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02/10/2009 | BELGIQUE | N°C.08.0200.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 octobre 2009, C.08.0200.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

7828



NDEG C.08.0200.F

FORTIS INSURANCE BELGIUM, anciennement denommee Fortis AG, societe anonymedont le siege social est etabli à Bruxelles, boulevard Emile Jacqmain,53,



demanderesse en cassation,

representee par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile,

contre

P. D.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirig

e contre le jugement rendu le 28 mars2007 par le tribunal de premiere instance de Neufchateau, statuant endegre d'appel.

Le con...

Cour de cassation de Belgique

Arret

7828

NDEG C.08.0200.F

FORTIS INSURANCE BELGIUM, anciennement denommee Fortis AG, societe anonymedont le siege social est etabli à Bruxelles, boulevard Emile Jacqmain,53,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile,

contre

P. D.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 28 mars2007 par le tribunal de premiere instance de Neufchateau, statuant endegre d'appel.

Le conseiller Christine Matray a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 3 et 29bis, S: 4, alinea 2, de la loi du 21 novembre 1989relative à l'assurance obligatoire de la responsabilite en matiere devehicules automoteurs ;

- article 25, 3DEG, b), du contrat-type annexe à l'arrete royal du14 decembre 1992 relatif au contrat-type d'assurance obligatoire de laresponsabilite civile en matiere de vehicules automoteurs ;

- articles 1134, alinea 1er, 1289 et 1290 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir dit que le defendeur ne conduisait pas le vehicule au momentde l'accident, qu'il avait confie le volant à C. M. qui n'etait pastitulaire d'un permis de conduire et que [le defendeur] lui-meme occupaitla place du passager avant, le jugement attaque decide que la demanderessene pouvait opposer au defendeur la compensation entre l'indemnite qu'elledevait [au defendeur en sa qualite d'usager faible] en vertu de l'article29bis de la loi du 21 novembre 1989 et la creance qu'elle avait contre luien vertu de l'article 25, 3DEG, du contrat-type d'assurance de laresponsabilite civile en matiere de vehicules automoteurs [instaurant] lerecours de l'assureur contre le preneur d'assurance lorsque, au moment dusinistre, le vehicule est conduit par une personne ne satisfaisant pas auxconditions pour conduire, aux motifs que :

« (Le defendeur), meme s'il a commis une faute qui justifiel'intervention de l'assureur de la responsabilite civile qui le couvre ensa qualite d'assure, peut beneficier à charge de ce dernier d'uneindemnisation dans le cadre de la loi sur les usagers faibles. La Cour decassation, dans son arret du 28 avril 2006, suivant l'avis de monsieurl'avocat general Genicot, considere que, 'derogeant au principe contenudans l'article 3 de la loi du21 novembre 1989, l'article 29bis n'exclut pas de l'indemnisation qu'ilorganise la victime qui, sans avoir voulu l'accident et ses consequences,est responsable du dommage qu'elle subit' (R.G.A.R., 2006, 14195).

[La demanderesse] invoque la compensation des dettes de chacune desparties en application de l'article 1290 du Code civil.

L'article 29bis, S: 4, alinea 2, de la loi du 21 novembre 1989 prevoitqu'il ne peut pas y avoir de compensation entre les indemnites versees enexecution de cette disposition legale en vue du paiement des autresindemnites dues à raison de l'accident de circulation. Cette restrictiona pour but d'eviter que l'assureur bloque l'indemnite due à un usagerfaible jusqu'à ce qu'il ait pu recuperer à charge de celui-ci lesindemnites versees à un autre usager faible (B. Dubuisson,'L'indemnisation automatique de certaines victimes d'accidents de lacirculation. Loi du 30 mars 1994', Academia-Bruylant, 1995, coll. Droitdes assurances, p. 37). Il apparait ainsi que cette interdiction decompensation a pour but d'eviter que l'assureur retarde le paiement desindemnites dues à un usager faible au motif que celui-ci serait redevabled'une somme d'argent à l'assureur en raison de cet accident. La situationrencontree en l'espece correspond au cas de figure vise par lelegislateur.

Dans ces conditions, il ne peut pas y avoir compensation ».

Griefs

L'article 29bis, S: 4, alinea 2, de la loi precitee du 21 novembre 1989dispose que « les indemnites versees en execution du present article nepeuvent faire l'objet de compensation ou de saisie en vue du paiement desautres indemnites dues à raison de l'accident de la circulation ».

Comme le precise le jugement attaque, cette disposition a pour butd'eviter que l'assureur bloque l'indemnite due à un usager faible en vuedu paiement des autres indemnites dues « à raison de l'accident ».

En l'espece, contrairement à ce que suppose le jugement attaque, lacompensation reclamee par la demanderesse ne tendait pas à compenser sacreance à l'egard du defendeur avec ce qu'elle lui doit « à raison del'accident », mais visait à etablir une compensation entre le montant del'indemnite revenant au defendeur en execution de l'article 29bis et lemontant de ce que celui-ci lui doit en vertu de l'article 25, 3DEG, b), ducontrat-type.

Ledit article 29bis, S: 4, alinea 2, n'est pas applicable dans ce caspuisque la compensation reclamee par la demanderesse n'a pas pour but oupour effet d'exclure le paiement de l'indemnite due au defendeur en vertude l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 ni de bloquer le paiementdes autres indemnites dues à raison de l'accident mais tend uniquement àfaire dire que le droit du defendeur à l'indemnisation par application del'article 29bis doit se conjuguer avec le droit contractuel de lademanderesse de recuperer l'indemnite à lui versee.

Autrement dit, la compensation revendiquee par la demanderesse n'est pasfondee sur le fait que le defendeur, usager faible, serait responsable deson dommage ou du dommage cause à d'autres usagers, mais sur l'article25, 3DEG, b), du contrat d'assurance, qui permet à l'assureur d'exercerun recours contre l'assure lorsque, au moment du sinistre, le vehicule estconduit par une personne ne satisfaisant pas aux conditions prescrites parla loi pour conduire ce vehicule.

La dette du defendeur fondee sur cette disposition n'est pas due « àraison de l'accident de la circulation » (article 29bis, S: 4, alinea 2),c'est-à-dire eu egard à la responsabilite du defendeur dans l'accident,mais à raison de la conduite du vehicule par une personne « qui n'etaitpas titulaire d'un permis de conduire ».

Le jugement attaque lui-meme observe qu'en confiant le vehicule à unepersonne qui n'etait pas titulaire d'un permis de conduire, le defendeur acommis une faute « contractuelle » justifiant le recours de lademanderesse. Le recours n'est donc pas fonde sur le fait que le defendeurserait responsable de la faute de conduite ayant entraine l'accident.

Dans ces conditions, le recouvrement de la creance de la demanderesse netombe pas dans le champ d'application de l'article 29bis, S: 4, alinea 2,precite. Il est au contraire regi par l'article 1290 du Code civil, quiedicte une compensation « de plein droit par la seule force de la loimeme à l'insu des debiteurs » lorsque ceux-ci sont debiteurs l'un enversl'autre.

Il s'ensuit qu'en decidant, par les motifs ci-dessus cites, qu'il ne peuty avoir de compensation entre la dette de la demanderesse à l'egard dudefendeur et la dette de celui-ci à l'egard de la demanderesse, lejugement attaque viole l'article 29bis, S: 4, alinea 2, de la loi du 21novembre 1989 et l'article 3 de cette meme loi, qui oblige l'assureur àgarantir l'indemnisation des personnes lesees par l'accident.

Il viole de meme la force obligatoire du contrat d'assurance souscrit parle defendeur (violation de l'article 1134, alinea 1er, du Code civil) etl'article 25, 3DEG, b), du contrat-type conferant à la demanderesse uneaction recursoire contre le defendeur ainsi que les articles 1289 et 1290du Code civil prononc,ant une compensation de plein droit entre les dettesreciproques.

III. La decision de la Cour

L'article 29bis, S: 4, alinea 2, de la loi du 21 novembre 1989 relative àl'assurance obligatoire de la responsabilite en matiere de vehiculesautomoteurs dispose que les indemnites versees en execution de cet articlene peuvent faire l'objet de compensation ou de saisie en vue du paiementdes autres indemnites dues à raison de l'accident de la circulation.

La creance que detient l'assureur sur l'usager faible en vertu du droit derecours que lui ouvre l'article 25, 3DEG, b), du contrat-type d'assurance« R.C. Auto », lorsque cet usager a, en tant qu'assure, laisse le volantà une personne qui, au moment du sinistre, ne satisfaisait pas auxconditions legales et reglementaires pour pouvoir conduire, doit etreconsideree comme une creance d'indemnite due à raison de l'accident de lacirculation.

Le jugement attaque constate que le defendeur etait le passager duvehicule implique dans un accident à l'occasion duquel il fut gravementblesse et qu'il avait confie le volant de ce vehicule à une personne quin'etait pas titulaire d'un permis de conduire ; il considere que tant lerecours exerce par la demanderesse contre le defendeur sur la base del'article 25, 3DEG, b), que celui exerce par le defendeur contre lademanderesse sur la base de l'article 29bis sont fondes.

Le jugement attaque qui refuse la compensation entre les sommes qu'ilalloue à chacune des parties ne viole aucune des dispositions legalesvisees au moyen.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de quatre cent quatre-vingt-cinq euros douzecentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Albert Fettweis, Christine Matray et Sylviane Velu, et prononce enaudience publique du deux octobre deux mille neuf par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avecl'assistance du greffier PatriciaDe Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Velu | Ch. Matray |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

2 OCTOBRE 2009 C.08.0200.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.08.0200.F
Date de la décision : 02/10/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-10-02;c.08.0200.f ?
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