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18/12/2009 | BELGIQUE | N°F.08.0072.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 décembre 2009, F.08.0072.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

7674



NDEG F.08.0072.F

1. L. P. et

2. G. B.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est et

abli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en c...

Cour de cassation de Belgique

Arret

7674

NDEG F.08.0072.F

1. L. P. et

2. G. B.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 avril 2008par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation

Les demandeurs presentent cinq moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Disposition legale violee

Article 149 de la Constitution

Decisions et motifs critiques

Apres avoir decide que « la situation ainsi creee par le [premierdemandeur] ne correspond nullement à la realite et [qu'] il y a des lorslieu de considerer que le contrat de location de clientele est simule dansla mesure ou le paiement des loyers a une autre cause, à savoirl'intention d'octroyer à l'interesse une remuneration deguisee », que «les cotisations relatives aux exercices d'imposition 1994 et 1995 ne sontpas prescrites » et qu' « en posant des actes de nature à disqualifierses revenus professionnels en revenus mobiliers, le [demandeur] aincontestablement agi dans une intention frauduleuse dans le but d'eluderl'impot, ce qui justifie l'application de l'accroissement de 50 p.c.retenu par l'administration en application des articles 444 du Code desimpots sur les revenus 1992 et 226 de l'arrete d'execution du Code desimpots sur les revenus », l'arret « declare [l'appel forme par lesdemandeurs] partiellement fonde et confirme le jugement entrepris sousl'emendation que les accroissements d'impots relatifs à la cotisationlitigieuse de l'exercice d'imposition 1998 sont reduits à 50 p.c. ».

Griefs

Les demandeurs faisaient valoir en conclusions que le jugement rendu enpremiere instance devait etre reforme car le tribunal avait meconnu lesdroits de la defense.

Notamment les demandeurs soutenaient :

« Qu'apres avoir sollicite et obtenu fixation sur la base desdispositions de l'article 751 du Code judiciaire pour l'audience du 14mars 2002 à 14 heures devant la chambre des recours fiscaux du tribunalde premiere instance de Mons, les [demandeurs] ont rec,u les conclusionsredigees par [le defendeur] et deposees au greffe fiscal du tribunal deMons le 30 janvier 2002 ;

Que les [demandeurs] ont alors adresse par la voie de leur conseil, endate du 12 fevrier 2002, une lettre sollicitant le renvoi au role dudossier pour leur permettre de rediger des conclusions en reponse auxconclusions prises par [le defendeur];

Que sans tenir compte de la correspondance du 12 fevrier 2002, et enviolation du principe general du droit relatif au respect des droits de ladefense, le tribunal de premiere instance de Mons a pris la cause endelibere à l'audience du 14 mars 2002 à laquelle elle avait ete fixeesur pied de l'article 751 du Code judiciaire sans que les [demandeurs]aient eu l'occasion de developper leurs arguments de fait et de droit etnonobstant leur demande, clairement exprimee, de renvoi au roleconformement aux dispositions de l'article 751 du Code judiciaire ;

Qu'en ce qu'il viole le principe general relatif au respect des droits dela defense, le jugement entrepris doit etre reforme ».

Par aucun de ses motifs, l'arret ne repond aux conclusions des demandeurssur ce point.

Par consequent, l'arret n'est pas regulierement motive et viole l'article149 de la Constitution.

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 1134, 1165, 1321 et 1353 du Code civil ;

- principe general du droit relatif à l'opposabilite aux tiers des effetsque les actes et conventions non simules ont sur le patrimoine de leursauteurs, que l'on deduit de l'article 1165 du Code civil .

Decisions et motifs critiques

L'arret decide que « la situation ainsi creee par le [demandeur] necorrespond nullement à la realite et il y a des lors lieu de considererque le contrat de location de clientele est simule dans la mesure ou lepaiement des loyers a une autre cause, à savoir l'intention d'octroyer àl'interesse une remuneration deguisee » et en consequence confirme sur cepoint le jugement entrepris, par les motifs que :

« Selon la theorie classique du droit civil, il y a simulation lorsqueles parties font un acte apparent dont elles conviennent de modifier ou dedetruire les effets par une autre convention demeuree secrete » (De Page,H., Traite elementaire de droit civil belge, t. II, Bruxelles, Bruylant,1948, 2e edition revue, completee et corrigee, p. 585, n DEG 618) ;

Que, selon la Cour de cassation, il n'y a pas simulation prohibee àl'egard du fisc, ni partant, fraude fiscale, lorsque, en vue de beneficierd'un regime fiscal plus favorable, les parties, usant de la liberte desconventions, sans toutefois violer aucune obligation legale, etablissentdes actes dont elles acceptent toutes les consequences, meme si la formequ'elles leur donnent n'est pas la plus normale et memes si ces actes sontaccomplis à seule fin de reduire la charge fiscale (Cass., 6 juin 1961,Pas., 1961, I, 1082, et les notes ; Cass., 22 mars 1990, Pas., 1990, I,853) ;

Qu'il convient de verifier si les parties ont accepte toutes lesconsequences juridiques des conventions qu'elles ont passees et si lesaccords apparemment conclus correspondent bien aux accords reellementconclus ;

Qu'il resulte de la comparaison des chiffres et de la qualification desrevenus declares avant et apres l'entree en vigueur de la convention du1er aout 1993 que l'intention reelle des parties en concluant le contratde location de clientele a ete de permettre la disqualification desrevenus professionnels perc,us par le [premier demandeur] en revenusmobiliers ;

Que l'exploitation de la clientele a cependant ete poursuivie de la mememaniere par [le premier demandeur] avant et apres la convention delocation vu notamment le lien existant entre le [demandeur] et la societecreee par lui (voir à cet egard : Anvers, 22 mai 2001, commente par leFiscologue, nDEG 805, 22 juin 2001, p. 4) ;

Que, nonobstant la convention de location, le [premier demandeur] aconserve personnellement l'usage et la jouissance complets de sa clientele;

Que la tache reservee à la s.p.r.l. CM Lara pouvait consister dans lagestion et l'administration de l'activite medicale, à l'exclusion detoute renonciation à l'exercice de la profession de medecin en nom propre(l'article 7 de la convention litigieuse est illicite) ;

Que les loyers representent clairement la remuneration du travail du[demandeur] au profit de la societe et doivent des lors etre consideres etimposes comme des revenus professionnels d'associe actif ;

Qu'il ressort du compte de resultat des comptes annuels de la s.p.r.l. CMLara et plus particulierement des comptes 700001 et 610051 que lesredevances de location versees au [demandeur] entre 1993 et 1997representent approximativement 40 p.c. des honoraires perc,us par lasociete sur la base des consultations [du demandeur] ;

Qu'à juste titre, il a ete juge par le tribunal de premiere instance deMons qu'un contrat de location de patientele conclu entre deux agentseconomiques juridiquement et economiquement independants n'aurait jamaisprevu le versement d'une redevance locative annuelle egale à environ 40p.c. des honoraires perc,us par la societe (Civ. Mons, 7 novembre 2001,J.L.M.B., 2002, p. 965) ;

Qu'en consequence, la situation ainsi creee par le [demandeur] necorrespond nullement à la realite et [qu'] il y a des lors lieu deconsiderer que le contrat de location de clientele est simule dans lamesure ou le paiement des loyers a une autre cause, à savoir l'intentiond'octroyer à l'interesse une remuneration deguisee ».

Griefs

La cour d'appel n'a pas pu legalement deduire des constatations de l'arretque la convention de location de clientele du 1er aout 1993 etait entacheede simulation commise en vue d'eluder un impot legalement du et, partant,aurait constitue une fraude fiscale en sorte que le defendeur serait endroit de considerer que la convention litigieuse n'a pas ete conclue etque les revenus verses par la societe CM Lara au premier demandeurconstituent des revenus professionnels et non des revenus de biensmobiliers.

Il n'y a en effet ni simulation prohibee à l'egard du fisc, ni partant,fraude fiscale, lorsque, en vue de beneficier d'un regime fiscal plusfavorable, les parties, usant de la liberte des conventions, sanstoutefois violer aucune obligation legale, etablissent des actes dontelles acceptent toutes les consequences, meme si la forme qu'elles leurdonnent n'est pas la plus normale et memes si ces actes sont accomplis àseule fin de reduire la charge fiscale.

En l'espece, les constatations de l'arret ne permettaient pas à la courd'appel de considerer que les parties à la convention litigieusen'auraient pas accepte toutes les consequences de cet acte. La courd'appel a considere que la comparaison des chiffres et de la qualificationdes revenus declares avant et apres l'entree en vigueur de la conventionlitigieuse etablit que l'intention reelle des parties etait de permettrela disqualification des revenus professionnels du demandeur en revenus debiens mobiliers. La cour d'appel n'a toutefois pas pu deduire legalementl'existence d'une simulation prohibee de cette constatation puisqu'il n'ya ni simulation prohibee à l'egard du fisc ni, partant, fraude fiscale,lorsque les parties etablissent des actes dont elles acceptent toutes lesconsequences, meme si ces actes sont accomplis à seule fin de reduire lacharge fiscale. La simple constatation que les parties à une conventionavaient pour intention - ou meme pour seule intention - de reduire lacharge fiscale ne permet donc pas de conclure à l'existence d'unesimulation prohibee.

La cour d'appel a considere qu'apres que le demandeur a conclu laconvention litigieuse, l'exploitation de la clientele aurait etepoursuivie de la meme maniere par le demandeur de sorte que ce dernieraurait conserve l'usage et la jouissance de sa clientele. La cour d'appelayant constate par ailleurs que le demandeur etait associe actif de lasociete CM Lara, elle n'a pu legalement deduire du fait que la prise encharge des patients du demandeur s'etait poursuivie de la meme maniereapres la conclusion de la convention litigieuse que les parties à cetteconvention n'en auraient pas respecte toutes les consequences.

La cour d'appel a considere que « la tache reservee à la s.p.r.l. CMLara pouvait consister dans la gestion et l'administration de l'activitemedicale, à l'exclusion de toute renonciation à l'exercice de laprofession de medecin en nom propre ». La formulation à laquelle la courd'appel a eu recours exclut toute certitude quant à la repartition destaches entre la societe CM Lara et le demandeur.

La cour d'appel n'a pu deduire de cette simple hypothese que les partiesà la convention du 1er aout 1993 n'ont pas respecte toutes lesconsequences juridiques de cette convention.

La cour d'appel a considere que les redevances perc,ues par le demandeurentre 1993 et 1997 correspondent à 40 p.c. des honoraires perc,us par lasociete CM Lara sur la base des consultations du demandeur alors qu'« uncontrat de location de patientele conclu entre deux agents economiquesjuridiquement et economiquement independants n'aurait jamais prevu leversement d'une redevance locative annuelle egale à environ 40 p.c. deshonoraires perc,us par la societe ». Il ne ressort nullement de cetteconstatation relative aux redevances effectivement payees par la societeCM Lara au demandeur que les parties à la convention litigieusen'auraient pas respecte toutes les consequences de cette convention. Lacour d'appel n'a donc pas pu legalement deduire de cette constatationl'existence d'une simulation prohibee.

La cour d'appel a considere enfin que la simulation decoule de la cause dupaiement des loyers, à savoir l'intention d'octroyer au demandeur uneremuneration deguisee. Il n'y a toutefois ni simulation prohibee àl'egard du fisc ni, partant, fraude fiscale, lorsque les partiesetablissent des actes dont elles acceptent toutes les consequences, memesi ces actes sont accomplis à seule fin de reduire la charge fiscale. Lasimple constatation que les parties à une convention avaient pour seuleintention de reduire la charge fiscale ne permet donc pas de deduire queles parties à la convention n'ont pas respecte toutes les consequences deleur acte.

En considerant la convention de location de clientele du 1er aout 1993comme simulee sur la base de ces constatations et sur le fondement de cesmotifs, l'arret viole des lors la notion legale de simulation et, parconsequent, l'article 1321 du Code civil, ainsi que le principe general dudroit relatif à l'opposabilite aux tiers des effets que les actes etconventions non simules ont sur le patrimoine de leurs auteurs etl'article 1165 du Code civil dont se deduit ledit principe general. Aucunautre motif de l'arret ne permet de justifier les considerations qu'ilformule sur l'existence d'une simulation en l'espece.

En considerant que la convention litigieuse est entierement simulee,l'arret meconnait en outre la force obligatoire de cette convention etviole partant l'article 1134 du Code civil.

Enfin, en tant que l'arret deduit l'existence d'une simulation desconstatations rappelees ci-dessus, il deduit des faits constates desconsequences sans aucun lien avec eux ou qui ne sont susceptibles, surleur fondement, d'aucune justification de sorte qu'il viole l'article 1353du Code civil.

Troisieme moyen

Disposition legale violee

Article 149 de la Constitution

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate qu' « il ressort des pieces produites par lesparties et de leurs explications qu'à dater de la convention du 1er aout1993, les actes poses par [le demandeur] à l'egard de la clientelel'etaient en qualite d'associe actif de la s.p.r.l. Cabinet medical desdocteurs L. et R. (en abrege CM Lara) et les honoraires relatifs à cesprestations de soins etaient recueillis par celle-ci et taxes dans sonchef à l'impot des societes », l'arret, confirmant le jugement entreprissous l'emendation que les accroissements d'impots relatifs à lacotisation litigieuse de l'exercice d'imposition 1998 sont reduits à 50p.c., decide que « la situation ainsi creee par le [demandeur] necorrespond nullement à la realite et [qu']il y a des lors lieu deconsiderer que le contrat de location de clientele est simule dans lamesure ou le paiement des loyers a une autre cause, à savoir l'intentiond'octroyer à l'interesse une remuneration deguisee ».

L'arret fonde cette decision notamment sur les motifs suivants :

« Que l'exploitation de la clientele a cependant ete poursuivie de lameme maniere par [le demandeur] avant et apres la convention de locationvu notamment le lien existant entre le [demandeur] et la societe creee parlui (voir à cet egard : Anvers, 22 mai 2001, commente par le Fiscologue,n DEG 805, 22 juin 2001, p. 4) ;

Que, nonobstant la convention de location, le [demandeur] a conservepersonnellement l'usage et la jouissance complets de sa clientele ».

Griefs

Apres avoir constate qu'à la suite de la conclusion de la convention delocation de clientele du 1er aout 1993, tous les actes accomplis par ledemandeur à l'egard de la clientele louee à la societe CM Lara l'ontdesormais ete en sa qualite d'associe actif de cette societe et non plusà titre personnel et que tous les honoraires generes par les prestationsdu demandeur ont ete recueillis par la societe CM Lara, l'arret decideneanmoins que la convention de location de clientele est entachee desimulation aux motifs que « l'exploitation de la clientele a cependantete poursuivie de la meme maniere par [le demandeur] avant et apres laconvention de location » et que « le [demandeur] a conservepersonnellement l'usage et la jouissance complets de sa clientele ».

Ces motifs sont en contradiction avec les constatations de l'arret selonlesquelles, apres la conclusion de la convention de location de clienteledu 1er aout 1993, le demandeur n'a plus preste de soins aupres de saclientele qu'en qualite d'associe actif de la societe CM Lara et non plusà titre personnel et que tous les honoraires relatifs aux soins prestespar le demandeur etaient perc,us par la societe CM Lara.

Cette contradiction equivaut à l'absence de motifs.

L'arret viole par consequent l'article 149 de la Constitution.

Quatrieme moyen

Disposition legale violee

Article 354 du Code des impots sur les revenus 1992

Decisions et motifs critiques

L'arret decide « que les cotisations relatives aux exercices d'imposition1994 et 1995 ne sont pas prescrites » et en consequence confirme sur cepoint le jugement entrepris, par les motifs que

« [Les demandeurs] avancent que les cotisations litigieuses relatives auxexercices d'imposition 1994 et 1995 n'ont pas ete enrolees legalement surla base de l'article 354, alinea 2, du Code des impots sur les revenus1992, à defaut de demonstration par l'administration d'une infraction àce code ou à ses arretes d'execution commise dans une intentionfrauduleuse ou à dessein de nuire ;

Que, selon eux, ils se sont limites à declarer à l'administrationfiscale les revenus qu'ils avaient reellement perc,us et qui leur avaientete verses durant les exercices d'imposition litigieux par la s.p.r.l. CMLara en execution d'une convention de location de patientele librementnegociee ;

Que le seul fait pour l'administration fiscale de ne pas partagerl'analyse fiscale qui decoule de cette operation en substituant auxrevenus regulierement declares une autre qualification juridique que celleadoptee par les [demandeurs] n'etablit en aucune maniere, selon eux,l'intention frauduleuse prealable indispensable au recours parl'administration fiscale du delai extraordinaire de rectification vise àl'article 354, alinea 2, du Code des impots sur les revenus 1992 ;

Que l'intention frauduleuse visee à l'article 354, alinea 2, du Code desimpots sur les revenus 1992 suppose une intention delictueuse suffisammentdemontree dans un but manifeste d'eluder la perception exacte de l'impot ;

Qu'il appartient à l'administration fiscale de demontrer qu'en commettantune infraction à la legislation en matiere d'impots sur les revenus, lecontribuable a agi à dessein de nuire ou dans une intention frauduleuse,notamment qu'il a commis l'infraction constatee dans le but de se procurerou de procurer à autrui un avantage illicite au detriment du Tresorpublic ;

Qu'il ne peut en effet etre deduit du fait que l'on desire cacher auxtiers une situation reelle que la simulation est toujours frauduleuse,inspiree d'un desir de tromper et partant de nuire (voir sur l'ensemble dusujet De Page H., Traite elementaire de droit civil belge, t. II,Bruxelles, Bruylant, 1948, 2e edition, completee et corrigee, p. 588, nos622 et 623) ;

Qu'en droit civil, on peut simuler sans intention frauduleuse, par exemplepour ne pas eveiller des discussions ou des jalousies (voir Rene Dekkers,Precis de droit civil belge, Bruxelles, Bruylant, 1955, t. II, Livre IV.Les obligations, p. 94, n DEG 163) ;

Que, cependant, la simulation cesse d'etre licite lorsqu'elle est ourdieen vue d'eluder l'application de dispositions legales d'ordre public ouimperatives qui eussent du regir le rapport juridique reel ou lorsqu'ellea pour objet de frauder les droits des tiers, comme le fisc, ce qui est lecas en l'espece (voir Civ. Mons, 5 octobre 1988, J.T., 1989, p. 442 ; S.Stijns, D. Van Gerven et P. Wery, Chronique de jurisprudence : lesobligations - les sources (1985-1995), J.T., 1996, p. 752, n DEG 181) ;

Que la conclusion de la convention de patientele du 2 aout 1993 comporteune alteration de la verite commise sciemment avant de faire une faussedeclaration fiscale (voir J. Kirkpatrick, « Le regime fiscal des societesen Belgique », 2e ed., Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 35) ;

Qu'en l'espece, la fraude fiscale se confond avec la simulation qui portesur la cause du paiement du loyer et, partant, sur la qualification del'acte juridique oppose au fisc de sorte que l'article 354, alinea 2, duCode des impots sur les revenus 1992 pouvait justifier l'enrolement descotisations relatives aux exercices d'imposition dans le delaisupplementaire de deux ans ;

Que, contrairement à ce que soutiennent les [demandeurs], la substitutionpar l'administration de la qualification juridique de revenus declares parun contribuable ouvre le droit d'etablir l'impot dans le delaiextraordinaire de cinq ans lorsque ce changement de qualification procedede l'ecartement d'un acte apparent comportant une simulation ;

Que, dans ce cas particulier, la simulation est en effet illicitepuisqu'elle tend à eluder l'application de dispositions fiscales d'ordrepublic qui eussent du regir le rapport juridique reel ou qu'elle a pourobjet de frauder les droits du fisc, ce qui implique la commission d'uneinfraction à la legislation fiscale dans une intention frauduleuse ;

Que cette solution est d'ailleurs conforme à la jurisprudence de la Courde cassation qui considere que la simulation n'est pas autorisee enmatiere fiscale à peine de constituer une fraude fiscale : ` Il n'y a nisimulation prohibee à l'egard du fisc ni, partant, fraude fiscale,lorsque, en vue de beneficier d'un regime fiscal plus favorable, lesparties, usant de la liberte des conventions, sans toutefois violer aucuneobligation legale, etablissent des actes dont elles acceptent toutes lesconsequences, meme si la forme qu'elles leur donnent n'est pas la plusnormale' (Cass., 6 juin 1961, Pas., 1961, I, 1082, en cause Brepols / Etatbelge) ;

Qu'il s'ensuit que les cotisations relatives aux exercices d'imposition1994 et 1995 ne sont pas prescrites ».

Griefs

L'arret decide à tort que la convention de location de clientele du 1eraout 1993 etait entachee de simulation pour les motifs invoques dans lespremier, deuxieme et troisieme moyens.

Par voie de consequence, en considerant que les cotisations litigieusesrelatives aux exercices d'imposition 1994 et 1995 pouvaient etre enroleesdans le delai de cinq ans prevu par l'article 354, alinea 2, du Code desimpots sur les revenus 1992 en cas d'infraction aux dispositions de cecode ou de ses arretes d'execution commise dans une intention frauduleuseou à dessein de nuire, l'arret viole ledit article.

Cinquieme moyen

Dispositions legales violees

- article 444 du Code des impots sur les revenus 1992 ;

- article 226 de l'arrete royal du 27 aout 1993 d'execution du Code desimpots sur les revenus 1992.

Decisions et motifs critiques

L'arret decide que :

« En posant des actes de nature à disqualifier ses revenusprofessionnels en revenus mobiliers, le [demandeur] a incontestablementagi dans une intention frauduleuse dans le but d'eluder l'impot, ce quijustifie l'application de l'accroissement de 50 p.c. retenu parl'administration en application des articles 444 du Code des impots surles revenus 1992 et 226 de l'arrete d'execution du Code des impots sur lesrevenus » et, en consequence, « confirme le jugement entrepris sousl'emendation que les accroissements d'impots relatifs à la cotisationlitigieuse de l'exercice d'imposition 1998 sont reduits à 50 p.c. », parles motifs que :

« En posant des actes de nature à disqualifier ses revenusprofessionnels en revenus mobiliers, le [demandeur] a incontestablementagi dans une intention frauduleuse dans le but d'eluder l'impot, ce quijustifie l'application de l'accroissement de 50 p.c. retenu parl'administration en application des articles 444 du Code des impots surles revenus 1992 et 226 de l'arrete d'execution du Code des impots sur lesrevenus 1992 ;

Que pareille alteration de la verite, se presentant à un stade anterieuraux rapports avec le fisc, dans la convention de location de patientele,constitue une fraude aggravee - car [elle] comporte un faux intellectuel -qui doit etre sanctionnee d'une peine plus severe que la fraude simple (J.Kirkpatrick, « Le regime fiscal des societes en Belgique », 2e ed.,Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 37, nDEG 1.16) ;

Qu'il ne s'agit pas en l'espece d'une divergence de vues sur une questionde principe relativement à l'application d'une disposition du Code desimpots sur les revenus 1992 ;

Qu'en appliquant un accroissement d'impot de 100 p.c. des impots dus surla portion des revenus non declares de l'exercice d'imposition 1998,l'administration fiscale a viole le principe de proportionnalite ;

Que les accroissements d'impots appliques lors du calcul de la cotisationlitigieuse relative à l'exercice d'imposition 1998 doivent etre reduitsà 50 p.c. ».

Griefs

L'arret decide à tort que la convention de location de clientele du 1eraout 1993 etait entachee de simulation pour les motifs invoques dans lespremier, deuxieme et troisieme moyens.

Par voie de consequence, en considerant qu'il y avait lieu de majorer lesimpots dus sur la portion des revenus non declares d'un accroissementd'impot de 50 p.c. par application des regles prevues par les articles 444du Code des impots sur les revenus 1992 et 226 de l'arrete royal du 27aout 1993 d'execution du Code des impots sur les revenus 1992 en cas dedeclaration incomplete ou inexacte avec intention d'eluder l'impot,l'arret viole lesdits articles.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'arret, qui confirme le jugement dont appel sur la base de motifspropres, ne s'approprie pas la nullite eventuelle de ce jugement.

Il n'etait pas tenu, des lors, de repondre au moyen des demandeurssoutenant que le premier juge avait viole leurs droits de defense.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen :

Il n'y a ni simulation prohibee à l'egard du fisc ni, partant, fraudefiscale lorsque, en vue de beneficier d'un regime fiscal plus favorable,les parties, usant de la liberte des conventions, sans toutefois violeraucune obligation legale, etablissent des actes dont elles acceptenttoutes les consequences, meme si ces actes sont accomplis à seule fin dereduire la charge fiscale.

L'arret considere que « l'exploitation de la clientele a [...] etepoursuivie de la meme maniere par [le demandeur] avant et apres laconvention de location », que, « nonobstant la convention de location,[le demandeur] a conserve personnellement l'usage et la jouissancecomplets de sa clientele », que « la tache reservee à la s.p.r.l. CMLara pouvait consister dans la gestion et l'administration de l'activitemedicale, à l'exclusion de toute renonciation à l'exercice de laprofession de medecin en nom propre » et que « les loyers represententclairement la remuneration du travail du [demandeur] au profit de lasociete ».

Sur la base de ces considerations d'ou il ressort que l'activite medicalea continue à etre exercee par le seul demandeur apres la convention delocation de clientele, l'arret a pu decider, sans violer les articles 1321et 1353 du Code civil, que les parties à cette convention n'en ont pasaccepte toutes les consequences et que, des lors, cet acte est simule.

Des lors qu'il tient legalement cette convention pour simulee, il n'enmeconnait pas la force obligatoire en ecartant son application.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le troisieme moyen :

Il n'est pas contradictoire de considerer, d'une part, que,« l'exploitation de la clientele a cependant ete poursuivie de la mememaniere par [le demandeur] avant et apres la convention de location » etque, « nonobstant la convention de location, le [demandeur] a conservepersonnellement l'usage et la jouissance complete de sa clientele » et,d'autre part, que les actes d'exploitation de la clientele ainsi accomplispar le demandeur l'etaient en qualite d'associe actif de la societe CMLara et que les honoraires relatifs à ces prestations de soins etaientrecueillis par celle-ci et taxes dans son chef à l'impot des societes.

Le moyen manque en fait.

Sur les quatrieme et cinquieme moyens :

Les moyens, qui sont tout entiers deduits des griefs vainement alleguespar les demandeurs dans les deuxieme et troisieme moyens, sontirrecevables.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Les depens taxes à la somme de quatre cent huit euros quatre-vingt-uncentimes envers les parties demanderesses et à la somme de septante-neufeuros trente-six centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Mathieu, les conseillers DidierBatsele, Albert Fettweis, Sylviane Velu et Martine Regout, et prononce enaudience publique du dix-huit decembre deux mille neuf par le president desection Paul Mathieu, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

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| P. De Wadripont | M. Regout | S. Velu |
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| A. Fettweis | D. Batsele | P. Mathieu |
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18 DECEMBRE 2009 F.08.0072.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.08.0072.F
Date de la décision : 18/12/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-12-18;f.08.0072.f ?
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