overheidsopdrachten enoverheidsopdrachten, Bruges, La Charte, 1997, p. 452, nDEG 1183, note nDEG1549).

En outre, la proclamation des prix - ou la modification des prix - n'estindicative que dans la mesure ou la classification definitive des offresdepend de leur examen selon la regularite, la rectification eventuelled'erreurs dans les operations arithmetiques, la correction eventuelle desquantites ou la reparation materielle simple de manquements (D. Batsele etautres, Initiation aux marches publics, Bruxelles, Bruylant, 2001, p.236).

Dans la mesure ou, en l'espece, l'arret, d'une part, ne constate pas quela non-proclamation et le defaut d'indication de la ristourne dans leproces-verbal de la seance d'ouverture des offres, mettent en peril laprotection contre l'acceptation des soumissions tardives et, d'autre part,constate au contraire en fait que « la ristourne etait indiquee dans lasoumission au moment de la seance d'ouverture des offres », l'arret n'apas pu legalement considerer que la defenderesse « etait lesoumissionnaire qui a remis l'offre reguliere la plus basse auquel lestravaux devaient etre attribues ».

Ainsi, l'arret n'a pas considere legalement de maniere implicite maiscertaine que l'offre de ristourne de la societe anonyme Seghers etaitirreguliere et a, des lors, viole les dispositions legales citees par lemoyen.

1.D. D'Hooghe (« De gunning van overheidsopdrachten enoverheidsopdrachen », La Charte 1997, nDEG 1173 et 1550) insiste sur lefait que la seance publique d'ouverture des offres constitue en premierlieu une garantie pour la regularite de la procedure d'adjudication desorte que, lorsqu'il existe une possibilite qu'il y ait fraude, il faudraproceder à une nouvelle procedure d'adjudication. Le meme auteur precisetoutefois que, s'il est etabli en fait qu'il n'y a pas pu y avoir de dol,un arrangement plus souple est justifie.

Dans le « Praktische commentaar bij de reglementering van deoverheidsopdrachten », sixieme edition, p. 1038, M.A Flamme, Ph. Mathei,Ph. Flamme, A. Delvaux et C. Dardenne precisent que si « il etait etablide maniere certaine que la variante dont il n'a pas ete tenu compte, a eteintroduite en temps utile, des lors qu'elle etait inscrite sur le memeformulaire qu'une autre variante du meme soumissionnaire qui a ete noteedans le proces-verbal », une rectification du proces-verbal doit etrepossible.

Enfin, il peut etre fait reference à l'arret du Conseil d'Etat du 3 mars1993 nDEG 42.129 rendu, certes, dans le cadre d'une demande d'offre.

III. La decision de la Cour

1. Conformement à l'article 15, alinea 1er, de la loi du 24 decembre 1993relative aux marches publics et à certains marches de travaux, defourniture et de services, lorsque l'autorite competente decided'attribuer le marche, celui-ci doit etre attribue, en adjudicationpublique ou restreinte, au soumissionnaire qui a remis l'offre regulierela plus basse

2. L'article 106 de l'arrete royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchespublics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions detravaux publics, tel qu'il etait applicable avant la modification parl'arrete royal du 18 fevrier 2004, dispose que :

- l'ouverture des offres se deroule aux lieu, date et heure fixes parl'avis de marche ou par le cahier general des charges ;

- lorsque le president a declare la seance ouverte, aucune offre ne peutplus etre acceptee ;

- il est procede ensuite au depouillement de toutes les offresrecueillies;

- les offres, les documents annexes exiges sous peine de nullite, lesdocuments modificatifs et les retraits sont paraphes page par page par lepresident ou un assesseur ;

- le president proclame le nom des soumissionnaires, leur domicile et lesretraits d'offres ;

- en adjudication publique ou restreinte, le president proclame en outreles prix offerts y compris pour les variantes eventuelles, ainsi que lesmodifications de prix.

En vertu de l'article 107 de cet arrete royal les resultats proclames parle president , ainsi que les incidents survenus au cours de la seanced'ouverture des offres sont consignes dans un proces-verbal.

Ces dispositions tendent à empecher la fraude et à garantir laregularite de la procedure d'adjudication.

3. S'il est etabli qu'une ristourne est reprise dans une offre reguliereet introduite en temps utile et qu'aucune fraude n'est constatee, lasimple circonstance que le president omet de proclamer cette ristourne etde l'indiquer dans le proces-verbal n'est pas de nature à porter atteinteà la regularite de la procedure d'adjudication.

La regularite de l'offre, y compris de la ristourne qu'elle comprend,n'est pas davantage mise en peril.

4. Le juge d'appel a constate dans l'arret que :

- la defenderesse a remis l'avant-derniere offre la plus basse ;

- la demanderesse a attribue le marche à l'entrepreneur qui, en raison dela ristourne qu'il accordait, a remis l'offre la plus basse ;

- à la suite des elements de fait de la cause il y a lieu d'admettre quecette ristourne etait dejà indiquee dans l'offre du meme entrepreneur aumoment de l'ouverture de celle-ci.

Sur la base de la simple circonstance que le president omet de proclamerla ristourne au cours de la seance d'ouverture et de l'indiquer dans leproces-verbal d'ouverture des offres, le juge d'appel, qui a considerecomme etant certain que la ristourne etait reprise dans l'offre au momentde son ouverture et qui n'a pas constate de fraude, n'a pu decider sansviolation de l'article 15, alinea 1er, de la loi du 24 decembre 1993, queles travaux auraient du etre attribues à la defenderesse à peine dedommages et interets.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Pour le surplus des griefs :

5. Les autres griefs ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il declare l'appel recevable ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Gand.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Ernest Wauters, les conseillers EtienneGoethals, Eric Dirix, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, et prononce enaudience publique du dix-huit mai deux mille sept par le president desection Ernest Wauters, en presence de l'avocat general ChristianVandewal, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction etablie sous le controle du president de secion ClaudeParmentier et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-JeanneMassart.

Le greffier, Le president de section,

18 MAI 2007 C.06.0581.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.06.0581.N
Date de la décision : 18/05/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-05-18;c.06.0581.n ?
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