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01/02/2010 | BELGIQUE | N°C.09.0248.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 février 2010, C.09.0248.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.09.0248.N

ETAT BELGE, ministre de l'Interieur,

Me Antoine de Bruyn, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

CLOS DES TROIS ETANGS, societe anonyme.

I. La procedure devant la Cour

III. Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les26 fevrier 2008 et 23 juin 2008 par la cour d'appel de Bruxelles.

IV. Le conseiller Eric Stassijns a fait rapport.

V. L'avocat general Ria Mortier a conclu.

VI. II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen lib

elle dans les termes suivants :

* * Dispositions legales violees

* articles 19, 21, 28, 48 et 55 de la loi...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.09.0248.N

ETAT BELGE, ministre de l'Interieur,

Me Antoine de Bruyn, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

CLOS DES TROIS ETANGS, societe anonyme.

I. La procedure devant la Cour

III. Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les26 fevrier 2008 et 23 juin 2008 par la cour d'appel de Bruxelles.

IV. Le conseiller Eric Stassijns a fait rapport.

V. L'avocat general Ria Mortier a conclu.

VI. II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

* * Dispositions legales violees

* articles 19, 21, 28, 48 et 55 de la loi du 12 juillet1976 relative à la reparation de certains dommagescauses à des biens prives par des calamitesnaturelles ;

* articles 2, 1017 et 1022 du Code judiciaire ;

* articles 1er et 2 de l'arrete royal du 26 octobre 2007fixant le tarif des indemnites de procedure visees àl'article 1022 du Code judiciaire et fixant la dated'entree en vigueur des articles 1er à 13 de la loidu 21 avril 2007 relative à la repetibilite deshonoraires et des frais d'avocat.

* * Decisions et motifs critiques

L'arret interlocutoire attaque du 26 fevrier 2008 deboute la defenderessede son recours et condamne le demandeur aux depens du recours enapplication des articles 2 du Code judiciaire et 55 de la loi du12 juillet 1976 relative à la reparation de certains dommages causes àdes biens prives par des calamites naturelles :

« En ce qui concerne les depens, (le demandeur) fait valoir que, laprocedure n'etant pas une procedure contentieuse, les articles 1017 etsuivants du Code judiciaire ne sont pas applicables.

L'allegation du (demandeur) suivant laquelle la procedure n'est pas uneprocedure contentieuse est denuee de pertinence. De toute evidence, il y acontestation et, eu egard à sa nature, le recours prevu à l'article 21de la loi du 12 juillet 1976 precitee donne ouverture à une procedurejudiciaire.

L'article 2 du Code judiciaire dispose que les regles enoncees dans lecode s'appliquent à toutes les procedures, 'sauf lorsque celles-ci sontregies par des dispositions legales non expressement abrogees ou par desprincipes de droit dont l'application n'est pas compatible avec celle desdispositions du code'.

La seule disposition legale etrangere au Code judiciaire concernant lesdepens en l'espece, est l'article 55 de la loi du 12 juillet 1976. Cetarticle prevoit que toute procedure relative à l'application de la loiest aux frais (du demandeur).

Ainsi, il peut uniquement etre deduit des articles 2 du Code judiciaire et55 de la loi du 12 juillet 1976 que les dispositions du Code judiciairesont applicables, c'est-à-dire que les depens incombent en tous cas au(demandeur). Cette regle est similaire à celle de l'article 1017,alinea 2, du Code judiciaire qui regit les demandes introduites par oucontre les assures sociaux.

(La defenderesse) reclame par voie de conclusions l'indemnite de procedurequi, en application de la legislation en vigueur au moment du depot de cesconclusions, etait l'indemnite de procedure legale. En effet, la causeetait pendante au moment ou sont entres en vigueur la version modifiee del'article 1022 du Code judiciaire et l'arrete royal du 26 octobre 2007fixant le tarif des indemnites de procedure visees à l'article 1022 duCode judiciaire et fixant la date d'entree en vigueur des articles 1er à13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la repetibilite des honoraireset des frais d'avocat. Conformement à la nouvelle legislation applicable,la demande de (la defenderesse) tendant à obtenir l'octroi de l'indemnitede procedure legale doit etre consideree comme une demande tendant àobtenir l'octroi d'une indemnite de procedure en fonction du montant debase.

La question du bareme applicable en l'espece en vertu des dispositions del'arrete royal du 26 octobre 2007 precite se pose ensuite. Par respectpour les droits de la defense, (la cour d'appel) ordonne la reouverturedes debats afin de permettre aux parties d'exposer leur these à cetegard » (...).

L'arret definitif attaque du 23 juin 2008 taxe les depens au profit de ladefenderesse à une indemnite de procedure s'elevant à la somme de1.000,00 euros.

* Griefs

* 1. L'article 55 de la loi du 12 juillet 1976 relative àla reparation de certains dommages causes à des biens prives par descalamites naturelles dispose que :

« Toute procedure ainsi que toute operation d'instruction effectuees parles services charges de l'application de la presente loi (est) aux fraisde l'Etat.

Les salaires des huissiers de justice et la taxe des temoins sont reglescomme en matiere repressive ».

Cette disposition est enoncee au chapitre II de la loi precitee, intitule« Dispositions administratives, fiscales et judiciaires ».

2. L'article 48 de ce chapitre II prevoit qu'en vue d'assurer, à tous lesstades de la procedure d'indemnisation, le controle des demandesd'intervention, les agents delegues peuvent proceder à toutesconstatations, expertises, verifications, auditions de tiers et, engeneral, à toutes recherches et investigations qui leur semblent utiles.Ils ont, à cette fin, le pouvoir le plus etendu de prendre connaissanceet copie, sans deplacement, de tous documents ou dossiers administratifsou judiciaires, des livres de commerce ou autres, de tous documents,pieces ou archives des etablissements publics, des etablissementsd'utilite publique, des societes et des associations.

En vertu de l'article 49 du meme chapitre, le gouverneur de province, ouson delegue, peut avoir recours, en vue de ce controle d'intervention, àdes experts etrangers à l'administration qu'il peut, le cas echeant,designer d'office.

3. Par « les procedures » et « les operations d'instruction effectueespar les services charges de l'application de la presente loi » precitees,l'article 55 de la loi du 12 juillet 1976 vise plus specialement lesoperations et les procedures d'instruction prevues aux articles 48 et 49de la loi.

Ces operations et procedures relevent des instructions administrativesconcernant, soit la procedure en premiere instance en matiered'indemnisation definitive (article 19 : « L'instruction de la demanded'intervention est assuree par le gouverneur de la province (...) ou parson delegue »), soit la procedure en revision (article 28 : « Legouverneur instruit la demande dans les memes formes que la demandeinitiale »).

Ainsi, en vertu de l'article 55 de la loi du 12 juillet 1976, seuls lesfrais resultant de ces instructions administratives incombent audemandeur.

L'article 55 precite ne vise pas les depens des recours en matiered'indemnisation definitive devant la cour d'appel (article 21 de la loi du12 juillet 1976) des lors que ces depens ne resultent pas de « proceduresou operations d'instruction » mais de procedures judiciaires soumises auxdispositions du Code judiciaire.

4. Conformement aux dispositions du Code judiciaire, tout jugementdefinitif prononce, meme d'office, la condamnation aux depens contre lapartie qui a succombe, à moins que des lois particulieres n'en disposentautrement (article 1017 du Code judiciaire), et notamment à l'indemnitede procedure qui constitue une intervention forfaitaire dans les frais ethonoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause (articles 1022du Code judiciaire, 1er et 2 de l'arrete royal du 26 octobre 2007 fixantle tarif des indemnites de procedure visees à l'article 1022 du Codejudiciaire et fixant la date d'entree en vigueur des articles 1er à 13 dela loi du 21 avril 2007 relative à la repetibilite des honoraires et desfrais d'avocat).

Par derogation à la regle generale suivant laquelle la partie quisuccombe est condamnee aux depens, l'article 1017, alinea 2, du Codejudiciaire prevoit qu'en ce qui concerne les demandes introduites par oucontre les assures sociaux, la condamnation aux depens est prononcee, saufen cas de demande temeraire ou vexatoire, à charge de l'autorite ou del'organisme tenu d'appliquer les lois et reglements prevus aux articles579, 6DEG, 580, 581 et 582, 1DEG et 2DEG.

Les regles enoncees dans le Code judiciaire s'appliquent à toutes lesprocedures, sauf lorsque celles-ci sont regies par des dispositionslegales non expressement abrogees ou par des principes de droit dontl'application n'est pas compatible avec celle des dispositions du code(article 2 du Code judiciaire).

L'article 55 de la loi du 12 juillet 1976 ne peut etre considere comme unedisposition dont l'application est incompatible avec celle desarticles 1017 et 1022 du Code judiciaire en ce qui concerne lacondamnation aux depens relevant de la phase judiciaire de la procedure enmatiere d'indemnisation definitive et ne contient pas de dispositionsimilaire à celle de l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire, envertu de laquelle la condamnation aux depens de la procedure judiciaireest toujours prononcee à charge du demandeur.

5. L'arret attaque decide que la disposition de l'article 55 de la loi du12 juillet 1976 implique que toutes procedures relevant de l'applicationde la loi sont aux frais du demandeur et qu'il peut uniquement etre deduitdes articles 2 du Code judiciaire et 55 de la loi du 12 juillet 1976 queles dispositions du Code judiciaire sont applicables, c'est-à-dire que« tous les depens incombent au (demandeur) » et que cette regle estsimilaire à celle de l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire (...).

6. Il s'ensuit qu'apres avoir deboute la defenderesse de son recours et,en consequence, avoir fait succomber la defenderesse, l'arretinterlocutoire attaque ne condamne pas legalement le demandeur aux depensdu recours, taxes par l'arret interlocutoire attaque à une indemnite deprocedure s'elevant à la somme de 1.000,00 euros (violation desarticles 19, 21, 28, 48, 55 de la loi du 12 juillet 1976 relative à lareparation de certains dommages causes à des biens prives par descalamites naturelles, 2, 1017, 1022 du Code judiciaire, 1er et 2 del'arrete royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnites deprocedure visees à l'article 1022 du Code judiciaire et fixant la dated'entree en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007relative à la repetibilite des honoraires et des frais d'avocat).

III. La decision de la Cour

1. Aux termes de l'article 1017, alinea 1er, du Code judiciaire, toutjugement definitif prononce, meme d'office, la condamnation auxdepens contre la partie qui a succombe, à moins que des loisparticulieres n'en disposent autrement et sans prejudice del'accord des parties que, le cas echeant, le jugement decrete.

En vertu de l'article 1018 du Code judiciaire, les depens comprennentnotamment l'indemnite de procedure visee à l'article 1022 du meme code.

2. En vertu de l'article 55, alinea 1er, de la loi du 12 juillet 1976relative à la reparation de certains dommages causes à des biensprives par des calamites naturelles, toute procedure ainsi quetoute operation d'instruction effectuees par les services chargesde l'application de la presente loi est aux frais de l'Etat.

3. Il ressort des travaux preparatoires de cette disposition legaleque, pour le reglement des depens des contestations relatives auxdommages causes par des calamites naturelles, le legislateur aessentiellement repris les textes d'autres lois d'indemnisation,telles que les lois des 1er octobre 1947 relative à la reparationdes dommages de guerre aux biens prives et 14 avril 1965organisant une intervention financiere de l'Etat du chef dedommages causes aux biens prives en relation avec l'accession dela Republique democratique du Congo à l'independance.

4. Il ressort des travaux preparatoires des articles 40 et 41 de laloi du 1er octobre 1947 precitee que le legislateur a voulu mettreles frais des actes de procedure intentes par les pouvoirs publicsà charge des pouvoirs publics, fussent-ils victorieux.

Les frais des avocats personnels du sinistre etaient expressement exclusde ce reglement.

5. Il s'ensuit que l'article 55 de la loi du 12 juillet 1976 relativeà la reparation de certains dommages causes à des biens privespar des calamites naturelles deroge au principe suivant lequel lapartie qui succombe est condamnee aux depens.

L'Etat belge ne peut recuperer les frais de ses actes de procedure aupresdu sinistre, mais n'est pas tenu de payer l'indemnite de procedure dusinistre qui succombe.

6. L'arret attaque du 26 fevrier 2008 considere que :

- il peut uniquement etre deduit des articles 2 du Code judiciaire et 55de la loi du 12 juillet 1976 que les dispositions du Code judiciaire sontapplicables, c'est-à-dire que les depens incombent en tous cas à l'Etatbelge ;

- cette regle est similaire à celle de l'article 1017, alinea 2, du Codejudiciaire qui regit les demandes introduites par ou contre les assuressociaux.

En decidant ensuite que l'Etat belge est tenu de payer l'indemnite deprocedure de la defenderesse qui a succombe, les juges d'appel violentl'article 55 de la loi du 12 juillet 1976 relative à la reparation decertains dommages causes à des biens prives par des calamites naturelles.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

* Par ces motifs,

* * La Cour

* * Casse l'arret attaque du 26 fevrier 2008 en tant qu'il statue surles depens et annule l'arret du 23 juin 2008 ;

* Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse du 26 fevrier 2008 et en marge de l'arret annuledu 23 juin 2008 ;

* Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

* Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Gand.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Robert Boes, les conseillers EricStassijns, Beatrijs Deconinck, Alain Smetryns et Koen Mestdagh, etprononce en audience publique du premier fevrier deux mille dix par lepresident de section Robert Boes, en presence de l'avocat general RiaMortier, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Alain Simon ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le conseiller,

1er FEVRIER 2010 C.09.0248.N/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 01/02/2010
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.09.0248.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-02-01;c.09.0248.n ?
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