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09/05/2008 | BELGIQUE | N°C.06.0641.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 mai 2008, C.06.0641.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0641.F

PRAYON, societe anonyme dont le siege social est etabli à Engis, rueJoseph Wauters, 144,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Philippe Gerard, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il estfait election de domicile,

contre

1. LENTJES BELGIE, anciennement denommee Lurgi Benelux, societe anonymedont le siege social est etabli à Schoten, Korte Braamstraat, 37,

2. OUTOKUMPU TECHNOLOGY, GmbH, societe de droit allemand don

t le siegeest etabli à 61440 Oberursel (Allemagne), Ludwig-Erhardstrasse, 21,

defenderesses en cas...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0641.F

PRAYON, societe anonyme dont le siege social est etabli à Engis, rueJoseph Wauters, 144,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Philippe Gerard, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il estfait election de domicile,

contre

1. LENTJES BELGIE, anciennement denommee Lurgi Benelux, societe anonymedont le siege social est etabli à Schoten, Korte Braamstraat, 37,

2. OUTOKUMPU TECHNOLOGY, GmbH, societe de droit allemand dont le siegeest etabli à 61440 Oberursel (Allemagne), Ludwig-Erhardstrasse, 21,

defenderesses en cassation,

representees par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 19 janvier2006 et 20 juin 2006 par la cour d'appel de Liege.

Le president de section Claude Parmentier a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente trois moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- principe general du droit de la stricte interpretation de larenonciation, en vertu duquel la renonciation à un droit ne se presumepas et ne peut se deduire que de faits qui ne sont susceptibles d'aucuneautre interpretation.

Decision et motifs critiques

Apres avoir constate que « suivant contrat avenu entre parties en 1991,(la premiere defenderesse) a fourni à la (demanderesse) en 1993 unepartie d'installation de production d'acide sulfurique » ; que lademanderesse a ete informee par lettre du 20 mars 1995 de l'accord conclule 1er mars 1995 entre la premiere defenderesse et « sa maison mere, (laseconde defenderesse), aux termes duquel (la seconde defenderesse) reprendl'ensemble des droits et obligations de (la premiere defenderesse)concernant le contrat conclu avec (la demanderesse) » ; que « le litigesurvient le 20 fevrier 1999 lorsqu'un tube du faisceau tubulaire dereserve se brise, ce qui entraine une dilution tres importante de l'acideà haute temperature dans la chaudiere et provoque d'importants degats etl'arret de l'installation ; (que) le 4 mars (1999), (la demanderesse)s'adresse à la (seconde defenderesse) et lui indique qu'elle considereque 'sa responsabilite est engagee, etant donne le fait que le faisceauetait manifestement mal conc,u ou mal fabrique' »,

l'arret du 19 janvier 2006 decide que l'action de la demanderesse tendantà obtenir des deux defenderesses la reparation du prejudice subi, n'estpas fondee à l'encontre de la premiere defenderesse.

L'arret du 19 janvier 2006 fonde cette decision sur les motifs suivants :

« Il s'agit de savoir si (la demanderesse) a marque son accord sur lacession par (la premiere defenderesse) de ses obligations et dettes à (laseconde defenderesse). Il doit etre repondu affirmativement à cettequestion. Le contrat cede est un contrat commercial conclu entre deuxsocietes commerc,antes entre lesquelles s'applique le regime de la libertede la preuve, lequel vise non seulement l'existence des engagementscommerciaux mais egalement l'extinction des obligations (...). Il importedonc de relever que non seulement (la demanderesse) ne proteste paslorsqu'elle rec,oit la lettre que lui envoie (la premiere defenderesse) le20 mars 1995 mais qu'à partir de ce moment, elle ne correspond plusqu'avec (la seconde defenderesse) à laquelle elle denonce l'incident denovembre 1998 et l'accident plus grave de fevrier 1999. C'est encore à(la seconde defenderesse) que (la demanderesse) ecrit pour l'aviserqu'elle la tient pour responsable du sinistre de fevrier 1999. Il existedes lors des presomptions concordantes qui permettent de considerer que(la demanderesse) a accepte que le debiteur primitif, (la premieredefenderesse), soit decharge purement et simplement de son engagement, (laseconde defenderesse) prenant sa place dans la relation contractuelledemeuree en tous points inchangee ».

Griefs

Premiere branche

Dans ses « conclusions de synthese », prises devant la cour d'appelavant l'arret attaque du 19 janvier 2006, la demanderesse faisait valoir« qu'en mars 1995, les deux (defenderesses) sont convenues entre ellesque (la seconde defenderesse) reprendrait l'ensemble des droits etobligations resultant du contrat signe entre (la demanderesse) et lapremiere (defenderesse), et ce à dater du 1er avril 1995 ; que les(defenderesses) ont informe (la demanderesse) de cet accord ; que lacession d'un contrat synallagmatique s'analyse d'une part en une cessionde creances et d'autre part, en 'une cession' de dettes ; que, toutefois,il n'existe pas, pour les dettes, un mecanisme identique à celui de lacession de creances, permettant à un debiteur la reprise de sesobligations par un tiers en dehors du consentement du creancier (...) ;que seule une convention, aux termes de laquelle le creancier marque sonaccord à la fois sur la substitution d'un debiteur à un autre et sur ladecharge du debiteur initial, permettrait à une cession de dettes deproduire son plein et entier effet (...) ; que l'accord du creancier surces deux elements doit etre certain et sans equivoque ; que l'accord surla substitution de debiteur est favorable au creancier : il a dorenavantdeux debiteurs (...) ; qu'en revanche, l'accord sur la decharge dudebiteur initial restreint les droits du creancier ; qu'en consequence, unaccord tacite de ce dernier ne pourra etre deduit à la legere ; qu'àpartir d'avril 1995, (la demanderesse) s'est adressee principalement à laseconde (defenderesse) ; qu'ainsi, la (demanderesse) a marqueimplicitement son accord sur l'intervention de (la seconde defenderesse) ;que cependant, jamais la (demanderesse) n'a decharge la premiere(defenderesse) de ses obligations, ni expressement, ni tacitement : lefait d'ecrire à la seconde (defenderesse) pour lui signaler l'accident defevrier 1999 ne signifie pas que la (demanderesse) decharge la premiere(defenderesse) de ses obligations; que c'est à bon droit que le jugementa quo considere que l'action dirigee contre (la premiere defenderesse) estrecevable ».

L'arret laisse sans reponse le moyen precite des conclusions de lademanderesse selon lequel son attitude ne s'interpretait pas comme unerenonciation à se prevaloir de ses droits contractuels à l'egard de lapremiere defenderesse, mais comme l'acceptation d'un debiteursupplementaire aux cotes de la premiere defenderesse, ce qui lui etaitfavorable.

L'arret n'est des lors pas regulierement motive et viole l'article 149 dela Constitution.

Seconde branche

L'arret attaque ne constate pas que la renonciation de la demanderesse àses droits contractuels à l'egard de la premiere defenderesse sededuisait de faits, retenus au titre de presomptions, qui ne sont passusceptibles d'une autre interpretation. Specialement, l'arret ne constatepas que l'absence de protestation de la demanderesse lorsqu'elle a rec,ula lettre de la premiere defenderesse du 20 mars 1995 lui annonc,antl'accord conclu le 1er mars 1995 entre les deux defenderesses quant auxdroits et obligations decoulant du contrat conclu avec la demanderesse, nepouvait pas s'expliquer par l'acceptation d'un debiteur supplementaire,comme la demanderesse l'avait fait valoir en conclusions.

L'arret attaque viole des lors le principe general du droit en vertuduquel la renonciation à un droit ne se presume pas et ne peut se deduireque de faits qui ne sont pas susceptibles d'une autre interpretation.

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 1319, 1320, 1322, 1350, 4DEG, 1354, 1356, 1641 et 1648 du Codecivil ;

- articles 5, 440, alinea 2, 848, alinea 1er, 850, 702, 3DEG, et 1138,3DEG, du Code judiciaire;

- principe general du droit, qui trouve application dans l'article 774 duCode judiciaire, en vertu duquel le juge est tenu, tout en respectant lesdroits de la defense, de determiner la norme juridique applicable à lademande portee devant lui et d'appliquer celle-ci.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate les faits suivants : « Suivant contrat avenu entreparties en 1991, (la premiere defenderesse) a fourni à (la demanderesse)en 1993 `une partie d'installation de production d'acide sulfurique'. Ils'agissait pour (la demanderesse) de modifier son unite de productiond'acide sulfurique et d'y ajouter un systeme de recuperation d'energie.Dans la citation introductive d'instance, (la demanderesse) explique que`l'installation a fonctionne correctement jusqu'à la fin de l'annee1998', moment ou sont apparues des fuites d'acide `vers l'exterieur' d'unechaudiere à acide fournie par (la premiere defenderesse), ce qui ajustifie le remplacement du faisceau tubulaire qui se trouvait àl'interieur par le faisceau tubulaire de reserve mis à disposition de (lademanderesse) en 1993 par (la premiere defenderesse) en meme temps quel'installation. Le litige survient le 20 fevrier 1999, lorsqu'un tube dufaisceau tubulaire de reserve se brise, ce qui entraine une dilution tresimportante de l'acide à haute temperature dans la chaudiere et provoqued'importants degats et l'arret de l'installation. Le 4 mars, (lademanderesse) s'adresse à (la seconde defenderesse) et lui indiquequ'elle considere que `sa responsabilite est engagee, etant donne le faitque ce faisceau etait manifestement mal conc,u ou fabrique'. Sans aucunereconnaissance de responsabilite, (la seconde defenderesse) qui considereque ses obligations de garantie liees aux equipements du systeme vapeurbasse pression, y compris le faisceau tubulaire de la chaudiere d'acide,`etaient parfaitement remplies en juillet 1998', accepte neanmoinsd'assister (la demanderesse) dans le cadre de la procedure de reparation(...). (La premiere defenderesse) considere en effet que la cause del'accident de fevrier 1999 doit etre recherchee dans un manqued'entretien, une faute d'utilisation ou encore dans une mauvaisemanipulation du faisceau tubulaire de reserve lors de sa mise en place par(la demanderesse) en novembre 1998. L'action introduite par (lademanderesse) à l'egard de (la premiere defenderesse) (par citation du 9decembre 1999) et de sa maison mere (la seconde defenderesse) (parcitation du 12 avril 2000) tend à obtenir la reparation du prejudice subiqu'elle decrit comme suit, en precisant bien qu'il s'agit d'une evaluationprovisionnelle (...), soit au total 58.957.774 francs ou 1.461.525 euros.(La demanderesse) limite ses pretentions actuelles à l'execution d'unemesure d'instruction ayant pour objet essentiel de `dire si la chaudiereà vapeur ou en particulier le faisceau tubulaire de reserve etaientatteints d'un ou plusieurs vices les rendant impropres à l'usage auquelils etaient destines (et) en particulier (de) dire en quoi l'installationn'etait pas conforme aux dispositions du R.G.P.T. et en particulier auxdispositions specifiques applicables aux generateurs de vapeur introduitespar l'arrete royal du 18 octobre 1991'. (La demanderesse) donne à sonaction un triple fondement. Elle invoque la garantie conventionnelleprevue dans le contrat du 8 octobre 1991, la garantie legale des vicescaches et la non-conformite de l'installation au Reglement general sur laProtection du Travail et aux dispositions prevues par l'arrete royal du 18octobre 1991 relatif aux appareils à vapeur »,

et apres avoir constate que, selon l'accord conclu le 1er mars 1995 entreles deux defenderesses, la seconde defenderesse reprenait l'ensemble desdroits et obligations de la premiere defenderesse concernant la contratconclu avec la demanderesse, ce dont celle-ci a ete informee par lettre du20 mars 2005,

l'arret du 19 janvier 2006 decide que l'action de la demanderesse àl'encontre de la seconde defenderesse, en tant qu'elle est fondee sur lagarantie legale des vices caches, est tardive.

L'arret fonde cette decision sur les motifs suivants :

« Les faits qui soutiennent la demande de reparation du prejudice subisont correctement et completement exposes dans la citation du 9 decembre1999. Toutefois dans cet acte, seul le fondement de la garantieconventionnelle est invoque. Il est certes indique dans les motifs `quemanifestement, le faisceau tubulaire de reserve etait atteint d'un vice lerendant impropre à l'usage auquel il etait destine' et question dans lelibelle de la mesure d'instruction sollicitee de `dire si la chaudiere àvapeur etait atteinte d'un vice la rendant impropre à l'usage durableauquel elle etait destinee (et si) le faisceau tubulaire de reserve etaitatteint d'un vice' mais ces faits en question ne sont abordes que dans lecadre de l'application des articles 3.1.1., 3.1.2., 3.1.8. et 3.2.1. quifigurent sous les rubriques `Garantie generale (mecanique)' et `Garantiesspeciales' du contrat du 8 octobre 1991. (La demanderesse) rappellepertinemment qu'`en vertu de l'article 702, 3DEG, du Code judiciaire,l'exploit de citation doit contenir l'objet et l'expose sommaire desmoyens de la demande' et l'enseignement du professeur Fettweis pour qui`il faut et il suffit que le demandeur expose de maniere succincte etclaire l'objet de son action et les faits qu'il invoque' de maniere telleque la partie citee puisse preparer sa defense en connaissance de cause(...). Il se comprend ainsi que dans leurs premiers ecrits de procedure,(les defenderesses) aient base leur defense exclusivement sur le plan del'execution de leur obligation contractuelle de garantie et soutenu que`(la) bonne execution (de cette obligation les) libere de tout recours dela part de (la demanderesse)' (...). La lecture des conclusions prises par(la demanderesse) le 7 mai 2001 confirme qu'il n'etait pas question dumoyen tire de la garantie legale des vices caches dans la citation du 9decembre 1999 : c'est en effet au titre d'àrgument complementaire' que cefondement est invoque, tout comme `la violation du R.G.P.T.' (...). Laquestion litigieuse est ainsi abordee sous un tout autre jour puisqu'àpartir de ce moment, il n'est plus seulement question de savoir si (lapremiere defenderesse) a execute correctement et completement l'obligationcontractuelle de garantie prevue mais egalement de savoir sil'installation, la chaudiere à acide et le faisceau tubulaire fournis parelle etaient affectes d'un vice grave et cache existant à tout le moinsen germe au jour de la livraison. La necessite de sauvegarder les droitsdu vendeur assigne afin de lui permettre eventuellement d'exercer lui-memeun recours contre son propre vendeur constitue une des raisons du brefdelai (...). S'il devait etre considere que le contrat intervenu entreparties est bien une vente, question qui sera abordee plus loin,l'invocation de ce fondement legal pour la premiere fois plus de deux ansapres le sinistre est tardif ».

Griefs

Premiere branche

Dans ses « conclusions de synthese » prises devant la cour d'appel avantl'arret attaque du 19 janvier 2006, la demanderesse faisait valoir que,par sa citation introductive d'instance du 9 decembre 1999, elle avaitforme son action tant sur la base de la garantie contractuelle que sur labase de la garantie legale des vices caches ; qu'en termes de citation,elle a precise que « manifestement le faisceau tubulaire de reserve etaitatteint d'un vice le rendant impropre à l'usage auquel il etaitdestine » ; « qu'en lisant ces mots, les (defenderesses) ne pouvaientignorer que la (demanderesse) entendait invoquer la garantie legale desvices caches, notamment en raison de la formulation identique à l'article1641 du Code civil ; que le fait d'invoquer, dans une meme citation, lagarantie contractuelle n'a pas pour effet d'exclure l'action en garantiedes vices caches ; que si la (demanderesse) desirait invoquer uniquementla garantie contractuelle, elle n'aurait pas pris soin de parler de vicescaches, ni demander que la mission de l'expert porte sur les vices caches,des lors que la garantie contractuelle couvre tout à la fois les vices,les defauts de conception, le mauvais fonctionnement, les defauts dumateriel, etc. ; qu'en vertu de l'article 702, 3DEG, du Code judiciaire,l'exploit de citation doit contenir l'objet et l'expose sommaire desmoyens de la demande ; qu'il faut et il suffit que le demandeur expose, demaniere succincte et claire `l'objet de son action et les faits qu'ilinvoque', de maniere telle que la partie citee puisse preparer sa defenseen connaissance de cause (...) ; que `pour apprecier la regularite de laredaction de l'exploit en ce qui concerne le libelle des faits invoques etl'objet de la demande, il faut se degager d'une vue formaliste des choses; (que) la loi impose l'indication des elements de fait qui servent defondement à la demande ; (que) c'est au juge qu'il incombe d'appliquer àces faits la norme juridique adequate' (...) ; que d'ailleurs, la cour[d'appel] a juge que les termes `expose des motifs' qui figurent àl'article 702, 3DEG, du Code judiciaire, ne visent pas la norme juridiquemais les elements de fait qui servent de fondement à la demande (...);qu'il resulte de ce qui precede que la (demanderesse) n'avait aucuneobligation de citer l'article 1641 du Code civil ».

L'arret du 19 janvier 2006 ne repond pas au moyen precite des conclusionsde la demanderesse en tant que celle-ci exposait que les termes utilisesdans la citation introductive (le faisceau tubulaire est atteint d'un vicele rendant impropre à l'usage auquel il etait destine) evoquaient lagarantie legale prevue à l'article 1641 du Code civil, sans que lesdefenderesses puissent se prevaloir de l'absence de mention de cettedisposition legale.

L'arret n'est des lors pas regulierement motive et viole l'article 149 dela Constitution.

Deuxieme branche

Pour demander au tribunal de commerce de Liege de designer un expert dontla mission serait, notamment, de : « examiner et decrire de maniereprecise le fonctionnement de la chaudiere à vapeur ; dire si la chaudiereà vapeur etait atteinte d'un vice la rendant impropre à l'usage durableauquel elle etait destinee ; plus particulierement, decrire le faisceautubulaire de reserve et dire si celui-ci etait atteint d'un vice », lademanderesse avait expose, dans la citation introductive d'instance du 9decembre 1999, « qu'en date du 8 octobre 1991, les parties ont signe uncontrat relatif à la fourniture par (la premiere defenderesse) d'unepartie d'installation de production d'acide sulfurique ; (...) que lachaudiere à acide fut construite et livree dans le courant de l'annee1993 ; (...) que ce type d'installation doit presenter tous les gages desecurite ; qu'en effet, la chaudiere contient de l'acide à hautetemperature et de l'eau sous pression dont le melange engendre un produitcorrosif et explosif ; que l'installation a fonctionne correctementjusqu'à la fin de l'annee 1998 ; qu'à ce moment la (demanderesse) aconstate l'apparition de fuites d'acide vers l'exterieur de la chaudiere ;que la (demanderesse) a immediatement consulte la (premieredefenderesse) ; qu'apres une tentative de soudure, de nouvelles fuitessont apparues ; qu'il fut alors decide, sur le conseil de la (premieredefenderesse) de proceder au remplacement du faisceau tubulaire existantpar le faisceau de reserve livre en 1993 ; (...) qu'en date du 20 fevrier1999, soit à peine plus de deux mois apres son placement, un tube dufaisceau tubulaire de reserve a casse ; que ce bris a eu pour consequenceune dilution tres importante de l'acide à haute temperature dans l'eau ;(...) que ce sinistre a engendre des dommages importants à la(demanderesse) (...) ; que la (demanderesse) a immediatement informe la(premiere defenderesse) de cet incident ; qu'un representant de celle-cis'est presente sur les lieux en date du 23 fevrier 1999 ; que celui-ci apu detecter des fissures sur un tube du faisceau tubulaire ; qu'avecl'assistance de la (premiere defenderesse), il a ete procede auremplacement du faisceau tubulaire d'origine apres modification du caissonde la chaudiere et afin d'eviter les fuites constatees à la fin del'annee 1998 ; que par courrier date du 4 mars 1999, la (demanderesse) aindique à la (premiere defenderesse) qu'elle lui imputait laresponsabilite du sinistre et des dommages qui s'en sont suivis ; qu'eneffet, le sinistre est du au bris d'un tube du faisceau tubulaire dereserve qui, pour rappel, avait ete place à peine plus de deux mois avantledit sinistre ; que manifestement, le faisceau tubulaire de reserve etaitatteint d'un vice le rendant impropre à l'usage auquel il etaitdestine ».

La demanderesse avait ainsi invoque, dans ladite citation, que le faisceautubulaire de reserve fourni en 1993 mais place à la fin de l'annee 1998en remplacement du faisceau d'origine, devait etre affecte d'un vice lerendant impropre à l'usage auquel il etait destine, des lors qu'un tubede ce faisceau s'etait brise à peine deux mois apres son placement, etelle avait demande une expertise à ce sujet.

Les motifs ainsi invoques à l'appui de la demande d'expertise ne sefondaient pas sur une garantie contractuelle quelconque. La demanderesseavait, certes, egalement invoque dans la suite des motifs de laditecitation des dispositions du contrat relatives à la garantie dufournisseur, dans les termes suivants : « l'article 3.1.1. du contratstipule : `le fournisseur garantit que le materiel livre repondra en touspoints de vue aux specifications techniques de la presente commande' ; quel'alinea 2 de l'article 3.1.2. enonce : `toutes les pieces seront exemptesde faute ou de defauts afin que la securite, le bon fonctionnement et ladurabilite de l'installation ne soient pas menaces' ; qu'en outre,l'article 3.2.1. du contrat prevoit que la (premiere defenderesse)`garantit que l'appareillage repond de fac,on generale aux conditions defonctionnement decrites dans les specifications techniques' ; qu'enfin,l'article 3.1.8. prevoit `qu'une nouvelle periode de 48 mois de garantieredemarre à partir de la mise en service du faisceau de reserve', maissans pour autant restreindre le fondement de sa demande à ces seulesdispositions contractuelles.

En considerant cependant que, dans la citation introductive d'instance,« seul le fondement de la garantie contractuelle est invoque », au motifque les faits en question « ne sont abordes que dans le cadre del'application des articles 3.1.1., 3.1.2., 3.1.8. et 3.2.1. » du contratrelatifs aux garanties, l'arret du 19 janvier 2006 donne de la citationintroductive d'instance du 9 decembre 1999 une interpretationinconciliable avec ses termes. En effet, la restriction que cet arretenonce, selon laquelle les faits en question ne sont abordes que dans lecadre des dispositions du contrat relatives à la garantie contractuelle,ne figure pas dans la citation. Au contraire, dans la citation, les faits,et notamment le court laps de temps qui s'est ecoule entre le placement dufaisceau de reserve et le bris d'un des tubes du faisceau, sont exposespour arriver à la conclusion « que manifestement, le faisceau tubulairede reserve est atteint d'un vice le rendant impropre à l'usage auquel iletait destine », la suite de la citation, qui vise les dispositionscontractuelles relatives à la garantie, n'ayant pas pour effet desupprimer l'invocation precitee du vice rendant le faisceau tubulaireimpropre à l'usage auquel il etait destine, comme fondement de lademande, et au sujet duquel la demanderesse demandait precisement ladesignation d'un expert.

Des lors, l'arret viole les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

Troisieme branche

Aux termes de l'article 702 du Code judiciaire, « à peine de nullite,l'exploit de citation contient (...) 3DEG l'objet et l'expose sommaire desmoyens de la demande ». Les termes « expose sommaire des moyens » nevisent nullement la norme juridique, mais les elements de fait qui serventde fondement à la demande. A peine de commettre un deni de justice et dene pas statuer sur un des chefs de la demande, le juge est tenu, dans lerespect des droits de la defense, de determiner la norme juridiqueapplicable à la demande qui lui est soumise, meme si la partiedemanderesse n'a pas expressement precise le fondement juridique de sademande. Il ne peut du reste rejeter la demande au seul motif que lapartie demanderesse n'a pas expressement invoque la regle de droitapplicable au litige et en a invoque une autre.

En l'espece, la demanderesse avait invoque dans la citation introductived'instance du 9 decembre 1999 qu'en fevrier 1999, à peine deux mois apresle remplacement du faisceau tubulaire d'origine par le faisceau de reservequi lui avait ete livre en 1993, un tube de ce dernier faisceau s'etaitbrise et que ce faisceau etait manifestement atteint d'un vice le rendantimpropre à l'usage auquel il etait destine, pour demander une expertiseportant notamment sur ledit faisceau tubulaire, en vue de determiner sicelui-ci etait atteint d'un vice. Des lors, le juge etait tenu de prendreen consideration que la demanderesse fondait son action sur des faits quirelevaient de la garantie legale des vices caches, visee à l'article 1641du Code civil, quand bien meme elle ne se serait pas prevalue expressementde cette disposition legale, mais seulement des articles du contratrelatifs à la garantie generale ou aux garanties speciales, quod non.

Des lors, en considerant que la demande, en tant qu'elle est fondee sur lagarantie legale des vices caches, est tardive pour n'avoir pas eteinvoquee dans la citation introductive d'instance, mais seulement dans desconclusions prises plus de deux ans apres le sinistre, l'arret du 19janvier 2006 viole les articles 5, 702, 3DEG, et 1138, 3DEG, du Codejudiciaire, ainsi que le principe general du droit en vertu duquel le jugeest tenu, tout en respectant les droits de la defense, de determiner lanorme juridique applicable à la demande portee devant lui et d'appliquercelle-ci, principe qui trouve application notamment dans l'article 774 duCode judiciaire.

En outre, en refusant d'appliquer l'article 1641 du Code civil aux faitsde la cause, au motif que l'action n'a pas ete intentee à bref delai,l'arret du 19 janvier 2006 viole egalement cette disposition ainsi quel'article 1648 du Code civil.

Quatrieme branche

En vertu de l'article 440, alinea 2, du Code judiciaire, « l'avocatcomparait comme fonde de pouvoirs sans avoir à justifier d'aucuneprocuration, sauf lorsque la loi exige un mandat special ». Sans mandatspecial, l'avocat n'a pas le droit, dans des conclusions qu'il depose aunom de son client, de faire un aveu. En effet, l'aveu judiciaire doitemaner de la partie elle-meme ou de son fonde de pouvoir special, en vertudes articles 1354 et 1356 du Code civil, pour que puisse lui etre attacheela force speciale de presomption legale que lui attribue l'article 1350,4DEG, du Code civil. L'avocat n'a pas plus le droit de se desister d'unmoyen presente à l'appui de la demande de son client sans mandat special.Dans les cas precites, les articles 848, alinea 1er, et 850 du Codejudiciaire permettent d'ailleurs le desaveu de l'avocat.

Dans les conclusions prises au nom de la demanderesse le 7 mai 2001 devantle premier juge, par son conseil de l'epoque, il est indique que l'actionse fonde à titre principal sur l'obligation contractuelle de garantie desdefenderesses et, au titre d' « arguments complementaires », que« l'action de la (demanderesse) si elle n'etait pas suffisamment fondeepar la reference à la garantie contractuelle, le serait à tout le moinspar application de la garantie legale des vices caches ou encore en raisonde la responsabilite delictuelle deduite de la violation du R.G.P.T. ».

L'arret du 19 janvier 2006 considere que « la lecture des conclusionsprises par (la demanderesse) le 7 mai 2001 confirme qu'il n'etait pasquestion de moyens tires de la garantie legale des vices caches dans lacitation du 9 decembre 1999 : c'est en effet au titre d'àrgumentcomplementaire' que ce fondement est invoque ».

L'arret attribue ainsi aux conclusions prises au nom de la demanderessepar son avocat de l'epoque la valeur d'un aveu quant à la portee de lacitation introductive d'instance, sans constater que cet avocat etait munid'un mandat special pour ce faire. L'arret viole partant les articles1350, 4DEG, 1354 et 1356 du Code civil, 440, alinea 2, 848, alinea 1er, et850 du Code judiciaire.

Troisieme moyen

Dispositions legales violees

- principe general du droit de la stricte interpretation de larenonciation, en vertu duquel la renonciation à un droit ne se presumepas et ne peut se deduire que de faits qui ne sont susceptibles d'aucuneautre interpretation ;

- principe general du droit, dit principe dispositif, en vertu duquel lesparties, en matiere civile, ont le droit de determiner elles-memes leslimites du litige, dont l'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire faitapplication ;

- principe general du droit, qui trouve application dans l'article 774 duCode judiciaire, en vertu duquel le juge est tenu, tout en respectant lesdroits de la defense, de determiner la norme juridique applicable à lademande portee devant lui et d'appliquer celle-ci ;

- articles 1350, 4DEG, 1354 et 1356 du Code civil ;

- articles 5, 19, 440, alinea 2, 848, alinea 1er, 850 et 1138, 2DEG et3DEG, du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

Statuant en prosecution de cause de l'arret rendu le 19 janvier 2006, parlequel la cour d'appel a decide : 1DEG que l'action de la demanderessetendant à obtenir la reparation du prejudice qu'elle a subi à la suite,le 20 fevrier 1999, du bris d'un tube du faisceau tubulaire de lachaudiere à vapeur que lui a fournie la premiere defenderesse, n'est pasfondee à l'egard de cette derniere qui a cede à la seconde defenderessel'ensemble de ses droits et obligations concernant le contrat conclu avecla demanderesse ; 2DEG que l'action de la demanderesse fondee sur lagarantie legale des vices caches est tardive ; 3DEG que la secondedefenderesse n'a pas engage sa responsabilite delictuelle pour avoircommis une infraction au reglement general sur la protection du travail ;4DEG que la garantie conventionnelle etait expiree au moment del'incident, meme pour ce qui concerne le faisceau tubulaire de reservelivre en 1993 et place à la fin de l'annee 1998 ; 5DEG qu'il y a lieu derouvrir les debats aux motifs suivants : « cela signifie-t-il qu'aucunegarantie ne pourrait etre reclamee en cas de defaillance du faisceautubulaire de reserve dans l'eventualite ou celui-ci est mis en oeuvreapres l'expiration de la periode de garantie du faisceau originaire ? Iln'en est rien (...). A defaut de garantie contractuelle specifique, (laseconde defenderesse) est donc tenue par la loi pour ce qui concerne lagarantie des defauts affectant le faisceau tubulaire de reserve. Il a etevu plus haut que le fondement tire de l'application des articles 1641 etsuivants du Code civil ne pouvait etre retenu en raison du retard aveclequel celui-ci a ete invoque. Mais le contrat du 8 octobre 1991 dans lecadre duquel intervient la fourniture du faisceau tubulaire de reserveconstitue-t-il bien une vente ? Ne pourrait-il pas s'agir ainsi qu'il estindique dans le corps meme de la convention d'un contrat d'entrepriseauquel cas la question du bref delai ne se pose pas (...). La questiondoit etre posee. En effet, 'le juge est tenu de trancher le litigeconformement à la regle de droit qui lui est applicable ; il al'obligation, en respectant les droits de la defense, de relever d'officeles moyens de droit dont l'application est commandee par les faitsspecialement invoques par les parties au soutien de leurs pretentions'(...). Il convient des lors d'ordonner la reouverture des debats afin depermettre aux parties de conclure sur ce point »,

l'arret, prononce en prosecution de cause le 20 juin 2006, dit la demandede la demanderesse non fondee à l'encontre de la seconde defenderesse etcondamne la demanderesse à payer à la seconde defenderesse la somme de214.742,59 euros augmentee des interets au taux legal depuis le 1er aout1998, outre les frais et depens des deux instances.

L'arret se fonde, en substance, sur les motifs suivants :

« (La seconde defenderesse) objecte l'existence d'un 'accord procedural'suivant lequel 'les parties sont expressement convenues de limiter lelitige au point de savoir si, dans le cadre de la vente (...) du faisceautubulaire de reserve (...), (la seconde defenderesse) est responsable del'incident survenu le 20 fevrier 1999' (...). Le pouvoir de disposer del'action appartient aux parties. 'Pour autant que le droit ne touche pasà l'ordre public, les normes suppletives peuvent de l'accord expres desplaideurs etre imposees au tribunal. (...) Encore faut-il que l'accord desparties sur le droit à appliquer soit certain (...)'. Il faut donc qu'iln'y ait aucun doute quant à l'intention des parties (...). En l'espece,il doit bien etre constate que (la demanderesse) a, depuis le 7 mai 2001,pose le litige sur le plan de l'application des articles 1641 et suivantsdu Code civil, considerant que, pour ce qui concerne le faisceau tubulairede reserve qui est à l'origine du litige, on se trouvait bien en presenced'une vente. Cette analyse a ete acceptee par (la seconde defenderesse)qui non seulement n'a jamais conteste l'applicabilite au litige de cesdispositions mais encore a invoque à son profit le benefice des articles1644, 1646 et 1648 du Code civil (...). Par la suite, les parties n'ontjamais varie.

Certes, (la demanderesse) souligne que, dans ses ecrits de procedure, ellen'a jamais expressement rejete le fondement du contrat d'entreprise, cequi est exact. Il n'en demeure pas moins que lorsque la question del'examen du litige sous l'angle d'un contrat d'entreprise lui a eteexpressement posee par la cour [d'appel] à l'audience du 13 decembre2005, (la demanderesse) a confirme oralement ce qu'elle avait toujourssoutenu par ecrit :'les parties ont toujours envisage le litige sur basedu contrat de vente' et elle n'a pas demande à etre autorisee à prendrede nouvelles conclusions, fut-ce à titre subsidiaire. Il doit etre deduitdes ecrits de procedure des parties et de la reponse donnee à la questionposee à l'audience du 13 decembre 2005 que les parties ont exclu laquestion de la qualification du contrat relatif au faisceau tubulairelitigieux de la contestation. Certes, le juge est tenu de trancher lelitige conformement à la regle de droit qui lui est applicable mais ildoit bien etre constate en l'espece que la question de la qualification ducontrat se trouve hors litige. Le pouvoir du juge cede donc devant lavolonte certaine des parties qui ont decide que le contrat ayant pourobjet le faisceau tubulaire de reserve est bien une vente. La cour[d'appel] est tenue par les termes de cet accord dont elle ne peuts'ecarter à peine de violer le principe dispositif. (La demanderesse) nepeut profiter de la reouverture des debats ordonnee pour revenir sur cetaccord procedural qui ne viole en rien l'ordre public, le faisceautubulaire de reserve ne constituant ni un edifice, ni un gros ouvrage ausens des articles 1792 et 2270 du Code civil. (...) Les differentsfondements invoques par (la demanderesse) à l'appui de ses pretentionsayant ete rejetes, (la seconde defenderesse) est fondee à obtenir lepaiement du faisceau tubulaire de reserve avec les interets de retard dontla date de prise de cours n'est pas contestee ».

Premiere branche

En vertu de l'article 440, alinea 2, du Code judiciaire, « l'avocatcomparait comme fonde de pouvoirs sans avoir à justifier d'aucuneprocuration, sauf lorsque la loi exige un mandat special ». L'avocat doitetre muni d'un mandat special pour avouer, au nom de son client, quecelui-ci n'a jamais envisage d'invoquer un moyen de droit qui auraitpermis au client d'obtenir le benefice de l'action en justice qu'il aintroduite. Pour que la force de presomption legale visee à l'article1350, 4DEG, du Code civil lui soit attachee, l'aveu doit en effet emanerde la partie elle-meme ou de son fonde de pouvoirs special, en vertu desarticles 1354 et 1356 du Code civil, ainsi que de l'article 850 du Codejudiciaire, qui dispose : « le juge peut, à la demande d'une partie,refuser de faire etat de 1 'offre, de l'aveu ou de l'acquiescement qui neseraient pas justifies par la signature de celui dont ils emanent ou deson fonde de pouvoirs special ».

Par ailleurs, la renonciation à un droit ne peut se deduire que de faitsqui ne sont pas susceptibles d'une autre interpretation. Des lors, sansmandat special, l'avocat ne peut, au nom de son client, renoncer àinvoquer un moyen de droit qui permettrait à ce dernier d'obtenir lebenefice de l'action qu'il a introduite.

Dans de tels cas, le juge peut d'ailleurs declarer l'aveu ou larenonciation non avenus, sur la base de l'article 848, alinea 1er, du Codecivil.

En l'espece, l'arret attaque constate que la demanderesse « a pose lelitige sur le plan de l'application des articles 1641 et suivants du Codecivil » relatifs à la vente. L'arret admet, comme etant exact, « quedans ses ecrits de procedure, (la demanderesse) n'a jamais expressementrejete le fondement du contrat d'entreprise ». Toutefois l'arret decide« que les parties ont exclu la question de la qualification du contratrelatif au faisceau tubulaire litigieux de la contestation », ce quiforme un « accord » dont la cour d'appel « ne peut s'ecarter à peinede violer le principe dispositif », pour la raison suivante : « lorsquela question de l'examen du litige sous l'angle d'un contrat d'entrepriselui a ete expressement posee par la cour d'appel à l'audience du 13decembre 2005, (la demanderesse) a confirme oralement ce qu'elle avaittoujours soutenu par ecrit : 'les parties ont toujours envisage le litigesur la base du contrat de vente' (conclusions de synthese apresreouverture des debats de [la demanderesse]) et elle n'a pas demande àetre autorisee à prendre de nouvelles conclusions, fut-ce à titresubsidiaire ».

Il ressort de ces motifs que, pour l'arret attaque, la confirmation par leconseil de la demanderesse à l'audience du 13 decembre 2005 valait aveude ce que la demanderesse n'avait pas envisage de fonder son action sur lecontrat d'entreprise et qu'elle renonc,ait des lors à invoquer une tellequalification juridique.

A defaut d'avoir constate que le conseil de la demanderesse, quirepresentait celle-ci à ladite audience, avait rec,u un mandat specialpour faire un tel aveu, l'arret attaque ne justifie pas legalement sadecision, violant les articles 1350, 4DEG, 1354 et 1356 du Code civil,ainsi que les articles 440, alinea 2, 848, alinea 1er, et 850 du Codejudiciaire.

En outre, en deduisant une renonciation de la demanderesse au droitd'invoquer les regles relatives au contrat d'entreprise à l'appui de sonaction en justice, de la circonstance qu'elle n'avait pas envisage de lesinvoquer, ce qui pouvait s'expliquer par son ignorance du benefice qu'ellepouvait tirer de cette qualification juridique, l'arret attaque viole enoutre le principe general du droit en vertu duquel la renonciation à undroit est de stricte interpretation et ne peut se deduire que de faits quine sont pas susceptibles d'une autre interpretation.

Enfin, de la circonstance qu'une partie n'a pas envisage de fonder sonaction sur une qualification juridique qui lui permettrait d'obtenir lebenefice de cette action, il ne se deduit aucun accord procedural quiempecherait le juge de faire application des regles de droit relatives àcette qualification. En considerant que la demanderesse a, dans ses ecritsde procedure, toujours envisage le litige sur la base du contrat de vente,ce qu'elle a confirme devant la cour d'appel, et que des lors les partiesont conclu un accord procedural sur la qualification du contrat, envisageuniquement comme etant une vente, ce qui empecherait la cour d'appel defaire application des regles de droit relatives à la garantie dans lecontrat d'entreprise, la cour etant tenue par l'accord procedural desparties, l'arret attaque refuse illegalement d'appliquer la regle de droitcommandee par les faits specialement invoques par la demanderesse ausoutien de sa demande. L'arret attaque viole des lors tant le principegeneral du droit, dit principe dispositif, en vertu duquel les parties, enmatiere civile, ont le droit de determiner elle-meme les limites dulitige, dont l'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire fait application,que le principe general du droit, qui trouve application dans l'article774 du Code judiciaire, en vertu duquel le juge est tenu, tout enrespectant les droits de la defense, de determiner la norme juridiqueapplicable à la demande portee devant lui et d'appliquer celle-ci, et lesarticles 5 et 1138, 3DEG, du Code judiciaire.

Seconde branche

Avant d'ordonner, par l'arret rendu le 19 janvier 2006, la reouverture desdebats sur le point de savoir si « le contrat du 8 octobre 1991 dans lecadre duquel intervenait la fourniture du faisceau tubulaire de reserveconstitu(ait) bien une vente » et s'il ne pouvait pas « s'agir ainsiqu'il est indique dans le corps meme de la convention d'un contratd'entreprise, auquel cas la question du bref delai ne se pose pas », lacour d'appel avait pris connaissance des conclusions prises par lesparties avant ledit arret du 19 janvier 2006 et avait interroge lesparties à l'audience du 13 decembre 2005, au cours de laquelle le conseilde la demanderesse avait dit que « les parties ont toujours envisage lelitige sur la base du contrat de vente », selon les conclusions desynthese de la demanderesse apres reouverture des debats. La cour d'appelavait, dans l'arret du 19 janvier 2006, considere « qu'il convientd'ordonner la reouverture des debats afin de permettre aux parties deconclure sur ce point ».

Il se deduit de cet arret du 19 janvier 2006 que la cour d'appel avaitconsidere, à ce moment, que la demanderesse n'avait pas renonce àinvoquer que le contrat dans le cadre duquel avait ete fourni le faisceautubulaire de reserve etait un contrat d'entreprise, qu'il n'y avait pasd'accord des parties pour ecarter cette qualification du contrat et quecelle-ci pouvait encore etre discutee. En effet, la reouverture des debatset le depot de conclusions ulterieures n'auraient eu aucune utilite s'iln'en avait pas ete ainsi.

Toutefois, l'arret attaque, prononce le 20 juin 2006, considere que, de lacirconstance que la demanderesse n'a pas, avant l'arret du 19 janvier2006, envisage le contrat comme etant un contrat d'entreprise, ce qu'ellea confirme (par la voie de son conseil) à l'audience du 13 decembre 2005,il se deduit que « la question de la qualification du contrat se trouvehors litige » et que la demanderesse « ne peut profiter de lareouverture des debats ordonnee pour revenir sur cet accord procedural ».

Des lors, la cour d'appel revient ainsi, dans l'arret attaque du 20 juin2006, sur ce qu'elle avait decide, implicitement, dans son arret du 19janvier 2006, à savoir qu'à defaut d'accord des parties pour exclure quele contrat litigieux puisse etre qualifie de contrat d'entreprise, il yavait lieu de leur permettre de conclure sur cette qualification et surles consequences qu'elles pouvaient en tirer.

L'arret attaque viole des lors l'article 19 du Code judiciaire.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'arret du 19 janvier 2006 releve les divers elements d'ou il deduit quela demanderesse avait marque son accord sur la cession par la premieredefenderesse de ses droits et obligations à la seconde defenderesse etavait accepte de decharger la premiere defenderesse de ses obligationsenvers elle.

Par les motifs que le moyen reproduit, d'une part, l'arret repond, en lescontredisant, aux conclusions de la demanderesse qui contestaient cettedecharge et, d'autre part, l'arret considere, sans meconnaitre le principegeneral du droit vise par le moyen en sa seconde branche, que lecomportement de la demanderesse ne peut s'interpreter autrement que commel'acceptation de la substitution de debiteur.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen :

Quant à la troisieme branche :

Le juge est tenu de trancher le litige conformement à la regle de droitqui lui est applicable. Il a l'obligation, en respectant les droits de ladefense, de relever d'office les moyens de droit dont l'application estcommandee par les faits specialement invoques par les parties au soutiende leurs pretentions.

Il ressort des constatations de l'arret du 19 janvier 2006 que, des lacitation introductive d'instance, la demanderesse a invoque specialementle vice dont etait affecte, selon elle, l'appareil litigieux et qui lerendait impropre à l'usage auquel il etait destine et a demande lareparation du prejudice que ce vice lui avait cause.

L'arret considere que la demanderesse ne s'est pas prevalue dans lacitation de la garantie legale des vices caches mais seulement desgaranties decoulant du contrat et qu'elle n'a invoque le benefice de lagarantie legale que dans des conclusions deposees plus de deux ans apresle sinistre.

En considerant sur cette base que la demande, en tant qu'elle est fondeesur la garantie legale des vices caches, est tardive, l'arret ne justifiepas legalement sa decision.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur le troisieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Par un accord procedural explicite, les parties peuvent lier le juge surun point de droit ou de fait sur lequel elles entendent circonscrire ledebat.

Apres avoir releve qu' « il est admis par les parties que le contrat du 8octobre 1991 constitue un contrat d'entreprise ; la question n'est pasdiscutee » et constate que « dans ses ecrits de procedure, [lademanderesse] n'a jamais expressement rejete le fondement du contratd'entreprise, ce qui est exact », l'arret du 20 juin 2006 enonce qu'« il n'en demeure pas moins que, lorsque la question de l'examen dulitige sous l'angle du contrat d'entreprise lui a ete expressement poseepar la cour [d'appel] à l'audience du 13 decembre 2005, [la demanderesse]a confirme oralement ce qu'elle avait toujours soutenu par ecrit : `lesparties ont toujours envisage le litige sur la base du contrat de vente'[...] et elle n'a pas demande à etre autorisee à prendre de nouvellesconclusions, fut-ce à titre subsidiaire ».

En deduisant de ces enonciations que les parties avaient conclu un accordprocedural pour exclure la qualification de contrat d'entreprise et neretenir que celle de contrat de vente, l'arret meconnait tant le principedispositif que le principe suivant lequel le juge est tenu de determineret d'appliquer la norme juridique qui regit la demande portee devant lui.

Dans cette mesure, le moyen en cette branche est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches des deuxieme et troisiememoyens, qui ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque du 19 janvier 2006, sauf en ce que, par confirmationdu jugement dont appel, il rec,oit les demandes et dit la demandeprincipale de la demanderesse non fondee à l'egard de la premieredefenderesse ;

Casse l'arret attaque du 20 juin 2006 ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse du 19 janvier 2006 et de l'arret casse du 20 juin2006 ;

Condamne la demanderesse au tiers des depens ;

Reserve le surplus des depens pour qu'il soit statue sur celui-ci par lejuge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Les depens taxes à la somme de mille onze euros dix-neuf centimes enversla partie demanderesse et à la somme de cent nonante-cinq eurosquatre-vingt-cinq centimes envers les parties defenderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batsele, Albert Fettweis, Philippe Gosseries et Martine Regout, etprononce en audience publique du neuf mai deux mille huit par le presidentde section Claude Parmentier, en presence de l'avocat general AndreHenkes, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

9 MAI 2008 C.06.0641.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.06.0641.F
Date de la décision : 09/05/2008

Analyses

TRIBUNAUX - MATIERE CIVILE


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-05-09;c.06.0641.f ?
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