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13/02/2009 | BELGIQUE | N°C.07.0507.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 février 2009, C.07.0507.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0507.N

ETAT BELGE (Finances),

Me Ignace Claeys Bouuaert, avocat à la Cour de cassation,

contre

B. G.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 31 octobre2006 et 22 mai 2007 par la cour d'appel de Gand.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees<

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- articles 70, S: 1er, alinea 1er, 72 et 84 du Code de la taxe sur lavaleur ajoutee, l'article 84, specialement l'alinea 3, t...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0507.N

ETAT BELGE (Finances),

Me Ignace Claeys Bouuaert, avocat à la Cour de cassation,

contre

B. G.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 31 octobre2006 et 22 mai 2007 par la cour d'appel de Gand.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 70, S: 1er, alinea 1er, 72 et 84 du Code de la taxe sur lavaleur ajoutee, l'article 84, specialement l'alinea 3, tel qu'il a eteinsere par la loi du 4 aout 1986 ;

- article 1er de l'arrete royal nDEG 41 du 30 janvier 1987 fixant lemontant des amendes fiscales proportionnelles en matiere de taxe sur lavaleur ajoutee, specialement le dernier alinea, dans la version applicableavant et apres la modification par l'arrete royal du 21 octobre 1993,selon la date des infractions constatees ;

- pour autant que de besoin, le tableau A figurant à l'annexe de l'arreteroyal nDEG41 ;

- principe general du droit qui requiert la proportionnalite entre uneinfraction et sa sanction ;

- article 149 de la Constitution coordonnee.

Decisions et motifs critiques

La dette fiscale contestee par la defenderesse est examinee de maniereapprofondie dans l'arret interlocutoire du 31 octobre 2006 et lesarguments de la defenderesse sont en grande partie declares non fondes, lejuge d'appel considerant toutefois que la somme due doit etre recalculee.L'arret precise : « Il y a lieu d'ordonner la reouverture des debats àcette seule fin, afin de permettre à l'administration d'effectuer cenouveau calcul et à la defenderesse de verifier ce calcul eteventuellement de le contester ».

Le juge d'appel a dejà pris une decision dans l'arret interlocutoire àpropos de l'amende. Le juge d'appel a considere :

« L'amende administrative infligee constitue une sanction fiscale ayantun caractere repressif au sens de l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales signee àRome et approuvee par la loi du 13 mai 1955. Elle est infligee sansdistinction à chaque assujetti et tend autant à inciter l'assujetti àrespecter ses obligations afin d'eviter l'amende qu'à sanctionner lenon-respect de ses obligations afin d'eviter la recidive de cesinfractions.

Le respect l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales exige que la cour d'appel soitconsideree comme etant competente pour controler l'amende ainsi infligeeen disposant de la plenitude de juridiction, et pour reformer la totalitede la decision à ce propos, tant en fait qu'en droit (...). La courd'appel peut notamment examiner si cette sanction est conciliable avec lesexigences imperatives des traites internationaux et du droit interne, ycompris les principes generaux du droit, ce qui implique aussi que la courd'appel puisse examiner si la sanction n'est pas disproportionnee parrapport à l'infraction et si l'administration pouvait raisonnablementinfliger l'amende administrative contestee (...).

La defenderesse ne peut serieusement nier qu'elle a sciemment collabore àun systeme de fraude dont elle a principalement profite. D'autre part, lefournisseur est aussi implique des lors qu'il a rendu possible une tellefraude dans un but commercial (le fournisseur a, d'un point de vuecommercial, avantage à proposer une telle possibilite de fraude à sesclients). Une amende egale à 200 % des droits dus doit, en l'espece, etreconsideree comme etant disproportionnee par rapport à l'infraction et unereduction de cette amende à 50 % des droits dus ramene l'amende à deslimites raisonnables, de sorte que la decision du premier juge doit etresuivie sur ce point ».

Sur la base de cette motivation, l'arret definitif : « declare l'appelprincipal fonde de maniere limitee ; declare l'appel incident non fonde ;annule le jugement entrepris, sauf en tant qu'il declare recevable lademande initiale de la defenderesse ; statuant à nouveau, declare lademande initiale de la defenderesse partiellement fondee ; annule lacontrainte attaquee (...) dans la mesure ou elle reprend une taxe sur lavaleur ajoutee d'un montant superieur à 545.194 francs (13.515,01 euros)et dans la mesure ou elle reprend une amende d'un montant superieur à272.000 francs (6.752,70 euros); condamne la defenderesse à la moitie etle demandeur à l'autre moitie des depens des deux instances ».

Griefs

L'article 70, S:1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutee dispose que« pour toute infraction à l'obligation d'acquitter la taxe, il estencouru une amende egale à deux fois la taxe eludee ou payeetardivement ».

L'article 84 du meme code prevoit une echelle d'amendes fiscalesproportionnelles dont les graduations sont determinees par le Roi. Enexecution de cet article, l'arrete royal nDEG 41 du 30 janvier 1987, etl'annexe qui y est jointe, a fixe une echelle d'amendes reduites. Ledernier alinea de l'article 1er de cet arrete royal dispose toutefois queces echelles ne sont pas applicables en cas d'infractions commises dansl'intention d'eluder ou de permettre d'eluder la taxe.

L'administration a pour mission d'appliquer ces dispositions. Cetteapplication est soumise au controle du pouvoir judiciaire.

Le juge, tout comme l'administration, est lie par ces dispositionslegales. Il doit toutefois aussi tenir compte des exigences imperativesdes traites internationaux et des principes generaux du droit parmilesquels le principe suivant lequel la sanction doit etre proportionnee àl'infraction.

La plenitude de juridiction du juge peut, dans ce contexte, signifierqu'il appartient au juge de decider s'il considere que la sanction legaleest disproportionnee, dans un cas determine. Dans ce cas, il est tenu demotiver sa decision. Ce pouvoir de juridiction ne peut signifier que lejuge peut definitivement ecarter la prescription legale et y subroger sonappreciation personnelle de ce qui serait une sanction adequate. La« plenitude de juridiction » n'implique pas que le juge puisse liquiderou reduire des amendes sur la base d'une appreciation subjective decirconstances attenuantes propres à la personne de l'assujetti ou pour desimples motifs d'opportunite et à l'encontre de regles legales.

En l'espece, la qualification de l'amende fiscale legale comme etantdisproportionnee n'est justifiee par aucun argument. L'existence de la« plenitude de juridiction » est precisee dans l'arret. Il est souligne,à ce propos, que la defenderesse a collabore sciemment à un systeme defraude dont elle a tire un avantage. La seule consideration complementaireest que le fournisseur est aussi implique pour avoir permis l'organisationd'une telle fraude, dans un but commercial. Il n'est pas precise si cetteremarque constitue un argument afin de diminuer la sanction legaleinfligee à la defenderesse (ce qui serait contraire au principe que lasanction est subordonnee à la faute personnelle de l'auteur). Il ne peuten tous cas pas se deduire de ces considerations que la sanction legaleinfligee à la defenderesse est disproportionnee par rapport à soninfraction personnelle.

L'arret qui se refere explicitement au caractere volontaire desinfractions, omet d'examiner dans quelle mesure l'administration elle-memeest liee par une sanction ; d'autre part, il ne precise pas sur quellesbases l'administration aurait du ou pu deroger aux prescriptions del'arrete royal nDEG 41. Il ne contient donc aucune reponse aux conclusionsde l'administration invoquant que « le pouvoir d'appreciation du juge estaussi etendu que celui de l'administration mais ne doit pas allerau-delà » (...).

III. La decision de la Cour

1. En vertu de l'article 70, S: 1er, du Code de la taxe sur la valeurajoutee, pour toute infraction à l'obligation d'acquitter la taxe, il estencouru une amende egale à deux fois la taxe eludee ou payee tardivement.En vertu de l'article 84 de ce meme code, dans les limites prevues par laloi, le montant des amendes fiscales proportionnelles est fixe selon uneechelle dont les graduations sont determinees par le Roi.

En vertu de l'article 1er, dernier alinea, de l'arrete royal nDEG 41 du 30janvier 1987 fixant le montant des amendes fiscales proportionnelles,l'echelle de reduction des amendes fiscales proportionnelles n'est pasapplicable en cas d'infractions commises dans l'intention d'eluder ou depermettre d'eluder la taxe.

2. Le juge auquel il est demande de controler une sanction administrativequi a un caractere repressif au sens de l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, doitexaminer la legalite de cette sanction et peut, plus particulierementexaminer si cette sanction est conciliable avec les exigences imperativesdes traites internationaux et du droit interne, y compris les principesgeneraux du droit.

Ce droit de controle doit particulierement permettre au juge d'examiner sila sanction n'est pas disproportionnee par rapport à l'infraction, desorte que le juge peut examiner si l'administration pouvait infligerraisonnablement une amende administrative d'une telle ampleur.

A cet egard le juge peut tenir compte en particulier de la gravite del'infraction, du taux des sanctions dejà infligees et de la maniere dontil a ete statue dans des causes similaires, mais il doit aussi tenircompte de la mesure dans laquelle l'administration elle-meme etait liee ence qui concerne la sanction.

Ce droit de controle n'implique pas que, sur la base d'une appreciationsubjective de ce qu'il considere comme etant raisonnable, le juge puisseliquider ou reduire des amendes pour de simples motifs d'opportunite et àl'encontre de regles legales.

3. Le juge d'appel a considere que :

-il ne peut etre serieusement nie par la defenderesse qu'elle a collaboresciemment à un systeme de fraude (comprenant des livraisons nonofficielles) dont elle a tire avantage ;

-d'autre part, le fournisseur est aussi implique en rendant possible unetelle fraude, compte tenu de considerations commerciales.

Le juge d'appel a decide qu'« en l'espece, une amende egale à 200 % desdroits dus doit etre consideree comme etant disproportionnee par rapportà l'infraction » et « qu'une reduction de cette amende à 50 % desdroits dus ramene cette amende à des limites raisonnables, de sorte quela decision du premier juge doit etre suivie sur ce point ».

L'arret qui indique explicitement le fait que la defenderesse a collaboresciemment à un systeme de fraude, n'indique pas en quoi consiste ladisproportion, omet d'examiner dans quelle mesure l'administration etaitelle-meme liee par une sanction et ne precise pas sur quels motifsl'administration aurait du deroger aux echelles fixees.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse les arrets attaques des 31 octobre 2006 et 22 mai 2007 dans lamesure ou ils se prononcent sur l'amende ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge des arretspartiellement casses ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel d'Anvers.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section EdwardForrier, les conseillers Luc Huybrechts, Paul Maffei et Eric Stassijns, etprononce en audience publique du treize fevrier deux mille neuf par lepresident Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat general Dirk Thijs,avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du president de section Paul Mathieuet transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le president de section,

13 FEVRIER 2009 C.07.0507.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0507.N
Date de la décision : 13/02/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-02-13;c.07.0507.n ?
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