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30/11/2007 | BELGIQUE | N°F.06.0062.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 novembre 2007, F.06.0062.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° F.06.0062.F

JEMEPPE MOTOR, société privée à responsabilité limitée dont le siègesocial est établi à Jemeppe-sur-Meuse, rue de Flémalle, 196,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Ixelles, rue Vilain XIIII, 17, où il est faitélection de domicile,

contre

ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet estétabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

défendeur en cassation,

représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée,...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° F.06.0062.F

JEMEPPE MOTOR, société privée à responsabilité limitée dont le siègesocial est établi à Jemeppe-sur-Meuse, rue de Flémalle, 196,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Ixelles, rue Vilain XIIII, 17, où il est faitélection de domicile,

contre

ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet estétabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

défendeur en cassation,

représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il est faitélection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2005par la cour d'appel de Liège.

Le président de section Claude Parmentier a fait rapport.

L'avocat général André Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Disposition légale violée

Article 45, §§ 1^er et 2, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée.

Décisions et motifs critiqués

Pour faire droit à l'appel principal de l'Etat belge, ici défendeur,réformer le jugement entrepris, dire pour droit que la contrainte décernéeà la demanderesse est bonne et valable, peut sortir ses pleins et entierseffets et être recouvrée, l'arrêt attaqué rappelle d'abord que le litigeoppose les parties sur « les conditions dans lesquelles les déductions deT.V.A. peuvent être opérées par les entreprises qui se livrent à uneactivité économique spécifique de location de véhicules (article 45, § 2,du Code de la T.V.A. : disposition d'exception au refus de principe de ladéduction intégrale de la taxe en amont) » et décide, s'agissant del'application de l'article 45, § 2, du Code de la T.V.A., que :

« la disposition en cause permettant une déduction intégrale de la taxepour les entreprises pratiquant la location ou la vente de véhicules estune disposition d'exception ;

celle-ci vise les entreprises qui s'adressent au public en général en tantqu'entreprises de vente ou de location de véhicules afin de ne pas greverexcessivement l'activité professionnelle déployée ;

elle doit s'interpréter restrictivement en ce qu'elle déroge au principede la déduction partielle (voir Trib. Turnhout, 24 décembre 1993, Courrierfiscal 1994, p. 504) ;

cette position est traditionnelle et trouve appui dans les travauxpréparatoires du code (Ch. des représentants, S.E. 1968, Doc. parl., n°88, I,p. 43) qui font ressortir qu'il doit s'agir d'une activité spécifiquequalifiée antérieurement de professionnelle pour que la déductionintégrale puisse être opérée ;

le ministre des Finances s'est également exprimé en ce sens (Q.P.Fourneaux, n° 901 du 21 mai 1997, R.T.V.A., n° 130, p. 1011) ;

il en est de même pour la Cour de cassation qui récemment a rappelé cetteposition traditionnelle (Cass., 1^er février 1996, en cause E.A.B.c/E.B. : `le juge d'appel a pu décider que quelques locations à un grouperestreint ne constituaient pas une activité professionnelle') ;

de manière plus péremptoire encore la Cour de cassation a répété sajurisprudence en ce sens (Cass., 9 janvier 1998, Pas., 1998, I, p. 17 :l'assujetti qui donne des véhicules en location en circuit fermé et sansindépendance réelle n'exerce pas une véritable activité professionnelle delocation de voitures automobiles à laquelle la restriction de la déductionde la taxe prévue à l'article 45, § 2, alinéa 2, a, du Code de la taxe surla valeur ajoutée n'est pas applicable) ;

la jurisprudence évoquée ne laisse aucun doute sur la solution qu'il y alieu de donner au litige, la Cour s'exprimant comme suit dans le cas quilui était soumis : `que cette activité professionnelle doit consister enla livraison de biens et de services effectuée de manière régulière etindépendante ; (...) les juges d'appel ont constaté que l'activité de lademanderesse ne s'adressait pas, en l'espèce, au public mais à une seuleet unique cliente', pour conclure finalement que la déduction postulée nerencontrait pas les conditions légales ;

la cour [d'appel] ne peut dès lors que conclure dans le même sens, (lademanderesse) n'exerçant aucune activité économique spécifique de locationde voitures offertes au grand public mais seulement à ses clients quiapportent leurs véhicules à l'entretien en vue d'y faire effectuer desréparations ».

Griefs

Première branche

Par dérogation au principe de la déduction intégrale des taxes qui ontgrevé les biens et services fournis à un assujetti et qu'il utilise poureffectuer des opérations taxées, principe inscrit à l'article 45, § 1^er,du Code de la T.V.A., le paragraphe 2 de cette même disposition disposeque, pour la livraison, l'importation et l'acquisition intracommunautairede voitures automobiles servant au transport de personnes, y compris lesvéhicules qui peuvent servir tant au transport de personnes qu'autransport de marchandises, et pour les biens et les services se rapportantà ces véhicules, la déduction ne peut dépasser en aucun cas 50 p.c. destaxes qui ont été acquittées.

Cette limitation reçoit, elle-même, exception, dans les cas prévus àl'article 45, § 2, alinéa 2, du même code, de sorte que, selon le littéraa) de cette disposition, la déduction reste intégrale pour les « véhiculesdestinés à être vendus ou donnés en location par un assujetti dontl'activité économique spécifique consiste dans la vente ou la location devoitures automobiles ».

Il faut, mais il suffit, pour que le régime d'exception à la limitation audroit à déduction - c'est-à-dire, la déduction intégrale - soitapplicable, qu'il s'agisse, d'une part, de véhicules destinés à êtrevendus ou donnés en location, et, d'autre part, que ces ventes oulocations soient effectuées par un assujetti dont l'activité économiquespécifique consiste dans la vente ou la location de voitures automobiles.En d'autres termes, et en raison de l'utilisation de la conjonction « ou »par le législateur, il doit être admis que la déduction est intégrale pourles taxes grevant les véhicules destinés à être donnés en location par unassujetti dont l'activité économique spécifique consiste dans la vente devoitures automobiles, comme un garagiste et ce, même si la location devéhicules ne revêt, dans son chef, qu'un caractère accessoire.

Dans ses conclusions prises devant la cour d'appel, la demanderesserappelait, sans être contredite sur ce point, qu'il ressortait de sesstatuts que « son activité économique comprend non seulement la vente devéhicules mais aussi `la location de véhicules à moteur, avec ou sanschauffeur' », c'est-à-dire qu'en toute hypothèse, il n'est pas contestéque son activité économique spécifique comprend la vente de véhicules,condition nécessaire et suffisante pour que l'article 45, § 2, alinéa 2,a) du Code de la T.V.A. reçoive application.

Il s'ensuit que l'arrêt attaqué ne justifie pas légalement sa décision derefuser à la demanderesse la déduction intégrale de la taxe grevant lesvéhicules destinés à la location (violation de l'article 45 du Code de laT.V.A., spécialement § 1^er et § 2, alinéa 2, a)), dans la mesure où ilressort des pièces de la procédure que l'activité économique spécifique dela demanderesse, consistant à tout le moins dans la vente de véhicules,permettait la déduction intégrale des taxes relatives aux véhiculesdestinés à être donnés en location.

Seconde branche

Par dérogation au principe de la déduction intégrale des taxes qui ontgrevé les biens et services fournis à un assujetti et qu'il utilise poureffectuer des opérations taxées, principe inscrit à l'article 45, § 1^er,du Code de la T.V.A., le paragraphe 2 de cette même disposition disposeque, pour la livraison, l'importation et l'acquisition intracommunautairede voitures automobiles servant au transport de personnes, y compris lesvéhicules qui peuvent servir tant au transport de personnes qu'autransport de marchandises, et pour les biens et les services se rapportantà ces véhicules, la déduction ne peut dépasser en aucun cas 50 p.c. destaxes qui ont été acquittées.

Cette limitation reçoit, elle-même, exception, dans les cas prévus àl'article 45, § 2, alinéa 2, du même code, de sorte que, selon le littéraa) de cette disposition, la déduction est intégrale pour les « véhiculesdestinés à être vendus ou donnés en location par un assujetti dontl'activité économique spécifique consiste dans la vente ou la location devoitures automobiles ».

Dans la mesure où l'article 45, § 2, alinéa 1^er, du Code de la T.V.A.instaure un régime d'exception à la règle générale de la déductionintégrale de la taxe en amont, dans le chef des assujettis, règle généralejustifiée par le principe de neutralité de la T.V.A., il doit êtreinterprété strictement, tandis que l'alinéa 2 de la même dispositionconstitue, quant à lui, une limitation à ce régime d'exception et doit,dès lors, être interprété largement.

L'exigence, inscrite dans la loi, selon laquelle l'activité de location devoitures automobiles doit consister en une activité économique spécifiquene signifie pas pour autant qu'il doit, pour l'assujetti concerné, s'agird'une activité économique unique ou, pour reprendre les termes utiliséspar le défendeur, que « l'exception à la limitation de déduction n'estapplicable qu'aux loueurs professionnels de voitures, c'est-à-dire auxentreprises de location proprement dites et ce, au sens strict ».

Un assujetti dont l'activité économique consiste à vendre et/ou réparerdes véhicules et qui, au bénéfice de ses clients, donne aussi en locationdes véhicules de remplacement exerce également une activité économiquespécifique de location de véhicules, effectuée en toute indépendancejuridique. Est indifférente, à cet égard, la circonstance que l'activitééconomique de location de véhicules ne fait l'objet d'aucune publicité ous'adresse principalement, voire exclusivement, aux clients de l'assujetti.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'activité de la demanderesseconsiste en une activité de garagiste, vente de véhicules neufs oud'occasion, travaux de mécanique et de carrosserie. Il n'est pas davantagecontesté que, dans le cadre de cette activité économique, elle pratique lalocation de voitures automobiles, ainsi qu'il ressort de ses statuts selonlesquels son activité économique comprend non seulement la vente devéhicules mais aussi « la location de véhicules à moteur avec ou sanschauffeur ». Il n'est pas non plus contesté que cette activité de locationde véhicules a généré un chiffre d'affaires de, respectivement, 753.890anciens francs belges pour l'année 1999 et 905.478 anciens francs belgespour l'année 2000, 339 factures et 365 factures ayant été respectivementdélivrées avec perception de la taxe en 1999 et 2000, toutes constatationsreprises dans les conclusions d'appel de la demanderesse, ces mêmeschiffres étant repris des conclusions d'appel du défendeur et l'arrêtattaqué constatant lui-même, que la demanderesse offre des véhicules enlocation à ses clients qui apportent leurs véhicules à l'entretien ou envue d'y faire effectuer des réparations.

Il s'ensuit que l'arrêt attaqué qui décide, pour accueillir l'appel dudéfendeur, réformer le jugement entrepris, dire pour droit que lacontrainte est bonne et valable, peut sortir ses pleins et entiers effetset peut être recouvrée, que la demanderesse n'exerçait pas une activitééconomique spécifique de location de voitures automobiles au sens del'article 45, § 2, alinéa 2, a), du Code de la T.V.A., au motif que cetteactivité de location de véhicules n'est pas offerte au grand public maisexercée au bénéfice de ses seuls clients apportant leurs véhicules àl'entretien ou en vue d'y faire effectuer des réparations, ne justifie paslégalement sa décision et viole l'article 45, spécialement § 2, alinéa 2,a), du Code de la T.V.A. dans la mesure où l'existence d'une activitééconomique spécifique de location de véhicules n'implique pasnécessairement qu'il s'agit d'une activité de location de voituresoffertes au grand public.

III. La décision de la Cour

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 45, alinéa 2, a), du Code de la taxe sur la valeurajoutée, tel qu'il est applicable en l'espèce, la limitation à 50 p.c. dela déduction des taxes sur la valeur ajoutée qui ont été acquittées n'estpas applicable aux assujettis qui exercent une activité économiquespécifique consistant dans la vente ou la location de voituresautomobiles.

Cette activité doit consister en la livraison de biens et de serviceseffectuée de manière habituelle et indépendante.

L'arrêt constate que l'activité de location de véhicules exercée par lademanderesse n'est pas offerte « au grand public mais seulement à sesclients qui apportent leurs véhicules à l'entretien ou en vue d'y faireeffectuer des réparations ».

Sur la base de ces seules constatations, l'arrêt ne décide pas légalementque la demanderesse n'exerçait pas une activité spécifique de location devoitures, qui l'eût autorisée à déduire intégralement les taxes visées àl'article 45 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner la première branche du moyen, qui ne sauraitentraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il dit pour droit que « la contrainte estbonne et valable, peut sortir ses pleins et entiers effets et peut êtrerecouvrée » et qu'il statue sur les dépens ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtpartiellement cassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batselé, Albert Fettweis, Christine Matray et Martine Regout, etprononcé en audience publique du trente novembre deux mille sept par leprésident de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat généralAndré Henkes, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

30 NOVEMBRE 2007 F.06.0062.F/1



Analyses

TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE


Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 30/11/2007
Date de l'import : 31/08/2018

Numérotation
Numéro d'arrêt : F.06.0062.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-11-30;f.06.0062.f ?
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