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02/10/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0369.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 octobre 2008, C.07.0369.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0369.F

1. D. A., et

2. C. M.-T.,

domiciliés à Ragnies, rue du Trou de Leers, 19,

demandeurs en cassation,

représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11,où il est fait élection de domicile,

contre

B. F.,

défenderesse en cassation,

représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où

il estfait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 30 mai 2006...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0369.F

1. D. A., et

2. C. M.-T.,

domiciliés à Ragnies, rue du Trou de Leers, 19,

demandeurs en cassation,

représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11,où il est fait élection de domicile,

contre

B. F.,

défenderesse en cassation,

représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il estfait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 30 mai 2006 parla cour d'appel de Mons.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

Les demandeurs présentent deux moyens libellés dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions légales violées

Articles 549, 550, 1382 et 1383 du Code civil.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt attaqué, après avoir reconnu aux demandeurs un droit à uneindemnité pour privation de jouissance du 1^er octobre 1990 au 1^er mars2002 compte tenu de la mauvaise foi de la défenderesse et, dès lors, del'inapplicabilité des articles 549 et 550 du Code civil à son égard, fixele montant de cette indemnité sur la base de la valeur du bien avant laréalisation des travaux par la défenderesse, par tous ses motifs réputésici intégralement reproduits et, en particulier, par les motifs

« Que c'est avec raison que (la défenderesse) fait valoir que la valeurlocative doit être estimée avant les travaux qu'elle a fait réaliser etnon en fonction des améliorations que ceux-ci ont apportées à l'immeuble ;

Que l'expert judiciaire évalue cette valeur avant travaux à 11.000 francspar mois, soit 272,68 euros, estimation généreuse si l'on observe que (lesdemandeurs) percevaient auparavant un revenu locatif mensuel de 8.744francs, soit 219,76 euros, et que, dans le cadre des conclusions déposéesen première instance, ils évaluaient à 9.000 francs, soit 223,10 euros, lavaleur locative des lieux ;

Que la cour [d'appel] retiendra l'estimation avant travaux opérée dans lerapport d'expertise, laquelle peut constituer une moyenne raisonnable enconsidération de la période qu'elle concerne : 11 ans et 5 mois (du 1^eroctobre 1990 au 1^er mars 2002, époque de reprise de l'immeuble) ;

Qu'il revient à ce titre aux (demandeurs) une somme de 37.357,16 euros ».

Griefs

En vertu des articles 549 et 550 du Code civil, seul le possesseur debonne foi peut conserver les fruits de la chose possédée. Dès qu'il aconnaissance des vices de son titre, sa bonne foi cesse et il est parconséquent tenu sur la base de ces dispositions et des articles 1382 et1383 du Code civil de restituer ces fruits au propriétaire de la chose.

L'obligation de réparation intégrale du préjudice implique que doiventêtre restitués non seulement les fruits perçus par le possesseur demauvaise foi, mais également ceux que le propriétaire aurait perçus s'illui avait rendu la chose.

L'arrêt attaqué relève, d'une part, que la défenderesse n'était plus debonne foi au-delà du 7 septembre 1990 et, d'autre part, que la restitutionde l'immeuble litigieux aux demandeurs eut lieu le 1^er mars 2002. Il fixedès lors la période à indemniser du 1er octobre 1990 au 1^er mars 2002.

Les travaux réalisés par la défenderesse à l'immeuble litigieux se sontdéroulés du mois de mars 1990 au mois d'octobre 1990.

Il s'en déduit que, si la défenderesse avait restitué le bien auxdemandeurs dès la disparition de sa bonne foi, en septembre 1990, cesderniers auraient joui des améliorations apportées antérieurement àl'immeuble qui en augmentèrent sensiblement la valeur locative.

En déterminant le montant de l'indemnité due pour privation de jouissancesur la base de la valeur locative du bien avant travaux, l'arrêt attaquélimite de manière injustifiée l'indemnisation à laquelle pouvaientprétendre les demandeurs dans la mesure où la défenderesse, possesseur demauvaise foi, était tenue de restituer les fruits qu'elle avait perçusainsi que ceux que les demandeurs auraient perçus si elle leur avaitrestitué l'immeuble litigieux au moment où elle prit connaissance desvices affectant son titre. Il viole par conséquent les articles 549, 555(lire : 550), 1382 et 1383 du Code civil.

Second moyen

Dispositions légales violées

- article 149 de la Constitution ;

- articles 555, 1153 et 1382 du Code civil.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt attaqué, après avoir condamné les demandeurs à restituer à ladéfenderesse la plus-value apportée à l'immeuble litigieux par les travauxque cette dernière avait réalisés, majore le montant de 47.100 eurosoctroyé à ce titre « des intérêts depuis (...) le 17 novembre 1990 (...)jusqu'au parfait paiement ».

Griefs

Première branche

La défenderesse demandait que les sommes réclamées soient majorées desintérêts moratoires ou compensatoires et, ensuite, judiciaires calculés autaux légal depuis le 17 novembre 1990 (date de la dernière facture detravaux).

Les demandeurs soutenaient que la plus-value « étant censée représenterl'accroissement de la valeur de l'immeuble à sa restitution, (lesintérêts) doivent se calculer à la date du rapport d'expertise, quil'actualise », soit à partir du 4 novembre 2003.

L'arrêt attaqué majore le montant dû par les demandeurs à titre deplus-value des intérêts à partir du 17 novembre 1990 sans justifier lechoix de cette date par aucun motif ; il n'est, partant, pas régulièrementmotivé (violation de l'article 149 de la Constitution).

Deuxième branche

Lorsque des ouvrages ont été réalisés par un tiers avec ses matériaux surle fonds d'autrui, l'article 555 in fine du Code civil offre le choix aupropriétaire du fonds de rembourser au tiers évincé de bonne foi, soit lavaleur des matériaux et le prix de la main-d'œuvre, soit une somme égale àcelle dont son fonds a augmenté de valeur.

La créance de plus-value, deuxième branche de l'option, visée à l'article555 du Code civil naît lors de la restitution de la chose à sonpropriétaire, soit en l'espèce le 1^er mars 2002.

Il s'en déduit que l'arrêt n'a pu condamner les demandeurs aux intérêtspour une époque antérieure à la restitution du bien et donc à la naissancede la créance de la défenderesse envers eux (violation de l'article 555 duCode civil).

Si la condamnation des demandeurs à verser à la défenderesse la plus-valueapportée à l'immeuble par ses travaux doit être analysée en une dette devaleur, en la majorant des intérêts depuis le 17 novembre 1990, l'arrêtviole non seulement l'article 555 du Code civil mais également l'article1382 du même code et la notion d'intérêts compensatoires.

En effet, en présence d'une dette de valeur, le juge dispose d'un largepouvoir d'appréciation pour déterminer le point de départ des intérêtscompensatoires mais ne peut en toute hypothèse allouer ceux-ci pour unepériode précédant la naissance du dommage et donc de l'obligation de leréparer.

Troisième branche

Si la condamnation des demandeurs à verser à la défenderesse la plus-valueapportée à l'immeuble par ses travaux doit être analysée en une dette desomme, l'arrêt viole, non seulement l'article 555 du Code civil en vertuduquel la créance de plus-value naît au moment de la restitution du bien àson propriétaire, mais également l'article 1153 du même code et la notiond'intérêt moratoire.

En effet, l'article 1153 du Code civil permet au juge de sanctionner leretard dans l'exécution d'une obligation de somme par l'allocationd'intérêts moratoires. En l'espèce, l'obligation de somme des demandeursest née au moment de la restitution de leur bien par la défenderesse, soitle 1^er mars 2002 ; l'arrêt attaqué n'a donc pu accorder à cette dernièredes intérêts moratoires pour une période antérieure à la naissance del'obligation, et donc à un quelconque retard dans l'exécution de cetteobligation.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

En vertu des articles 549 et 550 du Code civil, seul le possesseur debonne foi peut conserver les fruits de la chose possédée. Dès que lepossesseur a connaissance des vices de son titre, sa bonne foi cesse et ilest tenu, sur la base de ces dispositions et des articles 1382 et 1383 duCode civil, de restituer les fruits au propriétaire de la chose.

Doivent être restitués au propriétaire non seulement les fruits perçus parle possesseur de mauvaise foi mais également ceux que le propriétaireaurait perçus si l'indue possession ne l'en avait empêché.

L'arrêt rendu en la cause le 11 septembre 2001, auquel l'arrêt attaqué seréfère, constate que la défenderesse a effectué d'importants travaux dansl'immeuble des demandeurs jusqu'au 7 septembre 1990 et décide, sans êtrecritiqué, qu'elle a cessé d'être possesseur de bonne foi à cette date.

L'arrêt attaqué condamne les demandeurs à payer à la défenderesse uneindemnité correspondant à la plus-value que ces aménagements ont apportéeà leur bien.

Il considère, sans être critiqué, que les demandeurs ont été privés de lajouissance de leur bien du 1^er octobre 1990 au 1^er mars 2002, date àlaquelle le bien leur a été restitué avec ses améliorations, et qu'ils ontdroit à une indemnité en réparation de ce dommage, à calculer sur la basede la valeur locative du bien.

En refusant, pour déterminer cette valeur locative, de tenir compte desaméliorations apportées au bien par la défenderesse, alors que le bienaurait dû être restitué aux demandeurs avec ces améliorations dès le moisde septembre 1990, l'arrêt attaqué n'accorde pas aux demandeurs latotalité des fruits auxquels ils pouvaient prétendre et viole dès lors lesdispositions légales visées au moyen.

Le moyen est fondé.

Sur le second moyen ;

Quant à la première branche :

Par aucune considération, l'arrêt attaqué ne répond aux conclusions desdemandeurs qui faisaient valoir que, la plus-value étant censéereprésenter l'accroissement de la valeur de l'immeuble à sa restitution,les intérêts sur cette plus-value doivent se calculer à la date du rapportd'expertise, qui l'actualise, soit à partir du 4 novembre 2003.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches du moyen, qui nesauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il condamne les demandeurs à payerà la défenderesse la somme en principal de 47.100 euros et la somme de1.810,08 euros augmentée des intérêts depuis le 1^er janvier 1997 ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtpartiellement cassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batselé, Albert Fettweis, Christine Matray et Martine Regout, etprononcé en audience publique du deux octobre deux mille huit par leprésident de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat généralThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

2 OCTOBRE 2008 C.07.0369.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0369.F
Date de la décision : 02/10/2008

Analyses

POSSESSION


Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-10-02;c.07.0369.f ?
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