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28/10/2011 | BELGIQUE | N°F.10.0122.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 octobre 2011, F.10.0122.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

4696



NDEG F.10.0122.F

CAMPUS, association sans but lucratif dont le siege est etabli à Uccle,avenue Moliere, 327,

demanderesse en cassation,

ayant pour conseils Maitre Andre Bailleux, avocat au barreau de Bruxelles,dont le cabinet est etabli à Woluwe-Saint-Pierre, avenue de Tervueren,412/5, et Maitre Geert De Peyper, avocat au barreau de Bruxelles, dont lecabinet est etabli à Leeuw-Saint-Pierre, Galgstraat, 87/1,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet este

tabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

4696

NDEG F.10.0122.F

CAMPUS, association sans but lucratif dont le siege est etabli à Uccle,avenue Moliere, 327,

demanderesse en cassation,

ayant pour conseils Maitre Andre Bailleux, avocat au barreau de Bruxelles,dont le cabinet est etabli à Woluwe-Saint-Pierre, avenue de Tervueren,412/5, et Maitre Geert De Peyper, avocat au barreau de Bruxelles, dont lecabinet est etabli à Leeuw-Saint-Pierre, Galgstraat, 87/1,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 23 juin 2010par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 28 septembre 2011, l'avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Gustave Steffens a fait rapport et l'avocat general AndreHenkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 780, alinea 1er, 3DEG, et 1138, 3DEG, du Code judiciaire ;

- articles 12, S: 1er (apres sa modification par la loi du 21 mai 1996),et 253, S: 1er (apres sa modification par la loi du 6 juillet 1994), duCode des impots sur les revenus 1992.

Decisions et motifs critiques

L'arret met le jugement entrepris à neant (sauf en tant qu'il a rec,u lademande et liquide les depens), declare la demande originaire de lademanderesse non fondee et condamne la demanderesse aux entiers frais etdepens des deux instances.

Cette decision est fondee sur les motifs suivants :

« Devant la cour [d'appel], (la demanderesse) justifie, notamment par lesmotifs suivants, l'exoneration integrale des cotisations au precompteimmobilier frappant l'ensemble des deux batiments : `(la demanderesse) estune association qui gere des centres culturels, deux residencesd'etudiants à Louvain-la-Neuve et un centre de rencontres à Dongelberg ;elle se consacre plus specialement à la formation humaine, morale etchretienne des etudiants ;

C'est vers les etudiants que l'essentiel de la mission de (lademanderesse) est orientee, ainsi que son propre nom [...] l'indiqued'ailleurs ; c'est particulierement vrai dans les deux residences dontquestion (...), ou se deploie le projet educatif qui decoule de cettemission, projet educatif que l'on peut resumer comme suit (...) ;

Dans les deux residences, les etudiants sont lies par un contrat de bail ;on souligne les caracteristiques suivantes :

- les contrats (de l'immeuble) B. sont de la duree d'une annee academique(...) ;

- le contrat-type de (l'immeuble) N. ne le dit pas explicitement maisconcerne aussi l'annee academique (...) ;

- les contrats couvrent la demi-pension ou la pension complete : cecimontre qu'il ne s'agit evidemment pas de faire de la simple locationimmobiliere ;

- les residences sont de type « pedagogique » : elles offrent à leursoccupants une atmosphere de travail et d'etude ;

- les residences sont animees d'un esprit chretien, les occupants etantnotamment invites à participer à des activites de formation spirituelleconfiees à la prelature de l'Opus Dei ;

- les residences repondent à un projet educatif qui est traduit notammentdans les reglements internes ;

(La demanderesse) estime, contrairement (au defendeur), que ses residencessont bien affectees exclusivement à l'enseignement au sens de la loi, ycompris les « bibliotheques », meme si l'affectation de certaines pieces(chambres à coucher par exemple) est indirecte ;

Le projet pedagogique explique plus haut montre clairement que lesactivites de (la demanderesse) sont des activites d'enseignement au sensde la loi ; il s'agit de donner aux residents un programme de formationcentre sur la doctrine chretienne, avec les cours specifiquesd'introduction à l'universite, des monitorats d'assistance etd'encadrement visant à l'amelioration des prestations academiques, descours et conferences specifiquement axes sur les conceptions chretiennesde la vie, etc.' ;

De son cote, (le defendeur) souligne que `les immeubles concernes sontaffectes à l'enseignement et au logement des etudiants, ceux-ci suivantleurs cours dans les locaux de l'U.C.L. L'enseignement dispense par (lademanderesse) se donne à de petits groupes d'une dizaine de personnes etconcerne les cours de langue, une formation spirituelle et philosophique,une methode d'etude. La chapelle et ses dependances, la bibliotheque, lessalles de reunion ou de conference ont ete considerees en l'espece commeremplissant la condition d'exoneration, à savoir etre affectees à lapratique du culte pour la chapelle et à l'enseignement pour les autreslocaux' ;

Par contre, (le defendeur) considere à juste titre que la partie desbiens consacree au logement des etudiants qui poursuivent leurs etudesdans une faculte de l'U.C.L. ne peut beneficier de l'exoneration. Il nepeut en effet etre pretendu que la realisation du but poursuivi dans unepartie des locaux, à savoir l'enseignement, ne puisse s'accomplir àdefaut de l'amenagement de logements pour etudiants et ce, d'autant plusque l'enseignement est essentiellement dispense aux etudiants par unpouvoir organisateur autre que (la demanderesse). (...) En l'espece, forceest de constater qu'en decidant `qu'il s'en deduit que la partie desresidences de (la demanderesse) reservee au logement des pensionnairesest, elle aussi, affectee à l'enseignement qu'elle prodigue', le premierjuge a interprete (les dispositions du Code des impots sur les revenus1992) de maniere extensive, ce qui est contraire à l'esprit de la loi ;

Des lors que les parties ne proposent à la cour [d'appel], à l'appui deleur these respective, d'autre preuve que celle de l'existence ou del'inexistence d'un lien entre, d'une part, les logements privatifsreserves aux etudiants avec les services accessoires des repas et, d'autrepart, le fait certain qu'un enseignement se donne dans les deuxresidences, il echet d'apprecier l'existence de ce lien au regard desconditions generales des baux de location et reglements d'ordre interieurqui en constituent en quelque sorte l'annexe ;

La cour [d'appel], examinant les baux de location des deux residencesproduits par (la demanderesse), constate que ceux-ci ne sont pas lies àl'enseignement donne dans les deux residences et sont des baux similairesà des baux d'etudiants classiques consentis pour des immeubles avoisinantles universites (duree du bail liee à la periode academique, existenced'un reglement interne principalement axe sur des mesures de quietude àrespecter pour les autres etudiants, tels que : horaires des repas, usagelimite de la television, interdictions de jeu, correction avec les autres,securite, etc.) ;

Les reglements internes de l'espece n'etablissent par ailleurs nullementune presence obligatoire ou recommandee aux seances d'education ou deformation, comme en temoignent les passages suivants des reglements.Ainsi, l'article IV du reglement interne de la residence B. dispose : `laresidence propose des activites de formation chretienne (cours [...] surla foi, retraites, [...], qui sont places sous la responsabilite de [...]l'Opus Dei (...). L'assistance aux moyens de formation spirituelle estentierement libre : y participent ceux qui le souhaitent' ;

Le reglement interne de la residence N. n'etablit pas non plus de lienentre l'occupation d'une chambre dans la residence et l'enseignementprodigue dans cette residence. Si le reglement interne precite exprime quela residence offre un projet à developper en commun, à savoir `une fortemotivation pour l'etude et une vie universitaire pleine, dans une ambianceconviviale, fruit de l'apport de chacune et au benefice de toutes', ilprecise toutefois que `chaque etudiante pourra s'impliquer dans un (ouplusieurs) aspects qui rejoint ses aptitudes : culturel, social etreligieux'. Il precise encore que `les licenciees de la maison et lesetudiantes des dernieres annees sont pretes à mettre leur experience auservice de celles qui le souhaitent' ;

De ce qui precede, il resulte que la location d'une chambre dans une desdeux residences n'est pas subordonnee au suivi de l'enseignement danscette residence. Il n'existe, partant, aucun lien, meme indirect, entreles chambres louees, le refectoire et les lieux annexes pour lesquels ladecision administrative statuant sur les reclamations de (la demanderesse)n'a pas octroye l'exoneration ».

Griefs

Premiere branche

1. Aux termes de l'article 149 de la Constitution et de l'article 780,alinea 1er, 3DEG, du Code judiciaire, tout arret doit etre motive.L'obligation de motiver comprend entre autres l'obligation de repondre auxmoyens de defense que les parties ont developpes par voie de conclusions.

Lorsque l'arret omet de repondre à une partie des conclusions quicomporte une demande qui est formulee à titre subsidiaire, il viole enoutre l'article 1138, 3DEG, du Code judiciaire.

2. Aux pages 10 et 11 de ses conclusions additionnelles et de synthese, lademanderesse a formule la demande suivante à titre subsidiaire :

« 18. Attendu qu'à supposer meme que l'affectation à l'enseignement nesoit pas reconnue à l'ensemble des batiments, encore faudrait-il, en cequi concerne la residence B., que l'administration calcule correctement lareduction qu'elle lui octroie ;

Qu'en effet, apres avoir, dans sa decision du 20 juin 2003, reconnu que`la chapelle et ses dependances, la bibliotheque, les salles de reunion ouconference peuvent etre exonerees', elle indique que, `des lors, sontimmunises la moitie du sous-sol et les 9/10e du premier etage' ;

Que l'administration perd ainsi de vue que le rez-de-chaussee comprenddeux pieces qu'il y a lieu de comprendre dans le calcul de la reduction ;

Que la [demanderesse] conteste les supputations figurant dans la lettre del'administration fiscale datee du 18 octobre 2006, laquelle porte que, `enconsultant le plan du rez-de-chaussee, on remarque que les deux salles dereunion (une grande et une petite) devraient etre respectivement la sallede sejour et la salle à manger ; ces deux pieces ne sont pas à usageexclusif de l'enseignement' ;

Que les deux salles auxquelles il est fait reference sont en realite lasalle de sejour et le petit `salon' annexe, qui ne sont utilises qu'enfonction des activites de formation ;

19. Attendu que, dans le meme esprit, l'exoneration doit porter sur : lapetite salle de reunion (seminaires) au troisieme etage, en utilisationdepuis l'exercice 1996 (qui remplace la chambre 13) (voir les plans de laresidence B., ajoutes en annexe au dossier de la concluante) ; la chambre3 et le bureau du pretre au deuxieme etage (affectes à l'enseignement etau culte) ; la chambre et le bureau du secretariat au rez-de-chaussee(affectes à l'enseignement) ».

3. L'arret ne statue pas sur cette demande qui est formulee à titresubsidiaire et viole par consequent l'article 1138, 3DEG, du Codejudiciaire.

A tout le moins, l'arret, qui ne repond d'aucune maniere à cette defense,n'est pas regulierement motive et viole l'article 149 de la Constitutionet l'article 780, alinea 1er, 3DEG, du Code judiciaire.

Seconde branche

1. Aux termes de l'article 253, 1DEG, du Code des impots sur les revenus1992, le revenu cadastral des biens immobiliers ou des parties de biensimmobiliers visees à l'article 12, S: 1er, est exonere du precompteimmobilier.

L'article 12, S: 1er, du Code des impots sur les revenus 1992 prevoit quele revenu cadastral des biens immobiliers ou des parties des biensimmobiliers qu'un contribuable ou un occupant a affectes sans but delucre à l'enseignement est exonere.

2. Il resulte de l'ensemble de ces dispositions que l'existence d'un liende necessite entre l'immeuble et l'enseignement qui y est donne doit etreappreciee dans le chef de la personne qui gere l'immeuble et non dans lechef de la personne qui loue une chambre dans l'immeuble.

Il ressort en effet des dispositions legales precitees que c'estl'affectation que le contribuable (personne qui gere l'immeuble) donne àl'immeuble qui determinera si l'immeuble peut ou non beneficier del'exoneration du precompte immobilier.

La demanderesse a expose en termes de conclusions que son objectif n'estpas de louer des chambres à des etudiants qui ne sont pas interesses parla formation qu'elle offre.

3. La simple circonstance que les etudiants (qui louent une chambre dansles residences B. et N.) disposent, aux termes des reglements d'ordreinterieur, d'une certaine liberte qui leur permet de choisir de ne pasparticiper à toutes les formations qui sont offertes par la demanderessene permet pas d'en deduire qu'il n'existe aucun lien de necessite entreces logements et l'enseignement qui y est donne par la demanderesse,d'autant plus que l'objectif de la demanderesse n'est pas de louer deschambres à des etudiants qui ne sont pas interesses par la formationqu'elle offre.

4. L'arret s'est limite à examiner les contrats de bail et les reglementsd'ordre interieur pour en deduire qu'il n'existe aucun lien entre leschambres louees, le refectoire et les lieux annexes, d'une part, etl'enseignement qui est procure dans les immeubles par la demanderesse,d'autre part.

L'arret a donc constate que les etudiants disposent d'une certaine libertemais n'a pas examine s'il existe, dans le chef de la demanderesse, un liende necessite entre l'enseignement qu'elle offre et les parties d'immeubleconcernees.

5. De la simple circonstance que les etudiants disposent d'une certaineliberte pour suivre la formation, l'arret n'a pu valablement deduire qu'iln'existe pas de lien de necessite entre les chambres louees, le refectoireet les lieux annexes, d'une part, et l'enseignement qui est procure dansles immeubles par la demanderesse, d'autre part (violation des articles12, S: 1er, et 253, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

L'arret decide, s'agissant des residences ou est dispense un enseignementnon necessairement suivi par ceux qui y disposent d'une chambre, que lalocation d'une telle chambre n'est pas subordonnee au suivi del'enseignement donne dans cette residence et qu'il n'existe aucun lien,meme indirect, entre « les chambres louees, le refectoire et les lieuxannexes pour lesquels la decision administrative statuant sur lesreclamations [de la demanderesse] n'a pas octroye l'exoneration ».

Par ces considerations, l'arret repond aux conclusions de la demanderesseet rejette la demande subsidiaire visee par le moyen.

Celui-ci, en cette branche, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

Si l'affectation d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble à l'exerciced'une activite d'enseignement ne doit pas etre directe pour que cetimmeuble ou cette partie d'immeuble puisse beneficier de l'immunitefiscale prevue par l'article 12, S: 1er, du Code des impots sur lesrevenus 1992, cette affectation doit toutefois etre necessaire, en ce sensqu'il faut que l'enseignement ne puisse etre exerce à defaut de laditeaffectation.

En constatant, à propos des etudiants qui louent une chambre dans leslocaux pour lesquels l'exoneration est demandee, que l'assistance auxactivites de formation est entierement libre et qu'y participent ceux quile souhaitent, l'arret justifie legalement sa decision de considerer qu'iln'y a pas de lien, meme indirect, entre l'enseignement offert et leschambres louees, le refectoire et les annexes.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de trois cent quarante-deux eurosquarante-neuf centimes envers la partie demanderesse et à la somme decent cinquante-quatre euros dix-neuf centimes envers la partiedefenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Sylviane Velu,Martine Regout, Alain Simon et Gustave Steffens, et prononce en audiencepublique du vingt-huit octobre deux mille onze par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+---------------------------------------------+
| P. De Wadripont | G. Steffens | A. Simon |
|-----------------+-------------+-------------|
| M. Regout | S. Velu | Chr. Storck |
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28 OCTOBRE 2011 F.10.0122.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.10.0122.F
Date de la décision : 28/10/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 18/11/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-10-28;f.10.0122.f ?
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