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18/09/2009 | BELGIQUE | N°C.08.0333.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 septembre 2009, C.08.0333.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

429



NDEG C.08.0333.F

L. I.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,

contre

d. N. E.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile.

I. la procedure devant la cour

Le pourvo

i en cassation est dirige contre le jugement rendu le 3 avril2007 par le tribunal de premiere instance de Bruxelles, statuant en ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

429

NDEG C.08.0333.F

L. I.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,

contre

d. N. E.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 3 avril2007 par le tribunal de premiere instance de Bruxelles, statuant en degred'appel.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

Le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a conclu.

II. le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Disposition legale violee

Article 301, specialement S:S: 1er et 3, alineas 2 et 3, du Code civil,tel qu'il etait en vigueur apres sa modification par la loi du 9 juillet1975 relative à la pension apres divorce et avant sa modification par laloi du 27 avril 2007 reformant le divorce.

Decisions et motifs critiques

L'arret condamne le defendeur à payer à la demanderesse une pensionalimentaire de 1.000 euros pendant une duree de cinq ans, à partir du 28decembre 2000, par tous ses motifs consideres comme etant ici expressementreproduits, et specialement par les motifs suivants :

« 3. Les revenus et possibilites de (la demanderesse) lui permettent-ilsde maintenir un train de vie equivalent ?

(...) A bon droit (le defendeur) souligne que ces revenus [professionnels]ne concernent qu'un mi-temps et qu'il aurait ete aise à (la demanderesse)d'augmenter ses horaires.

Il convient en effet, aux termes memes de la loi, et selon unejurisprudence constante, de tenir compte des possibilites du creancierd'aliments d'augmenter ses ressources.

En l'espece, au moment de la separation, (la demanderesse) n'etait ageeque de 43 ans.

Les attestations elogieuses des etablissements scolaires qui l'emploientdemontrent qu'elle aurait pu facilement soit augmenter ses heures dans cesetablissements, soit completer son horaire aupres d'autres ecoles.

La presence de deux enfants en bas age n'est pas incompatible avec deshoraires d'enseignant.

(La demanderesse) n'a toutefois jamais fait ce choix et invoqueaujourd'hui son age, cinquante-cinq ans, pour s'insurger contre lasuggestion (du defendeur). Il lui appartenait cependant de faire lenecessaire en temps utile, ne serait-ce qu'à partir de 2001, des apres ladissolution du lien conjugal.

(...) Au vu de l'ensemble de ces elements, il apparait que le train de viede (la demanderesse) est reste sensiblement le meme que lors de la viecommune, de meme que ses ressources, sur lesquelles elle entretienttoutefois un flou certain.

Une charge nouvelle importante resulte du cout de son logement (et descharges) qu'elle doit desormais assumer et qui peut aisement justifier lesdifficultes financieres qu'elle soutient avoir rencontrees, necessitantdes recours aux emprunts (et ce, d'autant plus que ses revenus reels,notamment professionnels, sont inferieurs aux revenus potentiels retenusdans le cadre du present litige).

Une pension alimentaire de nature à lui permettre de faire face à cettecharge nouvelle doit lui etre accordee, etant toutefois tenu compte dufait :

- qu'elle doit elle-meme optimiser ses sources de revenus ;

- qu'une partie de cette charge doit egalement avoir ete repercutee dansles contributions alimentaires payees pour les enfants par (le defendeur)(qui s'elevent à 600 euros par mois et par enfant selon la decision dutribunal de la jeunesse du 24 mai 2006 (lire : 27 octobre 2006) et quietaient anterieurement fixees à 15.000 francs, soit 372 euros par mois etpar enfant) ;

- que la duree de vie commune a ete relativement reduite.

En consequence, un montant mensuel de 1.000 euros lui est du pendant uneduree de cinq ans, à partir du 28 decembre 2000 ».

Griefs

Premiere branche

Aux termes de l'article 301, S: 1er, du Code civil, tel qu'il etait envigueur avant sa modification par la loi du 27 avril 2007, « le tribunalpeut accorder à l'epoux qui a obtenu le divorce, sur les biens et lesrevenus de l'autre epoux, une pension pouvant permettre au beneficiaire,compte tenu de ses revenus et possibilites, d'assurer son existence dansdes conditions equivalentes à celles dont il beneficiait durant la viecommune ».

Les revenus et possibilites du beneficiaire de la pension alimentaire,c'est-à-dire son aptitude à gagner sa vie, sont apprecies par le juge enfonction de ses connaissances professionnelles, de ses capacites, de sonage, de sa sante, de ses charges familiales et du marche de l'emploi.

Les revenus et possibilites du beneficiaire de la pension alimentairedoivent etre apprecies au jour ou la decision de divorce est devenuedefinitive.

En tant qu'il decide d'apprecier les possibilites financieres de lademanderesse, et en particulier la faculte qu'elle avait d'augmenter sonhoraire dans l'enseignement, en prenant en consideration le fait qu'ellen'etait, au moment de la separation, agee que de quarante-trois ans, et enconsiderant que la presence de deux jeunes enfants en bas age n'est pasincompatible avec des horaires d'enseignant, alors que les possibilitesfinancieres de la demanderesse devaient etre appreciees à la date àlaquelle la decision de divorce est devenue definitive, etant le 28decembre 2000, soit à une date ou la demanderesse etait agee de cinquanteans et ses enfants respectivement de sept et dix ans, et en ce qu'il neconstate pas notamment qu'à cette date, l'age et les charges familialesde la demanderesse permettaient à celle-ci de faire « le choix » ou« le necessaire » consideres par lui, le jugement attaque violel'article 301 du Code civil.

Seconde branche

Aux termes de l'article 301, S: 1er, du Code civil, tel qu'il etait envigueur avant sa modification par la loi du 27 avril 2007, « le tribunalpeut accorder à l'epoux qui a obtenu le divorce, sur les biens et lesrevenus de l'autre epoux, une pension pouvant permettre au beneficiaire,compte tenu de ses revenus et possibilites, d'assurer son existence dansdes conditions equivalentes à celles dont il beneficiait durant la viecommune ».

Les revenus et possibilites du beneficiaire de la pension alimentaireapres divorce, c'est-à-dire son aptitude à gagner sa vie, sont appreciespar le juge en fonction de ses connaissances professionnelles, de sescapacites, de son age, de sa sante, de ses charges familiales et du marchede l'emploi.

Le juge peut limiter la duree durant laquelle une pension alimentaire estdue lorsqu'il constate qu'au terme de cette periode, l'epoux beneficiairepourra, compte tenu de ses revenus et possibilites, pourvoir à sasubsistance dans des conditions equivalentes à celles dont il beneficiaitdurant la vie commune.

Le juge peut notamment se fonder sur la duree du mariage ou de la viecommune des epoux pour apprecier les possibilites financieres de l'epouxbeneficiaire, s'il justifie que cette duree a une incidence sur cespossibilites, notamment en raison de son jeune age.

En l'espece, le jugement attaque, apres avoir constate implicitement quela demanderesse etait agee de cinquante ans au moment du divorce, retientnotamment la duree, relativement reduite, de la vie commune des epoux pourfixer la pension alimentaire à la somme de 1.000 euros par mois etlimiter à cinq ans la periode pendant laquelle ladite pension est due. Lejugement attaque considere ainsi implicitement qu'au terme de cetteperiode de cinq ans, comprise entre le 28 decembre 2000 et le 28 decembre2005, soit avant le prononce du jugement attaque, la demanderesse pouvaitpourvoir à sa subsistance dans des conditions equivalentes à celles dontelle beneficiait durant la vie commune.

En tant qu'il decide de prendre en consideration la duree de vie communerelativement reduite des epoux pour fixer la pension alimentaire due à lademanderesse à la somme de 1.000 euros par mois et limiter à cinq ans laperiode pendant laquelle ladite pension est due, sans constater que labrievete de la vie commune aurait exerce une influence sur lespossibilites financieres de la demanderesse, agee de cinquante ans en2001, annee du divorce, et de cinquante-six ans à la date du jugementattaque, et sans constater ainsi l'influence d'un jeune age, le jugementattaque meconnait l'article 301 du Code civil.

III. la decision de la cour

Sur la fin de non-recevoir opposee au pourvoi par le defendeur et deduitede l'acquiescement de la demanderesse au jugement attaque :

En vertu de l'article 1045, alinea 3, du Code judiciaire, l'acquiescementtacite à une decision judiciaire ne peut etre deduit que d'actes ou defaits precis et concordants qui revelent l'intention certaine de la partiede donner son adhesion à la decision.

La renonciation au droit de se pourvoir en cassation est de stricteinterpretation et ne peut se deduire que de faits qui ne sont susceptiblesd'aucune autre interpretation.

La signification, meme sans reserve, d'un jugement n'emporte pasacquiescement à celui-ci.

Il ressort des pieces jointes au memoire en replique de la demanderesse etparticulierement de sa lettre au conseil du defendeur du 14 juin 2007,annonc,ant son intention de se pourvoir en cassation, que la demanderessen'a pas acquiesce au jugement attaque en procedant cinq jours plus tard àla signification de celui-ci avec commandement de payer assorti d'unesaisie-arret conservatoire et en recevant le paiement du defendeur sansreserve.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

Apres avoir enonce qu'il convenait d'examiner si les revenus etpossibilites de la demanderesse en decembre 2000 lui permettaient demaintenir le train de vie qu'elle avait connu pendant la vie commune, lejugement attaque constate que ses revenus nets se sont eleves en 1999 à56.077 francs et en 2003 à 1.732,38 euros par mois.

Il considere que « ces revenus ne concernent qu'un mi-temps et qu'ilaurait ete aise à [la demanderesse] d'augmenter ses horaires », qu'elle« n'a toutefois jamais fait ce choix et invoque aujourd'hui son age, 55ans, pour s'insurger contre la suggestion [du defendeur] », qu'« il luiappartenait cependant de faire le necessaire en temps utile, ne serait-cequ'à partir de 2001, des apres la dissolution du lien conjugal ».

Il en deduit que la demanderesse « est en mesure de se procurer desrevenus professionnels nets de l'ordre de 2.000 euros par mois (de l'ordrede 1.800 euros en 2000) ».

Le jugement attaque apprecie ainsi les revenus et possibilites de lademanderesse au jour ou la decision de divorce est devenue definitive,etant le 28 decembre 2000.

Le moyen qui, en cette branche, soutient qu'il apprecie ces revenus etpossibilites au jour de la separation des parties, repose sur une lectureinexacte du jugement attaque et, partant, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

Le juge qui, conformement à l'article 301, alinea 1er, du Code civil,applicable en l'espece, accorde à l'epoux qui a obtenu le divorce unepension permettant d'assurer son existence dans des conditionsequivalentes à celles dont il beneficiait durant la vie commune, doittenir compte des revenus et des possibilites du beneficiaire. Il appreciesouverainement ces revenus et possibilites.

Il peut se fonder sur la duree du mariage ou de la vie commune des epouxquel que soit l'age de l'epoux beneficiaire.

Le jugement attaque examine le train de vie des parties pendant la viecommune et les revenus et possibilites de la demanderesse. Il considereque la demanderesse possede des revenus professionnels correspondant à unemploi à mi-temps ainsi que des revenus immobiliers et mobiliersimportants et que « le train de vie de [la demanderesse] est restesensiblement le meme que lors de la vie commune, de meme que sesressources ».

Il considere toutefois qu'« une charge nouvelle importante resulte ducout de son logement » et decide de lui octroyer une pension alimentaire« de nature à lui permettre de faire face à cette charge nouvelle »,qu'il fixe à 1.000 euros par mois pendant une duree de cinq ans, àpartir du 28 decembre 2000.

Dans l'evaluation du montant et de la duree de la pension alimentaire, iltient compte du fait que la demanderesse « doit elle-meme optimiser sessources de revenus », qu'une partie de la charge de logement « doitegalement avoir ete repercutee dans les contributions alimentaires payeespour les enfants par [le defendeur] (qui s'elevent à 600 euros par moiset par enfant selon la decision du tribunal de la jeunesse du 24 mai2006) » et « que la duree de la vie commune a ete relativementreduite ».

Par ces motifs et ceux qui sont reproduits en reponse à la premierebranche du moyen, il considere que la demanderesse pouvait, àl'expiration de la periode de cinq ans commenc,ant à courir le 28decembre 2000, compte tenu de ses revenus et de ses possibilites,continuer à pourvoir à sa subsistance dans des conditions equivalentesà celles dont elle beneficiait durant la vie commune.

En statuant ainsi, il ne viole pas l'article 301, S: 1er, du Code civil.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de cinq cent dix-neuf euros quarante-quatrecentimes envers la partie demanderesse et à la somme de centsoixante-cinq euros septante-neuf centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Christine Matray, Sylviane Velu et Martine Regout, et prononce en audiencepublique du dix-huit septembre deux mille neuf par le president ChristianStorck, en presence du procureur general Jean-Franc,ois Leclercq, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Regout | S. Velu |
|-----------------+------------+-------------|
| Ch. Matray | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

18 SEPTEMBRE 2009 C.08.0333.F/1

1. I.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.08.0333.F
Date de la décision : 18/09/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-09-18;c.08.0333.f ?
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