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15/09/2011 | BELGIQUE | N°C.10.0402.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 septembre 2011, C.10.0402.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0402.N

SLEUYTER EN ZONEN, s.p.r.l.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

M. A.,

Me. Michel Mahieu, avocat à la cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 25 fevrier 2010par la cour d'appel de Gand.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants

:

Dispositions legales violees

- articles 1126, 1127, 1128, 1129, 1130, 1134, 1147 à 1153, 1184, 1582,1583, 1598, 1599, 1600,...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0402.N

SLEUYTER EN ZONEN, s.p.r.l.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

M. A.,

Me. Michel Mahieu, avocat à la cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 25 fevrier 2010par la cour d'appel de Gand.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1126, 1127, 1128, 1129, 1130, 1134, 1147 à 1153, 1184, 1582,1583, 1598, 1599, 1600, 1601, 1603, 1604, 1610, 1611, 1626 et 1639 du Codecivil.

Decisions et motifs critiques

Les juges d'appel ont considere en premier lieu que c'est à juste titreque, sur la base des elements qu'il a indiques, le premier juge aconsidere qu'un contrat de vente avait ete conclu entre les parties. Lesjuges d'appel ont toutefois rejete la demande introduite par lademanderesse tendant à la resolution du contrat de vente à charge de ladefenderesse et tendant à obtenir des dommages et interets sur la basedes considerations suivantes :

« b. demande de la demanderesse

La demanderesse a introduit une demande de dommages-interets, consistanten la perte d'un gain de 250.000 euros, precisant à l'audience qu'ellefondait sa demande sur l'article 1184 du Code civil.

- Elle affirme de maniere expresse dans ses conclusions (...) que dans lamesure ou il est question d'un contrat de vente, `il est clair quel'article 1599 du Code civil rec,oit une application entiere en l'espece',ce qui implique que le contrat est nul.

En se referant à la jurisprudence qui precise que l'annulation du contratne peut etre demandee que par l'acheteur, elle affirme que c'est à tortque le premier juge a annule d'office le contrat.

Bien qu'il soit exact que le contrat ne peut etre annule qu'à la demandede la demanderesse, cela ne signifie pas qu'elle peut renoncer à cettenullite et à l'execution du contrat, mais bien qu'elle peut en demanderla resolution et eventuellement des dommages-interets pour non-execution.

Une des conditions de validite du contrat est que l'objet de celui-ci doitetre possible. N'etant pas le proprietaire exclusif de l'immeuble, ladefenderesse ne peut pas transferer seule le droit de propriete. L'objetdu contrat est, des lors, impossible.

Tant la demande en execution forcee que la demande en resolution ducontrat requierent qu'il soit question d'un contrat ayant un objetpossible.

La demanderesse ne peut, des lors, pas etre suivie lorsqu'elle estime, surla base des memes elements de fait, à savoir que la defenderesse n'etaitpas le seul proprietaire, qu'elle a le choix entre la demande enannulation du contrat et la demande en resolution avec dommages-interets.

Des lors que la demanderesse affirme de maniere expresse ne pas demanderl'annulation du contrat et que, vu le fait que le contrat a un objetimpossible, elle ne peut en demander la resolution, il y a lieu de rejetersa demande de dommages-interets sur cette base.

La demanderesse invoque la culpa in contrahendo et affirme que ladefenderesse a commis une faute lors de la phase preparatoire du contraten creant l'illusion qu'elle etait le seul proprietaire de l'immeuble.

- Fut-ce le cas, encore faudrait-il constater que cette faute alleguee n'apas cause de dommage consistant en la perte d'un gain. La demanderesse neprouve pas qu'elle aurait ete capable de conclure le meme contrat avec ladefenderesse et les autres co-proprietaires. Le seul fait que ces derniersaient refuse de signer le contrat de vente chez le notaire demontre àsuffisance qu'ils n'etaient pas prets à contracter aux memesconditions. »

(...)

Griefs

La demanderesse invoquait en ordre subsidiaire que, si le contrat entreles parties devait etre qualifie de contrat de vente effectif, l'article1599 du Code civil s'appliquait, et elle affirmait de maniere expresse quela nullite prevue par cet article ne pouvait etre invoquee que parl'acheteur. Sur cette base, la demanderesse invoquait que :

« En d'autres termes, la defenderesse ne peut pas demander l'annulationdu contrat de vente, cette nullite ne pouvant pas davantage etre prononceed'office par le tribunal ou la cour d'appel.

La situation est donc telle que la demanderesse ne demande nullementl'annulation du contrat de vente, de sorte que la vente s'esteffectivement realisee et que la demanderesse a effectivement obtenu desdroits (en tant qu'acheteur).

(...)

Ainsi, un contrat de vente s'est effectivement realise relativement àl'habitation sise dans la Koninginnelaan 51 à Ostende.

La defenderesse n'a toutefois pas satisfait à son obligation dedelivrance relativement à l'immeuble, telle que prevue à l'article 1604du Code civil ; au contraire, le 19 mai 2006, elle a fait savoir par sonnotaire qu'elle renonc,ait definitivement à la vente.

Des lors, la defenderesse a rompu le contrat, ce qui implique qu'elle estredevable de dommages-interets ». (...)

Sous le titre « Le droit à des dommages-interets », elle a ajoute que :

« Meme si l'on suppose qu'un contrat de vente effectif s'est realise, lademanderesse a droit aux dommages-interets precites. Eu egard à larupture du contrat par la defenderesse, la demanderesse a en effet droità l'indemnisation de la perte subie et du manque à gagner, conformementà l'article 1149 du Code civil ».

Les juges d'appel ont toutefois rejete cette demande de la demanderesseaux motifs suivants :

« Bien qu'il soit exact que le contrat ne peut etre annule qu'à lademande de la demanderesse, cela ne signifie pas qu'elle peut renoncer àcette nullite et à l'execution du contrat, mais bien qu'elle peutdemander la resolution et eventuellement des dommages-interets pournon-execution.

Une des conditions de validite du contrat est que l'objet de celui-ci soitpossible. N'etant pas le proprietaire exclusif de l'immeuble, ladefenderesse ne peut pas transferer seule le droit de propriete. L'objetdu contrat est, des lors, impossible.

Tant la demande en execution forcee que la demande en resolution ducontrat requierent qu'il soit question d'un contrat ayant un objetpossible.

La demanderesse ne peut, des lors, pas etre suivie lorsqu'elle estime, surla base des memes elements de fait, à savoir que la defenderesse n'etaitpas le seul proprietaire, qu'elle a le choix entre la demande enannulation du contrat et la demande en resolution avec dommages-interets.

Des lors que la demanderesse affirme ne pas demander l'annulation ducontrat et que, eu egard au fait que le contrat a un objet impossible,elle ne peut en demander la resolution, il y a lieu de rejeter sa demandede dommages-interets sur cette base ».

- Ainsi, les juges d'appel ont considere que, si quelqu'un vend(partiellement) la chose d'autrui, cette vente peut etre annulee, à lademande de l'acheteur uniquement, mais ce dernier ne peut en aucun cas enreclamer l'execution ou la resolution avec dommages-interets pournon-execution. Cette conception juridique manque en droit, pour la raisonsuivante.

- Aux termes de l'article 1582 du Code civil, la vente est une conventionpar laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer.Aux termes de l'article 1583, la vente est parfaite entre les parties, etla propriete est acquise de droit à l'acheteur à l'egard du vendeur, desqu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pasencore ete livree ni le prix paye. Conformement à l'article 1598, tout cequi est dans le commerce peut etre vendu, lorsque des lois particulieresn'en ont pas prohibe l'alienation. Conformement à l'article 1126 du Codecivil, tout contrat a pour objet une chose qu'une partie s'oblige àdonner, ou qu'une partie s'oblige à faire ou à ne pas faire etconformement à l'article 1127 du Code civil, le simple usage ou la simplepossession d'une chose peut etre, comme la chose meme, l'objet du contrat.Aux termes de l'article 1128 du Code civil, il n'y a que les choses quisont dans le commerce qui puissent etre l'objet des conventions etconformement à l'article 1129, il faut que l'obligation ait pour objetune chose au moins determinee quant à son espece et conformement àl'article 1130 les choses futures peuvent etre l'objet d'une obligation.

- Conformement à l'article 1603, le vendeur a deux obligationsprincipales, celle de delivrer et celle de garantir la chose qu'il vend etconformement à l'article 1604, la delivrance est le transport de la chosevendue en la puissance et possession de l'acheteur. Conformement àl'article 1610 du Code civil, si le vendeur manque à faire la delivrancedans le temps convenu entre les parties, l'acquereur pourra, à son choix,demander la resolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retardne vient que du fait du vendeur. Les articles 1611 et 1639 confirment laregle que l'acheteur a droit à des dommages et interets si le vendeurn'effectue pas la delivrance. Conformement à l'article 1599 du Codecivil, la vente de la chose d'autrui est nulle et elle peut donner lieu àdes dommages-interets lorsque l'acheteur a ignore que la chose fut àautrui. Seul l'acheteur et non le vendeur peut demander l'annulation de lavente de la chose d'autrui. Si l'acheteur decide de ne pas demanderl'annulation d'une telle vente, et tant que la nullite n'est pasprononcee, la vente sort des effets juridiques et dans ce cas, l'acheteurpeut introduire une demande en garantie conformement aux articles 1603 et1626 du Code civil, aux termes duquel le vendeur est oblige de droit àgarantir l'acquereur de l'eviction qu'il souffre dans la totalite oupartie de l'objet vendu. Il suit de ce qui precede que du simple faitqu'au moment de la vente la vendeuse n'etait pas le proprietaire exclusifde l'immeuble vendu, les juges d'appel ne pouvaient pas deduire quel'objet du contrat etait impossible. En considerant sur cette base que lademanderesse ne pouvait demander la resolution du contrat de vente et enrejetant, des lors, sa demande de dommages-interets, les juges d'appel ontviole toutes les dispositions legales indiquees au moyen.

III. La decision de la Cour

1. En vertu de l'article 1599 du Code civil, la vente de la chose d'autruiest nulle et cette vente peut donner lieu à des dommages-interets lorsquel'acheteur a ignore que la chose fut à autrui.

2. La nullite de la vente de la chose d'autrui decoule de la circonstanceque le transfert de propriete ne peut, en principe, pas se realiser.

Cette nullite est une nullite relative, qui ne peut etre invoquee que parl'acheteur et non par le vendeur et qui est susceptible de confirmation.

Cela n'implique toutefois pas que l'acheteur, qui invoque l'absence detransfert de propriete, a la possibilite de demander la resolution ducontrat en vertu de l'article 1184 du Code civil.

L'acheteur, qui invoque l'absence de transfert de propriete peutuniquement invoquer la nullite de la vente sur la base de l'article 1599du Code civil et, s'il ignorait que la chose appartenait à autrui,demander, le cas echeant, des dommages-interets.

Le moyen, qui se fonde sur une conception juridique differente, manque endroit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Edward Forrier, le president de sectionRobert Boes, les conseillers Eric Dirix, Eric Stassijns et Alain Smetryns,et prononce en audience publique du quinze septembre deux mille onze parle president de section Edward Forrier, en presence de l'avocat generalGuy Dubrulle, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Martine Regout ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

15 SEPTEMBRE 2011 C.10.0402.N/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 15/09/2011
Date de l'import : 25/12/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.10.0402.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-09-15;c.10.0402.n ?
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