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21/01/2010 | BELGIQUE | N°C.08.0538.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 janvier 2010, C.08.0538.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.08.0538.N

CTI COMMODITIES TRADING & INVESTMENTS Ltd, societe de droit anglais,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. DADCO EUROPE Ltd, societe de droit anglais,

2. DADCO ALUMINA AND CHEMICALS ltd.

I. La procedure devant la Cour

II. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 25 juin2008 par la cour d'appel de Bruxelles.

III. Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.

IV. L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.

II. Le moyen

de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Decision et motifs critiques

- arti...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.08.0538.N

CTI COMMODITIES TRADING & INVESTMENTS Ltd, societe de droit anglais,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. DADCO EUROPE Ltd, societe de droit anglais,

2. DADCO ALUMINA AND CHEMICALS ltd.

I. La procedure devant la Cour

II. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 25 juin2008 par la cour d'appel de Bruxelles.

III. Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.

IV. L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Decision et motifs critiques

- article 149 de la Constitution ;

- articles 1017, alinea 1er, 1018, 6DEG, 1022 et 1042 du Code judiciaire ;

- articles 1er, alinea 2, et 2 de l'arrete royal du 26 octobre 2007 fixantle tarif des indemnites de procedure visees à l'article 1022 du Codejudiciaire et fixant la date d'entree en vigueur des articles 1er à 13 dela loi du 21 avril 2007 relative à la repetibilite des honoraires et desfrais d'avocat.

Decisions et motifs critiques

Par l'arret attaque du 25 juin 2008, renvoyant à l'arret interlocutoiredu 26 fevrier 2008 et statuant en prosecution de cause, la cour d'appel deBruxelles a condamne la demanderesse aux depens (de procedure) fixes pourla premiere defenderesse à 10.000 euros et pour la seconde defenderesseà 10.000 euros.

La cour d'appel fonde sa decision sur les motifs suivants :

1. Les parties admettent que, eu egard à la valeur de la demande, lemontant de base de l'indemnite de procedure s'eleve à 10.000 euros, lemontant minimum à 1.000 euros et le montant maximum à 20.000 euros.

Elles contestent le montant à payer en ce sens que (la premieredefenderesse) et (la seconde defenderesse) reclament toutes les deux uneindemnite de procedure alors que (la demanderesse) considere qu'une seuleindemnite de procedure est redevable pour les deux conjointement et que(la premiere et seconde defenderesses) reclament chacune le montantmaximum de 20.000 euros et que (la demanderesse) soutient qu'il y a lieude reduire l'indemnite de procedure due jusqu'au minimum de 1.000 euros.

2. En l'espece, il n'y a aucune disposition legale permettant d'admettrede maniere incontestable que les differentes parties, assistees par lememe conseil, ne peuvent pretendre qu'à une seule indemnite de procedure.

Une telle disposition etait prevue à l'article 1er de l'arrete royal du30 novembre 1970 fixant pour l'execution de l'article 1022 du Codejudiciaire, le tarif des depens recouvrables du Code judiciaire. Cetarrete royal est toutefois abroge par l'article 9 (de) l'arrete royal du26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnites de procedure visees àl'article 1022 du Code judiciaire entre en vigueur le 1er janvier 2006, etl'arrete royal precite du 26 octobre 2007 ne prevoit pas de dispositionsanalogues.

Dans la presente affaire, les moyens et les arguments developpesrelativement à (la premiere defenderesse) et (la seconde defenderesse) nesont pas entierement identiques.

Il n'y a, des lors, pas de motif, ni en fait, ni en droit, pour n'accorderà (la premiere defenderesse) et à (la seconde defenderesse) qu'une seuleindemnite de procedure.

3. Des lors, l'argumentation de (la demanderesse), notamment de reduire lemontant de l'indemnite de procedure, ne peut pas etre accueillie puisqueles pieces qu'elle produit pour prouver que sa situation financierejustifie sa demande, ne demontrent pas que sa situation financiere estdevenue à ce point precaire qu'il y a lieu de reduire le montant de basede l'indemnite de procedure.

Dans la presente affaire, il ne s'avere pas pour quelle raison desinformations negatives au sujet des societes DADCO - sans preuve effectived'une eventuelle condamnation - pourraient justifier une reduction desindemnites de procedure.

Griefs

1. Conformement à l'article 149 de la Constitution, tout jugement estmotive.

En application de cette disposition constitutionnelle, le juge est tenu derepondre à tous les moyens precis et pertinents invoques regulierementpar les parties dans leurs conclusions pour justifier leur action oudefense.

1.2. En vertu de l'article 1017, alinea 1er, du Code judiciaire, toutjugement definitif prononce, meme d'office, la condamnation aux depenscontre la partie qui a succombe, sans prejudice de l'accord des partiesque, le cas echeant, le jugement decrete.

L'article 1018 du Code judiciaire definit les depens et mentionne, sub6DEG, l'indemnite de procedure visee à l'article 1022 du Code judiciaire.

Aux termes de l'article 1022, alinea 1er du Code judiciaire, l'indemnitede procedure est une intervention forfaitaire dans les frais et honorairesd'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause.

Le troisieme alinea de l'article 1022 du Code judiciaire precise qu'à lademande d'une des parties, eventuellement formulee sur interpellation parle juge, celui-ci peut, par decision specialement motivee, soit reduirel'indemnite soit l'augmenter, sans pour autant depasser les montantsmaxima et minima prevus par le Roi. Dans son appreciation, le juge tientcompte :

- de la capacite financiere de la partie succombante, pour diminuer lemontant de l'indemnite ;

- de la complexite de l'affaire ;

- des indemnites contractuelles convenues pour la partie qui obtient gainde cause ;

- du caractere manifestement deraisonnable de la situation.

Ainsi, le juge peut reduire l'indemnite, sans depasser les montants minimaprevus par le Roi, en tenant compte du caractere manifestementderaisonnable de la situation, meme si la partie succombante a descapacites financieres suffisantes pour payer le montant de base del'indemnite de procedure.

2. Dans ses « conclusions additionnelles et recapitulatives d'appel apresla reouverture des debats », deposees le 23 mai 2008 (...), lademanderesse a fait valoir qu'il y avait lieu de reduire le montant del'indemnite de procedure jusqu'au montant minimum et ce, en raison ducaractere manifestement deraisonnable de la situation.

La demanderesse a soutenu en la matiere :

« Que, deuxiemement, (la demanderesse) peut invoquer le caracterederaisonnable de la situation à l'egard (des defenderesses) ;

Le juge peut d'ailleurs fonder sa decision sur l'equite conformement à cecritere ;

En l'occurrence, nous parlons tout de meme d'une grande difference entreles situations economiques des parties, (la demanderesse) devants'attaquer à Goliath comme le petit David, ce qui revele le caracterederaisonnable de la situation ;

(La demanderesse) joint aux presentes conclusions une copie de ses comptesannuels 2001 (piece A.5) avec les chiffres 2000 et 2001, ainsi que ceux de2006 (piece A.6) sur la base desquels les consequences de la rupture ducontrat par le groupe DADCO apparaissent clairement ;

Il ressort, sur la base de ce compte annuel, que (la demanderesse) a connuune enorme regression en ce qui concerne les « shipbrokingcommissions » :

* en 2000 un chiffre d'affaires de -L- 481.065

* en 2001 un chiffre d'affaires de -L- 347.216

* en 2005 un chiffre d'affaires de -L- 144.866

* en 2006 un chiffre d'affaires de -L- 114.250

Cette regression a eu un impact direct sur le resultat de la societe.

* en 2000 un benefice operationnel de -L- 77.844

* en 2001 un benefice operationnel de -L- 63.780

* en 2005 un benefice operationnel de -L- 11.716

* en 2006 une perte operationnelle de (-) -L- 5.428 »

Sur la base du caractere manifestement deraisonnable de la situation,decoulant de la disproportion entre la situation financiere de lademanderesse et celle des deux defenderesses, la demanderesse a demande dereduire le montant de l'indemnite de procedure jusqu'au montant minimum de1.000 euros (« conclusions additionnelles et recapitulatives d'appelapres la reouverture des debats », du 23 mai 2008, p.6, dispositif).

Dans l'arret attaque (...), le juge d'appel a considere quel'argumentation de la demanderesse, en vue de reduire le montant del'indemnite de procedure, ne peut pas etre accueillie des lors que lespieces qu'elle produit pour prouver que sa situation financiere justifiesa demande, ne demontrent pas que sa situation financiere est devenue àce point precaire qu'il y a lieu de reduire le montant de base del'indemnite de procedure.

La cour d'appel n'a, toutefois, pas repondu aux allegations precises etpertinentes invoquees ci-dessus dans les conclusions d'appel de lademanderesse dans lesquelles elle a fait valoir qu'il y avait lieu dereduire le montant de base de l'indemnite de procedure en raison ducaractere manifestement deraisonnable de la situation decoulant de ladisproportion entre la situation financiere de la demanderesse et celledes deux defenderesses.

Des lors, l'arret attaque n'est pas regulierement motive et violel'article 149 de la Constitution.

3. Dans la mesure ou l'arret attaque devrait etre lu en ce sens qu'il n'ya pas lieu de reduire le montant de base de l'indemnite de procedure enraison du caractere manifestement deraisonnable de la situation au motifque la demanderesse ne demontre pas que sa situation est devenue à cepoint precaire, l'arret attaque est egalement illegal.

Le juge peut, en effet, reduire le montant de l'indemnite de procedurelorsque la situation est manifestement deraisonnable, meme si lescapacites financieres de la partie succombante ne sont pas precaires.

Des lors, la cour d'appel ne pouvait pas decider legalement qu'il n'yavait pas lieu de reduire le montant de base de l'indemnite de procedureuniquement au motif que la demanderesse ne demontre pas que sa situationfinanciere est devenue à ce point precaire, sans pour autant tenir comptedu caractere manifestement deraisonnable de la situation decoulant de ladisproportion entre les situations financieres des parties respectives. Enexcluant de son appreciation ce caractere manifestement deraisonnable dela situation, la cour d'appel a viole les articles 1017, alinea 1er, 1018,6DEG, 1022 et 1042 du Code judiciaire. En condamnant ainsi la demanderesseau paiement du montant de base de 10.000 euros à chacune desdefenderesses, la cour d'appel a viole egalement les articles 1er, alinea2 et 2 de l'arrete royal du 26 octobre 2007.

* III. La decision de la Cour

1. Dans ses conclusions d'appel, la demanderesse a faitvaloir qu'il y avait lieu de reduire l'indemnite deprocedure jusqu'au montant minimum en raison de sasituation financiere particulierement mauvaise, d'unepart, et du caractere manifestement deraisonnable de lasituation decoulant de la grande difference entre lessituations economiques des parties, d'autre part.

2. L'arret n'accueille pas cette demande, uniquement aumotif que les pieces produites par la demanderesse pourprouver que sa situation financiere justifie sa demande,ne demontrent pas que sa situation financiere est devenueà ce point precaire qu'il y a lieu de reduire le montantde base de l'indemnite de procedure.

Ainsi l'arret ne justifie pas legalement sa decision.

Le moyen est fonde.

* Par ces motifs,

* * La Cour

* * Casse l'arret attaque ;

* Ordonne que mention du present arret sera faite en marge del'arret casse ;

* Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par lejuge du fond ;

* Renvoie la cause devant la cour d'appel d'Anvers.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president Ivan Verougstraete, les conseillers EricDirix, Albert Fettweis, Beatrijs Deconinck et Geert Jocque, etprononce en audience publique du vingt et un janvier deux mille dixpar le president Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat generalGuy Dubrulle, avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Albert Fettweis ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

21 JANVIER 2010 C.08.0538.N/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 21/01/2010
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.08.0538.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-01-21;c.08.0538.n ?
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