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08/04/2011 | BELGIQUE | N°C.10.0202.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 avril 2011, C.10.0202.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0202.N

ETAT BELGE, Finances,

Me Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,

contre

KATOEN NATIE TANK OPERATIONS, societe anonyme,

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 3 novembre 2009par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Geert Jocque a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libel

le dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 159, 170, 172 et 173 de la Constitution ;

- principe d...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0202.N

ETAT BELGE, Finances,

Me Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,

contre

KATOEN NATIE TANK OPERATIONS, societe anonyme,

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 3 novembre 2009par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Geert Jocque a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 159, 170, 172 et 173 de la Constitution ;

- principe de legalite, deduit des articles 159, 170, 172 et 173 de laConstitution ;

- article 109 de la loi du 4 aout 1986 portant des dispositions fiscales ;

- articles 5 et 8 de l'arrete royal nDEG 24 du 29 decembre 1992 relatif aupaiement de la taxe sur la valeur ajoutee ;

- articles 53, S: 1er, 3DEG, 70, specialement S: 1er, 72 et 84, alinea 3,de la loi du 3 juillet 1969 creant le Code de la taxe sur la valeurajoutee (C.T.V.A.), l'article 70 tant dans sa version anterieure que danssa version posterieure à sa modification par la loi du 20 juillet 2006 ;

- article 1er, 1DEG, de l'arrete royal nDEG 41 du 30 janvier 1987 fixantle montant des amendes fiscales proportionnelles en matiere de taxe sur lavaleur ajoutee et point I, 2, A de la premiere section du tableau G annexeà l'arrete royal precite ;

- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

Decision et motifs critiques

L'arret attaque declare l'appel de la defenderesse fonde, reforme lejugement du premier juge et declare la demande de la defenderesse fondee.

L'arret attaque declare illegale l'amende infligee par le demandeur parnotification du 22 novembre 2006 et ordonne le remboursement de l'amendepayee indument, d'un montant de 26.785 euros, à majorer des interetsjudiciaires au taux legal à partir du 7 mai 2007 jusqu'au jour dupaiement, et des depens.

L'arret attaque considere que la « notification du 22 novembre 2006tendant à etablir un compte special n'est pas suffisamment motivee, desorte qu'elle est nulle» et que l'amende infligee est illegale, par lesconsiderations suivantes :

« Cette decision ne fait pas mention des faits constitutifs del'infraction ni des motifs sur lesquels repose la fixation du montant del'amende.

Une simple reference à l'annexe de l'arrete royal nDEG 41 du 30 janvier1987 ne suffit pas.

L'article 109 de la loi du 4 aout 1986 portant des dispositions fiscalesimpose une obligation de motivation au moins aussi severe que celle de laloi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actesadministratifs, de sorte que cette derniere n'est pas applicable enl'espece.

2.3. Il ne ressort pas de la notification de l'etablissement d'un comptespecial que l'assujetti aurait connaissance des motifs qui ont conduitl'administration à lui infliger une amende. L'on ne saurait deduire de lanotification que l'amende a ete infligee en raison du paiement tardif dela T.V.A.; la notification ne mentionne meme pas la possibilite d'unpaiement tardif de la T.V.A. D'ailleurs, en principe, en cas de paiementtardif de la T.V.A., seuls les interets de retard sont dus et non laT.V.A.

2.4. Eu egard à ce qui precede, l'argument (du demandeur) suivant lequell'infliction d'une amende à l'occasion de l'etablissement d'un comptespecial releve de l'exercice d'une competence liee n'est pas pertinent etil n'y a pas lieu de l'examiner davantage.

2.5. Le fait que l'administration n'est pas tenue de motiver l'absence demauvaise foi n'implique pas qu'elle ne doit pas indiquer la raison pourlaquelle elle inflige une amende de dix pour cent.

(...)

Une violation de l'obligation de motivation entraine toujours la nullitede la decision.

2.7. En l'espece, il ne peut qu'etre constate que la notification du 22novembre 2006 tendant à etablir un compte special n'est pas suffisammentmotivee, de sorte qu'elle est nulle » .

Griefs

1. La nature periodique du regime de la T.V.A. a pour effet quel'assujetti et le Tresor effectuent constamment des compensations. C'estla raison pour laquelle l'administration tient un compte courant pourchaque assujetti tenu au depot de declarations periodiques (article 5 del'arrete royal nDEG 24 du 29 decembre 1992 relatif au paiement de la taxesur la valeur ajoutee).

Conformement à l'article 8, S: 1er, de l'arrete royal nDEG 24 du 29decembre 1992 precite, lorsque l'assujetti n'a pas respecte les regles enmatiere de depot et/ou de paiement, il peut etre decide par le ministredes Finances ou son delegue de distraire du compte courant vise àl'article 5 des operations anterieures à une date determinee par leministre ou son delegue, dans le cadre de ce qu'on peut appeler une remiseà zero, et de les inscrire sur un compte special pour la periode quiprecede cette date.

En ce cas, la decision indique la situation du compte courant à la datede la remise à zero et la periode pour laquelle le compte special esttenu. Cette decision est notifiee à l'assujetti par lettre recommandee(article 8, S: 1er, alinea 2, de l'arrete royal nDEG 24 du 29 decembre1992).

2. L'article 109 de la loi du 4 aout 1986 portant des dispositionsfiscales est libelle comme suit:

« Chaque fois qu'une administration fiscale adresse à un contribuable unavis par lequel il lui est reclame une amende administrative, cet avismentionne les faits constitutifs de l'infraction et la reference auxtextes legaux ou reglementaires dont il a ete fait application et donneles motifs ayant servi à fixer le montant de l'amende ».

Premiere branche

3. Il resulte des articles 53, S: 1er, 3DEG, 70, 72 et 84 du C. T.V.A.,1er, 1DEG, de l'arrete royal nDEG 41 du 30 janvier 1987 fixant le montantdes amendes fiscales proportionnelles en matiere de taxe sur la valeurajoutee et du point I, 2, A, de la premiere section du tableau G, annexeà l'arrete royal precite, qu'une amende, d'un montant de 10 pour cent dela taxe due, est infligee en cas de non-paiement de la taxe ou desacomptes dont l'exigibilite resulte de l'etablissement du compte specialet a fait l'objet d'une reclamation adressee par le controleur en chef dela T.V.A .

En vertu du principe de legalite fiscale (articles 170, 172 et 173 de laConstitution) et de la competence liee du demandeur qui en decoule, ledemandeur doit infliger ladite amende des que les conditions prevues parces dispositions sont remplies, sans disposer à cet egard du moindrepouvoir d'appreciation.

Partant, l'infliction d'une amende à l'occasion de l'etablissement ducompte special ne doit pas etre motivee autrement, dans la notification dela decision d'ouverture d'un compte special par le demandeur, que par lamention des faits justifiant l'infliction d'une amende, consistant dans lenon-paiement de la taxe ou des acomptes dont l'exigibilite resulte del'etablissement du compte special, et par la reference aux dispositionsapplicables.

Les faits memes justifiant l'infliction d'une amende, de concert avec lesdispositions legales applicables determinant le montant de l'amende(tableau G, I, 2, A), constituent les raisons ou les motifs ayant servi àfixer le montant de l'amende.

4. Dans la mesure ou la competence liee du demandeur influe veritablementsur l'etendue de l'obligation de motivation, prevue par l'article 109 dela loi du 4 aout 1986 portant des dispositions fiscales, l'arret attaquen'a par consequent pas legalement rejete comme non pertinent l'argumenttire par le demandeur de sa competence liee en matiere d'infliction d'uneamende, ni legalement decide que la decision/notification d'ouverture d'uncompte special du demandeur ne doit pas seulement faire mention des faitsconstitutifs de l'infraction et des dispositions legales applicables, maisegalement des « motifs » ou des « raisons » ayant servi à fixer lemontant de l'amende (violation des articles 159, 170, 172 et 173 de laConstitution, du principe de legalite, des articles 109 de la loi du 4aout 1986 portant des dispositions fiscales, 5, 8 de l'arrete royal nDEG24 du 29 decembre 1992 relatif au paiement de la taxe sur la valeurajoutee, 53, S: 1er, 3DEG, 70, 72, 84 du Code de la T.V.A. et 1er, 1DEG,de l'arrete royal nDEG 41 du 30 janvier 1987 fixant le montant des amendesfiscales proportionnelles en matiere de taxe sur la valeur ajoutee, pointI, 2, A de la premiere section du tableau G, annexe à l'arrete royalprecite).

(...)

Quatrieme branche

8. Le compte special determine, pour une periode determinee, à la lumieredes declarations introduites et des paiements effectues, les obligationsdont l'assujetti concerne doit s'acquitter en matiere de T.V.A., d'interetet d'amendes. Il est inherent à l'etablissement d'un compte special surla base de l'article 8 de l'arrete royal nDEG 24 du 23 octobre 1970, quedes taxes n'ont pas ete payees ou ont ete payees tardivement.

Lorsqu'un compte special mentionne qu'une T.V.A. est due, outre lesinterets et une amende, il est clair que le compte special et l'amende dueconcernent le non-paiement de la T.V.A.

En revanche, lorsqu'il ne mentionne que les interets dus et une amende,seul un retard dans le paiement de la T.V.A. fonde l'etablissement ducompte special et de l'infliction d'une amende.

En mentionnant la nature des montants dus (T.V.A. majoree des interets ouinterets seulement), la notification de l'etablissement d'un comptespecial satisfait par consequent à l'obligation de motivation del'article 109 de la loi du 4 aout 1986 portant des dispositions fiscales,en ce qui concerne la mention des faits justifiant l'infliction d'uneamende ainsi que celle des motifs ayant servi à fixer le montant del'amende.

9. Il s'ensuit que l'arret attaque n'a pu legalement considerer que lanotification de l'etablissement du compte special n'est pas suffisammentmotivee, de sorte qu'elle est nulle, etant donne que l'on peut deduire decette notification (voir la deuxieme branche) que le demandeur estredevable de T.V.A. à titre principal et que l'amende est etablie sur« le solde du à titre de T.V.A. », ce qui pouvait permettre à ladefenderesse de determiner les faits, raisons ou motifs ayant determine ledemandeur à lui infliger une amende, à savoir le non-paiement de laT.V.A. (violation des articles 109 de la loi du 4 aout 1986 portant desdispositions fiscales, 5, 8 de l'arrete royal nDEG 24 du 29 decembre 1992relatif au paiement de la taxe sur la valeur ajoutee, 53, S: 1er, 3DEG,70, 72, 84 du Code de la T.V.A., et 1er, 1DEG, de l'arrete royal nDEG 41du 30 janvier 1987 fixant le montant des amendes fiscales proportionnellesen matiere de taxe sur la valeur ajoutee, point I, 2, A de la premieresection du tableau G, annexe à l'arrete royal precite).

III. La decision devant la Cour

Quant à la premiere branche :

1. L'article 109 de la loi du 4 aout 1986 portant des dispositionsfiscales dispose : « Chaque fois qu'une administration fiscale adresse àun contribuable un avis par lequel il lui est reclame une amendeadministrative, cet avis mentionne les faits constitutifs de l'infractionet la reference aux textes legaux ou reglementaires dont il a ete faitapplication et donne les motifs ayant servi à fixer le montant del'amende ».

2. En vertu du principe de legalite fiscale, la « competence liee »oblige l'administration fiscale à infliger une amende des que lesconditions prevues par les articles 53, S: 1er, 3, 70, 72 et 84 du Code dela T.V.A. sont remplies.

Lorsqu'elle inflige une amende à l'occasion de l'etablissement d'uncompte special, elle n'est pas seulement tenue d'en aviser l'assujetti.Elle doit egalement communiquer les faits constitutifs de l'infraction, sereferer aux textes legaux ou reglementaires dont il a ete fait applicationet indiquer les motifs ayant servi à fixer le montant de l'amende.

Le moyen, en cette branche, qui repose sur un soutenement juridiquecontraire, manque en droit.

(...)

Quant à la quatrieme branche :

4. Le moyen, en cette branche, a pour premisse la conception juridiqueerronee suivant laquelle il est satisfait à l'obligation de motivationprevue par l'article 109 de la loi du 4 aout 1986 lorsque, sans quel'administration fiscale ait expressement motive l'amende infligee dans lanotification, le contribuable peut determiner lui-meme le motif pourlequel l'amende a ete infligee en analysant la legislation applicable surla base des elements mentionnes dans la notification.

Le moyen, en cette branche, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Edward Forrier, les conseillers EricDirix, Albert Fettweis, Geert Jocque et Filip Van Volsem, et prononce enaudience publique du huit avril deux mille onze par le president desection Edward Forrier, en presence de l'avocat general Dirk Thijs, avecl'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Sylviane Velu ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

8 AVRIL 2011 C.10.0202.N/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0202.N
Date de la décision : 08/04/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-04-08;c.10.0202.n ?
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