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25/09/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0359.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 septembre 2008, C.07.0359.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0359.F

COMMUNE D'IXELLES, représentée par son collège des bourgmestre etéchevins, dont les bureaux sont établis en la maison communale,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile,

contre

S. P.,

défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 23 novembre

2006 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Didier Batselé a fait rapport.

L'avocat général André Henkes a conclu.

...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0359.F

COMMUNE D'IXELLES, représentée par son collège des bourgmestre etéchevins, dont les bureaux sont établis en la maison communale,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile,

contre

S. P.,

défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 23 novembre2006 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Didier Batselé a fait rapport.

L'avocat général André Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 84, 182 et 184 de l'ordonnance du conseil de la Région deBruxelles-Capitale du 29 août 1991 organique de la planification et del'urbanisme (ci-après l'O.P.U.), tels qu'ils étaient en vigueur après leurmodification par l'ordonnance du 23 novembre 1993 modifiant l'ordonnancedu 29 août 1991 organique de la planification et de l'urbanisme et parl'ordonnance du 18 juillet 2002 modifiant l'ordonnance du 29 août 1991organique de la planification et de l'urbanisme, ordonnance actuellementcontenue dans le Code bruxellois de l'aménagement du territoire, coordonnépar l'arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 9 avril2004, ratifié par l'ordonnance du conseil de la Région deBruxelles-Capitale du 13 mai 2004 ;

- articles 584 et 1035 à 1041 du Code judiciaire, dans la mesure oùceux-ci sont rendus applicables par l'article 184 de l'O.P.U.

Décisions et les motifs critiqués

L'arrêt décide de supprimer l'ordre d'interruption des actes litigieuxdonné le 3 décembre 2002, en raison de son illégalité et ce, pour lesmotifs suivants :

« 3. Les infractions reprochées (au défendeur)

Le procès-verbal de constat du 3 décembre 2002 vise, 'sans qu'un permisd'urbanisme valable n'ait été délivré à cet effet : un changementd'affectation d'une zone de recul en parking pour voitures et la violationde l'article 84, § 1^er, de l'ordonnance du 29 août 1991 ... selon sesdispositions du titre V - articles 182 à 194'.

Outre le changement d'affectation visé dans ce procès-verbal de constat,(la demanderesse) invoque, au cours de la procédure mue par (ledéfendeur), la violation d'autres dispositions urbanistiques quijustifieraient, selon elle, l'ordre d'interruption litigieux.

Cependant, il résulte de l'économie de l'article 184 de l'ordonnance du 29août 1991 que le bien-fondé des motifs de l'ordre verbal de cessation etde la confirmation du bourgmestre ne peut être examiné qu'au seul regardde l'infraction à laquelle cet ordre et sa confirmation prétendent mettrefin. La cour [d'appel] ne peut donc vérifier le bien-fondé de la décisiondu bourgmestre qu'au regard de l'infraction à laquelle elle entendaitmettre fin, à savoir le fait pour (le défendeur) d'avoir modifié l'usageet l'affectation de la zone de recul à l'avant de sa propriété alors qu'ilaurait dû obtenir le permis d'urbanisme préalable prévu par l'article 84,§ 1^er, de l'ordonnance du 29 août 1991.

L'article 84, § 1^er, 5°, disposait, dans sa rédaction applicable aumoment du constat (et donc avant sa modification par l'ordonnance du 23novembre 1993), qu'un permis d'urbanisme était requis pour `modifierl'utilisation de tout ou partie d'un bien en vue d'en changerl'affectation, même si cette modification ne nécessite pas de travaux'.

Cette disposition, qui est entrée en vigueur le 1^er juillet 1992, a rendunécessaire un permis d'urbanisme pour les modifications d'utilisationentraînant une modification d'affectation accomplies après son entrée envigueur. Par contre, dépourvue d'effet rétroactif, elle n'eut pas poureffet de soumettre à un tel permis les modifications d'utilisationdéfinitivement accomplies et acquises avant cette date (voir en ce sens, àpropos du règlement de la bâtisse de l'agglomération bruxelloise du 22janvier 1975, Cass., 11 avril 1990, Pas., I, p. 937).

La date à laquelle (le défendeur) ou le précédent propriétaire a suppriméle jardinet de la zone de recul du bien pour le remplacer par unemplacement de stationnement pour véhicule est inconnue.

(La demanderesse), qui supporte la charge de la preuve du faitinfractionnel qu'elle invoque, ne prouve pas que cette modification, àsupposer qu'elle doive être analysée comme la modification del'affectation du bien au sens de l'article 82, § 1^er, 5°, précité, seraitintervenue après le 1^er juillet 1992.

Elle propose une expertise afin de situer la période au cours de laquelleces aménagements ont été réalisés. Cependant, à défaut d'éléments concretset précis qui permettraient de les dater précisément, une expertise nepermettra pas de déterminer avec certitude que ces aménagements sontnécessairement postérieurs au 1^er juillet 1992. Il n'y a dès lors paslieu de l'ordonner.

L'ordre de cessation litigieux tend à mettre fin à une irrégularité qui,prima facie, n'est pas démontrée à suffisance de droit. Il ne peut êtremaintenu ».

Griefs

Première branche

Au moment de la constatation de l'infraction litigieuse, constatationconcomitante à l'ordre d'interruption de l'acte infractionnel, l'article184 de l'O.P.U. disposait :

« Les fonctionnaires et agents visés à l'article 183, alinéa 1^er, peuventordonner verbalement et sur place l'interruption immédiate des travaux oude l'accomplissement d'actes lorsqu'ils constatent que ceux-ci constituentune infraction en application de l'article 182.

L'ordre d'arrêt des actes ou des travaux doit, à peine de péremption, êtreconfirmé par le bourgmestre ou le fonctionnaire délégué.

Le procès-verbal de constat visé à l'article 183, alinéa 1^er, et ladécision de confirmation sont notifiés dans les dix jours par lettrerecommandée à la poste avec accusé de réception ou par exploit d'huissierde justice au maître de l'ouvrage et à la personne ou à l'entrepreneur quiexécute les actes ou les travaux.

Le cas échéant, une copie de ces documents est adressée en même temps aufonctionnaire délégué.

L'intéressé peut, par la voie du référé, demander la suppression de lamesure à l'encontre de la région ou de la commune selon que la décision deconfirmation a été notifiée par le fonctionnaire délégué ou par lebourgmestre. La demande est portée devant le président du tribunal depremière instance dans le ressort duquel les travaux et actes ont étéaccomplis. Le livre II, titre VI, du Code judiciaire est applicable àl'introduction et à l'instruction de la demande ».

Aux termes de l'article 182 de l'O.P.U., constitue une infraction le fait:

« 1° d'exécuter les actes et travaux visés aux articles 84 et 89 sanspermis préalable ou postérieurement à la péremption du permis ;

2° de poursuivre des actes et de maintenir des travaux exécutés sanspermis ou au-delà de la durée de validité du permis ou encore aprèsl'annulation de celui-ci ;

3° d'enfreindre de quelque manière que ce soit les prescriptions des plansparticuliers d'affectation du sol, des permis d'urbanisme ou de lotir etdes règlements d'urbanisme ou de réaliser une publicité non conforme auxdispositions prévues par l'article 181 ;

4° de ne pas se conformer aux dispositions prévues aux articles 121, 137,alinéas 2 et 4, 143 et 151, alinéas 3 et 5 ».

Lorsqu'ils statuent sur la base de l'article 184 de l'O.P.U., le présidentdu tribunal de première instance et, à sa suite, la cour d'appel sontcompétents pour apprécier la régularité de l'ordre de confirmation dubourgmestre, tant sur le plan de la légalité interne que sur le plan de lalégalité externe.

L'examen de la légalité interne de la décision du bourgmestre ne se limitepas aux dispositions légales dont la violation est invoquée par leprocès-verbal constatant l'existence d'une infraction. Il s'étend à touterègle de droit, et notamment aux dispositions visées par l'article 182 del'O.P.U., dont la méconnaissance peut donner lieu à un ordred'interruption ordonné par les autorités communales.

En termes de conclusions, la demanderesse faisait valoir que l'acteincriminé, à savoir l'aménagement d'un parking en remplacement d'unjardinet existant antérieurement, est contraire à l'article 84 del'O.P.U., à l'article 44 de la loi du 29 mars 1962 organique del'aménagement du territoire et de l'urbanisme, à l'article 4 de la loi du1^er février 1844 relative à la police de la voirie, à l'article 90, 8°,de l'ancienne loi communale, à l'article 11 du titre I du règlementrégional d'urbanisme et à l'article 23 du règlement communal du 9 janvier1948 sur les bâtisses, adopté par la demanderesse.

En décidant que la cour [d'appel] ne peut vérifier le bien-fondé de ladécision du bourgmestre qu'au regard de l'article 84, § 1^er, de l'O.P.U.,disposition invoquée dans le procès-verbal d'infraction, alors que lademanderesse soutenait en termes de conclusions que les actes litigieuxétaient également contraires à d'autres dispositions dont laméconnaissance constitue une infraction au sens de l'article 182 del'O.P.U., et en refusant de se prononcer sur la méconnaissance de cesdispositions, l'arrêt n'est pas légalement justifié. Il viole, partant,les articles 182 et 184 de l'O.P.U.

Seconde branche

Lorsqu'ils connaissent d'un recours, introduit sur la base de l'article184 de l'O.P.U. et dirigé contre un ordre d'interruption d'actes ou detravaux accomplis en violation des dispositions visées par l'article 182de l'O.P.U., le président du tribunal de première instance et, à sa suite,la cour d'appel exercent une compétence de fond et statuent, de manièredéfinitive, sur le maintien ou la suppression de l'ordre incriminé.

L'arrêt décrit comme il suit la compétence du président du tribunal depremière instance et, à sa suite, celle de la cour d'appel : « face àl'ordre d'interruption, le juge des référés doit en vérifier tant lalégalité externe que la légalité interne. Il doit examiner les formes del'acte et les délais observés. Sous réserve du provisoire, il doit ensuitevérifier l'existence des infractions que l'ordre veut faire cesser et,s'il considère que l'infraction n'est pas établie à suffisance de droit,l'ordre doit nécessairement être annulé ». Il décide, ensuite, que« l'ordre de cessation litigieux tend à mettre fin à une irrégularité qui,prima facie, n'est pas démontrée à suffisance de droit ».

En tant qu'il décide de soumettre la légalité de l'ordre d'interruptionlitigieux à un examen prima facie, limité aux apparences de légalité,l'arrêt limite l'étendue de la compétence du juge statuant comme en référémais au fond à celle d'un juge statuant en référé, telle que cettecompétence est notamment déterminée par l'article 1039 du Code judiciaire,alors que l'article 184 de l'O.P.U. limite l'application des articles 1035à 1041 du Code judiciaire, constituant le titre VI de son livre II, àl'introduction et à l'instruction de la demande, et n'étend à lacompétence du juge statuant comme en référé ni la règle de compétence dujuge statuant en référé, déduite de l'urgence, telle qu'elle résulte del'article 584 du Code judiciaire, ni la règle contenue dans l'article1039, alinéa 1^er, du Code judiciaire, qui dispose que les ordonnances surréféré ne portent pas préjudice au principal.

III. La décision de la Cour

Quant à la première branche :

Si, lorsqu'ils statuent sur la base de l'article 184 de l'ordonnance duconseil de la Région de Bruxelles-Capitale du 29 août 1991 organique de laplanification et de l'urbanisme, le président du tribunal de premièreinstance et, à sa suite, la cour d'appel doivent, comme l'admet l'arrêt,vérifier tant la légalité interne que la légalité externe de l'ordred'interruption des travaux, ce contrôle ne s'étend toutefois pas àd'autres infractions que celles dont le procès-verbal fondant cet ordre aconstaté l'existence.

L'arrêt, qui énonce que le procès-verbal du 3 décembre 2002 a constaté uneinfraction à l'article 84, § 1^er, de l'ordonnance précitée et quiconsidère que la cour d'appel « ne peut […] vérifier le bien-fondé de ladécision du bourgmestre qu'au regard de l'infraction à laquelle elleentendait mettre fin », justifie légalement sa décision de ne pasrechercher l'existence d'autres infractions.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

L'arrêt énonce que « la date à laquelle [le défendeur] ou le précédentpropriétaire a supprimé le jardinet de la zone de recul du bien pour leremplacer par un emplacement de stationnement pour véhicule estinconnue », que « [la demanderesse], qui supporte la charge de la preuvedu fait infractionnel qu'elle invoque, ne prouve pas que cettemodification, à supposer qu'elle doive être analysée comme [une]modification de l'affectation du bien […], serait intervenue après le 1^erjuillet 1992 », date de l'entrée en vigueur de la disposition érigeant lefait en infraction, et que l'expertise qu'elle propose « ne permettra pasde déterminer avec certitude que ces aménagements sont nécessairementpostérieurs au 1^er juillet 1992 », en sorte « qu'il n'y a […] pas lieu del'ordonner ».

Il ressort de ces énonciations que la cour d'appel a statué au fond surl'existence de l'infraction et n'a pas limité son examen à la seuleapparence de légalité de l'ordre d'interruption des travaux querellé.

Les termes dans lesquels la cour d'appel a décrit les limites de soncontrôle sont, dès lors, sans incidence sur la légalité de sa décision.

Le moyen qui, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation decelle-ci, est dénué d'intérêt, partant, irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de six cent septante euros seize centimesenvers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, les conseillers Didier Batselé,Albert Fettweis, Sylviane Velu et Philippe Gosseries, et prononcé enaudience publique du vingt-cinq septembre deux mille huit par le présidentChristian Storck, en présence de l'avocat général André Henkes, avecl'assistance du greffier Philippe Van Geem.

25 SEPTEMBRE 2008 C.07.0359.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0359.F
Date de la décision : 25/09/2008

Analyses

URBANISME - DIVERS


Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-09-25;c.07.0359.f ?
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