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18/01/2008 | BELGIQUE | N°C.06.0328.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 janvier 2008, C.06.0328.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0328.F

S. F.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Ixelles, rue Vilain XIIII, 17, ou il est faitelection de domicile,

contre

M. F.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Cecile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige c

ontre l'arret rendu le 13 janvier 2006par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Albert Fettweis a fait rapport.

L...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0328.F

S. F.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Ixelles, rue Vilain XIIII, 17, ou il est faitelection de domicile,

contre

M. F.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Cecile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 13 janvier 2006par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Albert Fettweis a fait rapport.

L'avocat general delegue Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

Articles 807, 808 et 1042 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

Les juges d'appel etaient saisis, par le demandeur, de conclusions auxtermes desquelles il rappelait, en substance, que, dans ses conclusionsd'appel, la defenderesse sollicite, en tout etat de cause et quelle quesoit la periode delictuelle finalement retenue, la condamnation dudemandeur à lui payer des dommages et interets d'un montant de 75.000euros (montant porte ulterieurement à 125.000 euros) et soutenait que,tant en premiere instance qu'en degre d'appel, la defenderesse n'esttoutefois pas autorisee à modifier ou etendre sa demande en se fondantsur des faits autres que ceux vises en citation, dans la mesure oul'article 807 du Code judiciaire impose, pour une extension oumodification de la demande, qu'elle soit fondee sur des faits ou actesinvoques en citation, ce qui n'est pas le cas des relations entretenuespar les parties alors que la defenderesse avait plus de 16 ans et dont iln'est pas question en citation. Le demandeur en concluait qu'en modifiant,pour l'etendre, l'objet de sa demande, la defenderesse modifie aussi lacause de sa demande (c'est-à-dire l'ensemble des faits qui fondent lademande) puisqu'elle se fonde sur des faits qui ne sont pas invoques encitation, de sorte que son extension de demande ne repond pas auxconditions de l'article 807 du Code judiciaire et, partant, n'est pasrecevable.

Pour rejeter l'appel principal du demandeur, confirmer le jugement dontappel sous l'emendation que le montant de la condamnation du demandeur estporte à 12.500 euros à majorer des interets au taux legal depuis lacitation et à 3.500 euros pour les frais de defense de la defenderesse,l'arret decide neanmoins que :

« (Le demandeur) pretend à tort que le premier juge aurait statue ultrapetita en retenant une autre periode infractionnelle pour les faitsd'attentats à la pudeur et les faits de viols que celle visee dans lacitation originaire.

Il est etabli que la periode infractionnelle visee dans la citation, entre10 et 15 ans, a ete etendue posterieurement à l'age de 16 ans dans lesconclusions deposees devant le tribunal, (la defenderesse) demandantl'audition de temoins sur ce point.

L'extension de la demande sur la base de l'article 807 du Code judiciaireest parfaitement recevable s'agissant de faits et d'actes invoques dans lacitation qui se deroulent à une epoque differente. L'article 807 du Codejudiciaire, qui doit etre interprete de maniere souple, autorisel'introduction de demandes differentes de la demande initiale, à laquelleelles s'ajoutent ou se substituent. La precision d'une periode plus exactedurant laquelle se deroulent des faits decrits dans la demande originaire,est virtuellement comprise dans la citation. En decidant que les relationssexuelles posterieures à l'age de 16 ans n'etaient pas valablementconsenties, le premier juge n'a pas statue ultra petita et a fait unejuste application de l'article 807 du Code judiciaire ».

Griefs

Selon l'article 807 du Code judiciaire, la demande dont le juge est saisipeut etre etendue ou modifiee, si les conclusions nouvelles,contradictoirement prises, sont fondees sur un fait ou un acte invoquedans la citation, meme si leur qualification juridique est differente.L'article 808 du meme code precise, quant à lui, qu'en tout etat decause, meme par defaut, les parties peuvent reclamer les interets, lesarrerages, loyers et tous accessoires dus ou echus depuis l'introductionde la demande et meme les augmentations ou dommages-interetsulterieurement justifies, sans prejudice des sommes dues en compensation.

Ces deux dispositions sont egalement applicables en degre d'appel, envertu de l'article 1042 du Code judiciaire : qu'elle soit formee enpremiere instance ou pour la premiere fois en degre d'appel, lamodification ou l'extension de la demande doit etre fondee sur un fait ouacte invoque dans la citation.

Partant, une demande nouvelle par changement, modification ou extension del'objet de la demande originaire n'est autorisee que si elle a la memecause que la demande initiale, c'est-à-dire si elle se fonde sur un faitou un acte invoque dans la citation. S'il n'est pas requis que la demandenouvelle se fonde exclusivement sur le fait ou l'acte invoque dans lacitation, le fait invoque initialement doit etre la cause de la demandenouvelle.

En l'espece, la defenderesse avanc,ait, en termes de citation,qu' « alors qu'elle avait 10 ans en 1976, (le demandeur), beau-frere de(la defenderesse), a viole cette derniere pendant une periode de quatreans, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elle atteigne l'age de 15 ans »,c'est-à-dire jusqu'au 30 septembre 1981. Du reste, dans ses conclusionsadditionnelles d'appel, elle admet qu' « il est exact que dans lacitation (la defenderesse) a vise des faits qu'elle situe alors qu'elleavait entre 10 et 15 ans », precisant encore, dans ses conclusions desynthese du 27 octobre 2005 qu'« en invoquant dans sa citation des faitsse deroulant alors qu'elle avait entre 10 et 15 ans, la (defenderesse)avait simplement precise la date des faits reproches et à supposer qu'ils'agisse d'une demande nouvelle ou d'une extension de sa demande, cettefac,on de proceder etait tout à fait licite et permise par l'article 807du Code judiciaire ».

En d'autres termes, la defenderesse ne visait, en citation, comme cause desa demande, que des faits qui se seraient passes alors qu'elle avait entre10 et 15 ans, faits qui ne peuvent etre confondus avec les relationssexuelles entretenues par les parties alors que la defenderesse avait plusde 16 ans. Pour l'application de l'article 807 du Code judiciaire, ils'agit de faits differents dans la mesure ou des faits de meme nature,mais se deroulant à des epoques differentes, n'en constituent pas moinsdes faits differents. Partant, les relations sexuelles entretenues entreparties alors que la defenderesse avait 16 ans revolus ne constituent pasles memes faits que ceux vises en citation et ne peuvent pas davantageetre consideres comme « virtuellement compris » dans la citation.

Il s'ensuit que l'arret attaque, qui considere qu'« en decidant que lesrelations sexuelles posterieures à l'age de 16 ans n'etaient pasvalablement consenties, le premier juge n'a pas statue ultra petita et afait une juste application de l'article 807 du Code judiciaire » et que« l'extension de la demande (...) est parfaitement recevable s'agissantde faits et actes invoques dans la citation qui se deroulent à une epoquedifferente », ne justifie pas legalement sa decision et viole lesdispositions legales visees au moyen dans la mesure ou une telle extensionde la demande se fonde sur d'autres faits ou actes qui n'etaient pasinvoques dans la citation (violation de l'ensemble des dispositionslegales visees au moyen). Il viole encore l'ensemble des dispositionslegales visees au moyen et ne justifie pas davantage sa decision deconsiderer que l'extension de demande etait recevable, dans la mesure ouune telle extension de la periode infractionnelle, posterieurement aux 16ans de la defenderesse, ne constitue pas davantage la precision de laperiode plus exacte durant laquelle les faits decrits dans la demandeoriginaire se sont deroules, mais l'ajout d'autres faits, differents deceux invoques en citation et situes hors de la periode initialementinvoquee, ce qui exclut que ces faits posterieurs à l'age de 16 anssoient virtuellement compris dans les faits initialement limites à laperiode invoquee en citation, c'est-à-dire alors que la defenderesseavait 10 ans et jusqu'à ce qu'elle atteigne l'age de 15 ans (violation del'ensemble des dispositions legales visees au moyen).

III. La decision de la Cour

L'article 807 du Code judiciaire dispose que la demande dont le juge estsaisi peut etre etendue ou modifiee, si les conclusions nouvelles,contradictoirement prises, sont fondees sur un fait ou un acte invoquedans la citation, meme si leur qualification juridique est differente.

Cette disposition est, en vertu de l'article 1042 du Code judiciaire,applicable en degre d'appel.

Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que :

- par citation du 11 fevrier 2002, la defenderesse a fait valoir qu'elleavait ete violee par le demandeur, son beau-frere, pendant une periode dequatre ans, à partir de l'age de dix ans jusqu'à ses quinze ans, et areclame que le demandeur soit condamne à lui verser 3.000.000 francs ou74.368,06 euros à titre d'indemnisation ;

- dans ses conclusions de premiere instance, la defenderesse a soutenu quela periode pendant laquelle elle avait subi des viols et attentats à lapudeur de la part du demandeur s'etait etendue posterieurement à sesseize ans jusqu'au printemps 1984 et, dans ses conclusions d'appel, elle aporte sa demande à 125.000 euros.

En considerant que « l'extension de la demande sur la base de l'article807 du Code judiciaire est parfaitement recevable s'agissant de faits etd'actes invoques dans la citation qui se deroulent à une epoquedifferente » au motif que « la precision d'une periode plus exactedurant laquelle se deroulent des faits decrits dans la demande originaireest virtuellement comprise dans la citation », la cour d'appel n'a violeaucune des dispositions legales visees au moyen.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de sept cent cinq euros soixante-deuxcentimes envers la partie demanderesse et à la somme de trois cent deuxeuros septante-cinq centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Albert Fettweis, Daniel Plas et Sylviane Velu, et prononce en audiencepublique du dix-huit janvier deux mille huit par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general delegue Philippe de Koster, avecl'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

18 JANVIER 2008 C.06.0328.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.06.0328.F
Date de la décision : 18/01/2008

Analyses

DEMANDE NOUVELLE


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-01-18;c.06.0328.f ?
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