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07/10/2011 | BELGIQUE | N°C.10.0320.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 octobre 2011, C.10.0320.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

667



NDEG C.10.0320.F

FORTIS BANQUE, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, Montagne du Parc, 3,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

C. M., en qualite de curateur à la succession de C. D.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige con

tre le jugement rendu le 22 janvier2009 par le juge de paix du deuxieme canton de Liege, statuant en dernierressort.

Le 8 ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

667

NDEG C.10.0320.F

FORTIS BANQUE, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, Montagne du Parc, 3,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

C. M., en qualite de curateur à la succession de C. D.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 22 janvier2009 par le juge de paix du deuxieme canton de Liege, statuant en dernierressort.

Le 8 septembre 2011, l'avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Albert Fettweis a fait rapport et l'avocat general AndreHenkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 813 du Code civil ;

- articles 569, 2DEG , 1151, 2DEG, et 1154 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque dit l'action en tierce opposition non fondee etconfirme l'ordonnance dont opposition rendue en date du 10 septembre 2007,par laquelle le juge de paix a decide que :

« Entre dans la mission de la [defenderesse] de donner des ordres auxorganismes bancaires afin de se faire mettre à disposition les valeursfigurant sur les comptes, livrets d'epargne, de depots et dossiers titres.

En consequence, les banques ont l'obligation de liquider les comptes desclients decedes à premiere requete des curateurs aux meubles.

Ordonnons la liberation du compte nDEG ... au profit du compte nDEG ...ouvert au nom de la curatelle »,

sur la base des motifs suivants :

« Autre chose est son fondement.

La juridiction a pu, durant la duree de son delibere, etreparticulierement attentive aux nouveaux dossiers dans lesquels elle etaitamenee à designer un curateur aux meubles.

Il s'est agi dans tous les cas de successions d'une importance extremementminime. Le seul interet de la designation d'un curateur etait de permettrede vider les lieux loues et ainsi de ne pas alourdir la dette de lasuccession, ou, autrement dit, de ne pas alourdir la creance irrecouvrabledu bailleur.

Ainsi que souligne dans le jugement [du 30 mai 2000 du tribunal depremiere instance de Bruxelles] precite, `la mission la plus urgente ducurateur aux meubles est de liberer les lieux loues. Cette operationnecessite de disposer d'un minimum de fonds. Le demenageur doit etrepaye'.

[La demanderesse] depose, apres la reouverture des debats, un jugementprononce par le juge du premier canton de Charleroi. [La demanderesse]contribue ainsi parfaitement à eclairer la juridiction.

Si la decision lui est favorable, en ce que la tierce opposition estdeclaree fondee, la motivation est cependant critique quant à sa these,une fois que la question pratique est plus abordee que la questionjuridique.

La jurisprudence du juge du premier canton de Charleroi est identique àcelle de la juridiction.

La tierce opposition avait exactement la meme motivation.

La justice de paix du premier canton de Charleroi, dans le jugementprononce le 9 octobre 2008, releve notamment les elements suivants :

`Il est significatif de relever que, depuis des annees, un grand nombre dejuges de paix adoptent notre jurisprudence, peut-etre d'une interpretationlarge mais tres efficace pour le justiciable mais qu'à ce jour, lademanderesse en tierce opposition reste en defaut de citer un cas concretet precis ou sa responsabilite aurait ete mise en cause.

- La these d'une interpretation stricte de l'article 1154 du Code civilest d'une theorie juridique plus rigoureuse mais, in concreto, sans aucunsouci de l'interet legitime des justiciables.

- Il est evident que l'interpretation extensive de l'article 1154 du Codejudiciaire ne doit pas etre automatique. Chaque cas est un cas d'espece,notamment en fonction de la consistance de la succession.

- Dans le cas d'espece, l'actif successoral est à peine suffisant pourcouvrir tous les frais d'evacuation des lieux loues, des meubles sansvaleur qui s'y trouvent. Qui alors prendra le risque de se manifester ?

- Comme c'est malheureusement souvent le cas, dans notre canton, que fera« le petit pensionne » qui attend, avec impatience, son loyer, non paspour thesauriser, mais pour payer son home et ses medicaments, si uncurateur à succession vacante doit etre designe'.

La juridiction ne peut que partager l'ensemble de ces reflexions.

La juridiction pense que tel devrait etre le cas de l'ensemble des jugesde paix qui seront saisis par [la demanderesse].

La juridiction doit-elle emettre ces reflexions et, adoptant la theselegaliste de [la demanderesse], cependant declarer la tierce oppositionfondee ?

Ce serait là avoir une vision qui ne serait pas saine des enjeuxeconomiques et donc consacrer en l'espece un abus de droit.

La tierce opposition sera des lors declaree non fondee.

En effet :

- avec le tribunal de premiere instance de Bruxelles (12 octobre 1999,J.T., nDEG 5945-37/1999), la juridiction retient que la procedure del'article 1154 du Code judiciaire est exceptionnelle, qu'elle ne peuttrouver à s'appliquer qu'en cas de succession d'importance infime,qu'elle a ete instauree dans un but de rapidite et d'efficacite et quedonc les avoirs bancaires d'une certaine importance doivent echapper auxpouvoirs du curateur aux meubles. A contrario, les pouvoirs du curateuraux meubles s'etendent aux avoirs bancaires de minime importance.

- en l'espece, le risque encouru par [la demanderesse], en le supposantreel, ce dont on peut douter avec le juge de paix de Charleroi, estinferieur au cout de la presente procedure. Le cout est evidemment plusimportant pour [la demanderesse] qui a du avoir recours au ministere d'unhuissier et consulter un conseil. Parler des depens amenerait à la memeconclusion.

Si la these de [la demanderesse] est donc abusivement legaliste et aboutità creer une situation prejudiciable pour les creanciers de la succession,cette these peut encore constituer un danger pour le curateur ou pour [lademanderesse] elle-meme.

En effet, un creancier de la succession pourrait se plaindre, d'unemaniere fondee, du retard mis à attenuer son dommage par la necessited'avoir recours à la designation, par le tribunal, d'un curateur àsuccession vacante.

Le montant du dommage subi par ce creancier peut etre beaucoup plusimportant que celui des avoirs figurant sur un compte aupres de [lademanderesse].

La juridiction pense à nouveau à un bailleur ne pouvant obtenir laliberation des lieux ».

Griefs

L'article 1154 du Code judiciaire dispose que :

« Dans les cas prevus à l'article 1151, 2DEG, le juge de paix a lafaculte de ne pas apposer les scelles lorsque la valeur des meublesmeublants de la succession trouves à l'endroit ou il procede ne depassepas 1240 euros suivant son estimation. Ce montant peut etre modifie par unarrete royal delibere en conseil des ministres.

S'il n'appose pas les scelles, le juge de paix dresse un etat descriptifde ces meubles ainsi que du numeraire et des valeurs mobilieres trouves àl'endroit ou il procede et les confie à un curateur qu'il designe au basde son proces-verbal.

Le curateur a les pouvoirs et les obligations enumerees à l'article 813du Code civil mais à l'egard du numeraire, des meubles meublants et desvaleurs mobilieres trouves en la residence du defunt ou le juge de paix aprocede.

Toutefois, il n'est pas tenu de faire dresser un inventaire et il peutrealiser tout ou partie des objets qui lui sont confies, soit paradjudication publique, soit de gre à gre à l'expiration d'un delai dequarante jours à dater de sa nomination. Ce delai peut etre reduit par lejuge de paix.

Les pouvoirs du curateur cessent lorsque des heritiers, ou des legatairesuniversels ou à titre universel acceptant la succession se sont faitconnaitre ».

Cette disposition met en place une procedure exceptionnelle, derogatoireà celle prevue par l'article 1151, 2DEG, du Code judiciaire, qui prevoiten principe l'apposition de scelles d'office ou à la diligence duprocureur du Roi, du bourgmestre ou d'un echevin si le conjoint, lesheritiers, ou l'un d'eux est absent ou n'est pas present.

Certes, l'article 1154 du Code judiciaire precise que le curateur auxmeubles designe par le juge de paix a les pouvoirs et les obligationsenumerees à l'article 813 du Code civil.

Toutefois, ces pouvoirs ne concernent que le numeraire, les meublesmeublants et les valeurs mobilieres trouves en la residence du defunt oule juge de paix a procede comme l'indique expressement ledit article 1154.

Il ressort de l'ordonnance rendue par le juge de paix du deuxieme cantonde Liege le 10 septembre 2007, confirmee par le jugement attaque, que lespouvoirs donnes par le juge de paix à la defenderesse qualitate qua sontceux resultant de l'application de l'article 1154 du Code judiciaire.

Par la decision attaquee, le juge de paix, en confirmant l'ordonnancerendue le 10 septembre 2007, a toutefois autorise la defenderesse àdonner des ordres aux organismes bancaires afin de faire mettre à sadisposition les valeurs figurant sur les comptes, livrets d'epargne, dedepots et dossiers de titres, estimant que l'article 1154 du Codejudiciaire pouvait egalement viser ces valeurs.

Ce faisant, il etend illegalement les pouvoirs de la defenderesse à desvaleurs qui ne se trouvaient pas materiellement en la residence du defunt.

Le fait qu'un extrait de compte ou un carnet de depot soit retrouve audomicile du defunt ne permet pas d'etendre à des valeurs qui ne setrouvaient pas materiellement à cette residence, les pouvoirs du curateuraux meubles definis par l'article 1154 du Code judiciaire.

En decidant le contraire par confirmation de l'ordonnance entrepriserendue le 10 septembre 2007, le jugement attaque viole l'article 1154 duCode judiciaire, en donnant à cette disposition une portee extensivequ'elle n'a pas, et, ce faisant, viole egalement l'article 1151, 2DEG, duCode judiciaire, auquel l'article 1154 du Code judiciaire renvoie, desorte que cette decision n'est pas legalement justifiee.

Le jugement viole en outre l'article 813 du Code civil en conferant aucurateur aux meubles designe en application de l'article 1154 du Codejudiciaire les pouvoirs d'un curateur à succession vacante tels quedefinis à l'article 813 du Code civil, en lui conferant des pouvoirsrelevant en principe de ceux d'un curateur à succession vacante, qu'iln'etait pas autorise à conferer en vertu de l'article 1154 du Codejudiciaire. Il viole enfin l'article 569, 2DEG, du Code judiciaire en sedeclarant competent à cet egard alors qu'en vertu de cette disposition,la designation d'un curateur à succession vacante releve de la competencedu tribunal de premiere instance.

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- article 1134, alinea 3, du Code civil ;

- principe general du droit relatif à l'abus de droit, selon lequel nulne peut abuser de son droit ;

- principe general du droit relatif aux droits de la defense ;

- article 774, alinea 2, du Code judiciaire ;

- articles 1151, 2DEG, et 1154 du Code judiciaire ;

- article 813 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque dit l'action en tierce opposition non fondee etconfirme l'ordonnance dont opposition rendue en date du 10 septembre 2007,par laquelle le juge de paix a decide que :

« Entre dans la mission de la [defenderesse] de donner des ordres auxorganismes bancaires afin de se faire mettre à disposition les valeursfigurant sur les comptes, livrets d'epargne, de depots et dossiers titres.

En consequence, les banques ont l'obligation de liquider les comptes desclients decedes à premiere requete des curateurs aux meubles.

Ordonnons la liberation du compte nDEG ... au profit du compte nDEG ...ouvert au nom de la curatelle »,

sur la base des motifs reproduits au premier moyen.

Griefs

Premiere branche

Le juge ne peut ni allouer une demande ni debouter une partie de sonaction, en se fondant sur un moyen qui n'a pas ete invoque devant lui etau sujet duquel les parties n'ont pu s'expliquer, sans donner à celles-cil'occasion de contester ce moyen, le cas echeant en ordonnant unereouverture des debats.

En l'espece, la defenderesse s'est bornee à soutenir qu'entrait dans lespouvoirs du curateur aux meubles designe conformement à l'article 1154 duCode judiciaire, le droit de donner des injonctions aux banques afin de sefaire mettre à disposition les valeurs figurant sur les comptes, livretsd'epargne, de depots et dossiers titres, et qu'en consequence, les banquesavaient l'obligation de liquider les comptes des clients decedes àpremiere requete des curateurs aux meubles, sans invoquer l'abus de droitsur lequel se fonde la decision attaquee pour debouter la demanderesse.

N'ayant pas donne à la demanderesse l'occasion de contester ce moyendeduit de l'abus de droit, à defaut d'avoir ordonne la reouverture desdebats sur ce point, le jugement attaque viole l'article 774, alinea 2, duCode judiciaire, ainsi que les droits de la defense et donc le principegeneral invoque en tete du moyen.

Deuxieme branche

L'abus de droit suppose, par definition, l'existence d'un droit.

En l'espece, le jugement attaque retient un abus de droit dans le faitpour la demanderesse d'avoir refuse de remettre à la defenderesse en saqualite de curateur aux meubles, designee en vertu de l'article 1154 duCode judiciaire, les valeurs qu'elle detenait en compte au nom de ladefunte.

Or, ainsi qu'il resulte de l'article 1154 du Code judiciaire, le curateuraux meubles a certes les pouvoirs et les obligations enumeres à l'article813 du Code civil mais à l'egard seulement du numeraire, des meublesmeublants et des valeurs mobilieres trouves en la residence du defunt oule juge de paix a procede.

Il ne resulte pas de cette disposition que la demanderesse aurait le droitde decider de remettre les fonds detenus ou de ne pas remettre ceux-ci auxcurateurs aux meubles. Au contraire, cette disposition exclut un tel droitpuisqu'elle limite les pouvoirs du curateur aux meubles aux seuls elementsdu patrimoine du defunt enumeres, à savoir le numeraire, les meublesmeublants et les valeurs mobilieres trouves en la residence du defunt oule juge de paix a procede.

Il ne peut des lors etre question d'un abus de droit qui consisterait dansle fait de remettre les fonds detenus ou de ne pas remettre ceux-ci.

Dans cette mesure, le jugement attaque qui retient l'existence d'un abusde droit dans le chef de [la demanderesse] parce qu'elle refuse deremettre les fonds à la defenderesse en sa qualite de curateur auxmeubles alors que, en vertu de la loi, [elle] ne peut les recevoir, violeles articles 1382 et 1383 du Code civil (si l'on considere que le jugementse place dans le champ extracontractuel), l'article 1134, alinea 3, duCode civil (si l'on considere que le jugement se fonde sur l'execution ducontrat en vertu duquel la demanderesse detenait les fonds en question) etmeconnait le principe general du droit relatif à l'abus de droit.

Il viole egalement l'article 1154 du Code judiciaire en considerant que ladefenderesse dispose du pouvoir de se faire remettre par la demanderesseles avoirs litigieux, des lors que ce faisant, il donne à cettedisposition une portee extensive qu'elle n'a pas, et viole aussi cefaisant l'article 1151, 2DEG, du Code judiciaire auquel l'article 1154 duCode judiciaire renvoie, de sorte que cette decision n'est pas legalementjustifiee.

Troisieme branche

Abuse de son droit, notamment, celui qui l'exerce :

- sans interet ou motif legitime en causant ainsi à un tiers un prejudiceque l'on aurait pu eviter.

- lorsque l'avantage que l'on en retire est hors de toutes proportionsavec le prejudice que l'on cause à autrui.

- dans des conditions de nature à causer à la collectivite un dommagehors de proportion avec l'avantage poursuivi par le titulaire du droit.

Pour retenir l'existence d'un abus de droit fonde sur la comparaison del'avantage tire du droit par rapport au prejudice cause à autrui, il fautque les parties concernees par l'abus de droit soient à la cause.

En l'espece, les interets dont le juge tient compte sont les interets descreanciers de la succession (et plus specialement ceux du bailleur) qui nesont pas à la cause.

Dans cette mesure, le juge ne pouvait refuser l'exercice d'un droit enopposant uniquement que cet exercice serait abusif par rapport àl'interet de tiers non parties à la cause ou encore par rapport àl'interet general.

Le jugement attaque qui refuse à la demanderesse l'exercice de son droitdeduit de la stricte application de l'article 1154 du Code judiciaire, enraison du fait qu'elle abuserait de son droit au detriment de parties quine sont pas à la cause ou au detriment de l'interet general, ne justifiepas legalement sa decision et viole les articles 1382 et 1383 du Codecivil (si l'on considere que le jugement se place dans le champextracontractuel), l'article 1134, alinea 3, du Code civil (si l'onconsidere que le jugement se fonde sur l'execution du contrat en vertuduquel la demanderesse detenait les fonds en question) et meconnait leprincipe general du droit relatif à l'abus de droit.

Il viole egalement l'article 1154 du Code judiciaire en considerant que ladefenderesse dispose, en raison de l'abus de droit de la demanderesse, dupouvoir de se faire remettre par celle-ci les avoirs litigieux, des lorsque ce faisant, il donne à cette disposition une portee extensive qu'ellen'a pas, et viole aussi l'article 1151, 2DEG, du Code judiciaire auquell'article 1154 du Code judiciaire renvoie, de sorte que cette decisionn'est pas legalement justifiee.

Quatrieme branche

La sanction de l'abus de droit consiste dans la neutralisation des effetsdu caractere abusif de l'utilisation du droit dans le cas d'espece soumisau juge.

Elle ne peut aboutir à priver de son droit le titulaire de celui-ci.

Par la decision attaquee, le jugement prive la demanderesse de son droitpuisqu'il lui impose de remettre au curateur aux meubles la totalite desfonds qu'elle detient sans limitation alors que celui-ci, en vertu de laloi, ne peut les recevoir, et qu'en consequence, la demanderesse nepouvait en aucun cas etre tenue de les remettre.

Le jugement attaque viole en consequence les articles 1382 et 1383 du Codecivil (si l'on considere que le jugement se place dans le champextracontractuel), l'article 1134, alinea 3, du Code civil (si l'onconsidere que le jugement se fonde sur l'execution du contrat en vertuduquel la demanderesse detenait les fonds en question) et meconnait leprincipe general du droit relatif à l'abus de droit.

Il viole egalement l'article 1154 du Code judiciaire puisqu'il autorise ladefenderesse à exiger la remise de la totalite des fonds detenus par lademanderesse des lors que ce faisant, il donne à cette disposition uneportee extensive qu'elle n'a pas, et violant aussi l'article 1151, 2DEG,du Code judiciaire auquel l'article 1154 du Code judiciaire renvoie, desorte que cette decision n'est pas legalement justifiee.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Suivant l'alinea 1er de l'article 1154 du Code judiciaire, dans les casprevus à l'article 1151, 2DEG, le juge de paix a la faculte de ne pasapposer les scelles lorsque la valeur des meubles meublants de lasuccession trouves à l'endroit ou il procede ne depasse pas 1.240 eurossuivant son estimation, et, aux termes de l'alinea 2, s'il n'appose pasles scelles, le juge de paix dresse un etat descriptif de ces meublesainsi que du numeraire et des valeurs mobilieres trouves à l'endroit ouil procede et les confie à un curateur qu'il designe au bas de sonproces-verbal.

L'alinea 3 de l'article 1154 dispose que le curateur a les pouvoirs et lesobligations enumerees à l'article 813 du Code civil mais à l'egardseulement du numeraire, des meubles meublants et des valeurs mobilierestrouves en la residence du defunt ou le juge de paix a procede.

Ce dernier alinea correspond à l'alinea 3 de l'article 911bis, inseredans le Code de procedure civile du 25 mars 1876 par la loi du 10 mai 1960modifiant la legislation relative à l'apposition des scelles apres deces.

Il ressort des travaux preparatoires de cette loi que le legislateur aentendu instaurer pour les successions de minime importance un mode deliquidation rapide et peu onereux afin d'eviter que le passif d'une tellesuccession n'augmente de maniere disproportionnee par rapport à son actiflimite ; qu'à cette fin, le legislateur a voulu donner aux termes« valeurs mobilieres trouve[e]s en la residence du defunt » unedefinition large.

Conformement à cette definition, sont compris dans les valeurs mobilierestrouvees à la residence du defunt les livrets d'epargne et comptesbancaires de peu d'importance dont une trace est trouvee à la residencedu defunt.

Le moyen, qui suppose que le curateur designe par le juge de paix sur labase de l'article 1154 du Code judiciaire ne peut etre charge de liquiderles comptes et avoirs bancaires du defunt, quels qu'en soient les montantsou valeurs, manque en droit.

Sur le second moyen :

Quant aux quatre branches reunies :

La consideration, vainement critiquee par le premier moyen, suivantlaquelle les pouvoirs du curateur, designe sur la base de l'article 1154du Code judiciaire, s'etendent aux avoirs bancaires de la succession deminime importance, constitue un fondement distinct et suffisant de ladecision de declarer non fondee la tierce opposition de la demanderesse.

Le moyen, qui est dirige, en chacune de ses branches, contre uneconsideration surabondante du jugement attaque, est denue d'interet et,partant, irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de sept cent vingt-six euros nonante-deuxcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le conseiller Albert Fettweis, faisant fonction de president,les conseillers Christine Matray, Sylviane Velu, Martine Regout etMireille Delange, et prononce en audience publique du sept octobre deuxmille onze par le conseiller Albert Fettweis, faisant fonction depresident, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avec l'assistancedu greffier PatriciaDe Wadripont.

+---------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Delange | M. Regout |
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| S. Velu | Chr. Matray | A. Fettweis |
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7 OCTOBRE 2011 C.10.0320.F/15



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 07/10/2011
Date de l'import : 26/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.10.0320.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-10-07;c.10.0320.f ?
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