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28/03/2011 | BELGIQUE | N°S.10.0067.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 mars 2011, S.10.0067.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.10.0067.F

1. O. A.,

2. V. C.,

demanderesses en cassation,

representees par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain,36, ou il est fait election de domicile,

contre

ZONE DE POLICE DE MONS-QUEVY, dont les bureaux sont etablis à Mons, ruede la Croix-Rouge, 2,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 15 mars 2010par la

cour du travail de Mons.

Le conseiller Alain Simon a fait rapport.

L'avocat general delegue Michel Palumbo a concl...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.10.0067.F

1. O. A.,

2. V. C.,

demanderesses en cassation,

representees par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain,36, ou il est fait election de domicile,

contre

ZONE DE POLICE DE MONS-QUEVY, dont les bureaux sont etablis à Mons, ruede la Croix-Rouge, 2,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 15 mars 2010par la cour du travail de Mons.

Le conseiller Alain Simon a fait rapport.

L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.

II. Le moyen de cassation

Les demanderesses presentent un moyen libelle dans les termessuivants :

Disposition legale violee

Article 2 de la loi du 3 juillet 1967 sur la prevention ou la reparationdes dommages resultant des accidents du travail, des accidents survenussur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteurpublic

Decisions et motifs critiques

L'arret considere que [l'auteur des demanderesses] n'a pas ete victimed'un accident du travail le 4 juin 2003, aux motifs qu' « il resulte destemoignages enregistres sous la foi du serment, completes par les piecesdes dossiers des parties, que :

1) tous les temoins s'accordent pour considerer que les eleves aspirantspoliciers n'ont jamais recouru à la moindre violence dans les operationsd'interpellation et de neutralisation de [l'auteur des demanderesses] ;

2) si cet exercice devait constituer une replique fidele des methodesd'interpellation et de neutralisation des suspects auxquelles lespoliciers ont recours dans la realite, il n'en demeure, toutefois, pasmoins que la contrainte et la fermete pratiquees ne pouvaient en aucunefac,on etre assimilees à un exercice empreint de brutalites à l'egard dususpect interpelle ou generateur d'un stress particulier dans le chef dela personne interpellee, à savoir [l'auteur des demanderesses]. Il tombe,en effet, sous le sens que les aspirants policiers n'ont evidemment paspour vocation de porter atteinte à l'integrite physique de leur moniteur(il leur est, du reste, formellement interdit de porter des coups auxmoniteurs !) : il existe donc une difference fondamentale entre lesconditions de travail imposees à des moniteurs dans le cadre d'exercicesde techniques et de tactiques d'intervention et celles de l'interventionpoliciere reelle dans le cadre de laquelle les representants de l'autoritepeuvent, à tout moment, craindre reellement pour leur securite des lorsqu'ils ne peuvent pas toujours anticiper les reactions, par natureimprevisibles, des personnes interpellees par leurs soins ;

3) s'il doit etre admis que, le jour des faits litigieux, l'atmosphere(exterieure) etait chaude et orageuse, il s'impose, toutefois, de releverque l'exercice eut lieu dans un grand hall bien aere (voyez l'enquetemenee par l'inspecteur d'Ethias) et que [l'auteur des demanderesses] n'apas fait etat ce jour-là d'un sentiment de `mal etre' nourri par desinquietudes liees à son etat de sante : bien au contraire, de l'avis memedes personnes interrogees sous la foi du serment, [l'auteur desdemanderesses] etait en forme ce jour-là et heureux de participer à cetype d'exercice ;

4) [l'auteur des demanderesses] etait, en effet, desireux d'occuperl'emploi declare vacant de `moniteur de pratique' au sein de l'academie depolice, ayant pose sa candidature aux termes d'un courrier adresse aupresident de l'academie de police le 13 mars 2003. [L'auteur desdemanderesses] disposait precisement depuis 1988 d'un brevet d'instructeurde techniques et tactiques d'intervention, ce qui l'avait conduit, selonles temoignages recueillis par le premier juge (Messieurs C. et T.), àparticiper depuis plusieurs annees à ce type d'activites. C'est dire que[l'auteur des demanderesses] estimait, à titre personnel, que le postequ'il convoitait dans le cadre d'une nomination à titre definitif etaitparfaitement compatible avec son etat de sante et avec l'avis emis le 6novembre 2002 par le medecin du travail recommandant de l'affecter à des`travaux legers'. Le type d'exercices auquel participa [l'auteur desdemanderesses] le 4 juin 2003 peut effectivement etre qualifie de leger etne requerait aucun effort particulier ou susceptible de generer unsentiment de stress des lors que, suivant les temoignages recueillis,[l'auteur des demanderesses] a ete invite à repondre aux injonctions enlevant les mains en l'air, à se retourner et à se laisser menotteragenouille dans le dos sans opposer la moindre resistance aux elevescharges de proceder à son interpellation (voyez les temoignages depourvusde la moindre ambiguite de B. et C., les aspirants policiers qui etaientcharges d'interpeller [l'auteur des demanderesses]) ;

5. le rapport medical dresse par le docteur Filleul ne constitueevidemment pas la preuve que la lesion subie par [l'auteur desdemanderesses] est survenue par le fait meme de l'execution ducontrat. Il s'agit d'un rapport unilateral redige par un medecin quin'etait du reste meme pas le medecin traitant de [l'auteur desdemanderesses] et qui n'a evidemment pas ete le temoin des `conditionsde travail' auxquelles [celui-ci] a ete soumis le jour des faits. Cerapport ne presente qu'un interet limite en ce qu'il atteste despredispositions pathologiques de nature cardiaque de [l'auteur desdemanderesses], ces dernieres ayant ete actees par le docteur Filleulsur la base des antecedents medicaux affiches par [l'auteur desdemanderesses] et consignes dans son dossier medical transmis à sonepouse par son cardiologue traitant. Le docteur Filleul n'est doncnullement habilite pour conclure à l'existence d'un evenement soudainresponsable de la lesion physique diagnostiquee par le medecinurgentiste du S.M.U.R. appele sur les lieux.

Il est incontestable au regard des developpements qui precedent que[l'auteur des demanderesses] n'a pas ete victime d'un accident du travaille 4 juin 2003 dans la mesure ou il est acquis qu'il n'a ete soumis àaucun stress particulier engendre par l'execution du travail ni n'a fourniaucun effort particulier de nature professionnelle pouvant constituer lefacteur determinant ou un facteur co-determinant de la lesiondiagnostiquee.

La cause de la lesion doit, des lors, etre recherchee exclusivement dansl'organisme de la victime, cette derniere affichant une predisposition aumalaise cardiaque (infarctus), comme l'a atteste le docteur Filleul sur labase de ses antecedents medicaux consignes dans son dossier medical, desorte que l'infarctus ayant entraine la mort de [l'auteur desdemanderesses] aurait pu se produire en tout autre lieu ou en tout autretemps.

La requete d'appel [de la defenderesse] doit etre declaree fondee (sauf ence qu'elle sollicitait que la demande originaire soit declareeirrecevable) et le jugement prononce le 7 juin 2006 etre reforme en toutesses dispositions.

Griefs

L'article 2, alinea 1er, de la loi du 3 juillet 1967 sur la prevention oula reparation des dommages resultant des accidents du travail, desaccidents survenus sur le chemin du travail et des maladiesprofessionnelles dans le secteur public dispose qu'est considere commeaccident du travail tout accident qui survient à un travailleur dans lecours et par le fait de l'execution du contrat de louage de travail et quiproduit une lesion.

La notion d'accident n'est pas autrement definie dans la loi, si ce n'estque ses composantes sont precisees dans l'article 2, alinea 4, qui disposeque, lorsque la victime ou ses ayants droit etablissent, outre l'existenced'une lesion, celle d'un evenement soudain, la lesion est presumee,jusqu'à preuve du contraire, trouver son origine dans un accident.

L'accident du travail requiert qu'un evenement soudain survienne par lefait du contrat de travail et qu'il soit susceptible de causer une lesion.L'exercice habituel et normal de la tache journaliere peut etre unevenement soudain, à la condition que, dans cet exercice, puisse etredecele un element qui a pu produire la lesion ; il n'est toutefois pasexige que cet element se distingue de l'execution du contrat de travail.

Les demanderesses retenaient la qualification d'accident du travail etinvoquaient l'existence d'un evenement soudain, etant le fait de s'etrefait intercepter fermement et menotter par les eleves de l'academie depolice lors d'un exercice d'entrainement.

L'arret n'est pas legalement justifie en tant qu'il considere que[l'auteur des demanderesses] n'a pas ete victime d'un accident du travaille 4 juin 2003 dans la mesure ou il est acquis qu'il n'a ete soumis àaucun stress particulier engendre par l'execution du travail ni n'a fourniaucun effort particulier de nature professionnelle pouvant constituer lefacteur determinant ou un facteur co-determinant de la lesiondiagnostiquee.

Par ce motif, l'arret requiert l'existence d'un element particulierdistinct de l'execution du contrat de travail, etant l'existence d'unstress ou d'un effort particulier. Il refuse, par ailleurs, de considererque l'evenement soudain invoque par les demanderesses pouvait, à luiseul, constituer l'element qui a pu produire la lesion, au motif qu'il nese distingue pas de l'exercice habituel et normal de la tache journaliere.

L'arret n'exclut des lors pas legalement l'evenement soudain invoque parles demanderesses, en considerant que le jour des faits la victimeaccomplissait sa tache journaliere habituelle et qu'aucun geste, effort,attitude ou circonstance speciale ne s'est produit.

Ce faisant, l'arret viole l'article 2 de la loi du 3 juillet 1967 sur laprevention ou la reparation des dommages resultant des accidents dutravail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladiesprofessionnelles dans le secteur public.

III. La decision de la Cour

Un accident du travail requiert notamment l'existence d'un evenementsoudain causant une lesion.

L'exercice habituel et normal de la tache journaliere peut etre unevenement soudain, à la condition que, dans cet exercice, puisse etredecele un element qui a pu produire la lesion ; il n'est toutefois pasexige que cet element se distingue de l'execution du contrat de travail.

Apres avoir constate que l'auteur des demanderesses a ressenti un malaisecardiaque apres s'etre fait intercepter fermement, menotter et mettre àgenoux par les eleves de l'academie de police lors d'un exerciced'entrainement, l'arret attaque decide que ce geste ne constitue pas unevenement soudain aux motifs qu' « il est acquis qu'il n'a ete soumis àaucun stress particulier engendre par l'execution du travail ni n'a fourniaucun effort particulier de nature professionnelle pouvant constituer lefacteur determinant ou un facteur co-determinant de la lesiondiagnostiquee ».

En refusant d'admettre que l'action de s'etre fait intercepter fermement,menotter et mettre à genoux par les eleves de l'academie de police lorsd'un exercice d'entrainement pouvait, à elle seule, constituer l'elementqui a pu produire la lesion, l'arret viole la disposition visee au moyen.

Celui-ci est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arret casse;

Vu l'article 16 de la loi du 3 juillet 1967 sur la prevention ou lareparation des dommages resultant des accidents du travail, des accidentssurvenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans lesecteur public, condamne la defenderesse aux depens ;

Renvoie la cause devant la cour du travail de Bruxelles.

Les depens taxes à la somme de cent septente-deux euros vingt-troiscentimes envers les parties demanderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers ChristineMatray, Sylviane Velu, Alain Simon et Mireille Delange, et prononce enaudience publique du vingt-huit mars deux mille onze par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general delegue Michel Palumbo,avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

+------------------------------------------+
| M-J. Massart | M. Delange | A. Simon |
|--------------+-------------+-------------|
| S. Velu | Chr. Matray | Chr. Storck |
+------------------------------------------+

28 MARS 2011 S.10.0067.F/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.10.0067.F
Date de la décision : 28/03/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-03-28;s.10.0067.f ?
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