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12/06/2009 | BELGIQUE | N°C.08.0270.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 juin 2009, C.08.0270.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.08.0270.N

etat belge, ministre de l'Entreprise et la Simplification,

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. Federation des Cinemas de Belgique, association sans but lucratif,

2. UTOPOLIS BELGIUM, societe anonyme,

3. UGC BELGIUM, societe anonyme,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

en presence de

KINEPOLIS GROUP, societe anonyme.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 mars 200

8par la cour d'appel de Bruxelles, statuant en degre d'appel contre desdecisions rendues par le Conseil de la concurrence ;

Le...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.08.0270.N

etat belge, ministre de l'Entreprise et la Simplification,

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. Federation des Cinemas de Belgique, association sans but lucratif,

2. UTOPOLIS BELGIUM, societe anonyme,

3. UGC BELGIUM, societe anonyme,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

en presence de

KINEPOLIS GROUP, societe anonyme.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 mars 2008par la cour d'appel de Bruxelles, statuant en degre d'appel contre desdecisions rendues par le Conseil de la concurrence ;

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- principe general du droit relatif aux droits de la defense ;

- articles 1017, 1018, 1021 et 1022, dans la version modifiee par la loidu 21 avril 2007, du Code judiciaire ;

- articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil ;

- articles 57, 58, 59, 60, 61, 75 et 76 de la loi coordonnee du 15septembre 2006 sur la protection de la concurrence economique.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque : « Declare les appels fondes, annule la decision dontappel du 16 avril 2007 du Conseil de la concurrence. Renvoie la demande de(la quatrieme defenderesse, à tout le moins partie appelee en declarationd'arret commun) devant une chambre autrement composee du Conseil de laconcurrence. Condamne le (demandeur) à payer les depens devant la courd'appel, y compris l'indemnite de procedure, et les fixe à 6.786 eurosdans le chef de chacune (des trois premieres defenderesses).

Sur la base des considerations suivantes :

« 49. Le moyen relatif à la violation de l'article 19 de la loi du 15septembre 2006 implique que la chambre du Conseil de la concurrence qui apris la decision critiquee n'etait pas composee comme la loi le determine.

L'article 19 de la loi du 15 septembre 2006 dispose que : `Le Conseil estdivise en chambres, composees chacune de trois conseillers. L'assembleegenerale du Conseil fixe annuellement la composition des chambres et enchoisit les presidents en leur sein'.

Les 30 mars, 3 mai et 19 septembre 2007, la (premiere defenderesse) ademande, par le truchement de son conseil, au president du Conseil decommuniquer la decision de l'assemblee generale relative à la compositiondes chambres comme visee par l'article 19 de la loi du 15 septembre 2006.Elle n'a toutefois obtenu ou pris connaissance d'aucune decision en cesens.

Elle en deduit qu'il est etabli avec une probabilite proche de lacertitude qu'une telle decision n'a pas ete prise.

52. Dans l'arret du 23 aout 2007, la cour [d'appel] a considere, sur labase du texte clair de la loi et des commentaires parlementaires à cesujet (Doc. parl. 51 2180/001, p. 48, Chambre des representants, session2005/2006) que, contrairement à ce que prevoyait l'anciennereglementation, la composition des chambres du Conseil ne revient plus àson president, mais à l'assemblee generale (voir aussi F. Wijckmans, Denieuwe Belgische mededingingswet, R.W. 2006-07, 632, nDEG 42).

Aucune disposition legale ne prevoit la possibilite pour l'assembleegenerale de deleguer cette competence au president. L'article 19 de la loidu 15 septembre 2006 ne fait, par ailleurs, nullement mention d'un droitd'initiative du president concernant cette composition et la designationdes presidents de chambres.

Des lors que le Conseil exerce ses competences au travers des chambres quise composent de trois conseillers, sous reserve d'une exception prevue parla loi, le Conseil ne peut pas exercer ses competences sans que ladecision visee à l'article 19 soit prise par l'assemblee generale.

La disposition en question est donc essentielle pour le fonctionnement duConseil.

53. Comme toutes les autres dispositions de la loi du 15 septembre 2006,son article 19 releve de l'ordre public.

Par ailleurs, il sauvegarde les droits tant des entreprises quicomparaissent devant le Conseil que des membres du Conseil memes qui, enapplication de l'article 19, restent à l'abri de tout soupc,ond'affectation intentionnelle en fonction de l'affaire.

54. Le respect de l'article 19 de la loi du 15 septembre 2006 n'empeche,par ailleurs, pas le bon fonctionnement du Conseil.

Le ministre remarque qu'en raison de l'application possible de l'article44, S: 8 de la loi du 15 septembre 2006 - en cas d'appel contre unedecision d'un auditeur - au moins quatre membres du Conseil doivent resterdisponibles pour une affaire determinee.

Le Conseil compte, toutefois, douze membres, qui peuvent tous sieger danstoutes les affaires, et peuvent tous, tant les six membres exerc,ant leursfonctions à temps plein que les six membres exerc,ant leurs fonctions àtemps partiel, sieger seuls comme de maniere collegiale et entrent tous enligne de compte pour une designation par l'assemblee generale pourpresider les travaux d'une chambre.

Il n'y a donc pas de probleme d'organisation qui pourrait se poser.

55. Des lors que les decisions visees à l'article 19 servent aussi àsauvegarder les droits des entreprises devant le Conseil, leur contenudoit etre accessible publiquement.

L'article 68, S: 2, de la loi du 15 septembre 2006 impose, par ailleurs,cette publication au Moniteur belge et sur le website du Conseil de laconcurrence.

Il ne pouvait donc y avoir aucune raison de ne pas accueillir la demandede la (premiere defenderesse) et de ne pas communiquer ces decisions.

56. A defaut de la publication des decisions relatives à la compositiondes chambres du Conseil comme prevue à l'article 68, S: 2, de la loi du15 septembre 2006, le respect de l'article 19 ne peut etre controle par lacour d'appel que si la decision, ou à tout le moins le dossieradministratif qui la contient, fait apparaitre que la chambre qui statuesur la cause est regulierement composee (...).

Ni la decision critiquee ni le dossier administratif ne font toutefoisapparaitre que la chambre a ete composee comme prevu à l'article 19 de laloi du 15 septembre 2005.

Le moyen pris de la violation de l'article 19 de la loi du 15 septembre2006 doit, des lors, etre accueilli. Il justifie l'annulation de ladecision critiquee.

(...)

105. En raison de l'annulation de la decision critiquee, le Conseil esttenu de statuer à nouveau sur la demande de la (quatrieme defenderesse,à tout le moins partie appelee en declaration d'arret commun).

Des lors que le Conseil est une juridiction administrative, il doit etrecompose autrement lors de la reprise du traitement de la demande.

106. Les (trois premieres defenderesses) demandent chacune de mettre lesfrais de la procedure devant la cour d'appel à charge de la (quatriemedefenderesse, à tout le moins partie appelee en declaration d'arretcommun) et du (demandeur) in solidum.

Parmi ces frais, elles reclament egalement une indemnite pour couvrir leshonoraires et frais qu'elles ont du supporter jusqu'à present en raisonde l'assistance d'un avocat.

En outre, les (premiere et deuxieme defenderesses) reclament une indemnitepour couvrir cette assistance durant la procedure devant le Conseil de laconcurrence.

La (quatrieme defenderesse, à tout le moins partie appelee en declarationd'arret commun) ne demande pas d'indemnite de procedure et estime, parailleurs, ne pas pouvoir etre condamnee aux montants reclames par les(trois premieres defenderesses).

107. Relativement à la fixation de l'indemnite de procedure, la courd'appel considere que les (trois premieres defenderesses) ont du faireappel à des conseils hautement specialises qui ont du developper desconsiderations tres etendues dans une matiere fort complexe.

Elles ont aussi du mener une procedure devant la cour [d'appel] endifferentes phases, chacune avec ses specificites.

Les demandes des (trois premieres defenderesses), qui tendent àl'annulation d'une decision, ne sont pas evaluables en argent.

En tenant compte de l'ensemble de ces particularites qui sont propres àla presente affaire et des maxima et minima reglementaires, le montant del'indemnite de procedure pour la procedure devant la cour est fixee pourchacune des (trois premieres defenderesses) à 6.600 euros ».

Griefs

Premiere branche

La procedure de surveillance des concentrations, telle que reglee par lesarticles 57 et suivants de la loi coordonnee du 15 septembre 2006 sur laprotection de la concurrence economique est une procedure d'autorisationadministrative, qui differe des procedures qui ont trait à descomportements de fait limitatifs ou à toutes les affaires entre partiespretendant etre titulaires d'un droit subjectif.

Cette caracteristique implique que dans la procedure d'appel, tellequ'elle est reglee par les articles 75 et 76 de cette loi, la cour d'appelde Bruxelles n'est saisie ni d'une cause, ni d'un litige, respectivement,au sens des articles 1017 et 1022 du Code judiciaire invoques.

Les frais et depens de cette procedure d'appel ne sont, des lors, pasregis par les dispositions afferentes du titre IV du livre II, quatriemepartie, du Code judiciaire.

Il s'ensuit que l'arret attaque condamne illegalement le demandeur àpayer les depens à concurrence de 6.786 euros, au benefice de chacune destrois premieres defenderesses, comme prevu au titre IV du livre II,quatrieme partie, du Code judiciaire, des lors que ces dispositions nesont pas applicables (violation des articles 1017, alinea 1er, 1018, 1021et 1022 du Code judiciaire) à une procedure relative à une autorisationadministrative (violation des articles 57, 58, 59, 60, 61, 75 et 76 de laloi du 15 septembre 2006 precitee).

Deuxieme branche

1. En vertu de l'article 1017, alinea 1er, du Code judiciaire, toutjugement definitif prononce, meme d'office, la condamnation aux depenscontre la partie qui a succombe, à moins que des lois particulieres n'endisposent autrement.

Ainsi, seule une personne qui etait partie litigante peut etre condamneeà ces depens.

L'on est partie que si l'on est implique dans une procedure judiciaire enayant un interet personnel, en ayant pris des conclusions contre lesautres partie(s).

Un tiers, qui n'etait pas une partie, ne peut des lors pas etre condamnesur cette base.

Il s'ensuit que le demandeur n'a pas ete legalement condamne en vertu del'article 1017, aliena 1er, du Code judiciaire aux frais de la procedureà concurrence de 6.876 euros au benefice de chacune des trois premieresdefenderesses (violation de l'article 1017, alinea 1er du Codejudiciaire).

2. Meme si les articles 1382 et suivants relatifs à la responsabilitequasi delictuelle doivent etre consideres comme une loi particuliere quien dispose autrement, le jugement definitif ne peut mettre les depensqu'à charge d'une partie litigante.

La regle est, en effet, qu'alors qu'une partie ne peut en principe etrecondamnee aux depens que si elle succombe, les depens, nonobstant lebien-fonde de sa position, peuvent tout de meme etre mis à sa charges'ils sont occasionnes par sa faute.

L'on est partie que si l'on est implique dans une procedure judiciaire enayant un interet personnel, en ayant pris des conclusions contre lesautres partie(s).

Un tiers, qui n'etait pas une partie, ne peut des lors pas etre condamnesur cette base.

Il s'ensuit que le demandeur, qui n'etait pas une partie (violation del'article 17, alinea 1er, du Code judiciaire), ne pouvait pas legalementetre condamne aux depens, en vertu des articles 1382 et suivants du Codecivil relatifs à la responsabilite quasi delictuelle, à concurrence de6.786 euros au benefice de chacune des trois premieres defenderesses(violation des articles 1382 à 1384 du Code civil).

3. Aucune regle ou disposition particuliere n'existe en vertu de laquelleles depens, y compris l'indemnite de procedure, doivent etre mis à chargedu demandeur, lorsqu'un appel contre une decision du Conseil de laconcurrence en matiere d'affaires de concentration est accueilli et que ladecision critiquee est annulee.

Il s'ensuit qu'à defaut d'une loi particuliere qui en dispose autrement(violation de l'article 1017, alinea 1er, du Code judiciaire), l'arretattaque condamne illegalement le demandeur, qui n'etait pas partielitigante, aux depens à concurrence de 6.786 euros au benefice de chacunedes trois premieres defenderesses, alors que ces depens ne peuvent qu'etremis à charge de la partie qui a succombe (violation de l'article 1017,alinea 1er, du Code judiciaire).

(...)

III. La decision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir :

1. Les defenderesses soulevent que, dans l'hypothese ou le demandeurn'etait pas partie à la procedure devant la cour d'appel, le pourvoi encassation est premature des lors que la decision est encore susceptibled'opposition.

2. En vertu de l'article 1076 du Code judiciaire, le delai pour former lepourvoi en cassation ne court à l'egard du defaillant qu'à compter dujour ou l'opposition contre la decision rendue par defaut n'est plusadmissible. Il suit de cette disposition que le pourvoi d'une partiedefaillante contre la decision rendue par defaut est irrecevable lorsquecette decision peut encore faire l'objet d'une opposition.

3. Le demandeur qui est condamne aux depens par l'arret attaque, n'est pasune partie defaillante au sens de l'article 1076 precite qui pourraitencore former opposition, mais est devenue, par cette condamnation, unepartie à la decision attaquee.

4. Aucune disposition n'empeche qu'un pourvoi en cassation soit introduitpar une partie qui dispose encore de la voie de recours extraordinaire dela tierce opposition.

5. Ainsi, le demandeur peut, en l'espece, encore former valablement unpourvoi en cassation.

La fin de non-recevoir opposee au pourvoi en cassation ne peut etreaccueillie.

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

6. L'article 2 du Code judiciaire dispose que les regles enoncees dans cecode s'appliquent à toutes les procedures, sauf lorsque celles-ci sontregies par des dispositions legales non expressement abrogees ou par desprincipes de droit dont l'application n'est pas compatible avec celle desdispositions dudit code.

Cet article implique qu'une regle enoncee dans le Code judiciaire n'estpas applicable à une procedure determinee lorsque cette regle estcontredite ou que la procedure est regie autrement, soit par unedisposition legale anterieure, non expressement abrogee, soit par unedisposition legale ulterieure.

7. Il ressort de la genese de la loi que l'article 2 du Code judiciaireest, en regle, applicable à la procedure devant la cour d'appel deBruxelles en application de l'article 75 de la loi coordonnee du 15septembre 2006 sur la protection de la concurrence economique.

8. Le moyen, en cette branche, qui suppose que cette procedure neconstitue pas une cause ou un litige au sens du Code judiciaire, manque endroit.

Quant à la deuxieme branche :

9. Lorsque la cour d'appel de Bruxelles declare fonde l'appel interjetepar une entite economique contre la decision du Conseil de la concurrenceou de son president, l'Etat belge peut, en regle, etre condamne auxdepens. Aucune autre partie ne peut etre tenue responsable de ces depens.

Le moyen qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, les conseillers LucHuybrechts, Etienne Goethals, Paul Maffei et Eric Stassijns, et prononceen audience publique du douze juin deux mille neuf par le president IvanVerougstraete, en presence de l'avocat general Dirk Thijs, avecl'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du president de section Paul Mathieuet transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le president de section,

12 JUIN 2009 C.08.0270.N/11


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.08.0270.N
Date de la décision : 12/06/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-06-12;c.08.0270.n ?
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