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29/09/2008 | BELGIQUE | N°C.06.0443.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 septembre 2008, C.06.0443.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGC.06.0443.F

M. S.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,

contre

1. G. C.,

2. G. V.,

3. G. P.,

defenderesses en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 30 mars 2006par la cour d'appel de Bruxelles.

Par ordonnance du 3 juillet 2008, le premier president a ren

voye la causedevant la troisieme chambre.

Le conseiller Philippe Gosseries a fait rapport.

L'avocat general Jean-Marie Genico...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGC.06.0443.F

M. S.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,

contre

1. G. C.,

2. G. V.,

3. G. P.,

defenderesses en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 30 mars 2006par la cour d'appel de Bruxelles.

Par ordonnance du 3 juillet 2008, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le conseiller Philippe Gosseries a fait rapport.

L'avocat general Jean-Marie Genicot a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense,tel qu'il est notamment consacre par l'article 774, alinea 2, du Codejudiciaire ;

- articles 12, alinea 1er, 23 et 149 de la Constitution ;

- articles 4.1 et 4.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1950 etapprouvee par la loi du 13 mai 1955 ;

- articles 8.1, 8.2 et 8.3, a), du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques, fait à New York le 19 decembre 1966 et approuve parla loi du 15 mai 1981 ;

- articles 6, 1108, 1128, 1131, 1133 et 1134 du Code civil ;

- article 7, S:S: 6 et 8, de l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernantla securite sociale des travailleurs ;

- articles 1er, 2, 3 et 27 de l'arrete royal du 28 novembre 1975 relatifà l'exploitation des bureaux de placement payants ;

- articles 1er, 2, S:S: 1er et 3, 3 et 8 de la loi du 24 fevrier 1978relative au contrat de travail du sportif remunere ;

- articles 1er, S: 1er, 7, 21, 31, S:S: 1er, alinea 1er, et 2, et 39,3DEG, de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travailinterimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate les faits suivants :

1DEG « Par convention du 2 juin 1995, Monsieur G. [l'auteur desdefenderesses] et [le demandeur] sont convenus de l'accord suivant : `Lejoueur reconnait par la presente convention etre la propriete exclusive deMonsieur G., celui-ci ayant acquis le joueur par ses propres moyensfinanciers. Monsieur .G. s'etant engage à mettre à la disposition duRoyal Football Club Wallonia Walhain, matricule 3.262, le joueurgratuitement. Le joueur ne pourra beneficier d'un quelconque transfert ouaffiliation vers un autre club sans l'accord ecrit de Monsieur G. souspeine d'indemniser le proprietaire d'une somme calculee sur la base del'indemnite de formation prevue dans un contrat de non-amateur d'un joueurde football. Il sera fait application de la regle de calcul etablie dansles reglements de l'Union royale belge des societes defootball-Association pour ce type de cas (...)'. A la meme date, soit le 2juin 1995, [le demandeur] a redige le document suivant : `Je soussigne S.M. declare par la presente avoir rec,u une somme de 50.000 francs pour lasignature du transfert de Braine vers W. Walhain par l'intermediaire demon proprietaire, Monsieur C. G.'. Selon `convention de vente' du 13 juin1995, [le demandeur] est transfere de Braine à W. Walhain : `Conventionde vente : nous soussigne, siege brainois, declarons avoir rec,u deMonsieur C. G. (...) la somme de 600.000 francs pour le transfert dujoueur S. M., à titre definitif' » ;

2DEG Le demandeur « exerc,a ses activites footballistiques dans les clubssuivants :

- saison 1996-1997 au R.F.C. Walhain ; - saison 1997-1998 au K.V.Mechelen ; - saison 1998-1999 à Strombeek » ;

3DEG Le demandeur « envisageant, apparemment, de s'affilier dans un autreclub pour la saison 1999-2000, par convention du 1er avril 1998, lesparties actualiserent les modalites de transfert : 'I1 est convenu entreles deux parties que le demandeur sera totalement libre (gratuitement) detransfert des la saison 1999-2000 à partir du moment ou il paiera, auplus tard pour le10 juin 1999, la somme de 350.000 francs à Monsieur C. G. Cet accordn'exclut pas un autre arrangement ulterieur à convenir entre les deuxparties'. Par lettre du 23 avril 1999, l'Union royale belge des societesde football - Association (U.R.B.S.F.A.) ecrit [au demandeur] : 'Monsieur,(..) nous avons pris bonne note de la demission que vous avez introduitepour la periode du 15 mars au 15 avril'. Il est en outre precise : 'P.S. :Si un paiement ou « indemnite de formation » est du, les operationsfinancieres s'effectueront automatiquement via le compte courant desclubs'. Pour la saison 1999-2000, [le demandeur] s'est affilie dans unautre club (celui de Tirlemont) » ;

4DEG « Par courrier du 8 avril 1999, M. G. met [le demandeur] en demeurede lui rembourser une somme de 350.000 francs : 'Cher Monsieur, j'ai etetres etonne de votre lettre recommandee envoyee à notre club pour votreliberte. Avec moi, vous avez toujours eu votre liberte de club, en plusj'avais dejà un formulaire blanc de transfert d'un an ou definitif signeparM. S.. Bref, vous savez que vous avez un contrat civil d'une dette en mafaveur d'ou le solde est de 350.000 francs signe de commun accord entrenous deux. Je reviens avec votre dossier de chez mon avocat et ce contratest maintenant exigible pour avoir votre liberte » ;

5DEG « Le Royal football club Wallonia Walhain, dont Monsieur G. sedeclare president, ne semble pas disposer de la personnalite juridique etconstituerait donc une simple association de fait generalement qualifieede 'cercle d'agrement' (...). Monsieur G. reste en defaut de prouver unquelconque pouvoir de representation juridique du R.F.C. Wallonia Walhain,de sorte qu'il y a lieu de considerer qu'il etait intervenu en nompersonnel et non pas comme president du club » ;

6DEG « Le montant reclame par Monsieur G. est calcule, selon ses dires,sur la base du prix initialement paye pour liberer le joueur sousdeduction des sommes ou commissions payees à 1'occasion de differentstransferts successifs » ;

7DEG Selon les conclusions du demandeur, celui-ci exerce son activite defootballeur dans le cadre d'un statut non-amateur et « il entend retirerun benefice economique de la pratique de ce sport »,

l'arret condamne le demandeur à payer aux defenderesses, qui ont reprisl'instance mue par Monsieur G.t, lequel est decede le 31 aout 2004, lasomme de 8.676,27 euros (soit 350.000 francs) à majorer des interetsmoratoires à partir du 10 juin 1999, deboute le demandeur de sa demandereconventionnelle en paiement d'une indemnite pour procedure temeraire etvexatoire, et condamne le demandeur aux depens d'appel.

L'arret fonde cette decision sur les motifs suivants :

A. « Il n'est pas valablement conteste que Monsieur G. a paye une sommede 600.000 francs pour permettre [au demandeur] de quitter son clubprecedent et de jouer au sein du R.F.C. Wallonia Walhain. Les parties sontextremement imprecises sur la nature juridique des relationscontractuelles intervenues entre elles, celles-ci pouvant etre qualifiees,par exemple, de contrat d'agence ou de pret consenti par Monsieur G.[audemandeur] pour lui permettre de rembourser une eventuelle 'indemnite deformation ' ou meme une avance due au club d'origine » ;

B. « Les differentes conventions avenues entre les parties sont redigeesdans un style anachronique. Il n'en resulte pas pour autant qu'ellessoient contraires à la Constitution. En effet, rien ne s'oppose à cequ'une personne loue son temps de travail ou de prestations à unemployeur. Rien ne s'oppose egalement à ce qu'un commettant cede un deses preposes et ses services à un tiers. En l'espece, la 'liberte' [dudemandeur] n'est pas plus atteinte par les contrats litigieux que celled'un representant de commerce qui est tenu contractuellement par uneclause de non-concurrence ou celle d'un militaire qui s'engage pour uneperiode determinee apres avoir rec,u une formation. En vain, [ledemandeur] invoque-t-il la violation des articles 12 et 17 (lire : 27) dela Constitution, qui garantissent la liberte individuelle et la liberted'association. Le present litige ne concerne pas la liberte d'associationet ne porte pas atteinte à la liberte [du demandeur] sauf à l'obliger,en cas de transfert, à rembourser une indemnite contractuelle detransfert, de formation ou de promotion convenue par les partieselles-memes » ;

C. « Pour des motifs identiques à ceux exposes ci-avant, il n'apparaitpas davantage que l'objet de la convention du 1er avril 1998 seraitcontraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Une clause prevoyant desdommages et interets en cas de resolution d'une convention n'est pascontraire à 1'ordre public » ;

D. « Pretextant de l'un des multiples defauts de redaction desconventions, [le demandeur] croit pouvoir tirer argument du fait que laconvention du 1er avril 1998 lui 'rendrait sa liberte', laquelle n'est pasnegociable. Il s'agit bien evidemment en l'espece de sa liberte de choixd'un autre club de football. L 'objet de la convention est licite » ;

E. « Il n'est pas etabli que monsieur G. aurait exerce, plutot qu'unmecenat au profit de 'son' club, une activite prohibee par l'arrete royaldu28 novembre 1995 (lire : 1975) relatif à l'exploitation des bureaux deplacement payants, l'existence d'un profit materiel ou d'une retributionquelconque à son avantage n'etant pas acquise. L'intervention de MonsieurG. ne contredit pas l'interdiction formulee par l'arrete royal du 28novembre 1995 (lire : 1975). En effet, l'activite prohibee par leditarrete royal concerne 'toute personne physique ou morale qui, sous quelquedenomination que ce soit, sert d'intermediaire pour procurer un emploi àun travailleur, soit à l'effet de tirer du travailleur ou de la personnequi l'engage un profit materiel direct ou indirect, soit, tout en nepoursuivant pas un profit materiel, de percevoir de l'un ou de l'autrepour son intervention une cotisation, un droit d'entree ou d'inscriptionou une retribution quelconque'. En l'espece, Monsieur G. n'a retire del'operation aucun profit materiel ou avantage. Au contraire, il a avancede ses propres deniers la somme qui devait permettre [au demandeur] dequitter son employeur precedent. [Le demandeur] ne conteste ni ce paiementni son montant » ;

F. « En vertu de l'article 1134 du Code civil, les conventions legalementformees tiennent lieu de loi aux parties. Elles ne peuvent etre revoqueesque de leur consentement mutuel pour les causes que la loi autorise. Enl'espece, les obligations reciproques sont precisees dans les conventionsdu 2 juin 1995 et du 1er avril 1998, lesquelles doivent etreappliquees ».

Griefs

Premiere branche

Dans ses conclusions d'appel, l'auteur des defenderesses avait soutenuque, comme le premier juge l'avait estime, les conventions fondant sademande « etaient parfaitement valides notamment d'un point de vuejuridique » au motif qu' « il n'est pas fait de la sorte transaction dedroits inherents à l'existence meme de la personne humaine mais sur desprestations qu'il est licite de s'attacher par louage d'ouvrage etd'industrie conformement à l'article 1779 du Code civil, ainsi que demettre à la disposition de tiers ». L'auteur des defenderesses sereferait en outre à la motivation d'un autre jugement du tribunal depremiere instance de Nivelles qui avait considere « que, dans les limitesdu droit, rien ne s'oppose à ce qu'une personne loue son travail ou desprestations quelconques à un tiers, par un contrat de travail, par uncontrat de louage regi par les articles 1779 et suivants du Code civil ;que, dans les memes limites du droit, rien ne s'oppose à ce qu'uncommettant cede un de ses preposes et ses services ; que rien ne permet depretendre que le droit de pouvoir participer, à titre individuel ou ausein d'un club, à une competition organisee au niveau local, national ouinternational, ne puisse faire l'objet de conventions juridiquementvalables ; que rien ne s'oppose à ce que le president d'un club qui n'apas la personnalite juridique ou une personne independante d'un tel clubs'engage personnellement dans l'acquisition d'un droit sur les activitesfootballistiques de joueurs et sur leur affectation dans un club, sur labase d'un interet propre, lucratif ou non, qui peut etre le souhait depromouvoir une activite commerciale par un sponsoring ou un mecenat ».

Selon les conclusions d'appel du demandeur, en revanche, la convention du1er avril 1998 est illicite au motif qu'elle est contraire à l'article1780 du Code civil, selon lequel « on ne peut engager ses services qu'àtemps ou pour une entreprise determinee » et qu'elle viole l'interdictionformulee par l'arrete royal du 28 novembre 1995 (lire :1975) relatif àl'exploitation des bureaux de placement payants.

Les parties au litige n'avaient donc pas envisage que les relationscontractuelles entre le demandeur et l'auteur des defenderesses puissentetre qualifiees de convention de pret consenti par ce dernier au premier« pour lui permettre de rembourser une eventuelle indemnite de formationou meme une avance due au club d'origine », comme l'arret l'envisage dansses motifs sub A. En considerant, dans ses motifs sub E, que la demandeest fondee au motif que l'auteur des defenderesses « a avance de sespropres deniers la somme qui devait permettre [au demandeur] de quitterson employeur precedent », sans ordonner la reouverture des debats pourpermettre au demandeur de faire valoir ses observations sur laqualification de pret ainsi attribuee aux relations contractuelles desparties, l'arret viole le principe general du droit relatif au respect desdroits de la defense.

Deuxieme branche

En vertu de l'article 12, alinea 1er, de la Constitution, la liberteindividuelle est garantie. L'article 23 de la Constitution dispose quechacun a le droit de mener une vie conforme à la dignite humaine et que,« à cette fin, la loi, le decret ou la regle visee à l'article 134garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droitseconomiques, sociaux et culturels, et determine les conditions de leurexercice », ces droits comprenant notamment le droit au travail et aulibre choix d'une activite professionnelle dans le cadre d'une politiquegenerale de l'emploi, visant entre autres à assurer un niveau d'emploiaussi stable et eleve que possible, le droit à des conditions de travailet à une remuneration equitable, ainsi que le droit d'information, deconsultation et de negociation collective.

Les articles 4.1 et 4.2 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales prevoient que nul ne peut etre tenuen esclavage ni en servitude et que nul ne peut etre astreint à accomplirun travail force ou obligatoire.

L'article 8.1 du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques, fait à New York le 19 decembre 1996, prevoit que « nul nesera tenu en esclavage et que l'esclavage et la traite des esclaves soustoutes leurs formes sont interdits ». L'article 8.2 dudit pacteinternational prevoit que nul ne sera tenu en servitude. Selon l'article8.3, a), du meme pacte international, nul ne sera astreint à accomplir untravail force ou obligatoire.

Il resulte des dispositions precitees que le droit d'exercer une activiteprofessionnelle remuneree ne peut subir d'autres restrictions que cellesqui sont prevues par la loi, le decret ou la regle vises à l'article 134de la Constitution, et que l'exercice de ce droit ne peut etre entrave, endehors des cas prevus par la loi, le decret ou la regle vises à l'article134 de la Constitution, par l'obligation de payer une indemnite à unepersonne qui pretendrait avoir acquis sur une autre des droits de natureà restreindre l'activite professionnelle remuneree de cette derniere.

En dehors des cas prevus par la loi, le decret ou la regle vises àl'article 134 de la Constitution, une convention dont resulterait un droitau paiement d'une indemnite de nature à entraver la liberte d'unepersonne d'exercer une activite professionnelle remuneree est contraire àl'ordre public et aux bonnes moeurs, au sens de l'article 6 du Code civil.Un tel contrat n'est valable ni au regard de l'article 1108 du Code civil,lequel exige, pour la validite de toute convention, que sa cause soitlicite, ni au regard de l'article 1128 de ce code, qui prevoit qu'il n'y aque les choses qui sont dans le commerce qui puissent etre l'objet desconventions, ni au regard des articles 1131 et 1133 du meme code, quidisposent que l'obligation fondee sur une cause illicite ne peut avoiraucun effet, la cause etant illicite quand elle est prohibee par la loi,ou quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public. Unetelle convention ne peut, en vertu de l'article 1134 du meme code, tenirlieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l'espece, il ressort des constatations de l'arret que le demandeurexerce son activite de joueur de football à titre d'activiteprofessionnelle (constatations sub 7DEG), que, selon les conventionsconclues les 2 et 13 juin 1995 entre l'auteur des defenderesses et, d'unepart, le demandeur et, d'autre part, le club de football de Braine,relatives au transfert du demandeur qui jouait au club de Braine vers leclub Wallonia Walhain, l'auteur des defenderesses a paye 50.000 francs audemandeur et 600.000 francs au club de Braine, le demandeur devenant sa'propriete exclusive' et s'engageant à l'indemniser en cas de transfertvers un autre club sans son accord (constatations sub 1DEG) et, que, parune convention du 1er avril 1998, le demandeur s'est engage à payer350.000 francs à 1'auteur des defenderesses pour retrouver la liberte dejouer dans un club de son choix (constatations sub 3DEG).

De l'ensemble de ces constatations, il se deduit que, selon lesconventions conclues entre le demandeur et l'auteur des defenderesses, ledemandeur avait aliene sa liberte d'exercer son activite professionnellede footballeur dans le club de son choix, en s'obligeant à payer àl'auteur des defenderesses designe comme son « proprietaire », une sommed'argent au titre d'indemnite, s'il s'affiliait à un club sans obtenirl'accord de l'auteur des defenderesses.

Il ne ressort d'aucune constatation de l'arret que les conventionsconclues entre le demandeur et l'auteur des defenderesses auraient eteconformes à une loi, un decret ou un reglement vises à l'article 134 dela Constitution, qui aurait permis une telle restriction du droit dudemandeur d'exercer l'activite professionnelle de son choix. L'arret neconstate pas l'existence d'un contrat d'agence, d'un contrat de travail oud'un contrat d'entreprise (voir motifs sub A, B et E) qui aurait justifielegalement cette restriction de liberte. Specialement, dans le cadre d'uncontrat de travail du sportif remunere, toute clause de non-concurrenceest reputee non avenue en vertu de l'article 8 de la loi du 24 fevrier1978 relative au contrat de travail du sportif remunere.

Des lors, l'arret n'a pu legalement decider que l'objet des conventions du2 juin 1995 et du 1er avril 1998 n'etait pas contraire à l'ordre publicet aux bonnes moeurs (motif sub C), que l'objet desdites conventions etaitlicite, ne s'agissant, pour le demandeur, que de negocier sa liberte dechoix d'un autre club de football (motif sub D) et que les conventions,legalement formees, sont valides et doivent etre appliquees (motif sub F).

L'arret meconnait ainsi les articles 12, alinea 1er, et 23 de laConstitution, les articles 4.1 et 4.2 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales et les articles 8.1, 8.2et 8.3, a), du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques, qui garantissent le droit du travail et le libre choix d'uneactivite professionnelle et qui interdisent l'esclavage et le travailforce. L'arret meconnait egalement les articles 6, 1108, 1128, 1131, 1133et 1134 du Code civil en refusant de reconnaitre que lesdites conventionssont contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs et ne peuvent deslors tenir lieu de loi à ceux qui les ont faites.

A tout le moins, à defaut d'indiquer en vertu de quelle dispositionlegale la restriction à la liberte du demandeur d'exercer son activiteprofessionnelle remuneree pouvait etre imposee par convention, l'arret nepermet pas à la Cour de controler la legalite de sa decision. L'arretn'est, des lors, pas regulierement motive et viole l'article 149 de laConstitution.

Troisieme branche

L'article 7, S: 6, de l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant lasecurite sociale des travailleurs dispose : « L'exploitation de bureauxde placement payants est interdite. Toutefois, le Roi peut, pour certainesprofessions, autoriser la continuation temporaire de l'activite de cesbureaux, tout en assurant leur disparition progressive. Il peut soumettreleur exploitation à certaines conditions et à des mesures decontrole ». En vertu de l'article 7, S: 8, de cet arrete-loi, lesinfractions à la disposition precitee sont punies de peinescorrectionnelles ou de police que le Roi determine.

Selon l'article 1er de l'arrete royal du 28 novembre 1975 relatif àl'exploitation des bureaux de placement payants, pour l'application dupresent arrete, il y a lieu d'entendre par 'bureau de placement payant'toute personne physique ou morale qui, sous quelque denomination que cesoit, sert d'intermediaire pour procurer un emploi à un travailleur, soità l'effet de tirer du travailleur ou de la personne qu'il engage unprofit materiel, direct ou indirect, soit, tout en ne poursuivant pas unprofil materiel, de percevoir de l'un ou de l'autre pour son interventionune cotisation, un droit d'entree ou d'inscription ou une retributionquelconque. L'article 2 dudit arrete royal dispose que l'exploitation desbureaux de placement payants est interdite. L'article 3 du meme arreteroyal autorise toutefois, à des conditions fixees par l'arrete royal,« l'exploitation de bureaux de placement payants pour les artistes despectacles ». En vertu de l'article 27 du meme arrete royal, dessanctions penales sont prevues pour 1DEG toute personne qui exploite unbureau de placement payant sans licence reguliere ; 2DEG toute personne,titulaire ou non d'une licence, qui exploite un bureau de placementpayant, ses preposes ou mandataires qui reclament ou perc,oivent descommissions, cotisations, droits d'entree ou d'inscription ou retributionen dehors des limites fixees par ou en vertu du present arrete ».

L'exploitation d'un bureau de placement payant n'est donc pas autorisee envue de la conclusion de contrats de travail vises aux articles 1er, 2 et 3de la loi du 24 fevrier 1978 relative aux contrats de travail du sportifremunere.

En l'espece, il ressort des constatations que, par une convention concluele 2 juin 1995, le demandeur a reconnu qu'il avait ete acquis par l'auteurdes defenderesses pour etre mis à la disposition du club de footballWallonia Walhain et qu'il ne pouvait beneficier d'un quelconque transfertvers un autre club sans l'accord de l'auteur des defenderesses, « souspeine d'indemniser le proprietaire d'une somme calculee sur la base del'indemnite de formation prevue dans un contrat de non-amateur d'un joueurde football », que, par une convention « de vente » conclue le 13 juin1995 entre l'auteur des defenderesses et le club de football de Braine, lepremier a verse au second la somme de 600.000 francs pour le transfert dudemandeur « à titre definitif » (constatations sub 1DEG), que, pour lesactivites de joueur de football exercees par le demandeur, de la saison1996-1997 à la saison 1998-1999, successivement aux clubs de Walhain, deMechelen et de Strombeek, l'auteur des defenderesses a perc,u des« sommes ou commissions payees à l'occasion des differents transfertssuccessifs » (constatations sub 2DEG et 6DEG) et que le demandeurexerc,ait son activite de footballeur à titre de « non-amateur » pouren « retirer un benefice economique » (constatations sub 7DEG).

Il se deduit de ces constatations que l'auteur des defenderesses a servid'intermediaire pour procurer au demandeur des emplois de sportif remunereau sein de differents clubs et qu'il a perc,u à cette occasion desretributions. Des lors, l'arret n'a pu legalement considerer que l'auteurdes defenderesses n'a pas exerce « une activite prohibee par l'arreteroyal du 28 novembre [1975] relatif à l'exploitation de bureaux deplacement payants », des lors qu'il « n'a retire de l'operation aucunprofit materiel ou avantage », pour s'etre borne à « avancer de sesdeniers la somme qui devait permettre [au demandeur] de quitter sonemployeur precedent » et a plutot exerce « un mecenat » au profit duclub de Walhain (motifs sub E). L'arret viole des lors les articles 7,S:S: 6 et 8, de l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securitesociale des travailleurs, 1er, 2, 3 et 27 de l'arrete royal du 28 novembre1975 relatif à l'exploitation des bureaux de placement payants,dispositions qui interdisent, sous peine de sanction penale,l'exploitation des bureaux de placement payants, sauf pour les artistes despectacle.

En considerant que les conventions conclues entre le demandeur et l'auteurdes defenderesses n'etaient pas contraires à l'ordre public et aux bonnesmoeurs et devaient des lors etre executees alors notamment quecelles-ci violent une regle assortie d'une sanction penale, l'arret violeen outre les articles 6, 1108, 1128, 1131, 1133 et 1134 du Code civil.

Enfin, l'arret contient une contradiction de motifs en considerant quel'auteur des defenderesses, d'une part, « etait intervenu en nompersonnel et non pas comme president du club » (constatation sub 5DEG)et, d'autre part, avait exerce « un mecenat au profit de son club »(motif sub E). L'arret n'est des lors pas regulierement motive et violel'article 149 de la Constitution.

Quatrieme branche

L'arret ne denie pas que, comme le demandeur le soutenait, celui-ciretirait un certain benefice economique de son activite de joueur defootball « non-amateur » au sein des differents clubs dans lesquels il aete transfere par l'intermediaire de l'auteur des defenderesses (voirconstatations sub 7DEG).

A defaut de constater quelles etaient les conditions de remuneration dudemandeur et si celles-ci etaient suffisantes pour que le demandeur puisseetre considere comme ayant ete occupe dans le cadre de contrats de travaildu sportif remunere, l'arret ne permet pas à la Cour d'exercer soncontrole de legalite sur la decision que l'auteur des defenderessesn'exerc,ait pas l'activite d'exploitation de bureaux de placement payants,prohibee par l'article 7,S:S: 6 et 8, de l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securitesociale des travailleurs et les articles 1er, 2 et 27 de l'arrete royal du28 novembre 1975 relatif à l'exploitation des bureaux de placementpayants. L'arret n'est des lors pas regulierement motive et violel'article 149 de la Constitution.

Cinquieme branche

En vertu de l'article 31, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 24 juillet 1987sur le travail temporaire, le travail interimaire et la mise detravailleurs à la disposition d'utilisateurs, est interdite l'activiteexercee, en dehors des regles fixees aux chapitres 1er et 2, par unepersonne physique ou morale qui consiste à mettre des travailleursqu'elle a engages, à la disposition de tiers qui utilisent cestravailleurs et exercent sur eux une part quelconque de l'autoriteappartenant normalement à l'employeur. Selon l'article 31, S: 2, de cettememe loi, le contrat par lequel un travailleur a ete engage pour etre misà la disposition d'un utilisateur en violation de la disposition duparagraphe 1er est nul, à partir du debut de l'execution du travail chezcelui-ci. En outre, en vertu de l'article 39, 3DEG, de ladite loi, dessanctions penales sont prevues pour toute personne qui met destravailleurs à la disposition d'utilisateurs en violation desdispositions des articles 31 et 32.

L'arret considere que la convention conclue le 2 juin 1995 entre ledemandeur et l'auteur des defenderesses, aux termes de laquelle le premierreconnaissait qu'il etait la propriete du second pour etre mis à ladisposition du club Wallonia Walhain et qu'il ne pouvait beneficierd'aucun transfert vers un autre club sans l'accord de l'auteur desdefenderesses, sous peine de devoir lui payer une indemnite, est licite,au motif, sub B, que « rien ne s'oppose à ce qu'une personne loue sontemps de travail ou de prestations à un employeur » et que « rien nes'oppose egalement à ce qu'un commettant cede un de ses preposes et sesservices à un tiers ». L'arret meconnait ainsi l'interdiction deprincipe edictee par l'article 31, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 24juillet 1987, la nullite d'un tel contrat prevue par l'article 31, S: 2,de cette meme loi, de meme que les sanctions penales attachees à cetteinterdiction. L'arret attaque viole des lors lesdites dispositionslegales.

En outre, en donnant effet à ladite convention des parties et à celle,conclue le 1er avril 1989, fixant l'indemnite due à l'auteur desdefenderesses, conventions considerees comme ayant un objet et une causelicites, non contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs (motifs subB, C, D et F), alors notamment que celles-ci violent une regle assortied'une sanction penale, l'arret viole les articles 6, 1108, 1128, 1131,1133 et 1134 du Code civil.

A tout le moins, à defaut d'indiquer la disposition de la loi du 24juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail interimaire et la misede travailleurs à la disposition de tiers qui aurait rendue licite laconvention, conclue entre le demandeur et l'auteur des defenderesses, parlaquelle le premier se mettait à la disposition du second pour etreaffecte à un club de football choisi par celui-ci, l'arret ne permet pasà la Cour d'exercer son controle de legalite. Partant, l'arret n'est pasregulierement motive et viole l'article 149 de la Constitution.

III. La decision de la Cour

Quant à la deuxieme branche :

L'arret constate, d'une part, que, par des conventions du 2 juin 1995,l'auteur des defenderesses et le demandeur sont convenus que le demandeur« reconnait [...] etre la propriete exclusive de [l'auteur desdefenderesses],celui-ci ayant acquis le joueur par ses propres moyens financiers » et« le joueur ne pourra beneficier d'un quelconque transfert ou affiliationvers un autre club sans l'accord ecrit de [l'auteur des defenderesses]sous peine d'indemniser le proprietaire d'une somme calculee sur [la] basede l'indemnite de formation prevue dans un contrat de non-amateur d'unjoueur de football », d'autre part, que, selon « convention de vente »du 13 juin 1995, le demandeur est transfere d'un club à un autre [pour]la somme de 600.000 francs rec,ue de l'auteur des defenderesses et que,par convention du 1er avril 1998, les parties sont convenues que « le[demandeur] sera totalement libre [...] de transfert des la saison1999-2000 à partir du moment ou il paiera [...] la somme de 350.000francs à [l'auteur des defenderesses] ».

L'arret, qui enonce que « les parties sont extremement imprecises sur lanature juridique des relations contractuelles intervenues entre elles,celles-ci pouvant etre qualifiees par exemple de contrat d'agence ou depret consenti par [l'auteur des defenderesses] au [demandeur] pour luipermettre de rembourser une eventuelle `indemnite de formation' ou memeune avance au club d'origine », ne qualifie pas le contrat que lesparties ont conclu.

La liberte d'exercer une activite professionnelle remuneree ne peut subird'autres restrictions que celles qui sont prevues par la loi.

Une convention qui, en dehors des cas ou la loi l'autorise, a pour but depermettre à l'une des parties, en l'espece l'auteur des defenderesses,d'empecher l'autre partie, en l'espece le demandeur, d'exercer librementson activite professionnelle, a une cause illicite et est frappee denullite absolue.

L'arret ne decide, des lors, pas legalement que les conventions preciteesdes 2 juin 1995 et 1er avril 1998 ne sont pas contraires à l'ordrepublic.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

La cassation de la decision disant l'appel des defenderesses fondes'etend, en raison du lien etabli par l'arret entre ces decisions, àcelle disant l'appel incident du demandeur non fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches du moyen, qui nesauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel principal ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Claude Parmentier, les conseillersDaniel Plas, Sylviane Velu, Philippe Gosseries et Martine Regout, etprononce en audience publique du vingt-neuf septembre deux mille huit parle president de section Claude Parmentier, en presence de l'avocat generalJean-Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.

29 SEPTEMBRE 2008 C.06.0443.F/6



Analyses

CONVENTION - ELEMENTS CONSTITUTIFS - Cause


Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 29/09/2008
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.06.0443.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-09-29;c.06.0443.f ?
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