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15/05/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0404.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 mai 2008, C.07.0404.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGC.07.0404.N

VILLE DE HASSELT,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

FIRE TECHNICS, societe anonyme.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 21 juin 2005par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general ChristianVandewal a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dis

positions legales violees

- articles 1er, 2 et 3, S: 1er, specialement alinea 2, de l'arrete royaldu 26 septembre 1996 etablissant ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGC.07.0404.N

VILLE DE HASSELT,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

FIRE TECHNICS, societe anonyme.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 21 juin 2005par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general ChristianVandewal a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 1er, 2 et 3, S: 1er, specialement alinea 2, de l'arrete royaldu 26 septembre 1996 etablissant les regles generales d'execution desmarches publics et des concessions de travaux publics, dans ses versionsanterieures et posterieures aux modifications par les arretes royaux des29 avril 1999, 20 juillet 2000 et 17 decembre 2002,

- article 66, S: 1er, 2DEG, alineas 1er et 2, du cahier general descharges des marches publics de travaux, de fournitures et de services etdes concessions de travaux publics formant l'annexe à l'arrete royal du26 septembre 1996 etablissant les regles generales d'execution des marchespublics et des concessions de travaux publics, dans les versionsanterieures et posterieures aux modifications par l'arrete royal du 20juillet 2000,

- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Dans l'arret attaque du 21 juin 2005, la cour d'appel d'Anvers rejettel'appel de la demanderesse comme etant non fonde et accueillepartiellement l'appel incident de la defenderesse. La cour confirme lejugement dont appel du 14 fevrier 2003 de la quatrieme chambre bis dutribunal de premiere instance d'Hasselt « en se bornant à modifier lasomme au paiement de laquelle la demanderesse est condamnee qui est porteeà 53.041,43 euros », majoree des interets. La cour fonde sa decision surles motifs suivants :

« Apres avoir examine les moyens invoques par les parties ainsi que lesdocuments qu'elles ont produits, la cour d'appel constate que le premierjuge a pour l'essentiel statue judicieusement sur l'amende pour retard etles dommages et interets eventuellement dus, par les motifs du jugementattaque - repris par la cour d'appel qui se les approprie et qu'elleconsidere comme etant repetes integralement ;

A)(...) qu'en effet, il est etabli incontestablement, en l'espece, que ladefenderesse est restee en defaut d'executer en temps utile le marchepublic qui lui a ete attribue, des lors que celui-ci lui a ete attribue le10 fevrier 1999 et qu'elle s'etait engagee lors de l'offre, à livrer levehicule en question dans les 80 jours, alors qu'il n'a ete livre que le21 fevrier 2001, certes apres la mise à disposition d'un vehicule deremplacement le 13 mars 2000 mais cette date se situant aussi largement endehors du delai fixe ;

Que la defenderesse est, des lors, restee en defaut de remplir sesobligations depuis le 2 mai 1999, et qu'elle est des lors redevable d'uneamende pour retard ;

(...) que les regles relatives à l'amende pour retard sont contenues àl'article 66 du cahier general des charges des marches publics de travaux,de fournitures et de services et des concessions de travaux publics etqu'elle s'eleve à 0,7 pour cent par jour de calendrier de retard, lemaximum etant fixe à 5 pour cent du montant du marche ;

Que, certes l'article 3 de l'arrete royal du 26 septembre 1996 permet unederogation, notamment lorsqu'elle est rendue indispensable par lesexigences particulieres du marche ; qu'invoquant la disposition precitee,la demanderesse a prevu une amende de 15 pour cent dans une clause desconditions du cahier special des charges ;

(...) que, toutefois, la cour d'appel, comme le premier juge, constate quela demanderesse justifie sa « clause d'amende majoree » figurant dansles dispositions du cahier special des charges en indiquant que le delaide livraison constitue un critere pour l'attribution du marche et qu'ilfaut eviter que ce critere soit vide de tout objet par une executionsystematiquement tardive des prestations des fournisseurs ;

Que cette motivation indique uniquement que la demanderesse souhaite seproteger contre une pratique generalisee des fournisseurs mais que cetteformulation ne permet pas de constater que dans le marche public litigieuxil etait necessaire de deroger au cahier general des charges ni que lemarche en question devait etre soumis à des exigences particulieres ;

Que, des lors, les conditions de l'article 3 de l'arrete royal du 26septembre 1996 ne sont pas remplies et la clause d'amende litigieuseconstitue une clause penale qui est nulle, comme le constate le premierjuge, des lors qu'elle ne vise pas la reparation d'un dommage pourlivraison tardive mais vise à effrayer le fournisseur et à lui infligerune sanction au-delà de la sanction legale ;

Qu'une telle clause penale est nulle et ne peut, des lors, etre niappliquee ni executee ; qu'une clause nulle, nonobstant l'acceptationeventuelle par l'autre partie, ne peut pas davantage avoir d'effet et nederoge pas à la liberte de contracter ; qu'en effet, la nullite peut etreinvoquee à tout moment ;

(...) qu'eu egard à ce qui precede, la demanderesse avait uniquement ledroit d'infliger une amende pour retard dans l'execution du marcheconformement à l'article 66 du cahier general des charges ;

Que, des lors, seule une amende egale à 0,7 pour cent par jour decalendrier, le maximum etant fixe à 5 pour cent du montant du marche,peut etre portee en compte ;

Que ce maximum s'eleve à 26.375,87 euros (527.517,42 euros x 5 pourcent), qui, en l'espece, etait dejà atteint apres 72 jours calendrier àcompter du 81eme jour apres l'attribution du marche (le 10 fevrier 1999),soit avant la mise à disposition du vehicule de remplacement le 13 mars2000 et certainement avant la livraison du vehicule commande le 2 mars2001 ;

Qu'en application de l'article 66 precite la demanderesse avait ainsi ledroit de deduire une amende pour retard s'elevant à 26.375,87 euros dumontant du marche hors TVA ;

(...) que toutefois, il ressort des documents produits par les parties quela demanderesse a retenu une somme de 3.209.535 francs - soit 79.562,29euros - à titre d'amende pour retard, et pas 35.041,53 euros comme lepremier juge l'a admis à tort.

Qu'en l'espece, la defenderesse pretend à juste titre au remboursement de79.562,29 euros - 26.375,87 euros = 53.186,42 euros; que, toutefois ellene reclame que le paiement de la somme de 53.041,53 euros, majoree desinterets comme fixe ci-dessous, qui lui est due.

Que, des lors, le jugement dont appel est errone sur ce point et quel'appel incident de la defenderesse est fonde sur ce point » ;

La cour d'appel considere aussi :

« (...) que les moyens actuellement invoques par les parties ne peuventderoger aux constatations faites ci-dessus et doivent, des lors, etrerejetes comme etant non fondes ;

que le jugement dont appel est pour l'essentiel fonde sur des motifsexacts et qu'il y a lieu de le confirmer à cet egard ; qu'une adaptationdoit seulement etre faite en ce qui concerne le decompte ».

Le premier juge a considere à ce propos que

« 1. La defenderesse invoque en ordre principal que l'arrete royal du 26septembre 1996 etablissant les regles generales d'execution des marchespublics et des concessions de travaux publics est d'ordre public et dedroit imperatif et que toute derogation aux dispositions de cet arreteroyal en ce qui concerne la clause d'amende est impossible.

La derniere partie de cette these est en tout cas inexacte.

L'article 3 de cet arrete royal prevoit en effet expressement unepossibilite de derogation, fut-ce dans les limites tres etroites qui sontles suivantes.

1. la derogation doit etre rendue indispensable par les exigencesparticulieres du marche considere ;

2. la liste des dispositions auxquelles il est deroge doit figurer en tetedu cahier special des charges ;

3. les derogations aux articles 10, S: 2, 15, 16, 17, 18, 20, 21, 22, 30,S: 2, 36 et 41 du cahier general des charges doivent faire l'objet d'unemotivation formelle dans le cahier special des charges.

En vertu de l'article 3 precite, le tribunal dispose d'un droit decontrole et il est, des lors, tenu d'examiner si en l'espece lesconditions de derogation à la clause d'amende reprise au cahier generaldes charges existent.

Il y a lieu, des lors, d'examiner tout d'abord si la derogation etaitrendue indispensable par les exigences particulieres du marche considere.

Lors de la reponse à cette question seront seuls pris en considerationles motifs exprimes à ce propos dans le cahier special des charges. Eneffet, bien qu'aucune motivation particuliere ne soit legalement requise,la defenderesse a repris le motif de derogation au cahier general descharges, dans le cahier special des charges. La defenderesse doit etreconsideree comme etant liee par cette motivation formelle des lors queseul ce motif a ete communique à tous les soumissionnaires eventuels etque, des lors, une infraction à l'egalite de traitement dessoumissionnaires resulterait du seul fait que la defenderesse seraitautorisee à invoquer d'autres motifs que ceux qui etaient exprimes dansle cahier special des charges.

Le motif exprime par la demanderesse dans le cahier special des charges,pour justifier l'application, en cas de livraison tardive, d'un systeme desanction plus severe que celui prevu par le cahier general des charges,tendait uniquement, le delai de livraison propose par les soumissionnairesconstituant un critere pour l'attribution du marche, d'eviter que cecritere soit vide de son objet par l'execution systematiquement tardivedes prestations du fournisseur.

Par une telle motivation la defenderesse a fait savoir qu'elle tente deremedier à ce qu'elle semble considerer comme un probleme general, savoirque les fournisseurs livrent systematiquement en retard parce que laclause d'amende figurant dans le cahier general des charges n'est passuffisamment dissuasive.

Un tel motif est etranger à une « necessite » resultant « desexigences particulieres du marche considere ».

Par les motifs precites il y a lieu d'admettre que la demanderesse arepris dans le cahier special des charges une clause d'amende derogeant àl'article 66 du cahier general des charges sans que la premiere conditionrequise par l'article 3 de l'arrete royal du 26 septembre 1996 soitremplie, savoir le caractere indispensable de la clause en raison desexigences particulieres du marche considere.

Il y a lieu de constater en outre que cette clause d'amende ne visaitmanifestement pas à indemniser un dommage du à une livraison tardivemais visait uniquement à eviter le retard dans la livraison enrenforc,ant l'effet dissuasif de la sanction. La severite de l'amenden'etait donc pas proportionnelle au dommage pouvant resulter del'execution tardive.

Cette clause constituait, des lors, une clause penale qui etait atteintede nullite absolue et n'etait pas susceptible d'etre confirmee.

En cas de nullite de la clause d'amende derogatoire, la clause d'amendenormale prevue par l'article 66 du cahier general des charges doit etreappliquee, à savoir 0,07 pour cent par jour de calendrier de retard, avecun maximum de 5 pour cent ».

Griefs

L'article 1er de l'arrete royal du 26 septembre 1996 etablissant lesregles generales d'execution des marches publics et des concessions detravaux publics, prevoit à quels marches publics s'appliquent les reglesgenerales d'execution des marches publics. Il n'etait pas conteste que lemarche attribue le 10 fevrier 1999 par la demanderesse à la defenderessetendant à la livraison « d'un vehicule à grande echelle» pour leservice d'incendie de la ville, entrait dans le champ d'application de cesregles generales d'execution des marches publics.

Aux termes de l'article 2 de ce meme arrete royal, les regles d'executiondes marches publics sont precisees par :

1DEG l'annexe à cet arrete, fixant le cahier general des charges desmarches publics de travaux, de fournitures et de services et desconcessions de travaux publics;

2DEG le cahier special des charges contenant les clauses contractuellesparticulieres applicables à un marche determine ou les documents entenant lieu, ci-apres denomme le cahier special des charges.

3DEG tous autres documents auxquels le cahier special des charges serefere.

L'article 66, S: 1er, du cahier general des charges des marches publics detravaux, de fournitures et de services et des concessions de travauxpublics, a trait aux amendes pour retard dans l'execution. Le 2DEG dupremier paragraphe de cette disposition dispose que les amendes pourretard sont calculees à raison de 0,7 pour cent par jour de calendrier deretard, le maximum etant fixe à 5 pour cent de la valeur des fournituresdont la livraison a ete effectuee avec un meme retard.

En outre, l'alinea 2 de l'article 3, S: 1er de l'arrete royal du 26septembre 1996 precite dispose qu'il ne peut etre deroge au cahiergeneral des charges que dans la mesure rendue indispensable par lesexigences particulieres du marche considere et que dans ce cas la listedes dispositions auxquelles il est deroge doit figurer en tete du cahierspecial des charges.

Une exigence particuliere du marche considere peut consister dans lalivraison rapide ou à temps de la chose. La vitesse ou la ponctualite dela livraison peut rendre indispensable qu'il soit tente d'eviter le pluspossible tout non-respect des delais de livraison, par exemple enderogeant (en le rendant plus severe) au systeme d'indemnisation precisepar le cahier general des charges.

Les derogations aux articles precites du cahier general des chargesdoivent, en principe, faire l'objet d'une motivation formelle dans lecahier special des charges. L'article 66 precite ne releve pas de cesarticles.

L'obligation de mentionner les exigences particulieres du marche considere(c'est-à-dire les motifs) rendant indispensable une derogation au cahiergeneral des charges, n'implique pas que ces motifs doivent faire l'objetd'une motivation formelle dans le cahier special des charges. Les« motifs des motifs » de derogation au cahier general des chargespeuvent, en effet, ressortir du dossier administratif et peuvent en touttemps etre explicites et prouves par l'administration.

Dans le cahier special des charges de la demanderesse, qui a ete redige en1998, il est mentionne sous le titre « derogations + motivationeventuelle (article 3 de l'arrete royal du 26 septembre 1996) » à lapage 3, litera B, comme le premier juge l'a constate :

« La clause d'amende est portee à 0,5 pour cent de la valeur desfournitures par trois jours ouvrables de retard par rapport au delaipropose par le fournisseur dans son offre, le maximum etant fixe à 15pour cent de la valeur des fournitures. Et ce parce que le delai delivraison propose par les soumissionnaires constitue un critered'attribution du marche ».

Lors de la discussion des criteres d'attribution du marche (...) il est eneffet enonce que l'administration choisit l'offre reguliere qui lui semblela plus avantageuse en tenant compte des criteres d'attribution qui sontranges par ordre d'interet decroissant :

1DEGla qualite technique des fournitures proposees et la valeuroperationnelle ;

2DEGle delai d'execution propose ;

3DEGle prix ;

4DEGla periode de garantie proposee ;

5DEGl'appui technique ;

A la page 14, sous le titre « clause d'amende » il est precise que :

« Etant donne que le delai de livraison propose par les soumissionnairesconstitue un critere pour l'attribution du marche, il faut eviter que cecritere soit vide de tout objet par l'execution systematiquement tardivedes prestations par le fournisseur.

En cas d'execution tardive ou incomplete de ses prestations,l'administration peut reclamer les indemnites forfaitaires suivantes :(...) ».

Ainsi la demanderesse a invoque dans le cahier special des charges (1) queles delais de livraison et d'execution constituaient un critered'attribution important et (2) que pour mieux garantir le respect du delaide livraison une indemnite forfaitaire plus elevee a ete prevue.

La demanderesse a invoque à juste titre dans ses conclusions d'appel desynthese (...) que bien que ladite derogation au cahier general descharges ne doive pas faire l'objet d'une motivation formelle, le cahierspecial des charges a enonce cette motivation, savoir l'importance dudelai de livraison en tant que critere d'attribution, de sorte que «laderogation et la motivation etaient dejà connues des le depart ».

La demanderesse a precise dans ces memes conclusions de synthese, lesraisons pour lesquelles le delai de livraison constituait un importantcritere d'attribution et invoquait plus specialement que (...) :

« Des lors que l'ancien vehicule à grande echelle ne repondait plus auxbesoins d'un service d'incendie moderne et que donc la securite de lapopulation en cas d'incendie ne pouvait plus etre garantie, il a etedecide de proceder à l'achat d'un nouveau vehicule. L'urgence consistedonc à continuer à garantir la securite de la population, ce qui ressortclairement de la nature de la mission des services d'incendie.

(...)C'est un fait que le vehicule de la ville d'Hasselt ne repondait plusaux exigences modernes et que l'achat d'un nouveau vehicule etait doncurgent afin de pouvoir assurer l'execution convenable du serviced'incendie et garantir ainsi la securite des habitants de la villed'Hasselt (...).

Au cours des 20 annees de service de l'ancien vehicule à grande echelle,la ville d'Hasselt, comme toute ville de Belgique, a subi d'importantesmodifications. Ainsi, de nombreux immeubles à etages ont ete construits,differentes rues à double sens de circulation ont ete transformees en rueà sens unique avec amenagement d'une piste cyclable afin de reduire letrafic dans la ville ; et pour resoudre les problemes de stationnement,d'autres rues à double sens de circulation ont ete transformees en ruesà sens unique avec stationnement alternatif. La voie carrossable estainsi devenue plus etroite en plusieurs endroits et il etait devenuimpossible pour le vehicule à grande echelle (dont le rayon de braquageest important) d'y tourner, rendant ainsi l'ancien vehicule à grandeechelle du service d'incendie de la ville d'Hasselt totalement impropre àeteindre un incendie.

(...)

Ces circonstances impliquent qu'en ce qui concerne ce marche public desexigences particulieres existent et que le caractere urgent invoque par laconcluante n'est certainement pas fictif.

En outre, on a suffisamment insiste et ce, des le depart, sur la necessited'une livraison urgente. C'est indique tant dans le cahier special descharges, que dans la note du commandant du service d'incendie de la villed'Hasselt adressee au College des bourgmestre et echevins en date du 17aout 1998 et dans les lettres des 23 fevrier 2000 et 20 octobre 2000 ».

Dans son jugement du 14 fevrier 2003, le tribunal de premiere instanced'Hasselt admet « que le motif exprime par la demanderesse dans le cahierspecial des charges pour justifier l'application en cas de livraisontardive d'un systeme de sanction plus severe que celui prevu par le cahiergeneral des charges tendait exclusivement, le delai de livraison proposepar les soumissionnaires constituant un critere pour l'attribution dumarche, d'eviter que ce critere soit vide de tout objet par l'executionsystematiquement tardive des prestations du fournisseur » (...) ; la courd'appel d'Anvers reprend les motifs du premier juge (...).

Le premier juge, suivi par le juge d'appel, reconnait des lors qu'auxtermes du cahier special des charges le delai de livraison constituait uncritere d'attribution du marche et que cela valait comme motif dederogation au cahier general des charges.

La cour d'appel decide aussi expressement (...) que « la demanderessejustifie « sa clause d'amende majoree » dans les dispositions du cahierspecial des charges en indiquant que le delai de livraison constitue uncritere d'attribution du marche et qu'il faut eviter que ce critere soitvide de tout objet par l'execution systematiquement tardive desprestations des fournisseurs ».

Conformement aux articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil, le juge esttenu de respecter la foi due aux actes qui lui sont regulierement soumis,ce qui implique qu'il ne peut attribuer à ces actes une signification ouune portee totalement inconciliables avec leurs termes.

Il ne pouvait des lors pas etre decide sans violer la foi due aux actesque la demanderesse a tente « de remedier à ce qu'elle semble considerercomme etant un probleme general à savoir que les fournisseurs livrentsystematiquement en retard parce que la clause d'amende prevue par lecahier general des charges n'est pas suffisamment dissuasive » (...) ouque ladite motivation « indique uniquement que la demanderesse souhaitese garantir contre une pratique generalisee des fournisseurs » (...) deslors que dans le cahier special des charges la demanderesse n'indiquaitpas qu'elle tentait de remedier à un probleme general de depassement desdelais de livraison ou qu'elle souhaitait se garantir contre une pratiquegeneralisee des fournisseurs consistant à depasser les delais delivraison, mais proposait de considerer le delai de livraison comme uncritere d'attribution et de garantir le respect du delai de livraison enrendant plus severe la sanction eventuelle du chef de non-respect de cedelai. La cour d'appel meconnait ainsi, par ses motifs propres et lesmotifs repris du premier juge, la foi due au cahier special des chargesdont les termes ont ete litteralement repris dans la decision du tribunalde premiere instance. La cour viole ainsi les articles 1319, 1320 et 1322du Code civil.

La cour d'appel ne pouvait pas davantage decider legalement « qu'un telmotif est etranger à `une necessite' decoulant `des exigencesparticulieres du marche considere' »(...) ni que « cette formulation nepermet pas de constater que dans le marche considere il etaitindispensable de deroger au cahier general des charges ou que le marcheconsidere devait etre soumis à des exigences particulieres » (...). Lerespect du delai de livraison requis dans ce dossier en tant que critereimportant d'attribution pouvait en effet constituer un motif legitime pourderoger au cahier general des charges. En le niant ou en ne l'acceptantpas la cour d'appel viole les articles 1er, 2 et 3, S: 1er, specialementalinea 2, de l'arrete royal du 26 septembre 1996 etablissant les reglesgenerales d'execution des marches publics et des concessions de travauxpublics dans ses versions anterieures et posterieures aux modificationspar les arretes royaux des 29 avril 1999, 20 juillet 2000 et 17 decembre2002 ,et l'article 66, S: 1er, 2DEG, alineas 1er et 2, du cahier generaldes charges des marches publics de travaux, de fournitures et de serviceset des concessions de travaux publics formant l'annexe à l'arrete royaldu 26 septembre 1996 dans ses versions anterieures et posterieures auxmodifications par l'arrete royal du 20 juillet 2000. Le motif pour lequelle respect du delai de livraison constituait un critere importantd'attribution ne devait pas etre mentionne dans le cahier special descharges, pouvait ressortir du dossier administratif et pouvait etredeveloppe par la demanderesse dans ses conclusions. En exigeantmanifestement que ce « motif » pour lequel le respect du delai delivraison constituait un critere important d'attribution soit indique dansle cahier special des charges, la cour d'appel viole, des lors, lesarticles 1er, 2 et 3, S: 1er, specialement alinea 2, de l'arrete royal du26 septembre 1996 etablissant les regles generales d'execution des marchespublics et des concessions de travaux publics dans ses versionsanterieures et posterieures aux modifications par les arretes royaux des29 avril 1999, 20 juillet 2000 et 17 decembre 2002, et l'article 66, S:1er, 2DEG, alineas 1er et 2, du cahier general des charges des marchespublics de travaux, de fournitures et de services et des concessions detravaux publics formant l'annexe à l'arrete royal du 26 septembre 1996dans ses versions anterieures et posterieures aux modifications parl'arrete royal du 20 juillet 2000.

(...)

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

1. En vertu de l'article 3, S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royal du 26septembre 1996 etablissant les regles generales d'execution des marchespublics et des concessions de travaux publics, tel qu'il est applicable enl'espece, le cahier general des charges annexe à cet arrete regit tousles marches publics dont le montant estime, hors taxe sur la valeurajoutee, est egal ou superieur à 800.000 francs.

En vertu de l'alinea 2 de cet article, sans prejudice des dispositionsspecifiques de cet arrete royal relatives aux marches de promotion et auxconcessions de travaux publics, il ne peut etre deroge au cahier generaldes charges que dans la mesure rendue indispensable par les exigencesparticulieres du marche considere.

En outre, la liste des dispositions auxquelles il est deroge doit figureren tete du cahier special des charges et les derogations aux articles 5,6, 7, 10, S: 2, 15, 16, 17, 18, 20, 21, 22, 30, S: 2, 36 et 41 du cahiergeneral des charges doivent faire l'objet d'une motivation formelle dansle cahier special des charges.

2. Il s'ensuit que les derogations aux articles 5, 6, 7, 10, S: 2, 15, 16,17, 18, 20, 21, 22, 30, S: 2, 36 et 41 du cahier general des charges quin'ont pas fait l'objet d'une motivation dans le cahier special des chargesne sont pas regulieres.

La circonstance que les derogations aux autres articles du cahier generaldes charges ne doivent pas etre motivees n'empeche pas l'administration deformuler malgre tout une motivation dans le cahier special des chargesmais le defaut de motivation ne peut, dans ce cas, entrainerl'irregularite de la derogation.

3. Independamment du fait qu'il ecarte les derogations qui sontirregulieres à defaut de motivation obligatoire, le juge, qui doitstatuer en matiere de marche public dont le montant estime, hors taxe surla valeur ajoutee, est egal ou superieur à 800.000 francs, sur laregularite d'une derogation au cahier general des charges figurant dans lecahier special des charges, est tenu d'examiner si les exigencesparticulieres du marche considere rendent cette derogation indispensable.

Se fondant sur une appreciation souveraine des elements de la cause, ilexamine si l'administration est à meme de demontrer l'existence de cesexigences particulieres ; il peut egalement prendre en consideration deselements fournis par les parties autres que ceux dont l'administration afait etat de maniere facultative ou obligatoire dans le cahier special descharges.

4. Les juges d'appel ont considere, notamment en reprenant les motifs dupremier juge, que, lors de l'appreciation de la regularite d'unederogation à l'article 66, S: 1er, 2DEG, alineas 1er et 2, du cahiergeneral des charges figurant dans le cahier special des charges, seuls lesmotifs exprimes dans le cahier special des charges peuvent etre pris enconsideration.

En statuant ainsi en ce qui concerne une derogation qui ne figure pas dansl'enumeration faite sous le point 2, alinea 1er, les juges d'appel ontviole l'article 3, S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royal du 26 septembre1996.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient, les presidents de section Robert Boes et Ernest Wauters, lesconseillers Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, etprononce en audience publique du quinze mai deux mille huit par lepresident Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat general ChristianVandewal, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Martine Regout ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

15 MAI 2008 C.07.0404.N/15


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0404.N
Date de la décision : 15/05/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-05-15;c.07.0404.n ?
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