La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/01/2009 | BELGIQUE | N°F.07.0103.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 janvier 2009, F.07.0103.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.07.0103.F

ERNEST BARBETTE & CIE, societe en nom collectif en liquidation, dont lesiege social est etabli à Vielsalm, rue General Jacques, 15, ayant faitelection de domicile chez son liquidateur, Monsieur Ernest Barbette, àVielsalm, rue du Vieux Marche, 21/6,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le minist

re des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cass...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.07.0103.F

ERNEST BARBETTE & CIE, societe en nom collectif en liquidation, dont lesiege social est etabli à Vielsalm, rue General Jacques, 15, ayant faitelection de domicile chez son liquidateur, Monsieur Ernest Barbette, àVielsalm, rue du Vieux Marche, 21/6,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 17 mai 2006 parla cour d'appel de Liege.

Le president Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 49, 52, 3DEG, specialement b), 59 (ces deux dernieresdispositions avant leur modification par la loi du 28 avril 2003), 195(cette disposition dans sa version modifiee par l'arrete royal du 20decembre 1996, avant sa modification par la loi du 28 avril 2003) et 208du Code des impots sur les revenus 1992 ;

- articles 34 et 35 (cette derniere disposition avant sa modification parl'arrete royal du 1er mars 2005) de l'arrete d'execution du Code desimpots sur les revenus 1992.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir fait, en substance, dans l'arret avant dire droit du 16novembre 2005 et dans l'arret attaque, les constatations suivantes : (1)« (la demanderesse) a souscrit aupres de la S.M.A.P. une assurance degroupe en vue de financer une pension complementaire extra-legale auprofit de ses trois associes actifs ; l'article 11 du contrat prevoyait lepaiement (...) de primes annuelles anticipatives de 50.000 francs paraffilie [et] a ete modifie par avenant du 26 juin 1996, lequel prevoit quedes primes uniques pourront etre versees en vue de financer des serviceschez le preneur avant l'affiliation ainsi que d'eventuelles valorisationsde carriere » ; (2) « les versements suivants ont ete effectues au titrede primes uniques en sus des trois primes annuelles de 50.000 francs :(...) en 1998 : 3 X 250.000 francs (facture du 28 octobre 1998) ainsi quedeux primes uniques supplementaires respectivement de 4.200.000 francs et1.200.000 francs (factures du 25 novembre 1998) » ; (3) l'assembleegenerale de la demanderesse du 26 novembre 1998 a decide de liquider lasociete « suite à une decision de restructuration de Dexia Banque etdans ce cadre (la demanderesse) devait recevoir et a effectivement rec,uune indemnite tres substantielle (15.629.590 francs) » ; (4) à la suitede l'annulation par le premier juge d'une cotisation à l'impot dessocietes de l'exercice fiscal 1998 special et d'une cotisation à l'impotdes societes de l'exercice d'imposition 1999, l'administration a enrole àcharge de la demanderesse une cotisation subsidiaire de l'exercice fiscal1999 sur pied de l'article 356 du Code des impots sur les revenus 1992,resultant du rejet de la deduction au titre de frais professionnels desprimes uniques payees en 1998,

la cour d'appel a valide la cotisation precitee (sauf en ce qui concernele taux de l'accroissement).

Elle a fonde cette decision sur les motifs suivants :

« [La demanderesse] pretend que le seul respect des conditions prevuesaux articles 52, 3DEG, b, et 59 du Code des impots sur les revenues 1992suffirait à justifier la deduction dans la mesure ou ces dispositions`speciales' disent expressement que ces primes constituent des chargesprofessionnelles et ou les articles 34 et 35 de l'arrete d'execution de cecode permettraient precisement de determiner dans quelle mesure les primesdoivent etre considerees comme etant versees en vue d'acquerir ou deconserver les revenus imposables (l'article 35, S: 3, 3DEG, prevoyant audemeurant expressement des possibilites de `rattrapage' pour l 'activitepassee).

Cette argumentation ne peut etre suivie des lors que la disposition del'article 49 du Code des impots sur les revenues 1992 a une portee deprincipe tout à fait generale commandant de verifier dans chaque cas siles depenses ont bien ete faites ou supportees en vue d'acquerir ou deconserver des revenus professionnels.

En l'espece, il n'est pas permis d'affirmer que les depenses litigieusesauraient ete faites dans ce but puisque les elements de fait du dossierdemontrent qu'à ce moment, il etait acquis que la societe allait etredissoute à tres breve echeance. L'administration fait valoir à justetitre que la societe ne demontre pas avoir voulu realiser une operation serattachant à l 'exercice de l'activite sociale telle qu'elle est definiedans ses statuts mais voulait avant tout avantager ses dirigeants en leurdonnant un complement de pension substantiel et sans rapport avec lesdesseins à venir de la societe. Un tel controle de la part del'administration ne porte nullement sur l'opportunite ou l'utilite d'unedepense mais bien sur les conditions legales de deduction de celle-ci.

Le versement de primes de ` rattrapage' pour services passes - dont lemode precis de calcul et les criteres pris en compte ne sont au demeurantni detailles ni justifies - n'a de sens pour la societe et n'estdeductible dans son chef que si elle demontre qu'il s'agit pour elled'acquerir ou de conserver de la sorte des revenus imposables, ce que lacour [d'appel] n'aperc,oit pas au vu du contexte de l'espece. En effet,par lettre du 20 octobre 1998, la societe Credit communal a confirme à[la demanderesse] qu'elle avait pris connaissance du courrier par lequelelle lui avait fait savoir que son assemblee generale avait decide de ladissoudre volontairement en date du 30 novembre 1998 et que le contrat demandat conclu avec le Credit communal prendrait fin à cette date (...).L'article l7 des statuts de [la demanderesse] precisait que la societe estdissoute de plein droit en cas de cessation, pour quelque cause que cesoit, du contrat de mandat la liant au Credit communal, entrainant la`consommation' de l'objet social (...).

Au moment ou les primes litigieuses sont payees, [la demanderesse] saitdonc qu'à tres breve echeance, elle procedera à sa dissolution et à saliquidation, en telle sorte que doit etre mise en doute la finalite d'unedepense qui est en outre sans commune mesure avec les depensesprecedemment consenties de ce chef et qui s'inscrit dans la perspective dela reception d'un montant substantiel devant faire l'objet de laliquidation projetee et effectivement operee par decision formelle del'assemblee generale du 26 novembre 1998. [La demanderesse] reconnaitd'ailleurs en termes de conclusions que les primes d'assuranceslitigieuses ont ete versees en tenant compte de ce revenu exceptionnel ».

Griefs

Premiere branche

A la suite de l'article 49 du Code des impots sur les revenus 1992, quipermet de deduire à titre de frais professionnels « les frais que lecontribuable a faits ou supportes pendant la periode imposable en vued'acquerir ou de conserver les revenus imposables », l'article 52 (danssa version applicable à l'exercice d'imposition litigieux) dispose queconstituent, « sous reserve des dispositions des articles 53 à 66bis »,des frais professionnels « 3DEG les remunerations des membres dupersonnel, y compris les frais connexes consistant [...] b) en cotisationspatronales d'assurance complementaire contre la vieillesse et le decespremature en vue de la constitution d'une rente ou d'un capital, en cas devie ou en cas de deces ».

Selon l'article 59 du meme code (dans sa version applicable à l'exercicelitigieux), « les cotisations patronales d'assurance complementairecontre la vieillesse et le deces premature sont considerees comme fraisprofessionnels à condition qu'elles soient versees à titre definitif àune societe d'assurance ou à un etablissement de prevoyance socialeetabli en Belgique et que les prestations en cas de retraite tant legalesqu'extra-legales, exprimees en rentes annuelles, ne depassent pas 80 p.c.de la derniere remuneration brute annuelle normale et tiennent compted'une duree normale d'activite professionnelle. Une indexation des rentesest permise ». Le deuxieme alinea de cet article delegue au Roi le soinde fixer les conditions et modalites d'application de cette disposition.

Ce regime s'applique aux dirigeants d'entreprises en vertu de l'article195 du Code des impots sur les revenus 1992.

Les articles 34 et 35 de l'arrete d'execution de ce code fixent lesconditions de deduction des primes. Ces conditions sont, en substance, lessuivantes : les cotisations doivent etre versees à une societed'assurance etablie en Belgique, en execution d'un reglement d'assurancede groupe (article 35, S: 1er) : elles ne sont admises en deduction quependant la duree normale d'activite professionnelle de chaque travailleuret dans la mesure ou elles constituent des prestations equivalant à unerente annuelle dont le montant, majore de la pension legale, n'excede pas80 p.c. de la remuneration brute annuelle normale des travailleurs pendantl'annee concernee (article 35, S: 2).

L'article 35 prevoit une serie d'exceptions à cette regle des 80 p.c.,notamment dans le cas de primes dont l'objet est de « pallier, en ce quiconcerne les travailleurs qui ont effectue des prestations au sein del'entreprise avant que ne soit instaure un regime d'assurance ou depension tel qu'il est vise au paragraphe 1er, 1DEG, l'absence deversements pour le nombre d'annees ainsi prestees de la duree normaled'activite professionnelle » (article 35, S: 3, 2DEG) ou lorsque leversement des primes a pour objet « l'octroi, aux travailleurs quieffectuent au sein de l'entreprise une carriere incomplete, d'une pensioncalculee en fonction d'une duree d'activite professionnelle superieure àcelle qu'ils presteront dans cette entreprise, à condition que cescotisations se rapportent à dix ans maximum d'une activiteprofessionnelle anterieure reellement prestee ou à cinq ans maximumd'activite professionnelle restant encore à prester jusqu'à l'age normalde la retraite et que le nombre total des annees ainsi pris enconsideration ne depasse pas le nombre d'annees de la duree normale deleur activite professionnelle » (article 35, S: 3, 3DEG).

L'article 35, S: 3, de l'arrete vise donc expressement le cas des primesde rattrapage ou, selon la terminologie anglaise, le « back service »,calculees sur la base des prestations passees.

Les articles 52, 3DEG, b), 59 du Code des impots sur les revenus 1992 et34 et 35 de l'arrete d'execution de ce code forment un ensemble dedispositions qui ont pour objet de determiner à quelles conditions etdans quelle mesure les remunerations attribuees sous la forme de primesd'assurance de groupe sont considerees comme etant faites « dans le butd'acquerir ou conserver des revenus imposables » au sens de l'article 49du Code des impots sur les revenus 1992.

L'arret attaque, qui ne denie pas que les primes litigieuses repondaientaux conditions de deduction des articles 59 et 195 du Code des impots surles revenus 1992 et des articles 34 et 35 de l'arrete d'execution de cecode, n'a pu legalement soumettre la deduction de ces primes à lacondition supplementaire qu'elles soient supportees « en vue d'acquerirou de conserver des revenus imposables » (violation de l'ensemble desdispositions visees au moyen, à l'exception de l'article 208 du Code desimpots sur les revenus 1992).

Seconde branche

En vertu de l'article 208 du Code des impots sur les revenus 1992, « lessocietes en liquidation restent assujetties à l'impot des societes ».

La seule circonstance qu'une societe est en liquidation n'implique pas quecette societe cesserait d'acquerir ou de conserver des revenus imposablesà l'impot des societes et que, partant, les depenses qu'elle supporten'auraient pas pour but d'acquerir ou de conserver de tels revenus.

L'arret attaque constate d'ailleurs qu'apres avoir ete mise enliquidation, la demanderesse a perc,u une indemnite « tressubstantielle » de 15.629.590 francs.

La cour d'appel n'a des lors pu legalement decider que les primeslitigieuses n'ont pas ete payees en vue d'acquerir ou de conserver desrevenus imposables pour le motif qu'au moment ou la demanderesse a payeces primes, il etait acquis que la societe serait liquidee à breveecheance (violation des articles 49 et 208 du Code des impots sur lesrevenus 1992).

En outre, le paiement de primes d'assurance de groupe a, par nature, pourobjet d'avantager les dirigeants puisqu'elles sont une forme deremuneration - et plus particulierement une forme d' « avantage de toutenature » - dont le code admet la deduction et dont il fixe les limites dededuction.

La cour d'appel n'a des lors pu legalement rejeter la deduction de cesprimes au motif que la demanderesse ne demontrerait pas avoir voulurealiser une operation se rattachant à l'exercice de l'activite socialetelle qu'elle est definie dans ses statuts mais voulait avant toutavantager ses dirigeants en leur donnant un complement de pensionsubstantiel (violation de l'article 49 du Code des impots sur les revenus1992).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

L'article 52, 3DEG, b), du Code des impots sur les revenus 1992, dans saversion applicable au litige, dispose que constituent des fraisprofessionnels les remunerations des membres du personnel, y compris lesfrais connexes consistant en cotisations patronales d'assurancecomplementaire contre la vieillesse et le deces premature en vue de laconstitution d'une rente ou d'un capital, en cas de vie ou en cas dedeces.

L'article 59, alinea 1er, de ce code, dans sa version applicable aulitige, prevoit que lesdites cotisations patronales d'assurancecomplementaire sont considerees comme frais professionnels à conditionqu'elles soient versees à titre definitif à une societe d'assurance ouà un etablissement de prevoyance sociale etablis en Belgique et que lesprestations en cas de retraite tant legales qu'extra-legales, exprimees enrentes annuelles, ne depassent pas 80 p.c. de la derniere remunerationbrute annuelle normale et tiennent compte d'une duree normale d'activiteprofessionnelle.

Ces frais ne peuvent toutefois etre consideres comme des fraisprofessionnels deductibles qu'à la condition, enoncee à l'article 49 dumeme code, qu'ils aient ete faits ou supportes pendant la periodeimposable en vue d'acquerir ou de conserver les revenus imposables.

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur l'affirmation contraire,manque en droit.

Quant à la seconde branche :

L'arret considere, sur la base de l'ensemble des elements qu'il releve,que les primes litigieuses n'ont pas pu servir à l'acquisition ou à laconservation de revenus imposables dans le chef de la demanderesse.

Il justifie ainsi legalement, sans violer aucune des dispositions viseesen cette branche du moyen, sa decision de refuser à ces primes lecaractere de frais professionnels deductibles.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de cent soixante-quatre euroscinquante-quatre centimes envers la partie demanderesse et à la somme dedeux cent septante-six euros quatre-vingt-deux centimes envers la partiedefenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Albert Fettweis,Christine Matray, Sylviane Velu et Martine Regout, et prononce en audiencepublique du quinze janvier deux mille neuf par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Marie-Jeanne Massart.

15 JANVIER 2009 F.07.0103.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.07.0103.F
Date de la décision : 15/01/2009

Analyses

IMPOTS SUR LES REVENUS - IMPOT DES PERSONNES PHYSIQUES - Revenus professionnels - Charges professionnelles


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-01-15;f.07.0103.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award