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22/11/2010 | BELGIQUE | N°S.09.0092.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 novembre 2010, S.09.0092.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.09.0092.N

ECONET VLAAMS BRABANT, association sans but lucratif,

Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

B. D.

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

III. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 31 mars2008 par la cour du travail de Bruxelles.

IV. Le president de section Robert Boes a fait rapport.

V. L'avocat general Ria Mortier a conclu.

VI. II. Le moyen de cassation

La de

manderesse presente un moyen dans sa requete.

* * Disposition legale violee

* Article 63 de la loi du 3 juillet 1...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.09.0092.N

ECONET VLAAMS BRABANT, association sans but lucratif,

Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

B. D.

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

III. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 31 mars2008 par la cour du travail de Bruxelles.

IV. Le president de section Robert Boes a fait rapport.

V. L'avocat general Ria Mortier a conclu.

VI. II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen dans sa requete.

* * Disposition legale violee

* Article 63 de la loi du 3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail.

* * Decisions et motifs critiques

* * Par la decision attaquee, la cour du travail a declare l'appel dudefendeur fonde quant à la demande tendant à obtenir une indemnitepour licenciement abusif. La cour du travail a annule la decisionrendue à cet egard par le tribunal du travail et, statuant ànouveau, a condamne la demanderesse au paiement d'une somme de9.988, 86 euros. La cour du travail a rendu cette decision par lesconstatations et les motifs qu'elle a retenus, consideres comme iciintegralement reproduits, plus specialement :

* « Le licenciement abusif

* Aux termes de l'article 63 de la loi du 3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail, est considere comme licenciement abusif, lelicenciement d'un ouvrier engage pour une duree indeterminee effectuepour des motifs qui n'ont aucun lien avec l'aptitude ou la conduitede l'ouvrier ou qui ne sont pas fondes sur les necessites dufonctionnement de l'entreprise, de l'etablissement ou du service.

* En principe, la legislation belge en matiere de contrat de travail nerequiert pas que l'employeur motive le licenciement.

* Les motifs du licenciement ne doivent pas necessairement etrenotifies au moment du licenciement.

* Il suffit qu'ils soient notifies et etablis apres que le travailleurlicencie a invoque le caractere abusif du licenciement et ce, meme encours de procedure. En effet, l'application de l'article 63 de la loidu 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail est subordonnee aufait que le travailleur invoque le caractere abusif du licenciement.

* En cas de contestation, il incombe à l'employeur d'apporter lapreuve des motifs de licenciement prevus par la loi.

* Les declarations unilaterales de l'employeur ne peuvent servir depreuve.

* L'employeur est tenu d'apporter la preuve des motifs justifiant lelicenciement.

* A cette fin, il est tenu de soumettre à l'appreciation du juge tousles elements utiles à l'exercice de sa mission de controle.

* En effet, le juge doit pouvoir verifier si les motifs invoquesexistent reellement et ne sont pas faux ou fictifs.

* Toutefois, dans les limites de l'article 63 de la loi du 3 juillet1978 relative aux contrats de travail, l'employeur dispose d'unecertaine latitude dans la direction de l'entreprise, dans la prise dedecisions en matiere de licenciement et dans l'appreciation de leuropportunite.

* Cette appreciation doit etre effectuee à la lumiere descirconstances specifiques du licenciement.

* L'employeur est tenu non seulement 1) d'apporter la preuve des motifsdu licenciement mais aussi 2) d'apporter la preuve que seuls lesmotifs invoques sont à l'origine et ont donne lieu au licenciement.

* Le juge peut considerer que le lien de causalite n'est pas etablilorsque l'intervalle entre le comportement invoque et le licenciementest trop important.

* Le fait d'exiger un avertissement prealable au licenciementconcernant le comportement du travailleur pour que le licenciement nepuisse etre considere comme abusif revient à ajouter une conditionque l'article 63 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail ne prevoit pas. Toutefois, le defaut d'avertissement peutreveler ou susciter la presomption qu'il n'existe pas de lien decausalite entre le licenciement et le motif invoque. En effet, unemployeur n'omettra pas d'avertir ou de sommer un travailleur dont lecomportement le contrarie au point de vouloir licencier celui-ci pource motif.

* En l'espece, (la cour du travail) constate que deux avertissementsont ete notifies, notamment à l'occasion des refus en novembre 2003et mai 2004 de transporter des membres du personnel et du materielavec un vehicule de l'entreprise. Ce comportement precede de plus detrois ans et de plus de deux ans le licenciement qui a ete notifie aumois de mars 2006 et (la demanderesse) n'apporte pas la preuve que cecomportement est la cause du licenciement. A chaque fois, (ledefendeur) a refute et conteste les avertissements. (La demanderesse)tenait manifestement à conserver un bon ouvrier. En outre, lerapport du conseil d'entreprise fait etat de quelques problemesconcernant la remorque destinee au transport ovin (defaut de controletechnique) et le `tacot jaune' du Limbourg dont le certificatd'immatriculation est perime (voir egalement le rapport du conseild'entreprise du 17 mars 2005 - releve des vehicules (...) : `certainspoints doivent etre reexamines et certains vehicules doivent etrevendus'). Ainsi, plusieurs vehicules pretaient manifestement àdiscussion et le comportement ponctuel du (defendeur) doit etreapprecie à la lumiere des circonstances precitees.

* Le refus de travailler oppose le 10 fevrier 2006 par (le defendeur)constitue dans son chef une reaction justifiee par la volonte de nepas travailler à l'exterieur, dans la neige, avec de simples gantsd'amateur. Cette reaction du (defendeur), qui est ouvrier et attenddepuis longtemps la fourniture de bons gants (voir ci-apres), n'estpas excessive. En outre, il y a lieu de relever que, nonobstant sondissentiment, (le defendeur) est neanmoins sorti pour entamer etachever ses taches.

* Il ressort du rapport du conseil d'entreprise du 17 novembre 2005 queles travailleurs avaient demande lors du conseil d'entreprise du17 mars 2005 que les gants `d'amateur' soient remplaces par desolides gants d'hiver et que l'employeur avait consenti à cechangement (voir le rapport du conseil d'entreprise : ` Wim et Yvestenteront de denicher des gants de meilleure qualite mais à bonprix. Ceux-ci pourraient etre commandes lors de la commande globale'.

* (La cour du travail) considere qu'il est etabli que (le defendeur) aete licencie en represailles à son refus de travailler, raisonnableet justifie, du 10 fevrier 2006.

* Le defaut du (defendeur) d'avertir son employeur de sa maladie le9 novembre 2004 meme est medicalement justifie et precede en outre lelicenciement d'un delai trop long pour etre en relation causale aveccelui-ci.

* Au mois de fevrier 2006, (le defendeur) est tombe malade ; apresavoir averti son employeur le jour meme, il a justifie son absencepar un certificat medical, mais a omis (...) de l'avertir de saprolongation ; il a cependant envoye le 21 fevrier un certificatmedical couvrant la periode du 18 fevrier au 24 fevrier inclus. Ilest manifeste, des lors qu'il ressort des termes de sa lettrerecommandee du 21 fevrier 2006, plus specialement des termes `nousesperons qu'un tel incident ne se reproduire pas' et ` un prochainavertissement', que (la demanderesse) considere ce defaut decommunication comme ` un premier avertissement' et non comme la causedu licenciement.

* (La demanderesse) enumere en outre plusieurs griefs qui seraientrevelateurs d'un probleme de comportement. L'echange decorrespondance concernant la conduite du vehicule a eu lieu en2003-2004 et le lien de causalite n'est pas etabli, d'autant plus que(le defendeur) a finalement conduit ce vehicule.

* La lettre recommandee envoyee le 2 novembre 2005 par (le defendeur)n'etablit pas qu'(il) manquerait aux consignes de securite, ni qu'ilmedirait de (la demanderesse) en presence de clients.

* (La demanderesse) fait valoir que le licenciement du (defendeur)s'impose pour le bon fonctionnement de l'entreprise. (La cour dutravail) repete qu'eu egard aux circonstances precitees, ni le refusde travailler justifie ni le defaut d'avertissement concernant laprolongation du conge de maladie n'influent sur le bon fonctionnementde l'entreprise.

* Le rapport etabli le 1er mars 2006 par Monsieur V. est tres vague, neprecise ni la date ni le lieu de redaction et est critique commeinexact sur certains points, de sorte qu'il n'apporte pas, en soi, lapreuve des allegations de (la demanderesse). L'offre de preuve partemoins est rejetee pour les memes motifs.

* Par les motifs precites, (la demanderesse) n'apporte pas la preuve dufait que le licenciement du (defendeur) s'impose pour le bonfonctionnement de l'entreprise. Le defaut d'avertissement du21 fevrier n'etablit pas davantage la necessite de licencier.

* L'appel est fonde. C'est à bon droit que (le defendeur) reclame uneindemnite pour licenciement abusif s'elevant à six mois deremuneration, soit une somme de 9.988, 86 euros, non contestee par(la demanderesse).

* * Griefs

* * 1. Aux termes de l'article 63, alinea 1er, de la loi du 3 juillet1978 relative aux contrats de travail, est considere commelicenciement abusif pour l'application de l'article, le licenciementd'un ouvrier engage pour une duree indeterminee effectue pour desmotifs qui n'ont aucun lien avec l'aptitude ou la conduite del'ouvrier ou qui ne sont pas fondes sur les necessites dufonctionnement de l'entreprise, de l'etablissement ou du service.

* Aux termes du deuxieme alinea du meme article, en cas decontestation, la charge de la preuve des motifs du licenciementinvoques incombe à l'employeur. A cette occasion, l'employeur peutegalement apporter la preuve de motifs autres que les motifsinitialement invoques mais, s'il n'etablit pas de motif valable, lelicenciement sera considere comme abusif.

* Aux termes du troisieme alinea du meme article, sans prejudice del'article 39, S: 1er, de la loi, l'employeur qui licencie abusivementun ouvrier engage pour une duree indeterminee est tenu de payer àcet ouvrier une indemnite correspondant à la remuneration de sixmois, sauf si une autre indemnisation est prevue par une conventioncollective de travail rendue obligatoire par le Roi.

* 2. Il ressort des constatations de fait de la cour du travail que ledefendeur travaillait au service de la demanderesse en qualited'ouvrier et qu'il a ete licencie par lettre recommandee du 1er mars2006.

* Statuant sur le licenciement abusif invoque par le defendeur, la(cour du travail) a considere que :

* - la demanderesse n'apporte pas la preuve que les refus de conduirele vehicule de l'entreprise opposes en novembre 2003 et mai 2004constituent la cause du licenciement ;

* - le refus de travailler oppose le 10 fevrier 2006 par le defendeurconstitue une reaction justifiee par la volonte de refuser detravailler à l'exterieur, dans la neige, avec de simples gantsd'amateur qui n'est pas excessive dans son chef ;

* - le defendeur a ete licencie en represailles à son refus detravailler, raisonnable et justifie, du 10 fevrier 2006 ;

* - le defaut du defendeur d'avertir son employeur de sa maladie le9 novembre 2004 meme est medicalement justifie et precede lelicenciement d'un delai trop long pour etre en relation causale aveccelui-ci ;

* - la demanderesse ne considere pas l'omission du defendeur del'avertir de la prolongation du conge de maladie au mois de fevrier2006 comme la cause du licenciement ;

* - le lien de causalite entre l'echange de correspondance en 2003-2004concernant la conduite du vehicule et le licenciement n'est pasdavantage etabli ;

* - il n'est pas etabli que le defendeur ne respecte pas les consignesde securite ou medit de la demanderesse en presence de clients ;

* - ni le refus de travailler justifie ni le defaut d'avertissementconcernant la prolongation du conge de maladie n'influent sur le bonfonctionnement de l'entreprise ;

* - le rapport etabli le 1er mars 2006 par Monsieur V. est tres vague,ne precise ni la date ni le lieu de redaction et est critique commeinexact sur certains points, de sorte qu'il n'apporte pas la preuvedes allegations de la demanderesse ;

* - la demanderesse n'apporte pas la preuve du fait que le licenciementdu defendeur s'impose pour le bon fonctionnement de l'entreprise etle defaut d'avertissement du 21 fevrier 2006 n'etablit pas davantagela necessite de licencier.

* Par ces motifs, la cour du travail n'a pas legalement declare quel'appel du defendeur est fonde quant au licenciement abusif invoque.En effet, elle a expressement considere qu'il est etabli que ledefendeur a ete licencie en represailles à son refus de travailler -refus qu'elle considere comme raisonnable et justifie.

* Un refus de travailler releve incontestablement de la conduite dudefendeur.

* Des lors qu'il suit de l'article 63, alinea 1er, de la loi du3 juillet 1978 que le licenciement d'un ouvrier engage pour une dureeindeterminee effectue pour des motifs qui ont un lien avec sonaptitude ou sa conduite n'est pas abusif, le licenciement d'unouvrier lie à un refus de travailler - celui-ci fut-il raisonnableet justifie - n'est pas abusif. La circonstance que le refus detravailler est etranger au bon fonctionnement de l'entreprise estsans incidence à cet egard. Ainsi, la cour du travail n'a paslegalement declare que l'appel du defendeur sur ce point est fonde(violation de l'article 63 de la loi du 3 juillet 1978).

* Conclusion

* La cour du travail n'a pas legalement decide que c'est à bon droitque le defendeur reclame une indemnite pour licenciement abusif et,en consequence, n'a pas legalement condamne la demanderesse aupaiement d'une indemnite pour licenciement abusif s'elevant à sixmois de remuneration, soit une somme de 9.988, 86 euros (violation del'article 63 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail).

* III. La decision de la Cour

1. Aux termes de l'article 63 de la loi du 3 juillet 1978relative aux contrats de travail, est considere commelicenciement abusif pour l'application de l'article, lelicenciement d'un ouvrier engage pour une duree indetermineeeffectue pour des motifs qui n'ont aucun lien avec l'aptitudeou la conduite de l'ouvrier ou qui ne sont pas fondes sur lesnecessites du fonctionnement de l'entreprise, del'etablissement ou du service.

2. Il ressort de la genese de la loi que les regles en matierede licenciement abusif visent à interdire tout licenciementpour des motifs manifestement deraisonnables.

Il s'ensuit qu'un licenciement pour un motif lie à l'aptitude ou àla conduite de l'ouvrier est abusif si le motif est manifestementderaisonnable.

3. Il appartient au juge du fond d'apprecier si la conduite oul'aptitude à l'origine du licenciement de l'ouvrierconstitue un motif legitime de licenciement. La Cour selimite à examiner si, à cette occasion, le juge n'a pasmeconnu la notion juridique de « licenciement abusif » quiest soumise à son controle.

4. Le moyen, qui est tout entier fonde sur la these que, quelleque soit la nature de la conduite de l'ouvrier, des qu'il estlie à cette conduite, le licenciement n'est pas abusif ausens de l'article 63 de la loi du 3 juillet 1978 et, enconsequence, le juge n'est pas tenu d'apprecier si laditeconduite constitue un motif de licenciement valable, manqueen droit.

* Par ces motifs,

* * La Cour

* * Rejette le pourvoi ;

* Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Robert Boes, les conseillersEric Dirix, Beatrijs Deconinck, Alain Smetryns et Koen Mestdagh, etprononce en audience publique du vingt-deux novembre deux mille dixpar le president de section Robert Boes, en presence de l'avocatgeneral Ria Mortier, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction etablie sous le controle du president Christian Storck ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le president,

22 NOVEMBRE 2010 S.09.0092.N/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 22/11/2010
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : S.09.0092.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-11-22;s.09.0092.n ?
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