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12/06/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0294.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 juin 2008, C.07.0294.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0294.N

ETAT BELGE (Justice),

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,

contre

H. P.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6 mars 2007 parla cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente dans sa requete deux moyens libell

es dans les termessuivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 2, 8, 9, 556, 584 et 1039 du Code judicia...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0294.N

ETAT BELGE (Justice),

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,

contre

H. P.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6 mars 2007 parla cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente dans sa requete deux moyens libelles dans les termessuivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 2, 8, 9, 556, 584 et 1039 du Code judiciaire ;

- articles 1er, 7, 16, 18, 19 et 19ter de la loi du 9 avril 1930 dedefense sociale à l'egard des anormaux, des delinquants d'habitude et desauteurs de certains delits sexuels.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque « accueille l'appel et l'appel incident ; declarel'appel incident non fonde et l'appel fonde dans la mesure suivante ;reforme l'ordonnance entreprise dans la mesure ou elle declare non fondeela demande du defendeur et, statuant à nouveau, suspend provisoirementles decisions de la Commission de defense sociale du 18 septembre 2006 etde la Commission superieure de defense sociale du 19 octobre 2006 en casd'urgence et ordonne la mise en liberte provisoire du defendeur setrouvant dans un etablissement à Merksplas, à moins qu'il soit arretepour autre cause ; ( ...) condamne le demandeur aux depens des deuxinstances, s'elevant dans le chef du defendeur à (...) ».

Sur la base des motifs suivants :

« C'est à juste titre que le juge des referes s'est declare competent enl'espece. La defendeur invoque l'urgence. Il invoque la violation de sesdroits subjectifs des lors qu'il demeure interne alors que depuis il a etedeclare responsable par le juge correctionnel dans un jugement devenudefinitif, sur la base de l'avis donne par quatre psychiatres. Il invoqueaussi l'article 5, S: 1er, e, de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales et soutient qu'il est maintenu àtort en detention dans un etablissement psychiatrique bien qu'il soitetabli qu'il ne se trouve pas en etat de demence ou dans un etat grave dedesequilibre mental ou de debilite mentale. Le juge des referes estcompetent pour apprecier d'urgence ce fait. L'appel incident est, deslors, non fonde ».

Griefs

En vertu des articles 8, 9, 556, 584 et 1039 du Code judiciaire, le jugedes referes est competent dans les cas dont il reconnait l'urgence pourprendre des mesures conservatoires lorsqu'un acte administratif impliqueune atteinte manifestement fautive à des droits subjectifs et il peutordonner la suspension de cet acte lorsque le litige concerne directementla meconnaissance par l'administration de l'existence d'un droit subjectifou la reparation du dommage resultant de cette meconnaissance.

Mais en vertu de l'article 2 du Code judiciaire le juge des referes nepeut toutefois pas agir lorsque son intervention n'est pas compatible avecune disposition legale ou un principe general du droit regissant laprocedure penale, y compris les regles de competence et la reglementationen matiere d'exercice et de mise en etat de l'action publique, ainsi quele jugement, la sanction et la duree de la privation effective de libertesubsequentes.

La decision par laquelle la Commission de defense sociale, en applicationde l'article 18 de la loi du 9 avril 1930 precitee, ou, en degre d'appel,la Commission superieure de defense sociale, en application de l'article19 de ladite loi, statue sur la demande de mise en liberte definitive ouà l'essai de l'interne, lorsque l'etat mental de celui-ci s'estsuffisamment ameliore et que les conditions de sa readaptation sontreunies, precise la duree reelle de la privation de liberte ordonnee parla juridiction penale et modifie le statut de l'interne.

L'article 18, alinea 4, de la loi precitee, prevoit meme qu'en casd'urgence le president de la Commission de defense sociale peut ordonner,à titre provisoire, la mise en liberte de l'interne.

En tant que complement necessaire au jugement ou à l'arret qui ordonnel'internement pour une duree indeterminee, les dites decisions concernentla liberte personnelle et elles ont le caractere d'une decision judiciairequi est finalement susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassationen vertu des articles 19 et 19ter de la loi du 9 avril 1930 precitee.

Les decisions judiciaires prises en execution des attributions decompetence concernant la mise en liberte de l'interne relevent de lareglementation legale de la privation de liberte en matiere penale ets'opposent à l'intervention du juge des referes en cette matiere.

Il s'ensuit que l'arret attaque decide de maniere illegale que le juge desreferes est competent pour suspendre en cas d'urgence les decisions de laCommission de defense sociale du 18 septembre 2006 et de la Commissionsuperieure de defense sociale du 19 octobre 2006 et pour ordonner la miseen liberte provisoire du defendeur se trouvant dans un etablissement àMerksplas, des lors que cette intervention requise (violation des articles8, 9, 556, 584 et 1029 du Code judiciaire) n'est, en vertu de l'article 2du Code judiciaire (violation de l'article 2 du Code judiciaire) pascompatible avec la reglementation legale de la privation de liberte parl'internement en matiere penale (violation des articles 1er, 7, 16, 18, 19et 19ter de la loi du 9 avril 1930).

Second moyen

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution coordonnee ;

- articles 9, 584 et 1039 du Code judiciaire ;

- article 18 de la loi du 9 avril 1930 de defense sociale à l'egard desanormaux, des delinquants d'habitude et des auteurs de certains delitssexuels.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque « accueille l'appel et l'appel incident ; declarel'appel incident non fonde et l'appel fonde dans la mesure suivante :reforme l'ordonnance entreprise dans la mesure ou elle declare non fondeela demande du defendeur et, statuant à nouveau, suspend provisoirementles decisions de la Commission de defense sociale du 18 septembre 2006 etde la Commission superieure de defense sociale du 19 octobre 2006 en casd'urgence et ordonne la mise en liberte provisoire du defendeur setrouvant dans un etablissement à Merksplas, à moins qu'il soit pourautre cause ; ( ...) condamne le demandeur aux depens des deux instances,s'elevant dans le chef du defendeur à (...) ».

En constatant :

« La Commission de defense sociale a ordonne lors de sa reunion du 18septembre 2006 le maintien du defendeur dans l'etablissement de Merksplas`des lors qu'il se deduit des elements de la cause que l'etat mental dudefendeur ne s'est pas suffisamment ameliore et qu'aucune possibilite dereadaptation ne se profile garantissant à suffisance la societe contre ledanger'.

Le defendeur a forme un recours et la Commission superieure de defensesociale a rejete ce recours par sa decision du 19 octobre 2006 par lesmotifs suivants : `(...) il ressort de l'examen du dossier et des debatsque l'etat mental du defendeur ne s'est pas suffisamment ameliore et queles conditions de sa readaptation sociale ne sont pas reunies ; plusparticulierement, ils precisent qu'il n'existe pas suffisamment depossibilites concretes de readaptation en ce qui concerne des activitesutiles, une residence et des revenus fixes, offrant à la societesuffisamment de garanties contre le danger que presente l'interesse ».

Et :

« Tant la decision de la Commission que celle de la Commission superieuront ordonne le maintien du defendeur dans l'etablissement de Merksplas surla base du fait que son etat mental ne s'est pas suffisamment ameliore etque les conditions de sa readaptation ne sont pas reunies ».

Griefs

Premiere branche

Aux termes des articles 9, 584 et 1039 du Code judiciaire, le juge desreferes statue au provisoire dans les cas dont il reconnait l'urgence.

Conformement à l'article 584, alinea 2, du Code judiciaire, le juge desreferes peut ordonner des mesures conservatoires de droits s'il existe uneapparence de droit justifiant qu'une decision soit prise.

Le juge des referes excede les limites de ses pouvoirs lorsque dansl'examen des droits apparents des parties, il tient compte ou refuse detenir compte des normes de droit dans son raisonnement, d'une maniere quine peut fonder raisonnablement les mesures provisoires qu'il ordonne.

En vertu de l'article 18 de la loi precitee du 9 avril 1930 « (...)l'interne peut etre mis en liberte definitive ou à l'essai, lorsque sonetat mental s'est suffisamment ameliore et que les conditions de sareadaptation sociale sont reunies ».

La seule amelioration de son etat mental ne suffit, des lors, pas pouretre mise en liberte puisque les conditions de sa readaptation socialedoivent etre reunies.

L'ordre de mise en liberte à l'essai ne peut ainsi pas etreraisonnablement fonde par la seule constatation que l'etat mental dudefendeur s'est ameliore, sans qu'il soit aussi constate que lesconditions de sa readaptation sont reunies.

Le juge d'appel de maniere manifestement deraisonnable n'a pas tenu comptede cette exigence legale (...).

Il s'ensuit qu'en suspendant, en cas d'urgence, les decisions de laCommission de defense sociale du 18 septembre 2006 et de la commissionsuperieure de defense sociale du 19 octobre 2006 et en ordonnant la miseen liberte provisoire du defendeur de l'etablissement à Merksplas,l'arret attaque excede ses pouvoirs (violation des articles 9, 584 et 1039du Code judiciaire) en ne tenant pas compte dans son raisonnement, demaniere manifestement deraisonnable, de l'exigence legale requise, qu'unetelle mise en liberte provisoire ne peut etre ordonnee que si lesconditions de la readaptation du defendeur sont reunies (violation del'article 18 de la loi precitee du 9 avril 1930) et qu'elle n'est paslegalement justifiee des lors qu'elle ne constate pas que ces conditionssont reunies (violation de l'article 18 de la loi precitee du 9 avril1930).

Seconde branche

(...)

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Sur la fin de non-recevoir :

1. Le defendeur fait valoir que le moyen ne saurait entrainer la cassationdes lors que la decision reste legalement justifiee par le motif noncritique suivant lequel le juge d'appel considere qu'il ne se substituepas à la commission ou à la commission superieure de defense sociale.

2. Le moyen qui critique l'intervention du juge des referes en matiere desuspension de la decision de la commission de defense sociale et de lamise en liberte provisoire du defendeur sur la base de l'incompatibiliteavec la reglementation legale de la privation de liberte par l'internementen matiere penale en se referant à la procedure specifique et aux organesd'appreciation, critique ainsi l'appreciation precitee du juge d'appel.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen :

3. En vertu de l'article 584, alinea 2, du Code judiciaire, le juge desreferes statue au provisoire dans les cas dont il reconnait l'urgence etil peut ordonner des mesures conservatoires de droit s'il existe uneapparence de droit justifiant qu'une decision soit prise.

Le juge des referes est aussi competent pour ordonner des mesures urgenteset provisoires necessaires pour mettre fin à une violation apparemmentfautive d'un droit subjectif par une autorite ou pour prevenir une telleviolation.

La circonstance que l'acte apparemment illicite de l'autorite estsubordonne à une action publique, ne constitue pas un obstacle à cetteintervention, sauf lorsque l'intervention du juge en refere n'est pascompatible avec les lois et les principes regissant la competence desjuridictions repressives.

4. En vertu de l'article 18, alinea 1er, de la loi du 9 avril 1930 dedefense sociale, la commission de defense sociale peut, soit d'office,soit à la demande du procureur du Roi, de l'interne ou de son avocat,ordonner la mise en liberte definitive ou à l'essai de l'interne, lorsquel'etat mental de celui-ci s'est suffisamment ameliore et que lesconditions de sa readaptation sociale sont reunies.

En vertu de l'article 18, alinea 2, de ladite loi, en cas d'urgence, lepresident de la commission peut ordonner la mise en liberte de l'interne.

L'article 19bis de la loi precitee regle la procedure d'appel devant lacommission superieure de defense sociale et l'article 19ter regle lepourvoi en cassation contre la decision de la Commission superieure dedefense sociale precitee confirmant la decision de rejet de la demande demise en liberte de l'interne ou declarant fonde l'opposition du procureurdu Roi contre la decision de mise en liberte de l'interne.

5. Contrairement aux decisions de la commission qui ne modifient pas lestatut de l'interne et qui ne concernent qu'une mesure d'execution del'internement, la confirmation du rejet de la mise en liberte constitue uncomplement necessaire au jugement ou à l'arret qui a ordonnel'internement pour une duree indeterminee et cette decision presente lecaractere d'une decision juridictionnelle.

6. Il ressort de la combinaison de ce qui precede qu'il existe uneincompatibilite avec les lois et les principes qui regissent la competencedes juridictions penales lorsque le juge des referes annule une decisionjudiciaire en matiere d'internement rendu par l'instance legalementcompetente pour la prendre, fut-ce provisoirement.

7. Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que :

- l'internement du defendeur a ete ordonne par une decision de la chambredu conseil du tribunal de Malines du 20 juin 1995 ;

- le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Furnes le 27 juin2006 l'a condamne à 18 mois d'emprisonnement apres qu'un colleged'experts, designe par le tribunal correctionnel, avait estime « qu'il nese trouve pas actuellement en etat de demence, ni dans un etat grave detrouble mental ou de folie le rendant incapable de controler ses actes »et ce, pour des faits commis au cours de moments d'interruption de peineou de conge penitentiaire ou apres un defaut de retour apres unepermission de sortie ;

- la commission de defense sociale ordonne, le 18 septembre 2006, lemaintien de l'interesse dans un etablissement à Merksplas des lors quel'on peut conclure des elements de la cause que l'etat mental de l'internene s'est pas suffisamment ameliore et qu'aucune possibilite dereadaptation ne se profile garantissant à suffisance la societe contre ledanger ;

- la Commission superieure de defense sociale rejette l'appel du defendeurdans sa decision du 19 octobre 2006.

8. Le juge d'appel a considere :

- que tant la decision de la Commission que celle de la Commissionsuperieure ordonne le maintien du defendeur dans un etablissement àMerksplas sur la base du fait que son etat mental ne s'est passuffisamment ameliore et que ses conditions de readaptation ne sont pasreunies. Cette motivation generale n'est pas compatible avec lesconstatations des quatre psychiatres precites et du tribunal correctionnelqui a condamne le defendeur à une peine d'emprisonnement effective de 18mois, et qu'il en decoule necessairement que la loi de defense sociale nepeut plus lui etre appliquee ;

- en statuant ainsi provisoirement sur la base de « faits », la courd'appel ne se substitue pas à la Commission ou à la Commissionsuperieure.

Ensuite, l'arret suspend provisoirement les decisions des 18 septembre et19 octobre 2006 vu l'urgence et decide la mise en liberte du defendeur.

9. En statuant ainsi, le juge des referes a outrepasse ses pouvoirs.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Gand.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le premier president, le president de section Ernest Wauters,les conseillers Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, etprononce en audience publique du douze juin deux mille huit par premierpresident, en presence de l'avocat general delegue Andre Van Ingelgem,avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Albert Fettweis ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

12 JUIN 2008 C.07.0294.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0294.N
Date de la décision : 12/06/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-06-12;c.07.0294.n ?
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