La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2007 | BELGIQUE | N°C.06.0283.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 novembre 2007, C.06.0283.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0283.N

GEERKENS, societe anonyme,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. GSD, societe anonyme,

Me Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation,

2. V. J.,

3. V. J.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 2 decembre 2006par la cour d'appel de Gand.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelg

em a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Disp...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0283.N

GEERKENS, societe anonyme,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. GSD, societe anonyme,

Me Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation,

2. V. J.,

3. V. J.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 2 decembre 2006par la cour d'appel de Gand.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- article 4 de la loi du 20 fevrier 1939 sur la protection du titre et dela profession d'architecte ;

- articles 1136, 1137, 1142, 1143, 1146, 1147, 1149, 1788, 1789, 1790,1792 et 2270 du Code civil et, pour autant que de besoin, articles 1382 et1383 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque condamne la demanderesse à payer à la defenderesse lasomme de 86.472,27 euros, majoree des interets, et les deuxieme ettroisieme defendeurs à payer à la defenderesse la somme de 28.824,09euros , majoree des interets, et condamne la demanderesse à trois quartset les deuxieme et troisieme defendeurs à un quart des depens, aux motifssuivants :

« La cour (d'appel) dispose de suffisamment d'elements pour trancher lespoints litigieux, de sorte qu'il n'y a pas de raison d'ordonner unenouvelle expertise. L'ingenieur De Keyser supposait à tort qu'un effetconstituait la cause (...), ce qui a ete corrige par l'ingenieurVandewalle.

L'expert De Keyser arrive à la constatation que les voutes presentaientune courbe trop importante, deformant et fendant la mac,onnerie qui avaitete placee au-dessus.

Cet expert a, toutefois, ignore le fait que le plan (initial) desarchitectes ne prevoyait pas que les voutes supporteraient les murs, nique les murs seraient portes par des raccords metalliques longitudinaux.

En d'autres termes, il a considere un effet - la courbe des voutes - commeune cause. Le constructeur du squelette metallique, la (demanderesse), atoutefois omis les raccords longitudinaux entre les poutres porteusesprincipales transversales sur les axes 1-2-3 et 4, de sorte qu'il n'yavait plus de support prevu pour les murs interieurs. Dans son concept, la(demanderesse) ne prevoyait rien d'autre relativement au support des mursà l'etage.

La charge imposee aux voutes par les murs n'a ete indiquee ni par la(demanderesse), ni par les (deuxieme et troisieme defendeurs) à Declerck,Saelens ou Douterloigne, de sorte que lors du dimensionnement des voutes,ceux-ci n'ont pas effectue ou fait effectuer de controle supplementaire dela courbe des voutes et de leur compatibilite avec des elements portes dela construction (voir aussi l'expertise Vandewalle dont il ressortclairement qu'aucune faute ne peut etre imputee à Declerck, Saelens ouDouterloigne relativement aux voutes placees).

Comme cause des problemes, l'ingenieur Vandewalle indique des lors àjuste titre :

- une modification fondamentale de la structure metallique par la(demanderesse),

- sans que les mesures necessaires qui s'imposaient aient ete prises afinde compenser sans dommage le poids des murs interieurs et exterieurs.

Le projet des (deuxieme et troisieme defendeurs) prevoyait les poutreslongitudinales. Le projet et la realisation de la (demanderesse) omettaitcelles-ci, mais elles ont finalement tout de meme ete placees dans lecadre des travaux de fortification necessaires realises.

En s'ecartant du projet des (deuxieme et troisieme) defendeurs - quiaurait implique une bonne realisation ; voir supra : les reparations ontete realisees conformement à leur projet - la (demanderesse) a conc,u etrealise une construction metallique qui etait incomplete et incapable desupporter directement toutes les charges prevues, en particulier les mursà l'etage. Ceci constitue une faute ayant participe à la naissance dudommage. La demanderesse a ainsi modifie fondamentalement le projetcorrect des (deuxieme et troisieme defendeurs) et l'a realise sans enavertir les autres entrepreneurs. Cette faute est considerablement plusgrave que la faute commise par les (deuxieme et troisieme defendeurs). La(demanderesse) n'aurait pas du toucher à ce qui etait correct. Dans lecadre de leur obligation de verifier le plan d'execution de la(demanderesse) - cette obligation de verification etant indispensable deslors qu'elle avait directement trait à la stabilite - les (deuxieme ettroisieme defendeurs) auraient du remarquer l'omission des poutreslongitudinales - porteuses des murs -, auraient du se demander ce quisupporterait les murs en l'absence de ces poutres, auraient du en evaluerles consequences et auraient du prendre les mesures necessaires au supportdes murs. Ils ont remarque la modification effectuee par la(demanderesse), mais n'y voyaient pas d'inconvenient « au motif qu'ilsavaient confiance en la competence de l'equipe technique de la(demanderesse) » Ils estimaient à cet egard (mais apparemment aposteriori) que des alternatives existaient pour compenser le poids desmurs : en l'absence des poutres, les voutes pouvaient etre renforcees. Les(deuxieme et troisieme defendeurs) n'ont toutefois jamais propose cettederniere possibilite en temps utile et n'en ont pas averti Declerck,Saelens et Douterloigne. Ils avaient trop confiance en l'equipe techniquede la (demanderesse).

Vu la gravite de ces fautes respectives, c'est à juste titre que l'expertjudiciaire Vandewalle met 75 pour cent de la responsabilite à charge dela (demanderesse) et 25 pour cent à charge des (deuxieme et troisiemedefendeurs).

(...)

Ainsi reviennent à la defenderesse (GSD) :

- les frais de reparation : 1.061.839 francs belges / 26.322,30 euros,majores des interets depuis le 1er novembre 1997, date moyenne derealisation ;

- perte de jouissance : 29.003,52 euros + 13.696,13 euros = 42.699,65euros, majores des interets sur 29.003,52 euros depuis le 15 septembre1996 et sur 13.696,13 euros depuis le 22 novembre 1997 ;

- frais relatifs l'achat du rez-de-chaussee commercial : 1.866.705 francsbelges : 46.274,41 euros, majores des interets depuis le 15 juillet 1997 ;

- total en principal : 115.296,36 euros, majores des interets depuis ladate telle que determinee ci-dessus sur les divers montants partielsjusqu'à la date de paiement.

Trois quarts de ce montant sont dus par la (demanderesse) et un quart par(les deuxieme et troisieme defendeurs), soit 86.472,27 euros et 28.824,09euros. Les interets doivent etre repartis de maniere proportionnelle ».

Griefs

(...)

Troisieme grief

Violation des articles 4 de la loi du 20 fevrier 1939 sur la protection dutitre et de la profession d'architecte, 1136, 1137, 1142, 1143, 1146,1147, 1149, 1788, 1789, 1790, 1792 et 2270 du Code civil et, pour autantque de besoin, des articles 1382 et 1383 du Code civil.

Dans le cas d'une adjudication scindee, notamment lorsque les travaux sontexecutes non pas dans le cadre d'une entreprise globale mais bien enparties distinctes qui constituent des contrats de construction distinctset en outre lorsque le contrat entre l'architecte et le maitre del'ouvrage le precise, les architectes ont une mission de coordination desdiverses entreprises.

Cette mission de coordination a pour consequence que les architectes sontles seuls qui doivent communiquer les informations sur les entreprises etles modifications apportees eventuellement par un entrepreneur aux plansd'execution qu'ils ont remarquees, à d'autres entrepreneurs sans quel'entrepreneur qui a modifie les plans d'execution doive le faire.

Dans ce cas, l'arret attaque constate que la demanderesse a modifie lesplans d'execution et que les deuxieme et troisieme defendeurs l'ontremarque.

En outre, il ressort des constatations anterieures de la cour d'appel dansle premier arret du 13 juin 2001 designant un nouvel expert qu'une partiedes travaux a ete confiee à la demanderesse et une autre partie par uncontrat d'entreprise distinct à Monsieur D. Comme l'a d'ailleurs invoquela demanderesse dans ses conclusions prises apres la reouverture desdebats, il s'agissait d'une adjudication scindee et il ressort aussi durapport d'expertise que le contrat d'architecte a confie une mission decoordination aux deuxieme et troisieme defendeurs.

L'arret attaque n'a, des lors, pas pu constater legalement que lademanderesse « a modifie et execute de maniere fondamentale le projetcorrect des deuxieme et troisieme defendeur sans en informer les autresentrepreneurs », que « cette faute (...) est beaucoup plus grave que lafaute des deuxieme et troisieme defendeurs » et que, eu egard à lagravite des fautes respectives de la demanderesse, d'une part, et desdeuxieme et troisieme defendeurs, d'autre part, c'est à juste titre quel'expert judiciaire Vandewalle a mis la responsabilite à charge de lademanderesse à concurrence de 75 pourcent et à charge des deuxieme ettroisieme defendeurs à concurrence de 25 pourcent. L'arret attaque aainsi viole les articles 4 de la loi du 20 fevrier 1939 sur la protectiondu titre et de la profession d'architecte, 1136, 1137, 1142, 1143, 1146,1147, 1149, 1788, 1789, 1790, 1792 et 2270 du Code civil et, pour autantque de besoin, 1382 et 1383 du Code civil.

Second moyen

Dispositions legales violees

- principe general du droit relatif à l'exception d'inexecution enmatiere de contrats synallagmatiques ;

- articles 1102 et 1184 du Code civil qui supposent l'existence de cetteexception.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque condamne la defenderesse à payer à la demanderesse lasomme de 11.483,27 euros majoree des interets au taux legal à partir du1er novembre 1997 par les motifs suivants :

« La (defenderesse) demeure redevable d'un solde de 463.234 francsbelges/11.483,27 euros à la (demanderesse)(voir le calcul à la page 13des conclusions de la demanderesse deposees au greffe le 24 decembre2003). Ce montant n'est pas conteste en tant que tel et doit etre paye,des lors qu'à la suite des travaux de reparation la (defenderesse) aobtenu une bonne execution. (La demanderesse) a aussi droit aux interetsà partir du 1er novembre 1997, date moyenne d'execution des travaux dereparation. Eu egard à son manquement qui justifie l'application del'exceptio non adimpleti contractus elle ne peut pretendre à un interetmajore ni à la clause de majoration. »

Griefs

Lorsque les parties sont liees par un contrat synallagmatique, une partiepeut suspendre l'execution de ses obligations si elle prouve que soncocontractant est reste en defaut d'executer ses obligations resultant dece contrat.

Ce principe general du droit relatif à l'exception d'inexecution resultede l'independance mutuelle entre les obligations des parties.

La partie qui apporte cette preuve peut ainsi suspendre l'execution de sesobligations jusqu'au moment ou le cocontractant execute ses obligations.En d'autres termes, à partir du moment ou le cocontractant a execute sonobligation l'autre partie doit executer ses propres obligations.

Dans ce cas, la demanderesse a demande dans ses conclusions deposees apresla reouverture des debats le paiement par la defenderesse du solde de sesfactures dans le cadre de l'execution du contrat d'entreprise, mais aussile paiement des interets et de la clause de majoration prevue par lecontrat d'entreprise mais reduits par elle dans ses conclusions à 10pourcent par an pour les interets et à 10 pourcent de la somme enprincipal pour la clause de majoration.

L'arret attaque constate que la defenderesse (GSD)a obtenu une bonneexecution à la suite des travaux de reparation. Il constate aussi que le1er novembre 1997 est la date moyenne d'execution des travaux dereparation.

Apres avoir constate que la defenderesse devait payer la somme de11.483,27 euros à la demanderesse, l'arret attaque ne pouvait deciderlegalement que la defenderesse ne devait payer que l'interet au taux legalà partir du 1er novembre 1997 à la defenderesse et que « eu egard aumanquement de la demanderesse legitime par l'exceptio non adimpleticontractus (...) elle ne peut pretendre à des interets plus eleves ni àla clause de majoration », comme prevu par le contrat d'entreprise concluentre la demanderesse et la defenderesse (GSD) et reduits par lademanderesse dans ses conclusions.

Il a, des lors, viole le principe general du droit relatif à l'exceptiond'inexecution en matiere de contrats synallagmatiques, ainsi que lesarticles 1102 et 1184 du Code civil qui supposent l'existence de cetteexception.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

(...)

Quant à la troisieme branche :

5. La circonstance que dans le cadre d'une adjudication scindee,l'architecte est charge d'une mission de coordination speciale entre lesentrepreneurs distincts impliques dans les travaux, n'exclut pas qu'unentrepreneur qui s'ecarte fondamentalement des projets reguliers del'architecte, soit tenu, en vertu des ses obligations contractuelles àl'egard de son cocontractant ou en vertu de la norme generale de prudenceà laquelle il est soumis, d'informer les autres entrepreneurs impliquesde cette modification de sorte que ceux-ci puissent convenablement evaluerles consequences de cette modification et prendre les mesures appropriees.

6. En cette branche, le moyen qui part de l'hypothese que dans un tel casle devoir d'information repose uniquement sur l'architecte, ne peut etreaccueilli.

Sur le second moyen :

7. Dans le cas ou les parties sont liees par un contrat synallagmatiqueune partie peut suspendre l'execution de ses obligations si elle prouveque son cocontractant est reste en defaut d'executer ses obligationscontractuelles,

La partie qui apporte cette preuve peut ainsi suspendre l'execution de sesobligations jusqu'à ce que son cocontractant s'execute.

8. Lorsque le cocontractant execute finalement ses obligations, l'autrepartie est à son tour tenue d'executer ses obligations, sans que cettesuspension ne puisse lui etre imputee comme une non-execution d'uneobligation contractuelle lorsqu'il apparait que cette suspension estjustifiee.

9. Le juge d'appel a constate que :

- la demanderesse a commis une faute en modifiant fondamentalement laconstruction metallique creee par les defendeurs de sorte que celle-cietait incomplete et etait incapable de supporter les charges directementtoutes les charges prevues et en n`informant pas les entrepreneurs de cetelement ;

- eu egard à ce manquement le maitre de l'ouvrage, soit la defenderesse,a invoque à juste titre l'exceptio non adimpleti contractus ;

- entre-temps les travaux de reparation ont ete executes de sorte que lestravaux sont conformes au projet des defendeurs.

Les juges d'appel ont ensuite considere que la defenderesse est tenue depayer le solde du prix de l'entreprise, majoree des interets au taux legaldepuis la date moyenne de l'execution des travaux de reparation mais que« eu egard à ses manquements qui justifient l'application de l'exceptionon adimpleti contractus, la demanderesse ne peut plus pretendre à uninteret majore ni à la clause de majoration ».

En statuant ainsi le juge d'appel a justifie legalement sa decision.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section ErnestWauters, les conseillers Eric Dirix, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns,et prononce en audience publique du vingt-neuf novembre deux mille septpar le president Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat generaldelegue Andre Van Ingelem, avec l'assistance du greffier adjoint JohanPafenols.

Traduction etablie sous le controle du president Ivan Verougstraete ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le president,

29 NOVEMBRE 2007 C.06.0283.N/10



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 29/11/2007
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.06.0283.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-11-29;c.06.0283.n ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award