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21/12/2007 | BELGIQUE | N°C.06.0457.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 décembre 2007, C.06.0457.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0457.F

1. GARAGE HERBOSCH-LA LOUVIERE, societe anonyme dont le siege social estetabli à La Louviere, rue de Baume, 23,

2. HERBOSCH SAINT-GHISLAIN - TOURNAI, societe anonyme dont le siegesocial est etabli à Saint-Ghislain, rue de la Rivierette, 180,

demanderesses en cassation,

representees par Maitre Philippe Gerard, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il estfait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des

Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

repre...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0457.F

1. GARAGE HERBOSCH-LA LOUVIERE, societe anonyme dont le siege social estetabli à La Louviere, rue de Baume, 23,

2. HERBOSCH SAINT-GHISLAIN - TOURNAI, societe anonyme dont le siegesocial est etabli à Saint-Ghislain, rue de la Rivierette, 180,

demanderesses en cassation,

representees par Maitre Philippe Gerard, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il estfait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 avril 2005par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

Les demanderesses presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 10 et 11 de la Constitution ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- principe general du droit consacrant l'effet declaratif des decisions envalidite rendues par les juridictions supremes specialisees, suivantlequel les dispositions legales declarees contraires à des normessuperieures meconnaissent ces normes superieures depuis leur entree envigueur, principe consacre notamment par les articles 8, alinea 2, et 26,S: 2, alinea 2, 2DEG, de la loi speciale du 6 janvier 1989 sur la Courd'arbitrage ;

- pour autant que de besoin, articles 8, alinea 2, et 26, S: 2, alinea 2,2DEG, de la loi speciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Decisions et motifs critiques

L'arret dit la demande originaire des demanderesses non fondee et les endeboute, pour la periode anterieure au 9 mars 2002, date de la publicationde l'arret nDEG 162/2001 de la Cour d'arbitrage, aux motifs que :

« la saisie litigieuse a ete operee en vertu de l'article 222 de la loigenerale sur les douanes et accises ;

par un arret du 19 decembre 2001, publie au Moniteur belge du 9 mars 2002,la Cour d'arbitrage a dit que cette disposition, qui impose laconfiscation des moyens de transport employes à la fraude ou mis en usageà cet effet, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce(qu'elle) ne permet pas au proprietaire d'etablir qu'il est etranger àl'infraction et d'obtenir la restitution de son bien ;

(les demanderesses) sont etrangeres à l'action publique mise en mouvementpar (le defendeur) ;

(...)

la saisie prevue par l'article 222 de la loi generale sur les douanes etassises presente un caractere obligatoire ;

(les demanderesses) ont succombe dans leur procedure intentee sur pied del'article 1514 du Code judiciaire, suivant un jugement du juge des saisiesdu 13 novembre 1997, confirme par un arret rendu par la cour [d'appel]autrement composee le 20 septembre 2001 ;

l'administration des douanes et accises n'a bien evidemment pas pourmission d'exercer le controle de la constitutionnalite des lois ;

aucune faute ne peut etre reprochee (au defendeur) en ce qui concerne laperiode anterieure à la publication de l'arret precite de la Courd'arbitrage ;

en revanche, le maintien de la saisie apres la publication dudit arret estfautif ;

(le defendeur) qui a mis l'action publique en mouvement ne pouvait ignorerle fait que (les demanderesses) etaient etrangeres à la fraude ;

il devait des lors, des la publication de l'arret de la Cour d'arbitrage,prendre de maniere unilaterale et sans reserve l'initiative de lever lasaisie ».

Griefs

L'Etat est, comme les citoyens, soumis aux regles de droit et notamment àcelle, prevue par les articles 1382 et 1383 du Code civil, qui consacrel'obligation de reparer le dommage cause à autrui par sa faute.

La faute de l'autorite administrative, pouvant sur la base des articles1382 et 1383 du Code civil engager sa responsabilite, consiste en uncomportement qui, soit s'analyse en une erreur de conduite devant etreappreciee suivant le critere de l'autorite normalement soigneuse etprudente, placee dans les memes conditions, soit, sous reserve d'uneerreur invincible ou d'une autre cause de justification, viole une normede droit national ou un traite international ayant des effets dans l'ordrejuridique interne, imposant à cette autorite de s'abstenir ou d'agird'une maniere determinee.

Les articles 10 et 11 de la Constitution imposent à l'autoriteadministrative de s'abstenir de creer toute forme de discrimination.

Ils lui imposent par consequent de ne pas ordonner ou maintenir une saisiequi, suivant l'article 222 de la loi generale sur les douanes et accises(en abrege : L.G.D.A.), ne permet pas au proprietaire du bien saisi derecuperer celui-ci en etablissant qu'il est etranger aux faits qui ontdonne lieu à la saisie. Telle est la conclusion qui decoule de l'arretnDEG 162/2001 prononce le 19 decembre 2001 par la Cour d'arbitrage, parlequel la Cour a declare le caractere inconstitutionnel de l'article 222de la L.G.D.A.

Sous reserve de l'existence d'une erreur invincible ou d'une autre causede justification, l'autorite administrative commet des lors une fautelorsqu'elle ordonne et maintient une telle saisie.

En vertu du principe general du droit suivant lequel les arretsprejudiciels prononces par la Cour [constitutionnelle] ont un effetdeclaratif, principe consacre par l'article 8, alinea 2, de la loispeciale du 6 janvier 1989 en ce qui concerne les arrets d'annulation etpar l'article 26, S: 2, alinea 2, 2DEG, de la meme loi en ce qui concernetant les arrets d'annulation que les arrets prejudiciels, les dispositionslegales qui ont ete declarees contraires aux articles 10 et 11 de laConstitution par un arret de cette cour meconnaissent ces dispositions, etce depuis leur entree en vigueur.

Il resulte de la combinaison de ces dispositions et principes qu'unesaisie pratiquee et maintenue sur pied de l'article 222 de la L.G.D.A. estconstitutive de faute, meme si elle est intervenue avant la publication del'arret de la Cour [constitutionnelle] constatant l'inconstitutionnalitede cet article.

En decidant que le defendeur n'a pas commis de faute en ordonnant etmaintenant une saisie sur la base de l'article 222 de la L.G.D.A. pour laperiode anterieure à la publication de l'arret de la Cour d'arbitrage du19 decembre 2001 declarant cette disposition contraire aux articles 10 et11 de la Constitution, sans constater l'existence d'une erreur invincibleou d'une autre cause de justification, l'arret viole les articles 1382 et1383 du Code civil, le principe general du droit de l'effet declaratif desdecisions en validite des juridictions supremes specialisees ainsi que,pour autant que de besoin, les articles 8, alinea 2, et 26, S: 2, alinea2, 2DEG, de la loi speciale du 6 janvier 1989 qui le consacrent.

Par voie de consequence, il meconnait egalement les articles 10 et 11 dela Constitution.

III. La decision de la Cour

La faute de l'autorite administrative, pouvant sur la base des articles1382 et 1383 du Code civil engager sa responsabilite, consiste en uncomportement qui, ou bien s'analyse en une erreur de conduite devant etreappreciee suivant le critere de l'autorite normalement soigneuse etprudente, placee dans les memes conditions, ou bien, sous reserve d'uneerreur invincible ou d'une autre cause de justification, viole une normede droit national ou d'un traite international ayant des effets dansl'ordre juridique interne, imposant à cette autorite de s'abstenir oud'agir d'une maniere determinee.

L'arret constate que le defendeur a, en vertu de l'article 222 de la loigenerale sur les douanes et accises, saisi un camion employe à la fraudeou mis en usage à cet effet, appartenant aux demanderesses, qui etaientetrangeres à cet usage.

Par un arret nDEG 162/2001 du 9 mars 2002, la Cour constitutionnelle a ditque la disposition precitee, qui impose la confiscation des moyens detransport employes à la fraude ou mis en usage à cet effet, viole lesarticles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il ne permet pas auproprietaire d'etablir qu'il est etranger à l'infraction et d'obtenir larestitution de son bien.

L'arret decide qu'il ne peut etre impute à faute au defendeur d'avoirapplique l'article 222 precite avant la publication dudit arret auMoniteur belge du 9 mars 2002 au motif que l'administration des douanes etaccises « n'a bien evidemment pas pour mission de controler laconstitutionnalite des lois ».

L'arret, qui considere ainsi que la violation de la Constitution n'est pasfautive des lors qu'elle trouve sa justification dans l'application d'uneloi n'ayant fait l'objet d'aucun constat d'inconstitutionnalite nid'aucune invalidation par la Cour constitutionnelle, justifie legalementsa decision.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demanderesses aux depens.

Les depens taxes à la somme de sept cent vingt-cinq euros septante-deuxcentimes envers les parties demanderesses et à la somme de trois centdeux euros septante-cinq centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Albert Fettweis, Christine Matray et Sylviane Velu, et prononce enaudience publique du vingt et un decembre deux mille sept par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avecl'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

21 DECEMBRE 2007 C.06.0457.F/1



Analyses

RESPONSABILITE HORS CONTRAT - FAIT - Faute


Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 21/12/2007
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.06.0457.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-12-21;c.06.0457.f ?
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