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12/03/2010 | BELGIQUE | N°F.09.0023.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 mars 2010, F.09.0023.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

4696



NDEG F.09.0023.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional des contributions directes à Namur, dont les bureaux sontetablis à Namur, rue des Bourgeois, 7,

demandeur en cassation,

contre

1. D. T. E. et

2. R. C.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6 avril 2006par la cour d'appel de Bruxe

lles.

Le conseiller Gustave Steffens a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation
...

Cour de cassation de Belgique

Arret

4696

NDEG F.09.0023.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional des contributions directes à Namur, dont les bureaux sontetablis à Namur, rue des Bourgeois, 7,

demandeur en cassation,

contre

1. D. T. E. et

2. R. C.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6 avril 2006par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Gustave Steffens a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 172, alinea 2, de la Constitution ;

- articles 257, 3DEG, et 259 du Code des impots sur les revenus 1992, telsqu'ils sont applicables aux exercices d'imposition 1996, 1997 et 1998.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate

Que « [les defendeurs] ont achete ensemble, à parts egales, un immeubleà Waterloo, dans lequel ils ont etabli leur maison d'habitation, etdonnent en location à une societe une partie (evaluee à 33 p.c.) àtitre professionnel à partir de l'exercice 1997 » ;

Qu'« ils declarent chacun à l'impot des personnes physiques, dans desdeclarations separees, etant isoles (non maries), la moitie du revenucadastral de l'immeuble tant à titre prive (1/2 de 67 p.c. du revenucadastral) que professionnel » ;

Qu'« ils ont ensemble plusieurs enfants (deux enfants communs durant lesexercices litigieux) » ;

Que « des demandes de reduction du precompte immobilier ont eteintroduites, pour chef de famille avec au moins deux enfants à chargepour les exercices concernes » ;

Que « le directeur regional qui a examine d'office l'exercice pour lequella demande etait tardive a, dans sa decision du 17 decembre 1999, declareaccorder à l'indivision E. D. T. et consorts des degrevements, àconcurrence d'une reduction pour deux enfants à charge pour les exercices1996 à 1998, mais calculee sur la moitie du revenu cadastral afferent àla partie utilisee à titre prive, en faisant valoir que, `[ladefenderesse]n'[etant] ni le conjoint du chef de famille ni une personne susceptibled'etre à sa charge, toutes les parties de l'habitation occupee par cettepersonne devraient, selon l'article 259, 2e phrase, du Code des impots surles revenus 1992, etre exclues du champ de la reduction sollicitee'.Neanmoins, dans le souci de moderer ce que cette regle pourrait avoird'excessif, la partie ainsi exclue est limitee à la moitie del'habitation » ;

Que « les principes qui regissent la matiere pour les exercices 1996 à1998 (soit avant l'intervention de la Region wallonne, l'immeuble etantsitue à Waterloo) sont edictes aux articles 257 à 259 du Code des impotssur les revenus 1992 » ;

Que « l'administration invoque l'article 259 du Code des impots sur lesrevenus 1992 pour justifier son refus (partiel eu egard à sa `pratique')de la reduction en faisant valoir que [la defenderesse], qualifiee deconcubine du chef de famille, ne fait pas partie de son menage `de droit'si bien que la reduction n'est pas applicable à la partie de l'habitationoccupee par elle » ;

Que « l'on peut observer que, dans le cadre de sa `nouvelle pratique',l'administration fixe arbitrairement à 50 p.c. de la partie privee cellequi est occupee par [la defenderesse] seule alors que [le defendeur] etles deux enfants habiteraient l'autre moitie à trois »,

l'arret considere

Que « la circonstance que l'administration n'ait pu maintenir dans sapratique la seule solution possible dans son interpretation stricte du`menage de droit', soit le rejet pur et simple du droit à deductionqu'elle defend, demontre par elle-meme que cette interpretation del'administration n'est pas raisonnablement justifiee » ;

Que « la cour [d'appel] a du mal à comprendre alors la volonte del'administration de s'en tenir à une definition de la notion de `menage'que le texte de loi ne precise pas alors qu'elle constate elle-meme qu'enpratique, cette notion ne peut pas etre respectee » ;

Que « l'absurdite de cette position rigide se revele encore lorsqu'on litdans le commentaire de l'administration (257/31) qu'il n'y a toutefois paslieu de refuser la reduction pour les locaux afferents au logement desgens de maison ou de service (gouvernantes, servantes, domestiques,chauffeurs, etc.) alors que l'administration veut refuser la reductionpour les locaux afferents au logement de la mere des enfants à charge deleur pere » ;

Que « la definition la plus naturelle du menage à notre epoque est cellede la famille nucleaire vivant sous le meme toit, pere, mere et enfantscommuns, soit la famille [des defendeurs]. La mere des enfants quipermettent [au defendeur] de beneficier d'un statut de chef de famille ausens de l'article 257 du Code des impots sur les revenus 1992 et quicohabite effectivement et en permanence avec le chef de famille et leursenfants communs doit etre consideree comme faisant partie de son menage(comme un conjoint, un descendant, un ascendant ou un ascendant duconjoint, un collateral, etc. ne payant pas du chef de l'occupation uneretribution directe ou indirecte au chef de famille) » ;

Qu' « à l'article 259 du Code des impots sur les revenus 1992, on n'apas vise le menage fiscal (qui remplit une seule declaration à l'impotdes personnes physiques) ou de droit suivant l'expression del'administration. Pour faire partie d'un meme menage au sens du codefiscal, rien n'exige que ceux qui puissent en faire partie soient taxesensemble ; qu'au contraire, l'article 140 du Code des impots sur lesrevenus 1992 prevoit expressement le cas de plusieurs contribuablesimposables distinctement faisant partie d'un meme menage, et l'article 145distingue bien la notion de personne faisant partie du menage ducontribuable de celui qui est à sa charge »,

et decide

Que « c'est donc à tort que l'administration veut assimiler la notion depersonnes faisant partie du menage aux membres de la famille à la chargedu contribuable, les deux notions etant distinctes » ;

Que « l'on constate egalement que rien dans la loi fiscale n'exige qu'ily ait un droit civil à obtenir des aliments dans le chef de celui quifait partie du menage (on admet ainsi les collateraux jusqu'au deuxiemedegre comme pouvant faire partie du menage) ;

Qu' « au surplus, en l'espece, [la defenderesse] est la mere des enfants[du defendeur], elle exerce avec ce dernier sur lesdits enfants l'autoriteparentale conjointe, ses enfants comme elle-meme ont reciproquement desobligations alimentaires entre eux » ;

Que « les liens familiaux ne sont pas seulement entre [le defendeur] et[la defenderesse] des liens de fait, ils ont entre eux, sinon des liens deconjoints, des liens de parents impliquant l'exercice conjoint de droitset obligations envers leurs enfants, qui ne permettent pas de les traiter,meme au regard du droit, comme des etrangers » ;

Qu' « en consequence, lorsque, comme en l'espece, des parents non mariesvivent sous le meme toit avec leurs enfants communs, ils doivent etreconsideres pour l'application des articles 257 à 259 du Code des impotssur les revenus 1992 comme formant un menage au sens de l'article 259 duCode des impots sur les revenus 1992 »,

de sorte que « l'appel n'est pas fonde » et que, partant, le jugemententrepris peut sortir ses pleins effets dans la mesure ou il « met àneant la decision (directoriale du) 17 decembre 1999 (...) qui n'a accordequ'un degrevement partiel des precomptes immobiliers (litigieux) » et «admet les (defendeurs) au benefice de la reduction, prevue par le 3DEG del'article 257 du Code des impots sur les revenus 1992, des precomptesimmobiliers frappant des revenus cadastraux indexes de 69.600 francs pourl'exercice 1996, de 47.637 francs (71.100 francs x 67 p.c.) pourl'exercice 1997 et de 48.374 francs (72.200 francs x 67 p.c.) pourl'exercice 1998 ».

Griefs

En application de l'article 172 de la Constitution suivant lequel «aucune exemption ou moderation d'impot ne peut etre etablie que par la loi», le legislateur a notamment prevu, à l'article 257, 3DEG, du Code desimpots sur les revenus 1992, la moderation suivante : « sur demande del'interesse, il est accorde (...) une reduction du precompte immobilierafferent à l'immeuble occupe par le chef d'une famille comptant au moinsdeux enfants en vie ou une personne handicapee au sens de l'article 135,alinea 1er, cette reduction (etant) egale à 10 p.c. pour chaque enfant àcharge non handicape et à 20 p.c. pour chaque personne handicapee, ycompris le conjoint » ; il a toutefois precise, à l'article 259 du memecode, que « les reductions prevues à l'article 257, (...) 3DEG, (...) nesont pas applicables à la partie de l'habitation ou de l'immeuble occupepar des personnes ne faisant pas partie du menage du (...) chef de familleinteresse ».

Le texte de cet article 259 est la reproduction fidele de l'article 41, S:4, alinea 3, de la loi du 20 novembre 1962 portant reforme des impots surles revenus, apres les coordinations de 1964 et 1992.

Les travaux parlementaires de cet article 41 exposent que le legislateur avoulu que « le precompte immobilier - qui se substituera en fait à lacontribution fonciere et à la contribution nationale de crise connexe -sera etabli suivant les memes modalites que celles-ci (...) (et que les)reductions du precompte immobilier seront accordees dans les limites etaux conditions actuellement prevues en matiere de contribution fonciere(v. articles (...) 49bis, S: 1er, A, des lois coordonnees relatives auximpots sur les revenus) ».

Or, ledit article 49bis, S: 1er, A, des lois coordonnees relatives auximpots sur les revenus prevoit que « la reduction en faveur du chef d'unefamille (...) ne s'applique pas à la partie de l'immeuble (...) qui estoccupee par des personnes autres que celles qui, aux termes desparagraphes 7 et 8 de l'article 25, sont considerees comme membres de lafamille à la charge du contribuable », etant entendu que ces dernieresdispositions sont redigees comme suit :

« S: 7. Sont consideres comme membres de la famille, à la charge ducontribuable à condition qu'ils fassent partie du menage :

1DEG son epouse ;

2DEG ses ascendants et ceux de son conjoint ;

3DEG ses descendants ou collateraux, jusqu'au deuxieme degre inclusivement;

4DEG les orphelins recueillis.

S: 8. En cas de remariage, ces dispositions sont applicables auxascendants, descendants ou collateraux des deux conjoints ».

Cet article 25, S:S: 7 et 8, des lois coordonnees relatives aux impots surles revenus trouve son origine dans l'article 19, II, S: 6, de la loi du13 juillet 1930 modifiant la legislation en matiere d'impot direct dont ilreproduit fidelement les termes et dont les travaux parlementairesprecisent : « Definition des personnes à charge : le projet de loi nemodifie pas l'enumeration que les lois coordonnees donnent des personnesqui sont tenues comme etant à charge du contribuable. Un collegue apropose de completer l'enumeration en y ajoutant `les orphelins pris àcharge et faisant partie du menage'. Il a affirme que ces orphelins sontfrequemment traites par un contribuable comme s'ils etaient des membres desa famille. On a fait remarquer à ce collegue que les lois coordonneesdecident que les personnes dont le contribuable a la charge sont uniesavec lui par un lien de parente legal et que la proposition rompt avec lesprincipes du droit civil qui sont à la base de la legislation actuelle.Votre commission a neanmoins decide d'adopter l'amendement ».

De ce qui precede, il resulte que les termes « personnes ne faisant paspartie du menage du chef de famille », figurant à l'article 259 du Codedes impots sur les revenus 1992, ont strictement la meme portee que lestermes « personnes autres que celles qui, aux termes des paragraphes 7 et8 de l'article 25 (des lois coordonnees relatives aux impots sur lesrevenus), sont considerees comme membres de la famille à la charge ducontribuable », figurant à l'article 49bis, S: 1er, desdites loiscoordonnees, de sorte que, pour l'application de l'article 259 du Code desimpots sur les revenus 1992, le mot « menage » ne doit pas recevoir sonsens usuel de « communaute de vie » mais vise de maniere specifique les« personnes (legalement) considerees comme membres de la famille à lacharge du contribuable », à savoir, « à condition qu'ils fassentpartie du menage (au sens usuel du terme) : 1DEG son epouse, 2DEG sesascendants et ceux de son conjoint ; 3DEG ses descendants ou collateraux,jusqu'au deuxieme degre inclusivement ; 4DEG les orphelins recueillis, et5DEG, en cas de remariage, les ascendants, descendants ou collateraux desdeux conjoints ».

Il s'ensuit qu'une concubine qui n'a aucune des qualites precitees est« une personne ne faisant pas partie du menage du (...) chef de familleinteresse » au sens de l'article 259 du Code des impots sur les revenus1992, quoiqu'il en soit de la communaute de vie de cette concubine et duchef de menage, et qu'en cas de communaute de vie des interesses, comme enl'espece, les reductions prevues à l'article 257, 3DEG, du Code desimpots sur les revenus 1992 ne sont pas applicables compte tenu del'article 259 du Code des impots sur les revenus 1992.

Il s'ensuit que, apres avoir releve que « la mere des enfants quipermettent [au defendeur] de beneficier d'un statut de chef de famille ausens de l'article 257 du Code des impots sur les revenus 1992 et quicohabite effectivement et en permanence avec le chef de famille et leursenfants communs doit etre consideree comme faisant partie de son menage»,l'arret n'a pas legalement decide que la reduction de precompte immobilierprevue par l'article 257, 3DEG, du Code des impots sur les revenus 1992pouvait etre appliquee en l'espece (violation des articles 257, 3DEG, et259 du Code des impots sur les revenus 1992) et que, partant, la courd'appel a accorde une exemption ou moderation d'impot qui n'est pasetablie par la loi (violation de l'article 172 de la Constitution).

III. La decision de la Cour

En vertu de l'article 257, 3DEG, du Code des impots sur les revenus 1992,sur la demande de l'interesse, il est accorde une reduction du precompteimmobilier afferent à l'immeuble occupe par le chef d'une famillecomptant au moins deux enfants en vie.

L'article 259 du meme code dispose que cette reduction n'est pasapplicable à la partie de l'habitation ou de l'immeuble occupee par despersonnes ne faisant pas partie du menage du chef de famille interesse.

Au sens de cette disposition, la notion de menage suppose une situation defait et non un lien legal.

En enonc,ant que « lorsque, comme en l'espece, des parents non mariesvivent sous le meme toit avec leurs enfants communs, ils doivent etreconsideres, pour l'application des articles 257 à 259 du Code des impotssur les revenus 1992, comme formant un menage au sens de [cet] article 259», l'arret justifie legalement sa decision d'admettre les defendeurs aubenefice de la reduction du precompte immobilier pour la totalite del'immeuble.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de cent vingt et un euros seize centimesenvers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Sylviane Velu,Martine Regout, Alain Simon et Gustave Steffens, et prononce en audiencepublique du douze mars deux mille dix par le president Christian Storck,en presence de l'avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+---------------------------------------------+
| P. De Wadripont | G. Steffens | A. Simon |
|-----------------+-------------+-------------|
| M. Regout | S. Velu | Chr. Storck |
+---------------------------------------------+

12 MARS 2010 F.09.0023.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.09.0023.F
Date de la décision : 12/03/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-03-12;f.09.0023.f ?
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