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31/05/2010 | BELGIQUE | N°C.09.0240.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 31 mai 2010, C.09.0240.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.09.0240.F

1. F. B.,

2. F. M.,

3. D. F.,

4. G. H.,

5. F. D.,

6. F. G.,

7. F. J.-B.,

8. F. B.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,

contre

1. W. P.,

2. M.-B. F.,

3. W. S.,

4. W. G.,

5. W. V.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre John Kirkpatrick, avocat

à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

6. CAISSE DE LEASING, societe anonyme don...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.09.0240.F

1. F. B.,

2. F. M.,

3. D. F.,

4. G. H.,

5. F. D.,

6. F. G.,

7. F. J.-B.,

8. F. B.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,

contre

1. W. P.,

2. M.-B. F.,

3. W. S.,

4. W. G.,

5. W. V.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

6. CAISSE DE LEASING, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, place Sainte-Gudule, 19,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 24 septembre2008 par la cour d'appel de Bruxelles.

Par ordonnance du 23 mars 2010, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le conseiller Alain Simon a fait rapport.

L'avocat general Jean-Marie Genicot a conclu.

II. Les moyens de cassation

Les demandeurs presentent deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 1134, 1165 et 1690 du Code civil, ce dernier tel qu'il etait envigueur avant sa modification par la loi du 6 juillet 1994 ;

* article 14 de la loi du 10 janvier 1824 concernant le droitd'emphyteose.

Decisions et motifs critiques

L'arret decide que le bail emphyteotique ne s'est pas eteint à l'arriveedu terme contractuel, qu'il n'aurait pu etre valablement revoque par lesdemandeurs que par la lettre du 7 aout 2000, que, partant, la revocationdu bail emphyteotique a ete effectuee par les demandeurs apres la levee del'option d'achat par les deux premiers defendeurs et, en consequence,condamne les demandeurs à passer l'acte authentique de vente del'immeuble litigieux sis à Uccle au premier et au deuxieme defendeur auprix de 185,92 euros ou, à defaut de ce faire dans les trois mois de lasignification de l'arret, dit que celui-ci tiendra lieu d'acte de vente,et les condamne à payer aux cinq premiers defendeurs le revenu locatif del'immeuble sis à Uccle, par les motifs suivants :

« Par un acte notarie, rec,u le 26 avril 1971 par le notaire Thierry VanHalteren à Bruxelles, J. et A. F. ont conclu avec la [sixiemedefenderesse] un contrat de bail emphyteotique pour une duree de 27 anneesà partir de la date de l'acte et portant sur une maison d'habitation sise98, avenue des Statuaires à Uccle et sur un appartement dans la residenceBel Air au 245, digue de Mer à M. (...).

Le bail prenait donc cours le 26 avril 1971 et expirait le 26 avril 1998.Le renouvellement devait etre demande au plus tard le 26 avril 1997.

A la meme date du 26 avril 1971, une convention sous seing prive parlaquelle une option d'achat a ete accordee à la [sixieme defenderesse] ouau profit de toute autre personne ou au profit de toute autre societe ouorganisme qu'il plaira à la [sixieme defenderesse] de se substituer, estconclue entre les memes parties. L'option d'achat porte sur la maison àU., 98, avenue des S. et sur l'appartement à M. (...)

Le renouvellement du bail emphyteotique n'a pas ete demande dans le delaicontractuel. (...)

2. L'opposabilite des cessions du bail emphyteotique et de l'optiond'achat relatives à la maison d'U. par la [sixieme defenderesse] aux[deux premiers defendeurs]

2.1. Le bail emphyteotique

La cession de bail est realisee par un acte notarie du 24 septembre 1971,enregistre le 29 septembre 1971, et transcrit au bureau des hypotheques le19 octobre 1971.

Cette formalite de la transcription rend la cession du bail emphyteotiqueopposable à tous, y compris les bailleurs originaires, les consorts F.

L'acte de cession du bail est parfait entre les parties. En vertu del'article 1er de la loi hypothecaire, la transcription de cet acte auregistre des hypotheques rend l'acte opposable aux tiers (...).

La transcription est un mecanisme de publicite qui a pour objet de porterune operation juridique à la connaissance des tiers. Elle est uneformalite essentielle des lors qu'elle seule cree, vis-à-vis de ceux-ci,une presomption legale de connaissance de l'acte translatif (...).

La cession du bail emphyteotique sortit donc ses effets à l'egard desconsorts F., bailleurs originaires, à dater du 19 octobre 1971. Larevocation de ce bail devait donc imperativement etre notifiee auxcessionnaires, à savoir les [deux premiers defendeurs] et non pas lelocataire originaire, la [sixieme defenderesse].

La revocation du bail emphyteotique par courrier recommande avec accuse dereception du 30 juin 2000, adresse à la [sixieme defenderesse], ne sortitdonc pas d'effet à l'egard des [deux premiers defendeurs].

Pour autant que les consorts F. fussent encore, à ce moment, lesproprietaires de l'immeuble litigieux à Uccle, seule la revocationnotifiee aux [deux premiers defendeurs] par le courrier recommande à ladate du 7 aout 2000 pouvait valablement revoquer le bail emphyteotique.

2.2. L'option d'achat

(...) Comme la notification suffit pour rendre la cession opposable et quecette notification n'est pas subordonnee à des prescriptions de formebien precises et concretes, la notification faite par les [deux premiersdefendeurs] au notaire Jean Lafontaine, dont les [demandeurs] necontestent pas qu'il etait leur mandataire (...), vaut notification aux[demandeurs] de la levee de l'option, mais egalement de la cession del'option (...).

En l'espece, il faut considerer que la communication du 17 juillet 2000dont les [demandeurs] attestent la reception dans leur courrier recommandedu 7 aout 2000 vaut notification de la cession du droit d'option par la[sixieme defenderesse] aux [deux premiers defendeurs] (...).

La cession de l'option d'achat etait notifiee aux [demandeurs] avant le 7aout 2000. L'option d'achat etait levee avant cette meme date.

La vente est parfaite et la propriete est acquise de droit à l'acheteurà l'egard du vendeur des qu'on est convenu de la chose et du prix(article 1583 du Code civil). La vente devient definitive lorsque l'optionest levee (...).

L'option etait donc levee avant la date à laquelle les consorts F.ontrevoque le bail emphyteotique.

Cette revocation ne peut donc pas sortir d'effets (...).

3. La rescision pour lesion de plus de 7/12e

(...) La convention sous seing prive du 26 avril 1971, par laquelle uneoption d'achat est accordee à la [sixieme defenderesse], stipule que lesbiens sur lesquels l'option d'achat est accordee sont greves d'un bailemphyteotique consenti ce meme jour entre les parties.

Comme le soulevent les [demandeurs] à titre principal (...), les deuxconventions (bail emphyteotique et option d'achat) sont des conventionsdependantes, elles ont ete conclues ensemble à la meme date, et l'unen'aurait jamais ete conclue sans l'autre.

Ces deux contrats sont l'expression au travers de deux instrumenta de lavente d'un immeuble dans le but de choisir sur le plan fiscal uneconstruction legale mais avantageuse.

Le bail emphyteotique est accompagne d'une option d'achat, le canonconsiste en un seul paiement assorti d'une redevance symbolique et ilcorrespond, au moment de la conclusion, à la valeur venale du bien.

Le fait que les deux conventions soient liees et forment un tout n'empechecependant pas que la duree du bail emphyteotique ne soit pas la meme etque chaque convention contienne des clauses particulieres.

C'est à tort que les [demandeurs] soutiennent que, par le seul fait de nepas avoir demande le renouvellement au plus tard le 26 avril 1997,l'option d'achat `n'existe plus'.

En effet, l'article 14 de la loi du 10 janvier 1824 concernant le droitd'emphyteose prevoit que l'emphyteose eteinte par l'expiration du temps nese renouvelle pas tacitement mais continue d'exister jusqu'à sarevocation.

Meme en considerant les deux contrats comme intimement lies, les droits dulocataire et du creancier d'option ne se sont donc pas eteints de pleindroit au 26 avril 1998, à l'expiration des 27 annees, mais ces droits nese sont eteints qu'à la date de la revocation par les [demandeurs], àsavoir à la date à laquelle les [deux premiers defendeurs] ont puprendre connaissance de la lettre recommandee de revocation du 7 aout2000.

Comme precise ci-devant, l'option ayant ete levee en tous cas avant le 7aout 2000, cette revocation du bail emphyteotique du 7 aout 2000 est, enl'espece, inoperante.

En effet, les [deux premiers defendeurs] etaient devenus proprietaires del'immeuble à Uccle par la simple levee de l'option et, en tout cas, parla notification de la levee de l'option ».

Griefs

Premiere branche

Il resulte des articles 1134 et 1165 du Code civil que les obligationsnees d'une convention n'obligent que les parties contractantes et excluentl'opposabilite au creancier de la cession à un tiers de la dette dudebiteur, sauf acceptation expresse par le creancier.

L'article 1690 ancien du Code civil, applicable à la cession de creance,disposait : « Le cessionnaire n'est saisi à l'egard des tiers que par lasignification du transport faite au debiteur. Neanmoins, le cessionnairepeut etre egalement saisi par l'acceptation du transport faite par ledebiteur dans un acte authentique ».

L'article 14 de la loi du 10 janvier 1824 concernant le droit d'emphyteosedispose : « L'emphyteose eteinte par l'expiration du temps ne serenouvelle pas tacitement mais elle peut continuer d'exister jusqu'àrevocation ».

L'arret decide que la cession effectuee le 22 juillet 1971 par la [sixiemedefenderesse] aux [deux premiers defendeurs] etait opposable aux[demandeurs] en raison de sa transcription, effectuee le 19 octobre 1971,au bureau des hypotheques. Cette cession n'a ete ni acceptee par lesbailleurs F. ni notifiee à leur egard par un acte authentique.

Le droit d'emphyteose constitue effectivement un droit reel, susceptibled'etre aliene conformement à l'article 6 de la loi du 10 janvier 1824,cette alienation etant opposable aux tiers par l'effet de sa transcriptionau bureau des hypotheques.

La convention de bail emphyteotique comprend egalement des obligationspersonnelles entre le proprietaire et le locataire emphyteotique. Lelocataire est tenu non seulement de l'obligation de payer le loyer maisaussi des obligations personnelles consacrees par les articles 3, 4 et 5de la loi du10 janvier 1824. La cession de dette n'est opposable au creancier que s'ill'accepte.

Le proprietaire de l'immeuble loue en vertu d'un bail emphyteotique estegalement debiteur d'obligations envers l'emphyteote, notammentl'obligation de delivrer le bien et de lui en laisser la jouissance. Lacession du bail emphyteotique comprend ainsi les creances du locataireemphyteote envers le proprietaire.

La cession de ces creances du locataire emphyteote à un tiers n'estopposable au bailleur, conformement à l'article 1690 ancien du Codecivil, que si cette cession a ete, soit signifiee, soit acceptee par luipar un acte authentique.

La circonstance que la transcription d'un acte authentique constatant lacession d'un droit reel, tel un bail emphyteotique, si elle confere àcette cession l'opposabilite aux tiers de ce droit reel, n'implique nil'opposabilite au bailleur de la cession des dettes du locataire nil'opposabilite au bailleur de la cession des creances du locataire, sauf,en ce qui concerne la cession de creance, si celle-ci a ete, soitsignifiee au bailleur, soit acceptee par lui par un acte authentique.

Il en resulte que la cession du bail emphyteotique operee par la [sixiemedefenderesse] aux [deux premiers defendeurs] n'etait pas opposable aux[demandeurs], en tant qu'elle avait pour objet les dettes du locataire, etqu'elle n'aurait ete opposable aux [demandeurs], en tant qu'elle avaitpour objet les creances du locataire cedees aux [deux premiersdefendeurs], qu'à la condition d'avoir ete signifiee aux [demandeurs] ouacceptee par eux par un acte authentique, ce qui n'est pas constate parl'arret.

L'arret, qui decide que la transcription hypothecaire de la cession dubail emphyteotique par la [sixieme defenderesse] aux [deux premiersdefendeurs] a rendu cette cession opposable aux demandeurs, alors que nila cession de dette ni la cession de creance de la sixieme defenderesseaux [deux premiers defendeurs] n'etait opposable aux [demandeurs], violel'article 1690 ancien du Code civil.

En decidant en consequence que la revocation du bail emphyteotiqueeffectuee le 30 juin 2000 par les demandeurs aupres de la sixiemedefenderesse, emphyteote originaire, n'a pas sorti d'effet, et que seulela revocation notifiee aux premier et deuxieme defendeurs, en l'espece parle courrier du 7 aout 2000, aurait pu valablement revoquer le bailemphyteotique si celui-ci avait encore ete en cours, et en decidant quecette revocation, à cette date, etait posterieure à la levee de l'optioneffectuee par les defendeurs au plus tard le 17 juillet 2000, l'arret nejustifie pas legalement sa decision et viole, par voie de consequence,l'article 14 de la loi du 10 janvier 1824 concernant le droitd'emphyteose.

Deuxieme branche

L'article 14 de la loi du 10 janvier 1824 concernant le droit d'emphyteosedispose : « L'emphyteose eteinte par l'expiration du temps ne serenouvelle pas tacitement mais elle peut continuer d'exister jusqu'àrevocation ».

L'arret fait application de cette disposition et ne dit pas que le contratdu 26 avril 1971 y aurait deroge, ce qui n'etait pas conteste dans lesconclusions des parties.

En vertu de l'article 14 precite, l'emphyteose s'eteint par l'arrivee duterme conventionnel mais l'occupation de l'immeuble loue par l'emphyteotepeut continuer par un acte de tolerance du proprietaire. L'arret constateque le terme conventionnel de l'emphyteose etait le 26 avril 1998 et quecelui-ci n'a pas ete renouvele. L'occupation de l'immeuble sis à Uccle acependant continue, par tolerance des demandeurs, jusqu'à sa revocation,qui aurait valablement pu survenir, selon l'arret, le 7 aout 2000.

L'arret decide par ailleurs que le contrat de bail emphyteotique et lecontrat d'option d'achat litigieux ne formaient qu'un seul contrat, qu'ilsetaient partant dependants et qu'en consequence, la disparition du contratde bail emphyteotique devait entrainer la disparition de l'option d'achat.

En leurs conclusions d'appel de synthese, les cinq premiers defendeurssoutenaient que l'option d'achat avait ete levee par eux à plusieursreprises, soit le 17 aout 1999, le 17 juillet 2000, le 7 aout 2000 et le25 mars 2005, et donc, en tout etat de cause, apres l'expiration du delaiconventionnel du bail emphyteotique, le 26 avril 1998. L'arret indique quela levee de l'option d'achat a ete notifiee aux demandeurs entre le 17juillet 2000, date de la lettre des deux premiers defendeurs auxdemandeurs, et le 7 aout 2000, date du courrier des demandeurs attestantla reception dudit courrier du 17 juillet 2000.

L'arret enonce ainsi, d'une part, que la levee de l'option d'achat, ayant,selon les conclusions d'appel de synthese des cinq premiers defendeurs,ete effectuee au plus tot le 17 aout 1999, a ete valablement notifieeentre le 17 juillet 2000 et le 7 aout 2000 par les deux premiersdefendeurs, et, d'autre part, que le bail emphyteotique a continued'exister jusqu'à sa revocation par les demandeurs le 7 aout 2000. Ildispose en consequence que le bail emphyteotique existait toujours à ladate de la levee d'option par les deux premiers defendeurs et que ceux-ciont donc valablement pu former cette option d'achat.

Des lors qu'en vertu de l'article 14 de la loi du 10 janvier 1824,l'emphyteose est eteinte par l'arrivee du terme conventionnel, soit enl'espece des le 26 avril 1998, et l'occupation de l'immeuble loue n'estpossible que par un acte de tolerance du proprietaire, qui peut ainsimettre fin à cette occupation, à tout moment, par une simple revocationsans motif, il en resulte que le bail emphyteotique portant sur l'immeublesis à Uccle etait eteint des le 26 avril 1998 et qu'en consequence,l'option d'achat etait egalement eteinte à cette date, puisque l'arretetablit que ces deux conventions etaient dependantes.

L'arret, qui decide que le contrat de bail emphyteotique, et enconsequence l'option d'achat qui y est liee, se sont prolonges apresl'arrivee du terme contractuel survenu le 26 avril 1998, jusqu'à larevocation notifiee par les demandeurs le 7 aout 2000, viole egalementainsi l'article 14 de la loi du 10 janvier 1824, qui enonce quel'emphyteose, en l'absence de renouvellement non tacite, s'eteint desl'expiration du terme conventionnel et que le maintien dans les lieux dulocataire emphyteotique se prolonge jusqu'à cette revocation.

Troisieme branche (subsidiaire)

L'article 14 de la loi concernant le droit d'emphyteose enonceque l'emphyteose eteinte par l'expiration du temps ne se renouvelle pastacitement mais qu'elle peut continuer d'exister jusqu'à revocation.

S'il etait admis que la cession du bail emphyteotique a sorti ses effetsà l'egard des demandeurs des sa transcription, le 19 octobre 1971, sansqu'il ait ete necessaire de notifier cette cession aux demandeurs, ilsubsiste que la revocation de ce bail avait ete realisee par lesdemandeurs le 30 juin 2000 ou au plus tard le 17 juillet 2000, et non le 7aout 2000.

Apres l'expiration du bail emphyteotique, l'occupation par l'emphyteote del'immeuble loue n'a plus qu'un caractere de tolerance de la part duproprietaire et celui-ci peut à tout moment mettre fin à cetteoccupation. La revocation de la prolongation de l'occupation apresl'arrivee du terme conventionnel n'est pas soumise à des formalitesparticulieres mais consiste uniquement en l'information, effectuee àl'egard du locataire, de l'intention du proprietaire de ne plus tolerer sapresence dans son bien alors que le terme conventionnel de la location estexpire.

Les deux premiers defendeurs n'ayant pas quitte l'immeuble loue àl'expiration du delai contractuel, soit le 26 avril 1998, l'emphyteoseetait eteinte mais a continue à exister, dans les conditions precitees,jusqu'à sa revocation par les demandeurs.

Il apparait des faits legalement constates par l'arret que les deuxpremiers defendeurs ont ete avises de la revocation du bail emphyteotiqueadressee par les demandeurs à la sixieme defenderesse, locataire initial,et donc de la volonte des demandeurs de voir le bail emphyteotique cesser,au plus tard, le 17 juillet 2000. En effet, l'arret enonce : « le 11juillet 2000, le notaire Jean Lafontaine à Bruxelles contacte la [sixiemedefenderesse] afin de connaitre le nom du notaire choisi par le locatairepour recevoir l'acte de revocation du bail emphyteotique. Le 17 juillet2000, le notaire Juan Mourlon-Beernaert ecrit à son confrere JeanLafontaine : `Mon beau-frere, [le premier defendeur], me transmet copie dela lettre que vous avez fait parvenir le 11 juillet dernier à [la sixiemedefenderesse]. Vous trouverez, sous ce pli, copie d'une lettre recommandeeque [les deux premiers defendeurs] ont fait parvenir le 17 aout 1999 ànotre confrere, Maitre Van Halteren. Je vous en souhaite bonne reception.Notre confrere n'a jamais reagi à cette lettre recommandee. Pour mepermettre de rediger l'acte d'acquisition, pourriez-vous me transmettrel'etat civil de vos clients et l'origine de propriete ?...'. Une copie dela lettre du 17 aout 1999 est jointe à cet envoi ».

L'arret, apres avoir constate que les premier et deuxieme defendeursavaient connaissance de la revocation du bail emphyteotique effectuee parles demandeurs et adressee à la sixieme defenderesse, locataire initial,considere cependant que seule la revocation notifiee aux deux premiersdefendeurs par le courrier recommande du 7 aout 2000 pouvait valablementrevoquer le bail emphyteotique. En disposant que la revocation a seulementete valablement faite par les demandeurs par le courrier du 7 aout 2000,alors qu'il expose par ailleurs que les deux premiers defendeurs avaientconnaissance au plus tard le 17 juillet 2000 de la volonte des demandeurs,proprietaires originaires, de recuperer le bien anterieurement soumis àun bail emphyteotique apres l'arrivee du terme conventionnel et endeduisant de cette consideration que la levee de l'option d'achateffectuee le 17 aout 1999, ou au plus tard le 17 juillet 2000, avait eteeffectuee avant la revocation du bail emphyteotique, l'arret meconnaitl'article 14 de la loi du 10 janvier 1824 concernant le droitd'emphyteose.

Second moyen

Dispositions legales violees

- article 1022 du Code judiciaire, tel qu'il a ete modifie par l'article 7de la loi du 21 avril 2007 relative à la repetibilie des frais ethonoraires d'avocat ;

- articles 1er, specialement alinea 2, et 2 de l'arrete royal du 26octobre 2007 fixant le tarif des indemnites de procedure visees àl'article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d'entree en vigueurdes articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à larepetibilite des honoraires et des frais d'avocat ;

- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret condamne les demandeurs aux depens des deux instances, liquides enpremiere instance à 359,33 euros au titre d'assignation et de mise aurole, et à 2.500 euros au titre d'indemnite de procedure pour les cinqpremiers defendeurs, à 1.200 euros pour les demandeurs au titred'indemnite de procedure et à 75 euros pour le sixieme defendeur, etliquides en degre d'appel à 185,92 euros au titre de requete d'appel età 2.500 euros au titre d'indemnite de procedure pour les cinq premiersdefendeurs, à 1.200 euros pour les demandeurs au titre d'indemnite deprocedure et à 75 euros au titre d'indemnite de procedure pour la sixiemedefenderesse, et justifie cette condamnation par ses motifs reputes iciintegralement reproduits, specialement par les motifs suivants :

« Les parties ont depose une note adaptant la liquidation de leurs depenspour ce qui concerne l'indemnite de procedure pour frais d'avocat del'article 1022 du Code judiciaire.

Les [demandeurs] evaluent la valeur du litige entre 50.000 et 1.000.000euros et reclament l'indemnite de base de 10.000 euros.

Dans la mesure ou le litige porte sur la revocation du bail emphyteotique,il n'est pas evaluable en argent.

La demande des consorts F. porte sur un montant de 7.915, 64 euros autitre de precomptes immobiliers et une indemnite de 2.355 euros par moispour une periode non determinee.

Il y a des lors lieu de considerer que, pour sa plus grande part, lelitige n'est pas evaluable en argent.

Le montant de base est de 1.200 euros par degre de juridiction.

Les [deux premiers defendeurs] demandent une indemnite de 35.325 euros, desorte que l'indemnite de base est de 2.500 euros par degre de juridiction.

Les depens n'ont pas ete taxes par le premier juge. Lorsque les depensn'ont pas ete liquides dans le jugement, ou ne l'ont ete quepartiellement, ceux sur lesquels il n'a pas ete statue sont reputesreserves. Lorsque la decision est entreprise, les depens sont liquides parle juge d'appel (article 1021, alinea 2, du Code judiciaire).

La cour [d'appel] doit liquider les depens au jour du prononce de l'arretet doit des lors tenir compte, pour l'evaluation, de la loi du 21 avril2007 et de son arrete d'execution du 16 octobre 2007.

Les indemnites de procedure des deux degres de juridiction sont doncliquidees sur la base des taux fixes à l'arrete royal du 16 octobre 2007.

L'appel est fonde. Il y a des lors lieu de condamner les [demandeurs] auxdepens des deux instances ».

Griefs

Premiere branche

L'article 2 de l'arrete royal du 26 octobre 2007 vise au moyen dispose quel'indemnite de procedure de base, pour les actions portant sur desdemandes evaluables en argent, est fixee, pour les demandes portant sur unmontant entre 20.000,01 euros et 40.000 euros, à 2.000 euros.

L'arret, qui decide que, les cinq premiers defendeurs demandant uneindemnite de 35.325 euros, l'indemnite de base est de 2.500 euros pardegre de juridiction, et qui condamne les demandeurs au paiement de cettesomme aux cinq premiers defendeurs au titre d'indemnite de procedure enpremiere instance et en degre d'appel, alors qu'en vertu de l'article 2 del'arrete royal precite, l'indemnite de base pour une demande de 35.325euros est de 2.000 euros, viole cette disposition et l'article 1022 duCode judiciaire, tel qu'il a ete modifie par la loi du 21 avril 2007.

Seconde branche

L'article 1er, alineas 1er et 2, de l'arrete royal du 26 octobre 2007 viseau moyen dispose : « Les montants de base, minima et maxima del'indemnite de procedure visee à l'article 1022 du Code judiciaire sontfixes par le present arrete. Les montants sont fixes par instance ».

En leurs secondes conclusions de synthese devant le tribunal de premiereinstance de Bruxelles deposees le 27 decembre 2004, les cinq premiersdefendeurs demandaient au tribunal de condamner les demandeurs à lapassation de l'acte authentique de cession, par usufruit et nue-propriete,de l'immeuble sis à Uccle au prix de 185,92 euros, à defaut de ce faire,de dire que le jugement tiendrait lieu d'acte de vente, et de condamnerles demandeurs au paiement de 5.000 euros au titre d'indemnisation deleurs frais et honoraires d'avocat. Ils confirmaient ces demandes dansleurs conclusions apres reouverture des debats deposees le 8 juillet 2005.

En leurs conclusions d'appel de synthese, les cinq premiers defendeursdemandaient à la cour [d'appel], outre le benefice de leurs demandesoriginaires, la condamnation des demandeurs au paiement de la somme de35.325 euros au titre d'indemnite d'occupation entre le 1er janvier 2006et le 15 mars 2007, et de dire pour droit que les revenus locatifs del'immeuble leur revenaient.

Ainsi, les cinq premiers defendeurs ne demandaient pas devant le premierjuge le paiement d'une indemnite de 35.325 euros au titre d'indemnited'occupation, concernant en outre une occupation posterieure aux jugementsdont appel des 15 fevrier 2005 et 31 octobre 2005 du tribunal de premiereinstance de Bruxelles.

L'arret condamne cependant les demandeurs au paiement de l'indemnite debase pour une demande de 35.325 euros, evaluee, à tort, à 2.500 eurospour chaque degre de juridiction. Or, le juge d'appel qui statue sur lesdepens de premiere instance doit se fonder pour ce faire sur les demandesformulees en premiere instance et non sur les demandes formulees devantlui en degre d'appel. A defaut, la situation serait discriminatoire. Eneffet, le premier juge, statuant sur les depens en meme temps que sur lefond, determinerait ces depens sur la base des demandes formulees enpremiere instance, alors que, s'il reserve à statuer sur les depens, lejuge d'appel devrait fixer ces memes depens de premiere instance sur labase des demandes formulees en degre d'appel, et non sur la base desdemandes formulees en premiere instance.

En l'espece, la demande de 35.325 euros n'a ete formulee qu'en degred'appel par les cinq premiers defendeurs. En premiere instance, la demandedes cinq premiers defendeurs portait sur, outre l'indemnisation de leursfrais d'avocat, la passation de l'acte authentique de vente, et etaitainsi une demande non evaluable en argent ou, à tout le moins, n'etaitpas une demande portant sur la somme de 35.325 euros.

L'arret, qui fixe le montant de l'indemnite de procedure de premiereinstance devant etre payee par les demandeurs aux cinq premiers defendeurssur la base de la demande de ceux-ci en degre d'appel, soit sur la base dela somme de 35.325 euros demandee au titre d'indemnite d'occupation du 1erjanvier 2006 au 15 mars 2007, viole les articles 1er et 2 de l'arreteroyal du 26 octobre 2007 vise au moyen et l'article 1022 du Codejudiciaire.

Subsidiairement, s'il fonde en realite effectivement la determination del'indemnite de base due par les demandeurs aux cinq premiers defendeurssur les demandes formulees par ceux-ci dans leurs secondes conclusions desynthese et en leurs conclusions apres reouverture des debats prisesdevant le tribunal de premiere instance, l'arret prete à ces actes uneenonciation ou une affirmation qu'ils ne contiennent pas et, partant,viole la foi qui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322du Code civil).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Le moyen, en cette branche, soutient que « la circonstance que latranscription d'un acte authentique constatant la cession d'un droit reel,tel un bail emphyteotique, si elle confere à cette cession l'opposabiliteaux tiers de ce droit reel, n'implique ni l'opposabilite au bailleur de lacession des dettes du locataire ni l'opposabilite au bailleur de lacession des creances du locataire, sauf, en ce qui concerne la cession decreance, si celle-ci a ete soit signifiee au bailleur, soit acceptee parlui par un acte authentique » et fait grief à l'arret de decider que latranscription hypothecaire de la cession du bail emphyteotique par lasixieme defenderesse aux deux premiers defendeurs rend cette cessionopposable aux demandeurs.

Le moyen ne cite comme dispositions violees que les articles 1134, 1165,1690 du Code civil et 14 de la loi du 10 janvier 1824 concernant le droitd'emphyteose.

Des lors qu'il ne cite pas comme disposition legale violee l'article 1er,alinea 1er, de la loi hypothecaire, et que les seules dispositions qu'ilcite ne suffiraient pas, s'il etait fonde, à entrainer la cassation, lemoyen, en cette branche, est, comme le soutiennent les cinq premiersdefendeurs, irrecevable.

Quant à la deuxieme branche :

Contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, l'arret nedecide pas que « le contrat de bail emphyteotique et le contrat d'optiond'achat litigieux ne formaient qu'un seul contrat, qu'ils etaient partantdependants, et qu'en consequence, la disparition du contrat de bailemphyteotique devait entrainer la disparition de l'option d'achat » maisdecide que « le fait que les deux conventions soient liees et forment untout n'empeche cependant pas que la duree du bail emphyteotique et [celle]de l'option d'achat ne sont pas les memes ».

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la troisieme branche :

Il n'apparait pas des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que lesdemandeurs aient invoque devant la cour d'appel que le contratd'emphyteose aurait pris fin le 17 juillet 2000 en raison de laconnaissance que les deux premiers defendeurs auraient eue de la lettre derevocation adressee par les demandeurs à l'ancien emphyteote.

Le moyen qui, en cette branche, est fonde sur des dispositions legales quine sont ni imperatives ni d'ordre public, qui n'a pas ete soumis à lacour d'appel et dont celle-ci ne s'est pas saisie de sa propre initiativeest, comme le soutiennent les cinq premiers defendeurs, nouveau, partant,irrecevable.

Sur le second moyen :

Quant à la premiere branche :

En vertu de l'article 2 de l'arrete royal du 26 octobre 2007 fixant letarif des indemnites de procedure visees à l'article 1022 du Codejudiciaire et fixant la date d'entree en vigueur des articles 1er à 13 dela loi du 21 avril 2007 relative à la repetibilite des honoraires et desfrais d'avocat, le montant de l'indemnite de base pour les litiges dont lavaleur se situe entre 20.000,01 et 40.000 euros est fixe à la somme de2.000 euros.

L'arret qui, apres avoir constate que la demande des cinq premiersdefendeurs porte sur un montant de 35.325 euros, fixe le montant del'indemnite de procedure de base à la somme de 2.500 euros aux deuxdegres de juridiction, viole l'article 2 de l'arrete royal precite.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen, qui ne sauraitentrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il condamne les demandeurs à payer auxcinq premiers defendeurs 2.500 euros d'indemnite de procedure de premiereinstance et 2.500 euros d'indemnite de procedure d'appel ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne les demandeurs à la moitie des depens et reserve le surplus deceux-ci pour qu'il y soit statue par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Les depens taxes à la somme de sept cent neuf euros vingt centimes enversles parties demanderesses et à la somme de trois cent quatorze eurosseptante-quatre centimes envers les cinq premieres parties defenderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers ChristineMatray, Sylviane Velu, Alain Simon et Mireille Delange, et prononce enaudience publique du trente et un mai deux mille dix par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Jean-Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

+------------------------------------------+
| M-J. Massart | M. Delange | A. Simon |
|--------------+-------------+-------------|
| S. Velu | Chr. Matray | Chr. Storck |
+------------------------------------------+

31 MAI 2010 C.09.0240.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.09.0240.F
Date de la décision : 31/05/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-05-31;c.09.0240.f ?
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