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15/09/2011 | BELGIQUE | N°C.10.0424.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 septembre 2011, C.10.0424.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0424.N

PANTAINER AG, societe de droit suisse,

contre

LEGGET & PLATT TW Inc., societe de droit americain.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 avril 2008par la cour d'appel d'Anvers.

Le 27 juin 2011, l'avocat general Guy Dubrulle a depose des conclusions degreffe.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport et l'avocat general GuyDubrulle a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presen

te un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution co...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0424.N

PANTAINER AG, societe de droit suisse,

contre

LEGGET & PLATT TW Inc., societe de droit americain.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 avril 2008par la cour d'appel d'Anvers.

Le 27 juin 2011, l'avocat general Guy Dubrulle a depose des conclusions degreffe.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport et l'avocat general GuyDubrulle a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution coordonnee du 17 fevrier 1994 ;

- articles 85, 86, 89 et 91 du livre II, de la navigation maritime et dela navigation interieure, du Code de commerce, dite loi maritime ;

- articles 5.1 et 17.1 de la Convention du 16 septembre 1988 concernant lacompetence judiciaire et l'execution des decisions en matiere civile etcommerciale, faite à Lugano le 16 septembre 1988 et approuvee par la loidu 27 novembre 1996, dite Convention de Lugano ;

- articles 1er, 3 et 7.2 de la Convention du 19 juin 1980 sur la loiapplicable aux obligations contractuelles, faite à Rome et approuvee parla loi du 14 juillet 1987 ;

- articles 1er, 3, S: 1er et 7, S: 2, de la loi du 14 juillet 1987 portantapprobation de la Convention sur la loi applicable aux obligationscontractuelles, du Protocole et de deux Declarations communes, faits àRome le 19 juin 1980.

Decisions et motifs critiques

Par l'arret interlocutoire attaque du 7 avril 2008, la cour d'appeld'Anvers declare l'appel de la defenderesse recevable, l'appel incident dela demanderesse recevable mais non fonde, confirme le jugement entreprisdans la mesure ou le premier juge a considere etre competent/avoir lepouvoir de juridiction et ordonne, avant dire droit, une expertise. Cettedecision se fonde notamment sur les considerations suivantes :

« 2.

Le 25 janvier 2002, trois copies non signees de connaissements à en-tetede Pantainer Express Line - `carrier' (transporteur) : Pantainer Ltd(Bale, Suisse) - sont remises à Anvers par Panalpina World, plusprecisement :

- un connaissement portant le numero 537200 relatif au transport d'unconteneur TMMU 502 021/2, cense contenir 79 blocs de polyurethane ayant unpoids de 16.480 kg (...)

- un connaissement portant le numero 537201 relatif au transport d'unconteneur TTNU 960 120/6, cense contenir 52 blocs de polyurethane ayant unpoids de 16.620 kg (...)

- un connaissement portant le numero 537202 relatif au transport d'unconteneur CPSU 621 236/0, cense contenir 73 blocs de polyurethane ayant unpoids de 17.600 kg (...)

Ces documents de transport portant un cachet avec la mention `copy nonnegotiable' (copie non negociable) indiquent la societe anonyme Recticelcomme transporteur maritime, Legget & Platt comme receptionnaire (ou àson ordre) et MG Maher comme la partie à prevenir.

Il s'agissait, suivant les documents de transport, d'une expeditionFCL/FCL (FCL etant l'abreviation de full container load, FCL/FCLsignifiant que le chargeur delivre pour embarquement un conteneur qu'il alui-meme charge, rempli et scelle, qui, à destination, doit etre delivreintegralement au receptionnaire ).

...

5.

Il n'est pas conteste que le 1er fevrier 2002 le navire ms. Lykes Librators'est retrouve devant la cote bretonne par gros temps, ce qui a fait que58 conteneurs sont tombes par-dessus bord et que 10 conteneurs ainsi quele navire lui-meme ont ete endommages.

Pantainer remet un rapport des faits relativement au `gros-temps -incident', redige par le capitaine du navire ms. Lykes Librator (...).

6.

Parmi les conteneurs tombes par-dessus bord, se trouvaient les troisconteneurs precites.

Legget & Platt demande l'indemnisation de la perte de ces cargaisons,evaluee à 18.375,28 US dollars en principal.

V. APPRECIATION

A. Relativement au pouvoir de juridiction / à la competence

A.1

La question se pose de savoir si les cours et tribunaux belges ont lepouvoir de juridiction / la competence en l'espece. Cette question faitl'objet de l'appel incident et du present debat. Dans la citation du 24janvier 2003, l'objet de la demande est decrit comme un droit à indemnitepour le dommage pretendument subi du chef de la perte de trois cargaisonsde polyurethane qui avaient ete apportees à Anvers dans des conteneurs envue de leur transport maritime vers Houston (Texas, Etats Unisd'Amerique), sous le couvert de trois connaissements specifiquement emis,(...) et dont il est pretendu que ces marchandises - sans l'autorisationrequise et sans que cela ressorte des connaissements - avaient etemanifestement chargees et transportees sur le pont du navire.

Des lors que les conteneurs sont tombes par-dessus bord en mer et ont eteperdus, Legget & Platt (la demanderesse initiale) agit contre Pantainer(defenderesse initiale) pour cette perte mettant en cause saresponsabilite en tant que `proprietaire du navire et/ou affreteur /freteur et/ou emetteur du connaissement et/ou transporteur maritime et/ougestionnaire de navires'.

Dans la citation, Legget & Platt reproche à Pantainer d'avoir manquegravement à son obligation de prendre soin des marchandises des lorsqu'à Anvers, les marchandises devaient, en vertu de la loi, etre placeesdans la cale.

A.2

Dans le cadre de l'examen du pouvoir de juridiction / de la competence, ilest effectue un examen prima facie du rapport juridique entre lesparties ; il est notamment verifie si ce qui est soutenu par ladefenderesse en citation n'est pas manifestement contraire aux piecesproduites.

Prima facie, il y a lieu de constater que Legget & Platt se presente commedestinataire des marchandises et comme prejudicie qui ne s'identifie pasau chargeur, comme indique dans les connaissements de Pantainer.

Dans le cadre de l'investigation, il y a lieu de constater que lesconnaissements litigieux de Pantainer sont intitules `express bill ofladings'. La mention `express bill of ladings' se retrouve aussi sousl'en-tete des documents de transport emis par TMM Lines (...).

Pantainer indique meme que TTM Lines est le `transporteur de fait' à quielle a fait appel (...) et, des lors, un sous-entrepreneur - transporteurqu'elle a fait intervenir et avec lequel Legget & Platt, destinatairesuivant les connaissements de Pantainer, n'a aucun rapport.

Contrairement à ce qui est indique sur les documents de transport de TTMLines / express bill of ladings (...), il ne ressort pas desconnaissements de Pantainer qu'à la demande du chargeur (=Recticel) aucunconnaissement original n'a ete delivre et que les connaissements devaientservir uniquement de recepisse des marchandises et valoir comme preuve ducontrat de transport.

Les connaissements de Pantainer sont, prima facie, à considerer commeplus qu'un simple recepisse de marchandises à bord et qu'une preuve ducontrat de transport, comme il sera precise ci-apres.

Legget & Platt allegue que Pantainer a, sans l'autorisation requise etsans que cela ait ete indique sur les connaissements de Pantainer,manifestement charge les marchandises sur le pont plutot que dans la caleet qu'ainsi, Pantainer a manque à son obligation - attendue de touttransporteur maritime - d'exercer à Anvers une diligence raisonnable lorsdu chargement des marchandises qui lui ont ete confiees, avant et au debutdu voyage.

Relativement à l'examen du pouvoir de juridiction / de la competence, ilpeut etre conclu que les allegations de la citation de Legget & Platt nesont pas denuees de tout fondement et peuvent à premiere vue etre misesen concordance avec les documents produits.

A.3.

Le 24 janvier 2003, Legget & Platt a cite à Anvers, Pantainer, unesociete de droit suisse, etablie à Bale (Suisse).

Les circonstances ont donne lieu à l'examen du pouvoir de juridiction /de la competence dans le cadre de la Convention de Lugano du 16 septembre1988.

Jusqu'au 1er mars 2002, la Convention de Lugano etait la conventionparallele à la convention du 27 septembre 1968 concernant la competencejudiciaire et l'execution des decisions en matiere civile et commerciale,dite la Convention de Bruxelles. En vertu de l'acquis conventionnel, lajurisprudence relative à la Convention de Bruxelles anterieure à 1988est contraignante et celle posterieure à 1988 n'est plus contraignantemais elle fait autorite. En d'autres termes, une eventuelle jurisprudencede la Cour de justice relative à la Convention de Bruxelles restecontraignante/influente en l'espece. Une reference au Reglement (CE) nDEG44/2001 du 22 decembre 2000, applicable depuis le 1er mars 2002, ou unejurisprudence analogue, est sans pertinence.

La question de la competence internationale doit etre appreciee à lalumiere de la Convention de Lugano.

En vertu de la disposition generale de l'article 2 de la Convention deLugano, les personnes, domiciliees sur le territoire d'un Etatcontractant, sont attraites, quelle que soit leur nationalite, devant lesjuridictions de cet Etat. C'est la regle principale.

L'application des articles 17 et 5 de la Convention de Lugano peut donnercompetence à un autre for, si certaines conditions sont remplies.

Cela est examine ci-dessous.

A.3.1

L'article 18 des clauses contenues au dos des copies produites desconnaissements de Pantainer prevoit que « tout litige qui survient sousce connaissement ou qui y est lie, est exclusivement tranche par letribunal de Hambourg suivant le droit allemand. Le transporteur se reservele droit de mener la procedure contre le `merchant' à son domicile ».

La convention attributive de juridiction est conclue soit par ecrit ouverbalement avec confirmation ecrite (article 17, a, de la Convention deLugano), soit sous une forme qui soit conforme aux habitudes que lesparties ont etablies entre elles (article 17, b, de ladite convention),soit dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme àun usage dont les parties avaient connaissance ou etaient censees avoirconnaissance et qui est largement connu et regulierement observe dans cetype de commerce par les parties à des contrats du meme type dans labranche commerciale consideree (article 17, c, de la meme convention).

La demanderesse indique qu'elle se fonde sur les articles 17, a et 17, cde la Convention de Lugano.

Il a ete indique precedemment que Legget & Platt est ledestinataire/prejudicie mentionne sur les connaissements de Pantainer quine s'assimile pas au chargeur et qui est, des lors, un tiers à l'egardtant de Pantainer que de Recticel, les parties qui ont initialement conclule contrat de transport.

Legget & Platt n'etait, des lors, pas une partie à la conclusion ducontrat de transport avec sa clause attributive de competence pretendumentapplicable, mentionnee au dos des copies des connaissements de Pantainerproduits.

C'est à juste titre que Legget & Platt conteste avoir marque son accordsur cette clause. La preuve n'en est pas apportee par Pantainer. Aucunecrit à ce sujet n'est produit, aucun accord verbal n'est prouve par uneconfirmation ecrite consecutive.

Pantainer ne prouve pas davantage qu'un accord tacite sur la clauseattributive de juridiction en question pourrait etre deduit de l'attitudede Legget & Platt.

Meme si la reprise d'une clause attributive de competence dans lesconnaissements pouvait etre consideree comme un usage entre certainstransporteurs maritimes et certains chargeurs, il ne peut etre deduit enl'espece des pieces produites qu'un tel usage - à supposer qu'il soitetabli - existerait aussi dans le chef de Legget & Platt, soit le tiersprejudicie.

Relativement à la clause attributive de juridiction dans lesconnaissements, il y a lieu de conclure que la clause litigieuse ne liepas la defenderesse, ou, à tout le moins, ne lui est pas opposable.

En tant qu'elle se fonde sur les articles 17, a ou 17, c de la Conventionde Lugano la demande n'est pas fondee.

A.3.2

Y a-t-il pouvoir de juridiction / competence en vertu de l'article 5.1 dela Convention de Lugano ?

Le defendeur domicilie sur le territoire d'un Etat membre peut etreattrait, en matiere contractuelle, devant le tribunal du lieu oul'obligation qui sert de base à la demande a ete ou doit etre executee.

A.3.2/a

Dans l'acte d'appel (...), Legget & Platt indiquait que « lesdispositions imperatives de la U.S. Cogsa sont applicables, independammentde savoir si c'est le connaissement au sens strict ou un connaissementmaritime ou tout autre document qui est redige ».

Dans le meme acte, la defenderesse indiquait aussi que « l'appel se fondesur les moyens et conclusions deposes devant le premier juge et sur tousautres moyens à faire valoir devant la cour (d'appel) en temps utile ».

Dans ses deuxiemes et dernieres conclusions (de synthese) devant la cour(d'appel) du 30 novembre 2007 (...), la defenderesse rectifie son point devue anterieur sur le choix du droit applicable en ce sens qu' « en ordreprincipal, les personnes interessees aux biens estiment que l'article 91de la loi maritime, ou à tout le moins la Convention de Bruxelles pourl'unification de certaines regles en matiere de connaissement du 25 aout1924 elle-meme, est applicable. Ce n'est qu'en ordre accessoire etsubsidiaire qu'elles se referent à la U.S. Cogsa ».

La cour (d'appel) en deduit que la defenderesse n'a de toute fac,on pasfait de choix imperatif, non ambigu et exclusif du droit americain (U.S.Cogsa).

A.3.2/b

Il faut donc determiner le droit applicable, au moyen des regles de renvoidu juge saisi.

Pour l'appreciation de ce qui suivra, il y a lieu de prendre enconsideration que c'est le 1er fevrier 2002, soit quelques jours apres ledepart du navire ms. Lykes Librator, le 25 janvier 2002, et au cours de latraversee, que les conteneurs litigieux de marchandises sont tombespar-dessus bord, alors qu'un titre de delivrance ne s'averait necessairequ'à destination, le 11 fevrier 2002 (date de l'arrivee probable àHouston).

Il peut etre admis qu'à la suite de la perte certaine des marchandises 15jours avant la fin de la traversee - soit largement avant l'arrivee dunavire à Houston - il etait certain que les titres (negocies) relatifsaux conteneurs de polyurethane litigieux tombes par-dessus bord neseraient plus utiles à leur delivrance à destination.

Quels effets peuvent etre reserves aux (copies des) connaissements dePantainer qui ont ete remises, dans le cadre de l'examen du pouvoir dejuridiction / de la competence ?

En l'espece, il s'agissait d'un transport par mer sous le couvert deconnaissements emis à en-tete de Pantainer, qui est indique comme`carrier' (transporteur) (...).

Il n'est pas prouve par Pantainer que relativement à ces connaissementsde Pantainer, Recticel aurait renonce à la demande de delivrance deconnaissements originaux et que les connaissements litigieux n'auraientservi que de recepisse des marchandises à bord.

En principe, les connaissements doivent etre consideres comme etantnegociables. La mention « copy non negotiable » (copie non negociable)sur les copies des connaissements de Pantainer remises par la demanderessen'y change rien.

Les connaissements en question de Pantainer mentionnent tous « receivedby Pantainer Express Line for shipment by ocean vessel between port ofloading and port of discharge ... » ce que, à defaut de traduction, lacour (d'appel) pense pouvoir comprendre comme « rec,ues par PantainerExpress Line pour le transport par navire entre le port de chargement etle port de dechargement... ».

Les copies transmises des connaissements de Pantainer indiquentincontestablement que Pantainer s'etait engagee à un transport entre lesports de chargement et de dechargement.

En outre, les connaissements litigieux nous apprennent que le transporteur(Recticel) et le destinataire (Legget & Platt) sont deux personnes moralesdistinctes, de sorte que le destinataire Legget & Platt - egalementprejudicie - doit etre considere comme un tiers.

Finalement, la cour (d'appel) considere qu'il ne peut etre affirme enl'espece que le fait qu'aucun connaissement original de Pantainer n'a eteproduit, voire negocie, pourrait etre attribue à Legget & Platt.

En conclusion, il peut etre admis que, vu le contexte specifique, Legget &Platt pouvait legitimement croire a) que des connaissements originaux dePantainer seraient emis et b) que ces connaissements seraient àconsiderer comme des connaissements negociables afin de lui permettre, (àelle ou à son ordre) - cf. les copies des bills of lading - dereceptionner les conteneurs litigieux à destination, en tout casd'exercer le droit de delivrance relativement à ces conteneurs.

Le transport maritime etait un transport depuis un port belge.

La cour (d'appel) considere, des lors, qu'un tel transport par mer estregi par le droit belge, plus specifiquement par la Convention deBruxelles pour l'unification de certaines regles en matiere deconnaissement du 25 aout 1924, telle qu'elle a ete completee par lesProtocoles des 23 fevrier 1968 et 21 decembre 1979, devenue l'article 91de la loi maritime par l'effet de la loi du 11 avril 1989.

En droit international prive, l'incorporation en droit belge desHague-Visby-Rules, tel qu'indiquee ci-dessus, a le statut de loi (depolice) directement applicable, ce qui ecarte les clauses attributives dudroit figurant au dos des connaissements de Pantainer, plus precisementcelle relative à la Cogsa I USA (Clause Paramount), ainsi que cellerelative au droit allemand (clause 18 - Law and Jurisdiction).

L'article 7.2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loiapplicable aux obligations contractuelles ne porte pas atteinte àl'application des regles de la loi du pays du juge qui regissentimperativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat.

A.3.2/c

Il y a lieu de determiner quelle est l'obligation s'imposant à Pantainerque celle-ci n'a pas observee et qui est à la base de la demande deLegget & Platt.

Il a ete mentionne precedemment que Legget & Platt indiquait en citationqu'elle reprochait à Pantainer d'avoir manque à son obligation deprendre soin des marchandises, et notamment d'avoir, sans l'autorisationrequise et sans avoir appose une mention sur les connaissements, chargeles conteneurs litigieux sur le pont, alors qu'il auraient du l'etre dansla cale.

La demande d'indemnisation de la violation de cette obligation en est laconsequence directe.

A.3.2/d

Finalement, il y a lieu de determiner le lieu d'execution. Consacrer ladiligence necessaire à la cargaison precedemment decrite constitue uneobligation qui, comme l'indique l'article 91, A, S: III, aliena 1er, de laloi maritime, s'effectue avant et au debut du voyage, soit dans le port dedepart d'Anvers.

Conclusion

Le tribunal de commerce d'Anvers etait competent, en vertu de l'article5.1 de la Convention de Lugano, aux motifs exposes ci-dessus. L'appelincident est rejete.

Un examen plus approfondi de l'applicabilite eventuelle de l'article 5.5de la Convention de Lugano en vue de conclure au pouvoir de juridiction dela cour d'appel, comme le soutient la defenderesse, est sanspertinence. »

Griefs

1.a Aux termes de l'article 5.1 de la Convention du 16 septembre 1988concernant la competence judiciaire et l'execution des decisions enmatiere civile et commerciale, faite à Lugano le 16 septembre 1988 etapprouvee par la loi du 27 novembre 1996, dite Convention de Lugano, ledefendeur, domicilie sur le territoire d'un Etat contractant, peut etreattrait, en matiere contractuelle, devant le tribunal du lieu oul'obligation, qui sert de base à la demande, a ete ou doit etre executee.

Cette disposition suppose, d'une part, que le defendeur se soit engagevolontairement à l'execution de l'obligation dont le demandeur demandel'execution, d'autre part, que cette obligation a ete ou devait etreexecutee dans le pays du tribunal saisi de la demande du demandeur, ce quidevra etre determine à la lumiere du droit applicable à l'obligationprecitee.

Il suit de l'article 3.1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur laloi applicable aux obligations contractuelles, approuvee par la loi du 14juillet 1987, qui est applicable, en vertu de son article 1er, auxobligations contractuelles dans les situations comportant un conflit delois, ainsi que de l'article 3, S: 1er, de la loi du 14 juillet 1987portant approbation de la Convention sur la loi applicable aux obligationscontractuelles, du Protocole et de deux Declarations communes, faits àRome le 19 juin 1980, qui est applicable en vertu de son article 1er,qu'un contrat est regi par la loi choisie par les parties.

En vertu de l'article 7.2 de cette meme convention, ainsi que de l'article7, S: 2, de la loi du 14 juillet 1987, les dispositions de cetteconvention ne pourront, toutefois, porter atteinte à l'application desregles de la loi du pays du juge qui regissent imperativement la situationquelle que soit la loi applicable au contrat.

1.b L'article 17 de la Convention de Lugano precitee dispose, lui, que siles parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'unEtat contractant, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etatcontractant pour connaitre des differends nes ou à naitre à l'occasiond'un rapport de droit determine, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etatsont seuls competents.

La convention attributive de juridiction est conclue soit par ecrit ouverbalement avec confirmation ecrite (article 17, a, de la Convention deLugano), soit sous une forme qui soit conforme aux habitudes que lesparties ont etablies entre elles (article 17, b, de ladite convention),soit dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme àun usage dont les parties avaient connaissance ou etaient censees avoirconnaissance et qui est largement connu et regulierement observe dans cetype de commerce par les parties à des contrats du meme type dans labranche commerciale consideree (article 17, c, de la meme convention).

Une telle clause sera aussi opposable au tiers s'il est etabli que cetiers est subroge dans les droits et obligations d'une des parties, cequ'il faut decider à la lumiere du droit applicable à cette convention,qui est à determiner au moyen des regles nationales du droitinternational prive.

2. Suivant les constatations de l'arret attaque, la defenderesse, tiers aucontrat de transport, invoquait un connaissement, auquel s'appliquaient,selon elle, les dispositions de l'article 91 de la loi maritime.

L'article 91, a, de la loi maritime dispose que le connaissementnegociable emis pour le transport des marchandises effectue par toutnavire, de quelque nationalite qu'il soit, au depart ou en destinationd'un port du royaume, est regi par les regles contenues à cet article.

Aux termes de l'article 91 de la loi maritime, cet article n'est doncapplicable qu'aux connaissements negociables.

Pour pouvoir invoquer la disposition precitee, celui qui pretend à uneindemnite à l'egard du transporteur devra etre porteur d'unconnaissement.

La disposition precitee est, en effet, exclusivement applicable au rapportentre le transporteur et le porteur du connaissement.

Dans la mesure ou cette disposition est une loi d'application immediate,elle devra etre appliquee par le juge belge, quel que soit le droitapplicable different dont que les parties auraient convenu par convention,mais seulement dans la mesure ou toutes ses conditions d'applicationseront remplies.

3. Un connaissement, au sens de l'article 91 de la loi maritime, est plusprecisement un document qui confere à son porteur le droit exclusif à ladelivrance des marchandises à la destination finale. En d'autres termes,il s'agit d'un document qui incorpore les droits sur les marchandises,c'est-à-dire un effet de commerce. Les marchandises pourront uniquementetre delivrees contre la remise de ce document à son porteur legitime.

Il ne sera question d'un titre au sens precite que si le document repondaux criteres de validite decrits aux articles 85 et 86 de la loi maritime.

Aux termes de l'article 85 de la loi maritime, le connaissement doitexprimer la nature et la quantite des objets à transporter. Il indiquele nom et le domicile du chargeur, le nom et l'adresse de celui à quil'expedition est faite, le nom et le domicile du capitaine, le nom, lanationalite et le tonnage du navire, le lieu du depart et celui de ladestination, les stipulations relatives au fret.

Le connaissement exprime aussi le nombre des exemplaires delivres.

Aux termes de l'article 86 de la loi maritime, chaque connaissement estfait en quatre originaux au moins : un pour le chargeur, un pour celui àqui les marchandises sont adressees, un pour le capitaine, un pourl'armateur du batiment.

Le document doit, en outre, etre signe dans les vingt-quatre heures duchargement, en vertu de l'article 86, alinea 4 de la loi maritime.

Cette signature est essentielle pour son existence en tant qu'effet decommerce.

Finalement, aux termes de l'article 89 de la loi maritime, le porteur duconnaissement, meme en vertu d'un endossement en blanc, a seul le droit dese faire delivrer le chargement par le capitaine.

4. Aux termes de l'article 91, A, S: 3, de la loi maritime, apres avoirrec,u et pris en charge les marchandises, le transporteur ou le capitaineou agent du transporteur devra, sur demande du chargeur, delivrer auchargeur un connaissement.

La delivrance du connaissement n'est, des lors, pas obligatoire.

L'article 91, A, S: 6, de la loi maritime dispose, par ailleurs, quenonobstant les dispositions des paragraphes precedents de cet article, untransporteur, un capitaine ou un chargeur sera libre, pour desmarchandises determinees quelles qu'elles soient, de passer un contratavec des clauses divergentes pourvu qu'en ce cas aucun connaissement n'aitete ou ne soit emis et que les clauses de l'accord intervenu soientinserees dans un recepisse qui sera un document non negociable et porteramention de ce caractere.

A contrario, il suit de cette disposition que tout document remis auchargeur des marchandises ne repond pas necessairement à la descriptionprecitee.

Il suit de l'ensemble des dispositions precitees qu'un connaissement n'estdelivre qu'à la demande du chargeur et qu'il doit, en outre, etre signedans les vingt-quatre heures du chargement des marchandises.

En d'autres termes, la demande de delivrance d'un connaissement negociablene peut pas etre faite sans limite de temps.

Premiere branche

En l'espece, la demanderesse contestait de maniere expresse l'existenced'un connaissement au sens de l'article 91, a, de la loi maritime, enalleguant que le document non signe qui avait ete delivre etait une simplelettre de transport maritime (...) qui valait comme preuve de l'existencedu contrat de transport et comme recepisse des marchandises en ce quiconcerne leur etat apparent et leur qualite, mais qui, contrairement à unconnaissement classique, ne representait pas les marchandises.

Si dans l'arret interlocutoire, la cour d'appel constate qu'un documentexiste, qualifie de « copy non negotiable », ce qu'elle traduit par« copie non negociable », il ne suit pas de cette seule constatation,d'une part, que ce document incorporait un quelconque droit sur lesmarchandises transportees, d'autre part, que la defenderesse disposaitd'un quelconque autre connaissement « original » au sens des articles85, 86 et 91 de la loi maritime.

Des lors que le document produit mentionnait de maniere expresse que cetexemplaire n'etait pas negociable, comme la cour d'appel l'a constate dansl'arret attaque, et des lors qu'il suit a contrario de la constatationqu'il n'est

pas prouve que le chargeur aurait renonce au droit de demander unconnaissement, qu'il n'y avait pas de « connaissement original » quiaurait ete negociable, il n'etait, des lors, pas satisfait à la conditionexposee ci-dessus, à laquelle l'application de l'article 91 de la loimaritime est soumise, à savoir l'existence d'un connaissement negociableet, des lors, à la possession exigee dans le chef de la defenderesse dela qualite de porteur du connaissement.

Conclusion

Sur la base des constatations faites, dont il ne ressort pas l'existenced'un document signe, delivre par le transporteur ou le capitaine dans lesvingt-quatre heures du chargement des marchandises, incorporant les droitssur ces marchandises et etant negociable, la cour d'appel ne pouvait paslegalement decider que l'article 91 de la loi maritime etaitimperativement applicable à ce rapport juridique (violation des articles85, 86, 89 et 91, a, S:S: 1er, 3 et 6 du Livre II. De la navigationmaritime et de la navigation interieure, du Code de commerce). En outre,les juges d'appel ont ajoute une condition à la loi, en considerant quela legitime croyance dans le chef de la defenderesse qu'un connaissementnegociable lui serait delivre suffit pour qu'elle puisse engager laresponsabilite du transporteur en vertu de l'article 91 de la loi maritime(violation des memes dispositions). La cour d'appel ne pouvait, des lors,pas legalement decider qu'il n'a pas ete porte atteinte à l'applicabilitede cette disposition par le choix du droit applicable dans la convention(violation des articles 1er, 3 et 7.2 de la Convention du 19 juin 1980 surla loi applicable aux obligations contractuelles, faite à Rome etapprouvee par la loi du 14 juillet 1987, 1er, 3, S: 1er et 7, S: 2, de laloi du 14 juillet 1987 portant approbation de la Convention sur la loiapplicable aux obligations contractuelles, du Protocole et de deuxDeclarations communes, faits à Rome le 19 juin 1980). Elle ne pouvait paslegalement decider qu'il y avait lieu d'admettre que l'obligation qui sertde base à la demande devait etre executee en Belgique et que, des lors,le juge belge etait competent pour connaitre du litige (violation del'article 5.1 de la Convention du 16 septembre 1988 concernant lacompetence judiciaire et l'execution des decisions en matiere civile etcommerciale, faite à Lugano le 16 septembre 1988 et approuvee par la loidu 27 novembre 1996) et elle ne pouvait pas davantage legalement deciderque la clause attributive de juridiction reprise dans le `connaissement'etait inopposable à la defenderesse (violation de l'article 17.1 de laConvention du 16 septembre 1988 concernant la competence judiciaire etl'execution des decisions en matiere civile et commerciale, faite àLugano le 16 septembre 1988 et approuvee par la loi du 27 novembre 1996).

(...)

III. La decision de la Cour

(...)

Sur le fondement du moyen :

3. L'article 91.A de la loi maritime fixe les regles qui sont applicablesau connaissement negociable emis pour le transport de marchandiseseffectue par tout navire, de quelque nationalite qu'il soit, au depart ouen destination d'un port du royaume.

L'article 91.A, S: 3, 3DEG, aliena 1er, de la loi maritime disposequ'apres avoir rec,u et pris en charge les marchandises, le transporteurou le capitaine ou agent du transporteur devra, sur demande du chargeur,delivrer au chargeur un connaissement.

4. Il suit de ces dispositions que, pour que la regle contenue àl'article 91 de la loi maritime s'applique, il est exige que leconnaissement ou le document similaire vise à l'article 91.A, S: 1er, c)(lire b) de cette loi, soit negociable, mais qu'un tel document negociablene doit etre obligatoirement delivre que si le chargeur le demande.

Ces dispositions n'empechent des lors pas, bien qu'un connaissement soiten regle negociable, qu'il puisse etre rendu non negociable, avec l'accorddu chargeur resultant d'une mention expresse sur le document. Dans ce cas,la regle de l'article 91 de la loi maritime n'est pas applicable.

5. Les juges d'appel ont considere que les connaissements sont en reglenegociables et que l'apposition sur les connaissements de la mentionqu'ils ont traduite par « copie - non negociable », n'y change rien.

6. En considerant, ainsi, qu'il n'est pas libre aux parties de rendre,ensuite d'une mention expresse sur le connaissement delivre au chargeur,ce document non negociable, les juges d'appel n'ont pas legalementjustifie leur decision.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autres griefs :

7. Les autres griefs ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour,

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il statue sur la recevabilite del'appel ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Gand.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Edward Forrier, le president de sectionRobert Boes, les conseillers Eric Dirix, Eric Stassijns et Alain Smetryns,et prononce en audience publique du quinze septembre deux mille onze parle president de section Edward Forrier, en presence de l'avocat generalGuy Dubrulle, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Martine Regout ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

15 SEPTEMBRE 2011 C.10.0424.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0424.N
Date de la décision : 15/09/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-09-15;c.10.0424.n ?
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