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12/06/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0121.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 juin 2008, C.07.0121.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0121.N

AVECOR CARDIOVASCULAR LIMITED, societe de droit ecossais,

Me Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. TWINS, societe anonyme,

2. Q P& S, societe anaonyme,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 19 septembre2006 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a conclu

.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0121.N

AVECOR CARDIOVASCULAR LIMITED, societe de droit ecossais,

Me Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. TWINS, societe anonyme,

2. Q P& S, societe anaonyme,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 19 septembre2006 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Disposition legale violee

- Article 1068 du Code judiciaire

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque confirme les jugements dont appel en tant que les demandesde la premiere defenderesse ont ete declarees recevables et que lesdemandes tendant au paiement de dommages et interets du chef de violationde la bonne foi et du chef de diverses fautes commises avant le conge etau cours de la periode de preavis ont ete declarees non fondees et qu'unemesure d'instruction a ete ordonnee, mais annule les jugements dont appelpour le surplus et, statuant à nouveau, dit notamment pour droit que (i)la demanderesse aurait du accorder un delai de preavis de vingt quatremois de sorte que la premiere defenderesse peut pretendre à une indemnitede preavis de remplacement calculee sur la base d'un delai de preaviscomplementaire de quatorze mois, et aussi que (ii) la premieredefenderesse peut pretendre à une juste indemnite complementaire du chefd'apport de clientele, egale à neuf mois de benefice brut et, enfin, que(iii) il appartient au premier juge de statuer à nouveau sur ces deuxindemnites et renvoie la cause à nouveau au premier juge, sur la base desmotifs suivants :

« Le premier juge a designe un expert charge de donner son avis à proposde cette indemnite, compte tenu du benefice net moyen (avant impots)realise par la premiere defenderesse au cours d'une periode de deux ansanterieure au preavis, majore des frais incompressibles, resultant desrelations de distribution et qui, nonobstant la fin de ces relations,continueront à constituer un cout pour le concessionnaire.

Il a ainsi vise evidemment le benefice net et les frais concernant lesproduits qui font l'objet de la concession consentie par la demanderesse.

Des lors qu'il est impossible de prendre une decision à propos del'indemnite de conge reclamee, sans la fonder sur les resultats de cettemesure d'instruction et son appreciation, il y a lieu de confirmer cettemesure et en vertu de l'article 1068, alinea 2, du Code judiciaire, derenvoyer la cause au premier juge sur ce point.

Griefs

Apres avoir pose comme principe dans son alinea 1er la portee generale del'effet devolutif de l'appel, qui tant en matiere d'appel contre unjugement definitif qu'avant dire droit, saisit du fond du litige le juged'appel, l'article 1068 du Code judiciaire formule, dans son secondalinea, une exception à cette regle generale à savoir que le juged'appel « ne renvoie la cause au premier juge que s'il confirme, memepartiellement, une mesure d'instruction ordonnee par le jugemententrepris ».

Cette regle d'exception ne vaut toutefois pas lorsque le juge d'appel,apres avoir annule le jugement dont appel, ordonne une mesured'instruction par des motifs propres.

Ce faisant il ne peut renvoyer la cause au premier juge, meme si pour latotalite ou une partie des points à propos desquels le juge d'appelstatue la mission confiee à un expert est equivalente à celle qui luiauvait ete confiee par le premier juge.

En l'espece, le premier juge a considere que la demanderesse aurait dudonner un delai de preavis de vingt mois et que, des lors, la premieredefenderesse, eu egard au preavis donne de dix mois, avait encore droit àune indemnite de preavis compensatoire de dix mois. Un expert judiciaire aete designe pour calculer cette indemnite.

A propos de la juste indemnite de clientele complementaire, le premierjuge a ordonne la reouverture des debats.

La mesure d'expertise ordonnee par le premier juge est fondee sur lanecessite de calculer le benefice net moyen avant impot de la premieredefenderesse au cours d'une periode de deux ans precedent le preavis,majore des frais incompressibles, resultant des relations de distribution,qui, nonobstant la fin de ces relations, continueront à constituer uncout pour le concessionnaire, en vue de fixer l'indemnite de preaviscompensatoire.

Bien que cette mesure d'expertise soit confirmee par l'arret attaque, cedernier annule toutefois les jugements dont appel, notamment sur le pointdu calcul de l'indemnite de preavis compensatoire et de la juste indemnitecomplementaire sur la base de laquelle la mesure d'instruction ordonneepar le premier juge etait precisement fondee.

Statuant à nouveau, l'arret attaque decide par des motifs propres que :

Alors que le premier juge avait accorde un delai de preavis de vingt mois,les juges d'appel ont accorde un delai de vingt quatre mois. La decisiond'ordonner une mesure d'instruction est, des lors, necessairement fondeesur des motifs propres et ne constitue, des lors, pas la confirmation dela mesure d'instruction telle qu'ordonnee par le premier juge.

Sur le point de la juste indemnite complementaire, l'arret attaque decideaussi autrement que le premier juge : l'arret attaque accorde à lapremiere defenderesse une juste indemnite complementaire de neuf moisalors que le premier juge s'etait borne à ordonner la reouverture desdebats sur ce point. Il n'etait donc pas question d'une missiond'expertise telle que celle ordonnee par le premier juge à propos decette partie de la demande de sorte que l'arret attaque ne pouvait pasdavantage confirmer à cet egard une mesure d'instruction ordonnee par lepremier juge.

Apres avoir annule le jugement dont appel, notamment sur le point du delaide preavis et de l'indemnite de preavis compensatoire ainsi que sur lepoint de la juste indemnite compensatoire et apres avoir accorde un delaide preavis plus long et une juste indemnite complementaire, contrairementà ce qu'avait decide le premier juge, l'arret attaque ne pouvait, sansvioler l'article 1068, alinea 2, du Code judiciaire, renvoyer la cause aupremier juge, meme si, comme le premier juge, il a ordonne une mesured'expertise.

En renvoyant le litige concernant la juste indemnite complementaire dontil etait saisi en degre d'appel, au premier juge qui s'etait borne àordonner la reouverture des debats sur ce point et qui ne s'etait pasencore prononce à ce sujet, l'arret attaque viole en outre le principe del'effet devolutif de l'appel et, des lors, l'article 1068, alinea 1er, duCode judiciaire.

Second moyen

Dispositions legales violees

- articles 742 (modifie par l'article 9 de la loi du 24 juin 1970), 743(remplace par l'article 18 de la loi du 3 aout 1992), 744, 745 (ajoute parl'article 19 de la loi du 3 aout 1992), 746, 747, S: 2 (remplace parl'article 20 de la loi du 3 aout 1992 et remplace par l'article 1er, 1DEG,de la loi du 23 mars 1995 et complete par l'article 38 de la loi du 23decembre 2005), 748 (remplace par l'article 21 de la loi du 3 aout 1992 etmodifie par l'article 2 de la loi du 23 mars 1995) et 807 du Codejudiciaire ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense ;

- principe dispositif.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque condamne la demanderesse à payer à la premieredefenderesse une somme de 100.000,00 euros à titre provisionnel, sur labase des motifs suivants :

« Lors de l'audience des plaidoiries du 23 mai 2006, la premieredefenderesse a demande que, si la cour d'appel confirmait la mesured'instruction ordonnee par le premier juge et ne statuait pas encore demaniere definitive sur l'indemnite de preavis compensatoire et sur lajuste indemnite complementaire, une provision serait neanmoins dejàaccordee.

Le juge d'appel qui, apres avoir confirme la mesure d'instruction ordonneepar le premier juge, considere qu'une demande semble dejà fondee àconcurrence d'une somme provisionnelle, rend une decision qui estetrangere à la mesure d'instruction (Cass., 20 octobre 2000 , Pas. 2000,nDEG 566).

Compte tenu de toutes ces considerations, il y a lieu de condamner lademanderesse au paiement d'une somme de 100.000,00 euro à titreprovisionnel ».

Griefs

Premiere branche

En vertu de l'article 807 du Code judiciaire, le droit d'une partied'etendre ou de modifier sa demande est subordonne à l'existence deconclusions ecrites contradictoirement prises.

C'est l'expression du principe dispositif en vertu duquel le juge ne peuten aucun cas fonder sa decision sur des faits qui n'ont pas fait l'objetde debats entre les parties.

Le juge ne viole pas ainsi uniquement le principe dispositif mais aussi leprincipe general du droit relatif au respect des droits de la defense cequi implique qu'une partie, confrontee à une nouvelle demande, formuleeen outre oralement pour la premiere fois au cours de l'audience desplaidoiries, dispose de la possibilite d'y reagir par ecrit.

En l'espece, la premiere defenderesse a reclame, comme le precise l'arretattaque lui-meme, seulement « au cours de l'audience de plaidoirie du 23mai 2006 » et de maniere orale, une condamnation provisionnelle sansavoir jamais formule cette demande dans des conclusions d'appel ou dansl'acte d'appel.

La demanderesse ne disposait, des lors, pas de la possibilite de sedefendre par ecrit à ce propos.

En condamnant la demanderesse, sur la seule base d'une demande formuleepour la premiere fois par oral lors de l'audience de plaidoirie du 23 mai2006, « à payer une somme de 100.000,00 euro à titre provisionnel »,l'arret attaque meconnait le terme legal de « conclusions » et, deslors, les articles 742, 743, 744, 745, 746, 747, 478 et 870 du Codejudiciaire, ainsi que non seulement le principe dispositif mais aussi leprincipe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

Seconde branche

(...).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

1. Aux termes de l'article 1068, alinea 2, du Code judiciaire, le juged'appel ne renvoie la cause au premier juge que s'il confirme, memepartiellement, une mesure d'instruction ordonnee par le jugemententrepris.

2. Lorsque le juge d'appel reforme le jugement dont appel et rend, deslors, une decision sur le litige qui est differente de celle du premierjuge, il n'est pas tenu de renvoyer la cause au premier juge, meme s'ilconfirme la mesure d'instruction ordonnee par le jugement dont appel.

3. Les juges d'appel ont reforme le jugement dont appel et ont rendu unedecision differente de celle du premier juge sur l'indemnite de preaviscompensatoire et sur la juste indemnite complementaire du chef d'apport declientele qui devait etre payee par la demanderesse à la premieredefenderesse, à la suite de la cessation du contrat de concession.

Sur la base de la decision modifiee, les juges d'appel ont, en outre,confirme la mesure d'instruction ordonnee par le jugement dont appel.

4. Les juges d'appel qui ont renvoye la cause au premier juge, ont meconnula disposition legale precitee.

Le moyen et fonde.

Sur le second moyen

Quant à la premiere branche

5. En vertu de l'article 807 du Code judiciaire, la demande dont le jugeest saisi peut etre etendue ou modifiee, si les conclusions nouvelles,contradictoirement prises, sont fondees sur un fait ou un acte invoquedans la citation, meme si leur qualification juridique est differente.

La reduction par une partie de sa demande originaire à une simplecondamnation à titre provisionnel pour une partie du montant initial, neconstitue pas une extension ou une modification de la demande au sens del'article 807 du Code judiciaire et peut, des lors, etre formuleeoralement ou par defaut.

6. Le moyen qui, en cette branche, suppose que la demande d'une desparties d'accorder une partie de sa demande à titre provisionnel,equivaut à une extension ou une modification de la demande au sens del'article 807 du Code judiciaire et qu'elle doit ainsi etre faite dans desconclusions contradictoirement prises, manque en droit.

7. Dans la mesure ou, en cette branche, il invoque la violation desarticles 742 à 748 inclus du Code judiciaire, ainsi que du principegeneral du droit relatif au respect des droits de la defense et duprincipe dispositif, le moyen est deduit de la violation invoquee del'article 807 du Code judiciaire et est, des lors, irrecevable.

Quant à la seconde branche :

(...)

Quant au renvoi :

11. La cour d'appel qui a renvoye à tort la cause au premier juge, esttenue de traiter la cause plus avant.

Il n'y a pas lieu de renvoyer la cause à une autre cour d'appel.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il renvoie la cause au premier juge ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne la demanderesse à la moitie des depens ;

Reserve le surplus des depens pour qu'il y soit statue par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le premier president, le president de section Ernest Wauters,les conseillers Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, etprononce en audience publique du douze juin deux mille huit par le premierpresident, en presence de l'avocat general delegue Andre Van Ingelgem,avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Albert Fettweis ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

12 JUIN 2008 C.07.0121.N/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0121.N
Date de la décision : 12/06/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-06-12;c.07.0121.n ?
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