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14/03/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0208.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 mars 2008, C.07.0208.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0208.F

SNCB HOLDING, anciennement dénommée Société Nationale des Chemins de ferBelges, société anonyme de droit public dont le siège social est établi àSaint-Gilles, rue de France, 85,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est établi à Bruxelles, rue de Loxum, 25, où il est fait électionde domicile,

contre

INTERCOMMUNALE D'ELECTRICITE DU HAINAUT, société civile dont le siègesocial est établi à Charleroi, Hôte

l de Ville,

défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0208.F

SNCB HOLDING, anciennement dénommée Société Nationale des Chemins de ferBelges, société anonyme de droit public dont le siège social est établi àSaint-Gilles, rue de France, 85,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est établi à Bruxelles, rue de Loxum, 25, où il est fait électionde domicile,

contre

INTERCOMMUNALE D'ELECTRICITE DU HAINAUT, société civile dont le siègesocial est établi à Charleroi, Hôtel de Ville,

défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 30 novembre2006 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Didier Batselé a fait rapport.

L'avocat général André Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 149 de la Constitution ;

- article 13, alinéa 3, de la loi du 10 mars 1925 sur les distributionsd'énergie électrique.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt déclare l'appel de la demanderesse non fondé et confirme enconséquence le jugement du premier juge qui avait condamné la demanderesseà payer à la défenderesse la somme de 1.603.029 francs belges, outre lesintérêts moratoires depuis le 21 novembre 1997 et les intérêtsjudiciaires, sur la base des motifs suivants :

« La loi précise donc que seuls l'Etat, (actuellement aussi les régions etles communautés), les provinces et les communes, peuvent, sur leursterritoires respectifs, imposer des déplacements et, le cas échéant, enfaire supporter le coût par l'entreprise qui a établi l'installation.

Or, la S.N.C.B., personne morale de droit public, créée en vertu de la loidu 23 juillet 1926 a une personnalité juridique distincte de celle del'Etat, tandis qu'à l'époque où l'ordre a été donné, à savoir le 5décembre 1991, elle n'était nullement subrogée dans les droits de l'Etatpour exercer les prérogatives revenant à ce dernier, notamment dans lecadre de l'article 13, alinéa 3, de la loi du 10 mars 1925 précitée(article 4 de la loi précitée, dans sa version applicable jusqu'au 14octobre 1992).

La S.N.C.B. était donc sans droit pour ordonner le déplacement de câbles,à les supposer situés sur le domaine de l'Etat.

Elle n'avait, a fortiori, pas qualité pour donner l'ordre de déplacer descâbles situés sur le domaine d'une autre autorité publique, telle que lacommune de La Louvière.

Il ressort en effet des pièces soumises à la cour [d'appel] que ce n'estpas en raison d'une modification apportée à la voie ferrée à l'endroit oùse trouvaient les câbles d'électricité de l'I.E.H. que ceux-ci ont dû êtredéplacés : la cause du déplacement était la présence desditescanalisations sous une voirie communale dont l'assiette a été modifiée(mise en pente pour amener celle-ci sous le pont construit par laS.N.C.B.).

L'arrêté royal qui a déclaré les travaux d'utilité publique n'a pas puavoir pour objet, ni pour effet, d'autoriser la S.N.C.B., gestionnaire dela voie ferrée, domaine de l'Etat belge, à donner un ordre de déplacer desinstallations électriques situées sur ce domaine ou sur le domaine de lacommune de La Louvière, ni partant d'en faire supporter le coût parl'entreprise qui les avaient installées.

Enfin, c'est en vain que la S.N.C.B. soutient que la ville de La Louvièreaurait elle-même donné l'ordre de déplacer des installations litigieusesaux frais de l'I.E.H., de sorte que cette dernière devrait poursuivre leremboursement de sa créance à charge de la commune.

La lecture de la lettre de la commune de La Louvière du 19 mars 1992contredit expressément cette affirmation (`Nous avons l'honneur de vousfaire savoir que la S.N.C.B. vous invite à déplacer les câbles oucanalisations dont vous assurez la gestion dans les directives qu'ellevous communiquera...') ».

Griefs

Première branche

Après avoir rappelé les quatre hypothèses dans lesquelles les frais dedéplacement des câbles sont à charge de l'entreprise qui a établil'installation, dont lorsque le déplacement « trouve sa cause dansl'intérêt de la voirie », la demanderesse a invoqué que « la condition delocalisation des conduites d'électricité sur le domaine de l'autorité quiimpose le déplacement, comme préalable à l'application des quatre autresconditions précitées, n'existe nulle part dans la loi de 1925 », que «l'article 13, alinéa 3, prévoit, expressis verbis, qu'en tout cas, surleur domaine respectif, l'Etat, les provinces, les communes ont le droitd'imposer un déplacement » et que « cette disposition vise donc le pouvoird'enjoindre un déplacement mais non la prise en charge des coûts, questionréglée par la suite de l'alinéa ».

La demanderesse a ajouté qu'en l'espèce « dès lors que les travaux ont étédéclarés d'utilité publique par arrêté royal (...), (elle) apporte lapreuve - qui n'est pas contestée au demeurant - qu'elle entre dans l'unedes quatre conditions prévues par l'article 13, alinéa 3, précité, desorte que les frais de déplacement des câbles électriques sont légalementà charge du concessionnaire, indépendamment du fait de savoir si lescâbles se trouvent ou non sous (son) domaine ».

L'arrêt ne répond pas audit moyen de la demanderesse invoqué à titresubsidiaire, c'est-à-dire dans l'hypothèse où il serait estimé qu'ellen'avait pas la qualité ou la compétence pour ordonner ledit déplacement decâbles, et qui tendait à soutenir que la charge des frais incombe à ladéfenderesse si l'on se trouve dans l'une des quatre hypothèses del'article 13, alinéa 3, de la loi, et ce « indépendamment du fait desavoir si les câbles se trouvent ou non sous (le) domaine (de la cliente)» et donc indépendamment de la question de la qualité ou de la compétenceprécitée pour pouvoir ordonner le déplacement de câbles.

Il ressort de ces considérations que l'arrêt n'est pas régulièrementmotivé et viole en conséquence l'article 149 de la Constitution.

Seconde branche

1. L'article 13 de la loi du 10 mars 1925 sur les distributions d'énergieélectrique dispose ce qui suit :

« L'Etat, les provinces, les communes, les associations de communes, demême que les concessionnaires de distributions publiques et les titulairesde permissions de voirie, ont le droit d'exécuter sur ou sous les places,routes, sentiers, cours d'eau et canaux faisant partie du domaine publicde l'Etat, des provinces et des communes, tous les travaux que comportentl'établissement et l'entretien en bon état des lignes aériennes ousouterraines, à condition toutefois de se conformer aux lois et auxrèglements, ainsi qu'aux dispositions spécialement prévues à cet effet,soit dans les décisions administratives, soit dans les actes de concessionou de permission.

Lorsque l'intérêt de la défense nationale l'exige, le gouvernement a ledroit de faire modifier les dispositions ou le tracé d'une installationainsi que les ouvrages qui s'y rapportent. Les frais des travaux sont àcharge de l'entreprise qui a établi l'installation.

L'Etat, les provinces et les communes ont, en tout cas, sur leur domainerespectif, le droit de faire modifier ultérieurement les dispositions oule tracé d'une installation, ainsi que les ouvrages qui s'y rapportent. Siles modifications sont imposées, soit pour un motif de sécurité publique,soit pour préserver la beauté d'un site, soit dans l'intérêt de la voirie,des cours d'eau, des canaux ou d'un service public, soit comme conséquencedes changements apportés par les riverains aux accès des propriétés enbordure des voies empruntées, les frais de travaux sont à charge del'entreprise qui a établi l'installation ; dans les autres cas, ils sont àcharge de l'autorité qui impose les modifications. Celle-ci peut exiger undevis préalable et, en cas de désaccord, procéder elle-même à l'exécutiondes travaux (...) ».

2. En rejetant l'appel de la demanderesse comme étant « non fondé »,l'arrêt adopte un raisonnement qui, en ce qui concerne la question de lacharge des frais de déplacement des câbles et la question de la nécessitéde remplir ou non, en sus de la satisfaction d'une des quatre hypothèsesprévues à l'alinéa 3 de l'article 13 de la loi - laquelle satisfaction n'apas été contestée par la défenderesse -, la condition que le déplacementdes câbles ait lieu sur le domaine de celui qui l'ordonne, consisteimplicitement mais certainement à exiger la réunion des deux conditions.

3. Or, il ressort d'une doctrine que « le texte même de l'article 13 de laloi du 10 mars 1925 - et des dispositions analogues dans les lois de 1938et de 1965 - (impose) de distinguer entre, d'une part, le pouvoir d'exigerla modification d'installations, pouvoir qui n'appartient qu'au pouvoirpublic sur le domaine duquel la modification doit s'effectuer, d'autrepart, la charge des frais, qui incombe en toute hypothèse à l'exploitantdès le moment où la fin de cette modification est par exemple l'intérêt dela voirie » (M.A. Flamme, « De la rencontre de canalisations et de câblesau cours de travaux publics », J.T., 1966, p. 110 et s., spéc. note infran° 85).

La Cour a déjà eu l'occasion de préciser à propos de l'article 13, alinéa3, précité qu'il s'agit pour les personnes morales de droit publicidentifiées d'un « droit de faire modifier » les dispositions ou le tracéd'une installation et d'exécuter les travaux qui s'y rapportent (Cass., 27mai 2002, C.000378.N) et que « cette disposition ne comporte pas d'ordreadressé au distributeur d'énergie électrique de déplacer ces installationsmais uniquement l'aspect financier du déplacement des installations » (v.conclusions conformes de l'avocat général De Raeve précédant cet arrêt).Elle ne semble pas toutefois s'être exprimée à cette occasion quant à laproblématique soulevée par la présente branche. Le problème examiné danscet arrêt était en effet celui de la qualification d'infraction ou nond'un défaut de paiement des frais de déplacement et celui du régime deprescription de l'action en remboursement de frais avancés à l'encontre del'entreprise qui a établi l'installation, qui en résulte.

4. II résulte de ces considérations qu'en ce qu'il décide implicitementmais certainement que les frais de déplacement des câbles électriques sontà charge de l'entreprise qui a établi l'installation à la double conditionque l'auteur de l'ordre de déplacement des câbles ait la qualité oucompétence pour ce faire - condition qui exige que le déplacement decâbles ait lieu sur le domaine de celui qui l'ordonne - et que l'une desquatre hypothèses visées à l'article 13, alinéa 3, de la loi soit remplie,alors que seule cette dernière exigence doit entrer en ligne de comptepour la question de la prise en charge desdits frais, l'arrêt violel'article 13, alinéa 3, de la loi du 10 mars 1925.

III. La décision de la Cour

Quant à la première branche :

L'arrêt, qui considère que la loi du 10 mars 1925 sur les distributionsd'énergie électrique précise que « seuls l'Etat (actuellement aussi lesrégions et les communautés), les provinces et les communes peuvent, surleurs territoires respectifs, imposer des déplacements et, le cas échéant,en faire supporter le coût par l'entreprise qui a établi l'installation »et que la demanderesse était dès lors sans droit pour ordonner ledéplacement de câbles situés sur le domaine de l'Etat ou d'une autreautorité publique, n'était pas tenu de répondre aux conclusions de lademanderesse soutenant que la charge des frais de déplacement descanalisations incombait à la défenderesse dès lors que l'une des quatrehypothèses de l'article 13, alinéa 3, de ladite loi s'appliquait et ceindépendamment du fait de savoir si les câbles se trouvaient ou non sousle domaine de la demanderesse.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 13, alinéa 3, de la loi du 10 mars 1925, seulsl'Etat, les provinces et les communes ont, en tout cas, sur leur domainerespectif, le droit de faire modifier ultérieurement les dispositions oule tracé d'une installation, ainsi que les ouvrages qui s'y rapportent.

Le moyen qui, en cette branche, soutient que les frais des travaux dedéplacement des câbles sont à charge de l'entreprise qui a établil'installation dès que l'une des quatre hypothèses visées à l'article 13,alinéa 3, précité est remplie, quelle que soit la compétence ou la qualitéde l'auteur de l'ordre de déplacement, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de cinq cent vingt et un euros vingt-septcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batselé, Albert Fettweis, Daniel Plas et Martine Regout, etprononcé en audience publique du quatorze mars deux mille huit par leprésident de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat généralAndré Henkes, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

14 MARS 2008 C.07.0208.F/1



Analyses

ENERGIE


Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 14/03/2008
Date de l'import : 31/08/2018

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.07.0208.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-03-14;c.07.0208.f ?
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