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12/04/2010 | BELGIQUE | N°C.09.0243.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 avril 2010, C.09.0243.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.09.0243.F

J. B.,

demanderesse en cassation,

admise au benefice de l'assistance judiciaire par decision du bureaud'assistance judiciaire du 23 avril 2009 (nDEG G.09.0056.F),

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,

contre

L. R., defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le6 novembre 2008 p

ar le tribunal de premiere instance de Charleroi,statuant en degre d'appel.

Par ordonnance du 9 mars 2010, l...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.09.0243.F

J. B.,

demanderesse en cassation,

admise au benefice de l'assistance judiciaire par decision du bureaud'assistance judiciaire du 23 avril 2009 (nDEG G.09.0056.F),

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,

contre

L. R., defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le6 novembre 2008 par le tribunal de premiere instance de Charleroi,statuant en degre d'appel.

Par ordonnance du 9 mars 2010, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general Jean-Marie Genicot a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 42, S: 3, de la loi du 27 avril 2007 reformant le divorce ;

- article 301 du Code civil, tel qu'il etait applicable avant samodification par la loi du 27 avril 2007 reformant le divorce.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque ramene la provision sur pension alimentaire apresdivorce due par le defendeur à la demanderesse à la somme de deux centcinquante euros et dispose que la pension alimentaire ne sera plus due àdater du 1er septembre 2017, par les motifs suivants :

« Que si, sur la base de l'article 42, S: 3, de la loi du 27 avril 2007,(le defendeur) ne conteste pas que l'ouverture du droit à la pensionalimentaire revendiquee par (la demanderesse) reste regie par lesanciennes dispositions du Code civil, il fait cependant valoir que cettedisposition nouvelle ne vise que le droit à la pension alimentaire et nonles modalites de fixation et de mise en oeuvre de celle-ci (...).

Que (la demanderesse) ne partage pas cette analyse et considere que si ledroit à la pension reste acquis dans le chef de l'ex-conjoint innocent,il s'agit du droit à la pension non exclusivement alimentaire maisegalement indemnitaire qui fonde la pretention à pouvoir assurer sonexistence dans les conditions equivalentes à celles dont le creancierbeneficiait durant la vie commune, que le mode de fixation par referenceau standing de vie durant la vie commune doit donc continuer à prevaloiret que, par voie de consequence, les modes de revision et d'extinction dudroit ayant cours sous l'ancien regime doivent continuer de s'appliquer(...).

Qu'il y a lieu de decider tout d'abord si la loi du 27 avril 2007 entreeen vigueur le 1er septembre 2007 doit s'appliquer à la cause ou si laprovision sur pension alimentaire dont beneficie (la demanderesse) restesoumise à l'ancien article 301 du Code civil actuellement abroge.

Que la doctrine parait divisee sur cette question (...).

Qu'il convient en outre de relever que la problematique du droittransitoire n'a pas ete longuement abordee dans les travaux preparatoires.

Qu'il ressort toutefois des travaux parlementaires que cette dispositiontransitoire a pour objectif d'eviter qu'au degre de juridiction devantlequel on se trouve, il faille recommencer les debats, le legislateurayant voulu eviter un afflux de demandes, de reouvertures des debats ou deremises de l'affaire au moment de l'entree en vigueur de la loi, raisonpour laquelle il a ete decide d'appliquer la loi ancienne jusqu'au momentdu prononce du jugement (...).

Que le tribunal [...] se rallie à l'interpretation restrictive de ladisposition derogatoire ainsi qu'à l'application immediate de la loinouvelle aux effets de la situation legale en cours d'effet qu'est ledivorce.

Que sur cette base, la loi nouvelle doit etre appliquee en la cause (...).

Que (le defendeur) fait valoir que (la demanderesse) ne se trouve plusaujourd'hui dans les conditions lui permettant de beneficier d'uneprovision sur pension alimentaire (...).

Que l'article 301, S: 3, alinea 1er, prevoit : `Le tribunal fixe lemontant de la pension alimentaire qui doit couvrir au moins l'etat debesoin'(...).

Que les parties ont ete mariees durant 21 ans.

Que (la demanderesse) etait agee de 55 ans au moment de la transcriptiondu divorce (2004) ; que, durant la vie commune, elle n'exerc,ait aucuneactivite remuneree (voir proces-verbal de comparution personnelle).

Qu'elle ne presente pas d'experience professionnelle particuliere et que,compte tenu notamment de son age et de son etat de sante, la possibilitepour elle d'exercer une activite professionnelle remuneree est plusqu'aleatoire et qu'il ne saurait lui en etre fait grief.

Qu'elle ne perc,oit que de faibles sommes, notamment du produit de sonepargne, qui ne lui permettent pas de couvrir ses besoins.

Que (le defendeur) est ouvrier et perc,oit une remuneration de l'ordre de2.122,12 euros, outre le produit d'une epargne.

Que l'un et l'autre assurent les charges normales de la vie courante.

Qu'ainsi, compte tenu de ces elements et afin de couvrir les besoins de(la demanderesse), la pension alimentaire due par (le defendeur) serafixee à la somme mensuelle indexee de 250 euros à dater du 1er avril2004.

Que, compte tenu de ce que les parties ont ete mariees pendant 21 ans,cette pension ne sera plus due à partir du 1er septembre 2017, soit apresl'ecoulement d'une periode de 10 ans à dater de l'entree en vigueur de laloi du 27 avril 2007 ».

Griefs

L'article 42, S: 3, de la loi du 27 avril 2007 reformant le divorcedispose que « lorsque le divorce a ete prononce avant l'entree en vigueurde la presente loi, en application des anciens articles 229, 231 et 232 dumeme code, le droit à la pension prevu à l'article 301 du meme codereste acquis ou exclu en vertu des dispositions legales anterieures ».

L'article 301 ancien du Code civil disposait, en son paragraphe premier,que « le tribunal peut accorder à l'epoux qui a obtenu le divorce, surles biens et les revenus de l'autre epoux, une pension pouvant permettreau beneficiaire, compte tenu de ses revenus et possibilites, d'assurer sonexistence dans des conditions equivalentes à celles dont il beneficiaitdurant la vie commune ». L'article 306 ancien du Code civil disposait quepour l'application de l'article 301 ancien du meme code, l'epoux quiobtenait le divorce sur la base de l'article 232, alinea 1er, ancien duCode civil, etait considere comme l'epoux contre qui le divorce etaitprononce.

Par un jugement du 3 novembre 2003, le defendeur avait obtenu le divorcesur la base de l'article 232, alinea 1er, ancien du Code civil.

En vertu de l'article 42, S: 3, de la loi du 27 avril 2007 visee au moyen,le droit de la demanderesse d'obtenir une pension alimentaire apresdivorce restait donc acquis sur la base des articles 301 et 306 anciens duCode civil. Il en resulte que la loi du 27 avril 2007 est sans effet surla pension apres divorce definitivement acquise ou exclue au jour de sonentree en vigueur, et ce tant quant à l'ouverture du droit à la pensionque quant à la determination des modalites de la pension.

Le jugement attaque dispose cependant que lorsque le divorce a eteprononce avant l'entree en vigueur de la loi du 27 avril 2007 reformant ledivorce, seul le droit à la pension alimentaire reste regi par lesanciennes dispositions du Code civil, tandis que la determination dumontant ainsi que les modalites de mise en oeuvre de la pension apresdivorce sont regies par les dispositions nouvelles du Code civil, tellesqu'elles ont ete introduites par la loi du 27 avril 2007 visee au moyen.Le jugement attaque confirme ainsi le droit de la demanderesse à obtenirune pension apres divorce sur la base des articles 301 et 306 anciens duCode civil, mais fait application de l'article 301 nouveau, tel qu'il aete modifie par la loi du 27 avril 2007 precitee, quant à ladetermination du montant de la pension, et quant aux modalites de mise enoeuvre de celle-ci. En consequence, le jugement attaque reduit la pensionallouee à la demanderesse à la somme de 250 euros devant uniquementcouvrir l'etat de besoin de la demanderesse, et limite dans le temps lapension apres divorce eu egard à la duree du mariage, et dispose que lapension ne sera plus due à dater du 1er septembre 2017.

Le jugement attaque qui determine le montant et les modalites de mise enoeuvre de la pension apres divorce en appliquant l'article 301 nouveau duCode civil, tel qu'il a ete modifie par la loi du 27 avril 2007, alorsqu'en vertu de l'article 42, S: 3, de la loi du 27 avril 2007, lorsque ledivorce a ete prononce avant l'entree en vigueur de la loi, la pensionapres divorce reste regie par l'article 301 ancien du Code civil, violel'article 42, S: 3, de la loi du 27 avril 2007 precitee, ainsi quel'article 301 ancien du Code civil en refusant d'en faire application.

III. La decision de la Cour

En regle, conformement à l'article 2 du Code civil, une loi nouvelles'applique immediatement, non seulement aux situations qui naissent àpartir de son entree en vigueur, mais aussi aux effets futurs dessituations nees sous le regime de la loi anterieure qui se produisent ouse prolongent sous l'empire de la loi nouvelle, pour autant que cetteapplication ne porte pas atteinte à des droits dejà irrevocablementfixes.

La loi du 27 avril 2007 reformant le divorce dispose en son article 42,S: 3, que, lorsque le divorce a ete prononce avant l'entree en vigueur decette loi, en application des anciens articles 229, 231 et 232 du Codecivil, le droit à la pension prevu à l'article 301 du meme code resteacquis ou exclu en vertu des conditions legales anterieures.

Cette disposition transitoire traduit l'intention du legislateur dederoger, s'agissant de la pension apres divorce, à l'applicationimmediate de la loi du27 avril 2007, en vue d'eviter que les conjoints divorces avant l'entreeen vigueur de celle-ci puissent solliciter une pension alimentaire s'ilssatisfont aux conditions economiques de son octroi, alors meme qu'ilsseraient fautifs ou n'auraient pas renverse la presomption de culpabilitede l'ancien article 306 ou que les ex-epoux seraient divorces aux tortspartages.

Par ailleurs, la loi du 27 avril 2007 reformant le divorce dispose en sonarticle 42, S: 2, alinea 1er, que les anciens articles 229, 231 et 232 duCode civil restent applicables aux procedures de divorce ou de separationde corps introduites avant l'entree en vigueur de la loi pour lesquellesun jugement definitif n'a pas ete prononce et, en son article 42, S: 2,alinea 2, que, dans ce cas, le droit à la pension alimentaire restedetermine par les dispositions des anciens articles 301, 306, 307 et307bis du meme code. Cette disposition n'opere pas de distinction entre ladetermination du droit à la pension et ses modalites de fixation.

Rien ne justifie d'interpreter autrement l'article 42, S: 3, qui necontient pas davantage pareille distinction.

Il s'ensuit que, lorsque le divorce a ete prononce avant l'entree envigueur de la loi du 27 avril 2007, en application des anciens articles229, 231 et 232 du Code civil, les modalites de fixation de la pensionapres divorce restent regies par les dispositions des anciens articles301, 306, 307 et 307bis du meme code.

Le jugement attaque, qui, apres avoir constate que le divorce des partiesa ete transcrit le 23 mars 2004, fait application de l'article 301 nouveaudu Code civil aux modalites de calcul de la pension alimentaire due par ledefendeur à la demanderesse, ne justifie pas legalement sa decision dereduire le montant de celle-ci à 250 euros par mois et de mettre fin àson paiement le 1er septembre 2017.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant le tribunal de premiere instance de Tournai,siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers ChristineMatray, Sylviane Velu, Martine Regout et Mireille Delange, et prononce enaudience publique du douze avril deux mille dix par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean-Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

+---------------------------------------+
| T. Fenaux | M. Delange | M. Regout |
|-----------+-------------+-------------|
| S. Velu | Chr. Matray | Chr. Storck |
+---------------------------------------+

12 AVRIL 2010 C.09.0243.F/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.09.0243.F
Date de la décision : 12/04/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-04-12;c.09.0243.f ?
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