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05/01/2009 | BELGIQUE | N°S.08.0013.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 janvier 2009, S.08.0013.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.08.0013.N

DHL GLOBAL FORWARDING (BELGIUM), societe anonyme,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

T. J.

I. La procedure devant la Cour

* Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 13 fevrier2007 par la cour du travail d'Anvers.

* Par ordonnance du 27 octobre 2008, le premier president a renvoye lacause devant la chambre pleniere.

* Le president de section Robert Boes a fait rapport.

* L'avocat general Ria Mortier a conclu.

II.

Le moyen de cassation

* La demanderesse presente un moyen dans sa requete.

* Dispositions legales violees

- articles ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.08.0013.N

DHL GLOBAL FORWARDING (BELGIUM), societe anonyme,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

T. J.

I. La procedure devant la Cour

* Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 13 fevrier2007 par la cour du travail d'Anvers.

* Par ordonnance du 27 octobre 2008, le premier president a renvoye lacause devant la chambre pleniere.

* Le president de section Robert Boes a fait rapport.

* L'avocat general Ria Mortier a conclu.

II. Le moyen de cassation

* La demanderesse presente un moyen dans sa requete.

* Dispositions legales violees

- articles 35, 39, S: 1er, et 82, plus specialement S:S: 2 à 4 inclus, dela loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail ;

- article 4, alinea 1er, de la loi du 17 avril 1878 contenant le titrepreliminaire du Code de procedure penale, tant dans la version anterieureque dans la version posterieure à ses modifications par les lois des13 avril et 23 decembre 2005.

* * Decisions et motifs critiques

Apres avoir partiellement deboute la demanderesse de l'appel principal etla defenderesse de l'appel incident, la cour du travail d'Anvers a annule,par l'arret attaque rendu le 13 fevrier 2007, le jugement rendu le 31 mai2005 par le tribunal du travail d'Anvers en tant qu'il condamnait lademanderesse au paiement d'une indemnite de conge complementaire s'elevantà 77.095,42 euros, à majorer des interets legaux sur l'equivalent net decette somme et des interets legaux sur le montant net correspondant aumontant brut, et à la remise des documents sociaux portant sur la sommeallouee, et, statuant à nouveau à cet egard, a condamne la demanderesseau paiement d'une indemnite de conge complementaire s'elevant à63.861,84 euros, sous deduction des cotisations de securite sociale et desprecomptes professionnels prevus par la loi, dans la mesure ou ceux-cisont dus, majore des interets legaux calcules sur le montant netcorrespondant à partir des dates d'exigibilite respectives, ainsi que desinterets judiciaires jusqu'au 30 juin 2005. La cour du travail a condamnela demanderesse à la remise du compte individuel et des documents sociauxrectifies en fonction de la somme allouee.

Apres avoir constate que la defenderesse, occupee par la demanderesse, aete licenciee dans un premier temps moyennant un delai de preavis de sixmois prenant cours le 1er septembre 2002 pour etre ensuite licenciee pourmotif grave notifie par lettre recommandee le 8 novembre 2002, la cour dutravail a fonde sa decision sur les motifs suivants :

« La disposition d'ordre public contenue dans l'article 4 de la loi du17 avril 1878, en vertu de laquelle l'exercice de l'action civile quin'est pas poursuivie en meme temps et devant le meme juge que l'actionpublique est suspendu tant qu'il n'a pas ete prononce definitivement surl'action publique, est justifiee par le fait que le jugement penal aautorite de chose jugee à l'egard de l'action civile separementintroduite quant aux points communs à l'action publique et à l'actioncivile.

Ainsi, lorsqu'une action publique est entamee, le juge civil est obliged'attendre les resultats de l'instruction, dans les limites toutefois despoints communs aux deux actions.

(...)

Il ressort des elements du dossier que, le 17 fevrier 2005, l'employeuse aporte plainte et s'est constituee partie civile à l'egard de madame T. duchef de faux commis en ecritures et en informatique, de violation dessecrets de l'entreprise, de vol, d'abus de confiance et d'infractionscontre la confidentialite, l'integrite et la disponibilite des systemesinformatiques.

Contrairement à ce que madame T. a fait valoir dans ses conclusions desynthese du 1er decembre 2006, il n'a pas encore ete statue definitivementsur l'action publique exercee à son egard par la societe anonyme.

(...)

Ainsi, la cour du travail est obligee de surseoir à statuer sur lademande introduite par madame T. tendant au paiement d'une indemnite deconge correspondant à la partie du delai de preavis notifie restant àcourir (...), dans les limites toutefois des points communs aux deuxactions.

(...)

Contrairement à ce que madame T. fait valoir, la cour du travailconsidere que les faits à l'origine de l'action publique exercee à sonegard à la suite de la plainte accompagnee de la constitution de partiecivile du 17 fevrier 2005 sont lies au motif de conge pour violation dessecrets de l'entreprise invoque dans la lettre de conge.

Par ailleurs, il n'est pas certain, hic et nunc, que le document envoye le5 novembre 2002 par madame T. à la firme Schenker - à savoir un faxemanant de l'agence de transport Ubemar - a ete utilise au cours del'instruction penale.

Ainsi, la cour du travail est obligee de surseoir à statuer surl'existence et la gravite du premier fait invoque jusqu'à la decision surl'action publique.

(...)

L'employeur qui resilie le contrat de travail sans motif grave ou sansrespecter le delai de preavis prevu par la loi, est tenu de payer autravailleur une indemnite egale à la remuneration en cours correspondantsoit à la duree du delai de preavis, soit à la partie de ce delairestant à courir (article 39 de la loi du 3 juillet 1978).

Le droit à une indemnite de conge accorde à l'employe qui est licenciemoyennant un delai de preavis inferieur à celui auquel il peut pretendrenait des la notification du conge, meme si le contrat de travail subsistepour la duree du delai de preavis observe.

Cette indemnite de conge, dite indemnite de conge complementaire, doitetre calculee sur la base de la remuneration à laquelle l'employe a droitau moment de la notification du conge. (...)

Ainsi, cette indemnite de conge complementaire est à distinguer del'indemnite de conge dont l'employeur est redevable lorsqu'il met finunilateralement et irregulierement au contrat de travail au cours du delaide preavis notifie, soit l'indemnite de conge egale à la remuneration encours correspondant à la partie du delai de preavis notifie restant àcourir.

Le droit à cette indemnite de conge ne nait qu'au moment du conge meme etl'indemnite de conge doit etre calculee sur la base de la remuneration àlaquelle l'employe a droit à ce moment.

Madame T. reclame le paiement d'une indemnite de conge egale àvingt-quatre mois de remuneration sous deduction de la partie du delai depreavis dejà prestee, soit deux mois et huit jours.

Ainsi, juridiquement, l'indemnite reclamee est constituee de deuxelements, à savoir l'indemnite de conge correspondant à (la partierestant à courir) du delai de preavis notifie dont la societe anonyme estredevable en raison du conge qu'elle aurait irregulierement notifie aucours du delai de preavis, et l'indemnite de conge complementairecorrespondant au delai de preavis à respecter, sous deduction du delai depreavis notifie.

(...)

Eu egard à tous les elements pertinents existant en l'espece au moment duconge, la cour du travail considere que la societe anonyme aurait durespecter un delai de preavis de vingt-quatre mois.

Ainsi, le delai de preavis notifie est insuffisant et, en consequence,madame T. a droit, en raison du conge et au moment du conge, au paiementd'une indemnite de conge complementaire egale à dix-huit mois deremuneration, soit 63.861,84 euros.

La cour du travail releve en outre à cet egard que le droit à uneindemnite de conge complementaire pour resiliation irreguliere du contratde travail accorde à l'employe qui est licencie moyennant un delai depreavis inferieur à celui auquel il peut pretendre nait des lanotification du conge, meme si le contrat de travail subsiste pour laduree du delai de preavis notifie, et que ce droit, 'acquis' et non'virtuel' dans le chef de l'employe, ne subit pas l'influence d'evenementsulterieurs, fut-ce un conge pour motif grave notifie par l'employeur aucours du delai de preavis.

(...) ».

* Griefs

La disposition de l'article 4, alinea 1er, de la loi du 17 avril 1878, envertu de laquelle l'exercice de l'action civile qui n'est pas poursuivieen meme temps et devant le meme juge que l'action publique est suspendutant qu'il n'a pas ete prononce definitivement sur l'action publique, estjustifiee par le fait que le jugement penal a autorite de chose jugee àl'egard de l'action civile separement introduite quant aux points communsà l'action publique et à l'action civile.

L'action civile sur laquelle le juge civil ne peut statuer tant qu'unedecision definitive n'a pas ete rendue sur l'action publique est l'actioncivile qui porte sur des points communs à cette action et à l'actionpublique et qui, en consequence, ne peut faire l'objet d'une decision àl'egard des memes parties qui serait contraire à la decision rendue surl'action publique.

La cour du travail a constate que la defenderesse a ete licencieemoyennant un delai de preavis de six mois et a decide, sur la base del'article 82 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail,que ce delai de preavis etait insuffisant, le delai de preavis regulieretant, selon elle, de vingt-quatre mois.

La cour du travail a egalement constate que, le 17 fevrier 2005, lademanderesse a porte plainte et s'est constituee partie civile à l'egardde la defenderesse du chef de diverses infractions penales, considerantainsi, à tout le moins de maniere implicite, que ces infractionspouvaient etre constitutives des faits justifiant le motif grave invoquepar la demanderesse lors de la notification du conge.

En consequence, la cour du travail a decide qu'elle etait tenue desurseoir à statuer (quant aux points communs aux deux actions) sur lademande de la defenderesse tendant au paiement d'une indemnite de congefondee sur l'article 39, S: 1er, de la loi du 3 juillet 1978, dans leslimites toutefois de la demande tendant au paiement de l'indemnite deconge correspondant à la partie restant à courir du delai de preavis desix mois notifie.

Le droit à une indemnite de conge complementaire vise à l'article 39, S:1er, de la loi du 3 juillet 1978, accorde au travailleur engage dans lesliens d'un contrat de travail à duree indeterminee qui est licenciemoyennant un delai de preavis insuffisant, nait des la notification duconge, meme si le contrat de travail subsiste pour la duree du delai depreavis notifie, et ne subit en principe pas l'influence d'evenementsulterieurs.

Ce droit qui tend à compenser l'insuffisance du delai de preavis notifieau travailleur s'eteint pour les memes raisons que celles qui eteignent ledroit au preavis lui-meme.

Le travailleur qui, au cours du delai de preavis, se rend coupable d'unefaute grave justifiant un conge pour motif grave au sens de l'article 35de la loi du 3 juillet 1978 perd le droit au preavis et, en consequence,à l'indemnite qui compense l'insuffisance du delai de preavis.

Ainsi, l'arret qui, eu egard à la saisine du juge penal, sursoit àstatuer en application de l'article 4, alinea 1er, de la loi du 17 avril1878 (quant aux points communs aux deux actions) en ce qui concernel'action civile tendant à obtenir une indemnite de conge correspondant àla partie restant à courir du delai de preavis notifie (de six mois), nedecide pas legalement de statuer neanmoins sur le droit à une indemnitede conge complementaire correspondant au delai de preavis à respecter,sous deduction du delai de preavis notifie.

C'est à tort que la cour du travail a decide que le droit « acquis » àl'indemnite de conge complementaire resultant de l'insuffisance du delaide preavis notifie par l'employeur ne subit pas l'influence d'un congepour motif grave notifie par l'employeur au cours du delai de preavis(insuffisant).

Ainsi, la decision par laquelle la demanderesse est condamnee à payer àla defenderesse « une indemnite de conge complementaire egale à dix-huitmois de remuneration, soit 63.861,84 euros » (sous deduction descotisations de securite sociale et des precomptes professionnels, dans lamesure ou ils sont dus, et majores des interets) n'est pas legale. La courdu travail a viole toutes les dispositions legales citees en tete dumoyen.

III. La decision de la Cour

1. Le droit à une indemnite de conge complementaire vise à l'article 39,S: 1er, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail,accorde au travailleur engage dans les liens d'un contrat de travail àduree indeterminee qui est licencie moyennant un delai de preavisinsuffisant, nait des la notification du conge, bien que le contrat detravail subsiste jusqu'à l'expiration du delai de preavis observe.

2. Ce droit, qui tend à compenser l'insuffisance du delai de preavisnotifie, s'eteint si le contrat de travail prend fin, non plus en raisondu conge notifie sans delai de preavis suffisant, mais pour un motif graveulterieurement invoque à juste titre par l'employeur.

3. Le travailleur qui, au cours du delai de preavis notifie, se rendcoupable d'un manquement grave justifiant un conge pour motif grave perdde son fait le droit à l'indemnite qui compense l'insuffisance du delaide preavis notifie.

4. L'arret, qui sursoit à statuer sur le motif grave invoque par lademanderesse à l'appui du conge notifie à la defenderesse et quicondamne simultanement la demanderesse à payer une indemnite de congecomplementaire à la defenderesse, viole l'article 39, S: 1er, de la loidu 3 juillet 1978.

Le moyen est fonde.

* Par ces motifs,

* * La Cour

* * Casse l'arret attaque en tant qu'il dit la demande de ladefenderesse fondee ;

* Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

* Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

* Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Gand.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le premier president Ghislain Londers, president, lespresidents Ivan Verougstraete et Christian Storck, le president de sectionRobert Boes, les conseillers Daniel Plas, Christine Matray, AlainSmetryns, Koen Mestdagh et Alain Simon, et prononce en audience publiqueet pleniaire du cinq janvier deux mille neuf par le premier presidentGhislain Londers, en presence de l'avocat general Ria Mortier, avecl'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction etablie sous le controle du president Christian Storck ettranscrite avec l'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.

Le greffier, Le president,

5 JANVIER 2009 S.08.0013.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.08.0013.N
Date de la décision : 05/01/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-01-05;s.08.0013.n ?
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