La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2011 | BELGIQUE | N°C.10.0619.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 septembre 2011, C.10.0619.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

692



NDEG C.10.0619.F

1. P. O.,

2. P. S.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. B. A.,

2. B. F.,

defendeurs en cassation,

en presence de

P. V.,

partie appelee en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret

rendu le 30 juin 2010par la cour d'appel de Liege.

Le 5 septembre 2011, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le co...

Cour de cassation de Belgique

Arret

692

NDEG C.10.0619.F

1. P. O.,

2. P. S.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. B. A.,

2. B. F.,

defendeurs en cassation,

en presence de

P. V.,

partie appelee en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 30 juin 2010par la cour d'appel de Liege.

Le 5 septembre 2011, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport et l'avocat generalJean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

Articles 6, S: 1er, 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1950,approuvee par la loi du 13 mai 1955

Decisions et motifs critiques

L'arret, par confirmation du jugement entrepris, prononce l'adoptionsimple du defendeur par M. P., G., P., L., decede le 16 mars 2007, et ditque le defendeur faisant l'objet de l'adoption simple portera desormais lenom de P. et conservera ses prenoms existants.

Cette decision est fondee sur tous les motifs de l'arret reputes icireproduits et specialement :

« que (les demandeurs) reiterent leur moyen d'irrecevabilite de lademande de feu leur pere, arguant de l'absence de representation dudefunt ;

que le Code judiciaire precise en son article 1231-20 que si l'adoptant,les adoptants ou l'un d'eux decede apres le depot de la requete enadoption, mais avant la transcription du dispositif du jugement ou del'arret par l'officier de l'etat civil, la procedure peut etre poursuiveà la diligence de l'adopte ;

que Maitre D. L, en sa qualite incontestee de tuteur ad hoc de l'adoptemineur, qui allait avoir 15 ans lorsque l'adoptant est decede, a diligentela procedure ;

que l'adopte [...] devenu majeur le 23 mars 2010 a fait acte de reprised'instance par ses conclusions du 17 mai 2010 ;

que (les demandeurs) qui s'opposent à la procedure d'adoption simple [dudefendeur] initiee par leur pere font valoir que `le defunt n'a pas etevalablement represente' ;

que l'application des articles 815 et suivants du Code judiciaire, quireglent le sort de l'instance suite au deces d'une partie, implique unereprise d'instance volontaire ou forcee ;

que (les demandeurs) et leur frere, [partie appelee en declaration d'arretcommun], en leur qualite d'heritiers de M. P., ne peuvent reprendrel'instance mue par leur pere puisque l'article 1231-20 precite dispose quec'est l'adopte ou le survivant des adoptants qui est habilite àpoursuivre la procedure ;

que la citation en reprise d'instance forcee prevue par l'article 816,alinea 2, du Code judiciaire ne se conc,oit que `contre toute personneayant qualite pour proceder à une reprise d'instance volontaire' (...) ;

que la procedure en adoption simple actuellement diligentee par [ledefendeur] est recevable ».

Griefs

L'article 6, S: 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertes fondamentales prevoit que chaque partie à une procedure adroit à un proces equitable, lequel suppose qu'elle puisse etre entendueet faire valoir ses droits tandis que l'article 14 de la meme conventionprevoit que la jouissance des droits et libertes reconnus dans laConvention doit etre assuree sans distinction aucune, fondee notamment surla naissance ou toute autre situation.

L'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales interdit toute ingerence de l'autorite publiquedans la vie familiale qui ne constitue pas une mesure qui, dans unesociete democratique, est necessaire à la securite nationale, à lasurete publique, au bien-etre economique du pays, à la defense de l'ordreet à la prevention des infractions penales, à la protection de la santeou de la morale ou à la protection des droits et libertes d'autrui. Sil'adoption entre dans le champ d'application de la vie familiale, c'est enraison de ce que son objet est de creer ou renforcer des liens affectifset de creer une filiation elective entre l'adoptant et l'adopte, lesquelsliens ne peuvent etre crees post mortem.

L'article 1231-20 du Code judiciaire, qui prevoit que si l'adoptant decedeapres le depot de la requete en adoption, mais avant la transcription dela decision definitive homologuant celle-ci, la procedure peut etrepoursuivie à la diligence de l'adopte, sans que les heritiers del'adoptant puissent reprendre l'instance initiee par leur auteurconformement au droit commun des articles 815 et suivants du meme code,constitue une telle ingerence. En effet, en raison de cette disposition,les descendants de l'adoptant decede sont places dans la situation ou lapresence d'une personne leur est imposee au sein des relations familialesalors qu'aucun d'eux ne le souhaite et alors que l'adoption envisagee nepeut plus creer de lien de filiation affective et elective entrel'adoptant decede et l'adopte mais uniquement des effets patrimoniaux.

L'arret, qui homologue l'adoption du defendeur par M. P., decede en coursde procedure, sans permettre aux demandeurs, heritiers de ce dernier, dereprendre l'instance initiee par leur pere, viole les articles 6, 8 et 14de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, vises au moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Aux termes de l'article 1231-20 du Code judiciaire, si l'adoptant, lesadoptants ou l'un d'eux decedent apres le depot de la requete en adoption,mais avant la transcription du dispositif du jugement ou de l'arret parl'officier de l'etat civil, la procedure peut etre poursuivie à ladiligence de l'adopte ou, le cas echeant, du survivant des adoptants.

En vertu des articles 1231-5 et 1231-12 du Code judiciaire, lesdescendants au premier degre de l'adoptant peuvent declarer, par simpleacte, vouloir intervenir à la cause, notamment pour s'opposer à laprocedure d'adoption. Suivant l'article 1231-16 du meme code, les partiesintervenantes peuvent interjeter appel du jugement prononc,ant l'adoption.

Les demandeurs, qui se sont opposes à la poursuite de la procedured'adoption entamee par leur pere actuellement decede et dont l'appel enqualite d'intervenants volontaires a ete declare recevable, ont eteentendus et ont pu faire valoir leurs droits au sens de l'article 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales.

La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales doit s'appliquer en accord avec les principes du droitinternational. S'agissant plus precisement des obligations que l'article 8de la Convention fait peser sur les Etats contractants en cas d'adoptiond'un enfant, ils doivent s'interpreter notamment à la lumiere de laConvention des Nations Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre1989.

Aux termes de l'article 21 de cette convention, les Etats parties quiadmettent ou autorisent l'adoption s'assurent que l'interet superieur del'enfant est la consideration primordiale en la matiere.

En tant qu'il permet à l'enfant adopte de poursuivre la procedureintroduite par l'adoptant decede, alors meme que les descendants de cetadoptant ne souhaiteraient pas que la procedure se poursuive, l'article1231-20 du Code judiciaire, qui prend en consideration de fac,onprimordiale l'interet superieur de l'enfant adopte, ne meconnait pasl'article 8 de la Convention.

Pour le surplus, le moyen n'expose pas en quoi les demandeurs auraient etevictimes d'une discrimination interdite par l'article 14 de la Conventiondans l'exercice de leurs droits de descendants de l'adoptant.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Le rejet du pourvoi rend sans interet la demande en declaration d'arretcommun.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi et la demande en declaration d'arret commun ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Les depens taxes à la somme de six cent dix-huit euros quatre-vingt-sixcentimes envers les parties demanderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le conseiller Didier Batsele, faisant fonction de president,les conseillers Christine Matray, Sylviane Velu, Martine Regout et AlainSimon, et prononce en audience publique du trente septembre deux milleonze par le conseiller Didier Batsele, faisant fonction de president, enpresence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avec l'assistance dugreffier PatriciaDe Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | A. Simon | M. Regout |
|-----------------+-------------+------------|
| S. Velu | Chr. Matray | D. Batsele |
+--------------------------------------------+

30 SEPTEMBRE 2011 C.10.0619.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0619.F
Date de la décision : 30/09/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-09-30;c.10.0619.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award