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31/01/2011 | BELGIQUE | N°C.10.0123.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 31 janvier 2011, C.10.0123.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0123.F

H. P.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,

contre

1. D. G. D.,

2. V. L. P.,

3. G. M.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de Loxum, 25, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Courr>
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 29 octobre 2009par la cour d'appel de Bruxelles.

Par ordonnance...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0123.F

H. P.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,

contre

1. D. G. D.,

2. V. L. P.,

3. G. M.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de Loxum, 25, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 29 octobre 2009par la cour d'appel de Bruxelles.

Par ordonnance du 10 janvier 2011, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport.

Le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- principe general du droit qui trouve application dans l'article 774 duCode judiciaire, en vertu duquel le juge est tenu, tout en respectant lesdroits de la defense, de determiner la norme juridique applicable à lademande portee devant lui et d'appliquer celle-ci ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense ;

- principe general du droit relatif à la charge de la preuve en matiererepressive ;

- article 71 du Code penal.

Decisions et motifs critiques

L'arret dit recevable mais non fondee l'action originaire du demandeur, eten particulier sa demande relative à l'indemnite de 741.648 francs (soit18.384,97 euros) reclamee « selon le jugement du 4 avril 2000 » et sademande relative à l'indemnite de 51.915 francs (soit 1.286,94 euros)correspondant aux interets dus sur le premier montant jusqu'au 13septembre 2001, et ce par tous ses motifs et specialement les motifssuivants :

« Sur les sommes de 741.648 francs (18.384,97 euros) et de 51.915 francs(1.286,94 euros)

6. Lorsqu'une partie contractante agit par un organe, un prepose ou unagent pour l'execution de son obligation contractuelle, celui-ci ne peutetre declare responsable sur le plan extra-contractuel que si la fautemise à sa charge constitue un manquement à l'obligation generale deprudence et que si cette faute a cause un dommage autre que celuiresultant de la mauvaise execution du contrat (Cass., 7 novembre 1997,Pas., I, 457).

Dans l'interpretation dominante qui [en] a ete donnee (...), la regleenoncee par l'arret [de la Cour] du 7 novembre 1997 implique que la fauteet le dommage, invoques à l'appui d'une action en responsabilite fondeesur les articles 1382 ou 1383 du Code civil, à l'encontre de l'organed'une personne morale, doivent etre `etrangers' au contrat liant le casecheant le tiers prejudicie et celle-ci, à l'occasion de l'execution oude l'inexecution duquel on dresse le constat. Suivant cetteinterpretation, il faut, en d'autres termes, que la faute et le dommagepresentent un caractere `purement extra-contractuel' (...).

Il s'ensuit en particulier que si la personne morale a contracte uneobligation, pecuniaire notamment, vis-à-vis d'un tiers, aucune actionaquilienne n'est concevable à l'egard de l'organe, non plus, bien sur,qu'une action contractuelle, en vue de la recuperation de ce montant ou dela reparation, sous la forme d'une indemnite ou autrement, du dommageresultant de l'inexecution de cette obligation (X. Dieux, `Laresponsabilite des administrateurs ou gerants d'une personne morale àl'egard des tiers: derniers developpements?', Revue du notariat belge,2006, p. 261).

7. Ce principe de la quasi-immunite de l'organe d'une personne moralerec,oit toutefois exception lorsque la faute de l'organe constitueegalement une infraction penale. Lorsqu'un organe d'une societe ou unmandataire agissant dans le cadre de son mandat commet une fautepersonnelle constituant un delit, cette faute oblige l'administrateur oule mandataire en personne à reparer (Cass., 11 septembre 2001,P.99.1742.N).

Lorsque la faute constitue une infraction ayant cause le dommagelitigieux, la victime peut exercer une action extra-contractuelle contrel'agent d'execution ou l'organe sans devoir demontrer une faute et undommage etrangers au contrat. L'organe reste personnellement responsabledes dommages qu'une infraction penale commise par lui a cause à un tiers(cf. Cass., 1er juin 1984, Pas., I, 1202 ; X. Dieux, op.cit., p. 259 ;J.-Fr. Goffin, Responsabilite des dirigeants de societes, Larcier, 2004,p. 129 ; O. Caprasse, `La responsabilite extracontractuelle des dirigeantsde societes', obs. sous comm. Mons, 6 novembre 2002, J.L.M.B., 2003, pp.1290 et ss.).

La demande en paiement d'arrieres de remuneration à titre de reparationen nature du dommage cause par l'infraction de non-paiement du salaire dupeut etre formee non seulement contre l'employeur, mais egalement contreun employe ou un mandataire qui s'est rendu coupable de cette infractionau sens de l'article 42 de la loi du 12 avril 1965 concernant laprotection de la remuneration (article 20, alinea 1er, 3DEG, de la loi du3 juillet 1978 ; article 2, alinea 1er, 1DEG, de la loi du 12 avril 1965)(Cass., 22 janvier 2007, S.05.0095.N).

[L'article 42 precite dispose qu'est] passible d'un emprisonnement de huitjours à un mois et d'une amende de 26 à 500 euros ou d'une de ces peinesseulement 1DEG l'employeur, ses preposes ou mandataires qui ont commis uneinfraction aux dispositions des articles 3, 4, 5, 6, 9 à 9quinquies, 11,13, 14, 15, alinea 1er, 18, 23 et 27 à 34 ou des arretes pris enexecution des articles 6, S: 4, 9quater et 15, alinea 4, ou d'une decisionde la commission paritaire competente, rendue obligatoire par le Roi enapplication de l'article 15, alinea 3.

8. L'indemnite de 741.648 francs (18.384,97euros) reclamee par [ledemandeur] selon le jugement du 4 avril 2000 est composee d'une indemnitede rupture equivalente à six mois de remuneration, un arriere deremuneration pour les mois d'aout, octobre et novembre 1996, une prime defin d'annee pour 1996 et les pecules de vacances 1996 et 1997.

Si une indemnite de preavis est une remuneration au sens de la loi du 12avril 1965 concernant la protection de la remuneration des travailleurs,elle ne peut cependant etre reclamee ex delicto des lors que sonnon-paiement n'est pas punissable au regard de l'article 42, 1DEG, deladite loi du 12 avril 1965. L'indemnite de preavis ne tombe ni sousl'article 9, ni sous l'article 11 de cette loi.

Quant aux arrieres de remuneration pour les mois d'aout, octobre etnovembre 1996 (176.136 francs), la prime de fin d'annee pour 1996 (44.186francs) et les pecules de vacances 1996 et 1997 (73.079 francs et 32.697francs), ils sont en revanche susceptibles de tomber dans le champd'application de l'article 42, 1DEG, de la loi du 12 avril 1965.

L'infraction visee à cet article est une infraction involontaire, quipeut etre imputee aussi bien à l'employeur qu'à ses mandataires,lorsqu'ils sont habilites à payer les remunerations.

In casu, il ressort des conclusions deposees par l'a.s.b.l. C.N.V.E.S.devant le tribunal du travail de Bruxelles que seule [la premieredefenderesse] est la gerante de l'association et donc seule apte à[l']engager (piece 7a [du demandeur]).

Il n'est pas etabli que [les deuxieme et troisieme defendeurs] etaienthabilites à payer les remunerations. Partant, l'infraction de l'article42,1DEG, de la loi du 12 avril 1965 ne peut leur etre imputee.

Quant à [la premiere defenderesse], en ce qui concerne l'element moral del'infraction, l'article 42 de la loi du 12 avril 1965 ne determine pasl'element intentionnel requis pour qu'il y ait infraction. Devant lesilence de la loi, l'element intentionnel ou moral de l'infraction existelorsque l'acte a ete commis librement, en sachant que l'on viole la loi ouen voulant la violer (Liege, 30 juin 2006, R.R.D., 2006, liv. 119, 167).

[La premiere defenderesse] expose que depuis 1996, la situation financierede l'a.s.b.l. C.N.V.E.S. etait preoccupante (cf. assemblee generale de1996, Moniteur belge du 20 juin 1996). La situation au 31 decembre 1997faisait etat d'un solde negatif de 700.316 francs et au 31 decembre 1998de 429.154 francs. Elle ne savait des lors pas faire face aux arrieres deremunerations [du demandeur].

Compte tenu de ces explications credibles, il incombe [au demandeur] deprouver l'element moral de l'infraction, ce qu'il demeure en defaut defaire ».

Griefs

Premiere branche

Le juge du fond peut suppleer d'office aux motifs invoques par lesparties, des lors qu'il n'eleve aucune contestation dont celles-ci ontexclu l'existence, qu'il se fonde uniquement sur des faits regulierementsoumis à son appreciation et qu'il ne modifie pas l'objet de la demande.Il doit, ce faisant, respecter les droits de la defense.

Apres avoir rappele l'enseignement contenu dans l'arret prononce le 7novembre 1997 par la Cour, enseignement developpe devant les juges d'appelpar les parties defenderesses, l'arret releve d'office que « le principede la quasi-immunite de l'organe d'une personne morale » rec,oitexception lorsque la faute de l'organe constitue egalement une infractionpenale. Il enonce ainsi que lorsque la faute constitue une infractionayant cause le dommage litigieux, la victime peut exercer une actionextra-contractuelle contre l'agent d'execution ou l'organe sans devoirdemontrer une faute et un dommage etrangers au contrat. Il enonce de memeque lorsqu'un organe d'une societe ou un mandataire agissant dans le cadrede son mandat commet une faute personnelle constituant un delit, cettefaute oblige l'administrateur ou le mandataire en personne à reparer.

L'arret precise ensuite que l'article 42 de la loi du 12 avril 1965concernant la protection de la remuneration erige en infraction lenon-paiement de la remuneration due et que « la demande en paiementd'arrieres de remuneration à titre de reparation en nature du dommagecause par l'infraction de non-paiement du salaire du peut etre formee nonseulement contre l'employeur, mais egalement contre un employe ou unmandataire qui s'est rendu coupable de cette infraction ».

Apres avoir precise d'initiative que les arrieres de remuneration pour lesmois d'aout, octobre et novembre 1996 (176.136 francs), la prime de find'annee pour 1996 (44.186 francs) et les pecules de vacances 1996 et 1997(73.079 francs et 32.697 francs) tombent dans le champ d'application del'article 42, 1DEG, de la loi du 12 avril 1965, l'arret decide par unpremier moyen de fait souleve d'office, qu'il ressort « in casu, [...]des conclusions deposees par l'a.s.b.l. C.N.V.E.S. devant le tribunal dutravail de Bruxelles que seule [la premiere defenderesse] est la gerantede [l'association], et donc seule apte à [l']engager (piece 7a [dudemandeur]) », qu'il « n'est pas etabli que [les deuxieme et troisiemedefendeurs] etaient habilites à payer les remunerations » et que,« partant, l'infraction de l'article 42, 1DEG, de la loi du 12 avril 1965ne peut leur etre imputee ».

L'arret estime, ensuite, par un deuxieme moyen de fait souleve d'office,que la premiere defenderesse « expose que depuis 1996, la situationfinanciere de l'a.s.b.l. C.N.V.E.S. etait preoccupante (cf. assembleegenerale de 1996, Moniteur belge du 20 juin 1996). La situation au 31decembre 1997 faisait etat d'un solde negatif de 700.316 francs et au 31decembre 1998 de 429.154 francs. Elle ne savait des lors pas faire faceaux arrieres de remunerations [du demandeur] » et conclut que « comptetenu de ces explications credibles, il incombe [au demandeur] de prouverl'element moral de l'infraction, ce qu'il demeure en defaut de faire ».

En la cause, ni le demandeur ni les defendeurs n'avaient articule leursargumentations respectives sur l'existence d'une infraction denon-paiement des remunerations, infraction qui serait constitutive d'uneexception à l'application de la theorie du concours de responsabilite.Les defendeurs en particulier s'etaient contentes de preciser que leurresponsabilite personnelle ne pouvait etre engagee sur la base del'article 1382 du Code civil en vertu de la theorie du concours deresponsabilites puisque le demandeur ne postulait « que des dommagesresultant d'une mauvaise execution contractuelle par l'association ».

S'il peut etre admis que le juge du fond peut verifier d'office, sansnecessairement rouvrir les debats, les conditions d'application d'uneregle de droit invoquee par les parties, le juge du fond adopte toutefoisune demarche excessive qui ne peut etre justifiee lorsque cetteverification le conduit à relever d'office plusieurs moyens de fait,reposant sur des faits allegues par les parties, mais non montes enepingle par elles, qui dejouent à ce point leurs previsions qu'il s'endeduit, à defaut d'avoir ete soumis à la contradiction des parties, unemeconnaissance flagrante des droits de la defense.

En decidant ainsi, alors que les defendeurs n'avaient pas fonde leurargumentation sur ces elements de fait, qu'il « ressort des conclusionsdeposees par l'a.s.b.l. C.N.V.E.S. devant le tribunal du travail deBruxelles que [la premiere defenderesse] est la gerante de[l'association], et donc seule apte à [l']engager », et qu'il n'est deslors pas etabli que les deuxieme et troisieme defendeurs etaient habilitesà payer les remunerations de sorte que l'infraction de l'article 42,1DEG, de la loi du 12 avril 1965 ne peut leur etre imputee, l'arretsouleve d'office un moyen de fait et meconnait les droits de la defense dudemandeur ainsi que le principe general du droit qui trouve applicationdans l'article 774 du Code judiciaire, en vertu duquel le juge est tenu,tout en respectant les droits de la defense, de determiner la normejuridique applicable à la demande portee devant lui et d'appliquercelle-ci, à defaut d'avoir ordonne la reouverture des debats afin que ledemandeur puisse s'expliquer.

En decidant ensuite, alors qu'aucune des parties n'avaient articuled'argumentation relative à l'existence d'une cause de non-imputabilite,que « [la premiere defenderesse] expose que depuis 1996, la situationfinanciere de l'a.s.b.l. C.N.V.E.S. etait preoccupante (cf. assembleegenerale de 1996, Moniteur belge du 20 juin 1996). La situation au 31decembre 1997 faisait etat d'un solde negatif de 700.316 francs et au 31decembre 1998 de 429.154 francs. Elle ne savait des lors pas faire faceaux arrieres de remunerations [du demandeur] » pour constater que ledemandeur n'a pas prouve l'element moral de l'infraction, ce qu'il etaitpourtant tenu de faire selon l'arret, des lors que les« explications » de la premiere defenderesse etaient credibles, l'arretsouleve d'office un moyen de fait qui à defaut d'avoir ete soumis à lacontradiction des parties, meconnait les droits de la defense du demandeurainsi que le principe general du droit relatif à l'office du juge vise aumoyen.

Deuxieme branche

Il resulte de l'article 71 du Code penal qu'« il n'y a pas d'infraction,lorsque l'accuse ou le prevenu [...] a ete contraint par une force àlaquelle il n'a pu resister ».

Les principes generaux du droit penal, qui requierent un element moralpour chaque infraction dont la charge de la preuve incombe au ministerepublic et eventuellement à la partie civile, ne font pas obstacle au faitque, pour certaines infractions, en raison du caractere propre de l'actepunissable, la preuve que l'auteur a commis sciemment et volontairement lefait resulte de la contravention à la prescription meme, etant entenducependant que l'auteur est mis hors de cause lorsque la force majeure,l'erreur invincible ou une autre cause de justification est demontree ou,à tout le moins, n'est pas depourvue de credibilite. En d'autres termes,si un auteur conteste avoir commis une infraction penale reglementaire, ildoit determiner s'il peut soulever une cause de justification. A cetegard, il doit uniquement demontrer que son allegation n'est pas depourvuede toute credibilite. Il incombe alors à la partie poursuivante ou à lapartie civile d'en demontrer l'inexactitude.

Apres avoir precise « quant à [la premiere defenderesse qu'] en ce quiconcerne l'element moral de l'infraction, l'article 42 de la loi du 12avril 1965 ne determine pas l'element intentionnel requis pour qu'il y aitinfraction » et que « devant le silence de la loi, l'elementintentionnel ou moral de l'infraction existe lorsque l'acte a ete commislibrement, en sachant que l'on viole la loi ou en voulant la violer »,l'arret enonce que « [la premiere defenderesse] expose que depuis 1996,la situation financiere de l'a.s.b.l. C.N.V.E.S. etait preoccupante (cf.assemblee generale de 1996, Moniteur belge du 20 juin 1996). La situationau 31 decembre 1997 faisait etat d'un solde negatif de 700.316 francs etau 31 decembre 1998 de 429.154 francs. Elle ne savait des lors pas faireface aux arrieres de remunerations [du demandeur] » et decide que« compte tenu de ces explications credibles, il incombe [au demandeur] deprouver l'element moral de l'infraction, ce qu'il demeure en defaut defaire ».

En considerant qu'ils pouvaient deduire des conclusions de la premieredefenderesse que celle-ci s'etait implicitement prevalue d'une cause denon-imputabilite qui impliquait que le demandeur prouve que cetteallegation etait depourvue de credibilite, alors qu'il est constant que lapremiere defenderesse n'avait pas articule une telle defense puisquel'existence d'une infraction penale n'a jamais ete debattue par lesparties, l'arret supplee d'office une argumentation qui, en applicationdes regles relatives à la charge de la preuve en matiere penale, devaitetre alleguee par la partie à qui il etait reproche d'avoir commis lefait materiel d'une infraction, en l'espece le non-paiement de laremuneration. En suppleant cette argumentation, l'arret meconnait ainsiles regles relatives à la charge de la preuve en matiere penale visees aumoyen, ainsi que l'article 71 du Code penal qui dispose que l'accuse ou leprevenu peut demontrer l'existence d'une cause de non-imputabilite.

En outre, l'arret meconnait encore les droits de la defense du demandeuren reprochant à ce dernier de ne pas s'etre defendu sur un element quin'avait pas ete debattu et dont le demandeur n'avait des lors pasconnaissance, ce qui constitue une violation du principe general du droitrelatif aux droits de la defense.

Plus subsidiairement enfin, si l'arret doit etre interprete comme ayantplus particulierement retenu dans le chef de la premiere defenderessel'existence d'une contrainte comme cause de non-imputabilite au sens del'article 71 du Code penal, l'arret n'est pas legalement motive des lorsque les conditions d'invocation de la contrainte, implicitement retenuepar la cour [d'appel], ne sont pas reunies. Pour etre retenue, lacontrainte doit en effet trouver sa source dans un evenement exterieur ouindependant de la volonte et, a fortiori, de la faute de l'agent. En cesens, la contrainte doit etre imprevisible dans la mesure ou lorsqu'elle apu etre prevue, la volonte de l'agent est censee avoir pu la conjurer.

En l'espece, il resulte de ses motifs que l'arret retient une situationfinanciere difficile comme contrainte credible, tout en constatantincidemment que celle-ci etait previsible puisque la situation financierede l'association avait dejà ete consideree comme preoccupante en juin1996. En admettant ainsi l'existence d'une contrainte alors qu'il releveen meme temps que celle-ci n'etait pas imprevisible, l'arret meconnaitl'article 71 du Code penal.

Troisieme branche

L'arret decide encore que « [le demandeur] ne demontre pas davantage que[les defendeurs] auraient frauduleusement organise l'insolvabilite del'a.s.b.l. C.N.V.E.S. ni qu'ils auraient commis une infraction dans lecadre de la liquidation ».

En termes de conclusions, le demandeur a developpe sous le titre des faitset retroactes de la cause que « toutes les decisions relatives àl'a.s.b.l C.N.V.E.S. se discutaient en famille, ainsi notamment lafondation en 1995-1996 d'une seconde association sans but lucratifreprenant les nouvelles activites de Madame D. G. (l'a.s.b.l. ClassesNatures Vacances), l'a.s.b.l. C.N.V.E.S. eprouvant curieusement à daterde l'annee suivante (1997- ?) de pretendues difficultes financieres,malgre un carnet de reservation complet ! ». Il se deduit des motifsprecites de la motivation de l'arret que celui-ci deduit des faits ainsiinvoques incidemment que les elements developpes par le demandeurpouvaient etre qualifies d'infractions, mais que celles-ci n'etaient pasdemontrees par lui.

Dans la mesure ou [l'arret] a deduit d'office, des elements de faitadventices souleves par le demandeur, que ceux-ci pouvaient etre qualifiesd'infractions, la cour [d'appel] devait soumettre ces elements à lacontradiction des parties avant de pouvoir conclure que le demandeur nedemontrait pas l'existence de ces infractions. En ne le faisant pas, ellea meconnu le principe general relatif aux droits de la defense.

Deuxieme moyen

Disposition legale violee

Article 149 de la Constitution

Decisions et motifs critiques

L'arret dit recevable mais non fondee l'action originaire du demandeur, eten particulier sa demande relative à l'indemnite de 500.000 francs (soit12.394,68 euros) reclamee à titre de dommage moral, et ce par tous sesmotifs et specialement les motifs suivants :

« [Le demandeur] reclame egalement une somme de 12.500 euros à titre dereparation du dommage moral en raison de l'attitude procedurale [desdefendeurs] devant le tribunal du travail, dans le cadre du litige Zon enZee ou encore dans la presente cause. Il leur fait grief de l'avoircontraint à poursuivre diverses procedures et multiplier les demarches(syndicat, inspection sociale, ...) en vue de faire respecter ses droits.

Force est de constater que devant le tribunal du travail, [les defendeurs]n'etaient pas parties. [Le demandeur] a obtenu gain de cause contrel'a.s.b.l. C.N.V.E.S. [...]

Quant au litige Zon en Zee, ce ne sont pas [les defendeurs] qui ontattrait [le demandeur] dans cette procedure mais Zon en Zee.

Enfin, une procedure peut revetir un caractere temeraire non seulementlorsqu'une partie est animee de l'intention de nuire à une autre, maisaussi lorsqu'elle exerce son droit d'agir en justice d'une maniere quiexcede manifestement les limites de l'exercice normal de ce droit par unepersonne prudente et diligente (Cass., 31 octobre 2003, J.T., 2004, 135).

En l'espece, il decoule de la solution adoptee precedemment que l'appel[des defendeurs] n'est ni temeraire ni vexatoire.

Ce chef de demande n'est pas fonde ».

Griefs

En termes de conclusions, le demandeur enonc,ait, en ce qui concerne « laprocedure Zon en Zee », qu'« il a de meme du se defendre dans laprocedure Zon en Zee alors qu'il n'etait en rien partie à la gestion del'[a.s.b.l. C.N.V.E.S.] et certainement pas informe du litige (dossier Zonen Zee) ». Ces developpements se referaient implicitement à ceux quietaient relatifs à la qualite d'administrateur du demandeur, qualite quece dernier se defendait d'avoir jamais exercee, dans la mesure ou il n'enaurait jamais ete informe.

En se contentant de preciser que, « quant au litige Zon en Zee, ce nesont pas [les defendeurs] qui ont attrait [le demandeur] dans cetteprocedure mais Zon en Zee », l'arret ne repond pas au moyen precis prisde ce que le demandeur a subi illegitimement les consequences d'unequalite qu'il n'endossait pas dans les faits. L'arret viole ce faisantl'article 149 de la Constitution.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la troisieme branche :

En considerant que le demandeur « ne demontre pas davantage que [lesdefendeurs] auraient frauduleusement organise l'insolvabilite del'a.s.b.l. C.N.V.E.S. ni qu'ils auraient commis une infraction dans lecadre de la liquidation », l'arret ne decide pas que les faits invoquesen conclusions par le demandeur pouvaient etre qualifies d'infraction.

Le moyen qui, en cette branche, repose sur une lecture inexacte del'arret, manque en fait.

Quant à la premiere branche :

Le juge peut suppleer d'office aux motifs invoques devant lui, des lorsqu'il n'eleve aucune contestation dont les parties ont exclu l'existence,qu'il se fonde uniquement sur des faits soumis à son appreciation etqu'il ne modifie pas l'objet de la demande. Il doit, ce faisant, respecterles droits de la defense.

L'arret constate que le demandeur demandait la condamnation desdefendeurs, en leur qualite d'administrateurs d'une association sans butlucratif, au paiement de dommages et interets equivalant à trois mois deremuneration, une prime de fin d'annee et des pecules de vacances dontcette association lui restait redevable.

Pour rejeter cette demande, l'arret deduit des faits soumis à sonappreciation que l'element moral de l'infraction de non-paiement de laremuneration n'est pas etabli dans le chef de la premiere defenderesse etque l'infraction n'est pas imputable aux deuxieme et troisieme defendeurs.

Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que, d'une part,les defendeurs ne se sont pas prevalus du defaut d'element moral oud'imputabilite de l'infraction et que, d'autre part, la cour d'appel n'apas soumis à la contradiction des parties ces moyens qu'elle a soulevesd'office.

Des lors, l'arret meconnait le droit de defense du demandeur.

Le moyen, en cette branche, est, dans cette mesure, fonde.

Sur le second moyen :

L'article 149 de la Constitution, qui impose au juge le respect d'uneregle de forme, est etranger à la valeur de la reponse donnee auxconclusions.

En enonc,ant que « ce ne sont pas les defendeurs qui ont attrait ledemandeur dans cette procedure mais Zon en Zee », l'arret repond auxconclusions du demandeur qui soutenait qu'il avait du se defendre dans laprocedure introduite par cette partie.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner la deuxieme branche du premier moyen, qui nesaurait entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il rejette la demande du demandeur enpaiement de dommages et interets equivalant à trois mois de remuneration,une prime de fin d'annee et des pecules de vacances, augmentes desinterets, et qu'il statue sur les depens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne le demandeur à la moitie des depens et reserve le surplus deceux-ci pour qu'il y soit statue par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Les depens taxes à la somme de cinq cent quatre-vingt-neuf euros vingt etun centimes envers la partie demanderesse et à la somme de centquarante-cinq euros septante-deux centimes envers les partiesdefenderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Mathieu, les conseillers ChristineMatray, Martine Regout, Alain Simon et Mireille Delange, et prononce enaudience publique du trente-et-un janvier deux mille onze par le presidentde section Paul Mathieu, en presence du procureur general Jean-Franc,oisLeclercq, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

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| M-J. Massart | M. Delange | A. Simon |
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| M. Regout | Chr. Matray | P. Mathieu |
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31 JANVIER 2011 C.10.0123.F/16


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0123.F
Date de la décision : 31/01/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-01-31;c.10.0123.f ?
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