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14/02/2011 | BELGIQUE | N°S.09.0105.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 février 2011, S.09.0105.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.09.0105.F

L. P.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

COMMUNAUTE FRANC,AISE, representee par son gouvernement, en la personne duministre-president, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, place Surletde Chokier, 15-17,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, don

tle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domic...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.09.0105.F

L. P.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

COMMUNAUTE FRANC,AISE, representee par son gouvernement, en la personne duministre-president, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, place Surletde Chokier, 15-17,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 9 avril 2009par la cour du travail de Mons.

Le conseiller Alain Simon a fait rapport.

Le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 7 à 13 du decret du conseil de la Communaute franc,aise du 5juillet 2000 fixant le regime des conges de disponibilite pour maladie ouinfirmite de certains membres du personnel de l'enseignement ;

- articles 3, specialement alinea 1er, 1DEG, b), 3bis et 6, S: 3, de laloi du 3 juillet 1967 sur la prevention ou la reparation des dommagesresultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemindu travail et des maladies professionnelles dans le secteur public ;

- article 962 du Code judiciaire ;

- articles 10 et 11 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret decide qu'il n'y a pas lieu de designer, avant dire droit, unexpert avec la mission de dire si les absences de la demanderesse autravail du 1er janvier 2005 au 1er avril 2006 sont la consequence del'accident du travail dont elle a ete victime le 10 octobre 2002, par tousses motifs consideres ici comme integralement reproduits et plusparticulierement aux motifs que

« L'article 1er de l'arrete royal du 24 janvier 1969 relatif à lareparation, en faveur de membres du personnel du secteur public, desdommages resultant des accidents du travail et des accidents sur le chemindu travail rend applicable aux agents au service de la Communautefranc,aise le regime institue par la loi du 3 juillet 1967 sur laprevention ou la reparation des dommages resultant des accidents dutravail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladiesprofessionnelles dans le secteur public ;

En vertu de l'article 3bis de la loi du 3 juillet 1967, sous reserve d'unedisposition legale ou reglementaire plus favorable, les membres dupersonnel auxquels ladite loi a ete rendue applicable beneficient, pendantla periode d'incapacite temporaire jusqu'à la date de reprise complete dutravail, des dispositions prevues en cas d'incapacite temporaire totalepar la legislation sur les accidents du travail ;

En vertu de l'article 32 de l'arrete royal du 24 janvier 1969, les membressoumis à cet arrete conservent pendant la periode de l'incapacitetemporaire la remuneration due en raison de leur contrat de travail ou deleur statut legal ou reglementaire. Il s'agit d'une `disposition plusfavorable' au sens de l'article 3bis de la loi du 3 juillet 1967 ;

Par ailleurs, l'article 3, alinea 1er, 1DEG, b), de la loi du 3 juillet1967 dispose que la victime d'un accident du travail, d'un accidentsurvenu sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle a droità une rente en cas d'incapacite de travail permanente ;

Enfin, aux termes de l'article 6, S: 3, de la loi du 3 juillet 1967, sil'incapacite de travail permanente reconnue à la victime s'aggrave aupoint qu'elle ne puisse plus exercer temporairement son nouvel emploi,elle a droit pendant cette periode d'absence à l'indemnisation prevue àl'article 3bis ;

L'incapacite devient permanente lorsque les lesions sont consolidees,c'est-à-dire lorsqu'elles ne paraissent plus susceptibles d'evoluer.Apres la consolidation, la victime a droit à l'indemnisation del'incapacite permanente de travail resultant de l'accident du travail,laquelle consiste dans la perte ou la diminution du potentiel economiquede la victime sur le marche de l'emploi. Comme dans le secteur prive,l'etendue de ce dommage s'apprecie en fonction, non seulement del'incapacite physiologique, mais aussi de l'age, de la qualificationprofessionnelle, de la faculte de readaptation, de la possibilite dereeducation professionnelle et de la capacite à concurrence de la victimesur le marche general de l'emploi. La victime a droit à une rentecalculee proportionnellement au pourcentage d'invalidite ;

La victime d'un accident du travail ne peut cumuler pour une meme periodela remuneration statutaire due en cas d'incapacite temporaire et la rentedue en cas d'incapacite permanente ;

L'article 10 du decret du 5 juillet 2000 fixant le regime des conges et dedisponibilite pour maladie ou infirmite de certains membres du personnelde l'enseignement ne permet pas de deroger aux principes degages ci-avant,lesquels sont d'ordre public. Ledit article 10, qui vise l'hypothese du`conge' pour cause de maladie ou d'infirmite, ne pourrait trouverapplication apres la consolidation des lesions, seule la rechute enincapacite temporaire etant indemnisable dans le cadre de l'article 3bisde la loi du 3 juillet 1967. Tel ne peut etre le cas en l'espece, [lademanderesse] n'ayant repris aucune activite professionnelle depuis le 1erjanvier 2005 ;

Les lettres de [la defenderesse] vantees par [la demanderesse] ne sont pasde nature à enerver les principes clairs degages par la loi du 3 juillet1967 et sont d'ailleurs contredites par une note du `directeur generalorganisation' du 21 octobre 2005 ».

Griefs

Premiere branche

Dans ses conclusions d'appel, la demanderesse a soutenu qu'elle etait,entre le 1er janvier 2005 et le 2 avril 2006, dans l'incapacite d'exercersa fonction de maitre special d'education physique à la suite del'accident et qu'elle disposait d'un droit subjectif à contester ladecision du Medex selon laquelle ses absences posterieures à laconsolidation n'etaient plus en relation avec l'accident du travail. Ellea en consequence demande la designation d'un expert medecin.

En vertu des articles 7 à 9 du decret du 5 juillet 2000 fixant le regimedes conges de disponibilite pour maladie ou infirmite de certains membresdu personnel de l'enseignement, le membre du personnel enseignant empeched'exercer normalement sa fonction par suite de maladie ou d'infirmitebeneficie au cours de sa carriere d'un nombre limite de conges pourmaladie. Une fois ce quota epuise, il se trouve, en vertu de l'article 13de ce decret, en disponibilite de plein droit.

Par derogation aux articles 7 à 9 du decret, aux termes de l'article 10,alinea 1er, le conge pour cause de maladie ou d'infirmite est accorde sanslimite de temps lorsqu'il resulte d'un accident du travail, d'un accidentsur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle. Sauf pourl'application de l'article 11 (declaration d'inaptitude definitive), lesjours de conge accordes en application de l'alinea precedent ne sont paspris en consideration pour fixer le nombre de jours de conge dontbeneficie le membre du personnel en vertu des articles 7 à 9. En vertu del'article 12, les conges pour cause de maladie ou d'infirmite sontassimiles à des periodes d'activite de service.

Ce decret regle les conges pour maladie ou infirmite que l'agent peutobtenir et leur repercussion sur sa position administrative. Il n'a pas lememe objet que la loi du 3 juillet 1967 sur les accidents du travail dansle secteur public qui regle l'indemnisation de la victime d'un accident dutravail.

Le decret ne deroge des lors pas à la loi et ne peut etre interpreteselon les principes generaux de celle-ci. Ainsi, pour l'interpretation del'article 10, alinea 1er, du decret, il est indifferent que la loi sur lesaccidents du travail ne prevoie, apres la consolidation, que l'hypothesed'une indemnisation en incapacite temporaire totale et que tel ne soit pasle cas en l'espece. Il est egalement indifferent que la rente due à lavictime pour incapacite permanente soit fixee en fonction de la perte oude la diminution de son potentiel economique sur le marche general del'emploi. L'agent peut etre incapable de remplir sa fonction apres laperiode de consolidation, quelle que soit son inaptitude evaluee sur lemarche general de l'emploi. Son absence reste justifiee au regard dudecret et il conserve son droit aux conges prevus par celui-ci.

L'article 10, alinea 1er, du decret ne contient aucune distinction selonque l'absence due à un accident du travail survient avant ou apres ladate de consolidation et la notion de consolidation est etrangere à cettedisposition. Il s'en deduit que tous les jours d'absence pour incapacitede travail dus à un accident du travail sont des jours de conge auxquelsl'agent a droit et qui ne peuvent etre pris en consideration pourl'application de l'article 13 du decret.

Il s'en deduit egalement que l'agent trouve, dans l'article 962 du Codejudiciaire, le droit à la preuve par une expertise judiciaire de laqualification de ses absences au regard du decret.

En se fondant, pour debouter la demanderesse de sa pretention à voirdesigner avant dire droit un expert medecin aux fins de dire si sesabsences au travail du 1er janvier 2005 au 1er avril 2006 etaient laconsequence de l'accident du travail, sur « les principes clairs degagespar la loi du 3 juillet 1967 » auxquels le decret ne peut deroger,l'arret viole, partant, toutes les dispositions legales visees au moyen,à l'exception des articles 10 et 11 de la Constitution.

Seconde branche

En vertu de l'article 46, S: 1er, de l'arrete royal du 19 novembre 1998relatif aux conges et aux absences accordes aux membres du personnel desadministrations de l'Etat, le conge de maladie est accorde sans limite detemps lorsqu'il est provoque par un accident de travail ou un accidentsurvenu sur le chemin du travail. Sauf pour l'application de l'article 48,qui permet de declarer un agent definitivement inapte pour maladie, cesjours de conge ne sont pas pris en consideration, meme apres la date deconsolidation, pour determiner le nombre de jours de conge que l'agentpeut encore obtenir en vertu de l'article 41 et, partant, pour determinerà quel moment il se trouve de plein droit en disponibilite pour maladieconformement à l'article 56 du meme arrete.

Les agents de l'Etat auxquels est applicable l'arrete royal du 19 novembre1998 beneficient, comme les agents des communautes et en vertu del'article 1er de l'arrete royal du 24 janvier 1969 relatif à lareparation, en faveur des membres du personnel du secteur public, desdommages resultant des accidents du travail et des accidents survenus surle chemin du travail, des dispositions de la loi du 3 juillet 1967. Cesdeux categories d'agents sont donc comparables.

Si l'article 10, alinea 1er, du decret du 5 juillet 2000 doit etreinterprete en ce sens que la neutralisation des jours d'absence pourmaladie ou invalidite due à un accident du travail ne peut trouverapplication apres la consolidation des lesions, cette disposition creealors une difference de traitement entre les personnes visees à l'article1er du decret et les agents de l'Etat auxquels s'applique l'article 46, S:1er, de l'arrete royal du 19 novembre 1998 relatif aux conges et auxabsences accordes aux membres du personnel des administrations de l'Etat ;cette difference de traitement n'est pas susceptible de justification ensorte que l'arret, qui denie à la demanderesse le droit de voir designerun expert medecin pour determiner si les jours de conge de maladie prisapres la consolidation sont dus à l'accident du travail, viole lesarticles 10 et 11 de la Constitution.

Il y a lieu, dans cette hypothese, de poser à la Cour constitutionnellela question prejudicielle libellee au dispositif de la requete.

III. La decision de la Cour

Le moyen critique la decision de l'arret disant non fondee la demande dela demanderesse en designation d'un expert charge de dire si ses absencesau travail du 1er janvier 2005 au 31 mars 2006 resultent de l'accident dutravail dont elle a ete victime le 10 octobre 2002.

Quant à la premiere branche :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen, en cette branche, et deduitede ce qu'il est nouveau :

La defenderesse fait valoir que, des lors qu'elle aurait soutenu devant lacour du travail que l'article 10 du decret de la Communaute franc,aise du5 juillet 2000 fixant le regime de disponibilite pour maladie ou infirmitede certains membres du personnel de l'enseignement est, au sens del'article 3bis de la loi du 3 juillet 1967 sur la prevention ou lareparation des dommages resultant des accidents du travail, des accidentssur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteurpublic, une disposition reglant l'indemnisation de la victime d'unemaniere plus favorable que les dispositions auxquelles renvoie cet article3bis, la demanderesse ne serait pas recevable à elever dans l'instance encassation un moyen fonde sur une autre interpretation de l'objet et desrapports respectifs desdits articles 10 du decret et 3bis de la loi.

Tant les dispositions du decret de la Communaute franc,aise du 5 juillet2000 que celles de la loi du 3 juillet 1967 interessent l'ordre public.

Quels que soient les moyens qu'elle ait soumis au juge du fond, lademanderesse est, des lors, recevable à invoquer contre l'arret un moyenqui, pris de la violation de telles dispositions, peut etre souleve pourla premiere fois devant la Cour.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen, en cette branche :

En vertu de l'article 10 du decret de la Communaute franc,aise du 5juillet 2000, le conge pour cause de maladie ou d'infirmite est accordesans limite de temps lorsqu'il resulte d'un accident du travail, d'unaccident sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle etn'est pas pris en consideration pour apprecier si l'agent, ayant epuise lenombre maximum de jours de conge qui peuvent lui etre accordes pour causede maladie ou d'infirmite, se trouve de plein droit en disponibilite.

Pas plus que les autres dispositions du decret, qui regle les conges pourcause de maladie ou d'infirmite que peut obtenir l'agent auquel ils'applique et leur incidence sur sa position administrative, l'article 10n'a pour objet l'indemnisation de la victime d'un accident du travail,d'un accident sur le chemin du travail ou d'une maladie professionnelle.

Cet article ne prevoit aucune distinction suivant que le conge qu'ilconcerne est accorde avant ou apres la consolidation des lesions.

En decidant, par les motifs reproduits au moyen, que l'article 10 « nepourrait trouver application apres la consolidation des lesions » enraison « des principes clairs degages de la loi du 3 juillet 1967 »,« lesquels sont d'ordre public », l'arret viole cette dispositionlegale.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour du travail de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers ChristineMatray, Martine Regout, Alain Simon et Mireille Delange, et prononce enaudience publique du quatorze fevrier deux mille onze par le presidentChristian Storck, en presence du procureur general Jean-Franc,oisLeclercq, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

+------------------------------------------+
| M-J. Massart | M. Delange | A. Simon |
|--------------+-------------+-------------|
| M. Regout | Chr. Matray | Chr. Storck |
+------------------------------------------+

14 FEVRIER 2011 S.09.0105.F/11


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.09.0105.F
Date de la décision : 14/02/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-02-14;s.09.0105.f ?
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