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21/12/2011 | BELGIQUE | N°P.11.2042.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 décembre 2011, P.11.2042.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

5709



NDEG P.11.2042.F

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LIEGE,



demandeur en cassation,

contre

S. K.

etranger, prive de liberte,

defendeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Dominique Andrien, avocat au barreau de Liege,dont le cabinet est etabli à Liege, quai Godefroid Kurth, 12, ou il estfait election de domicile.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu

le 1er decembre 2011 par lacour d'appel de Liege, chambre des mises en accusation.

Le demandeur invoque deux moyens dans la declara...

Cour de cassation de Belgique

Arret

5709

NDEG P.11.2042.F

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LIEGE,

demandeur en cassation,

contre

S. K.

etranger, prive de liberte,

defendeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Dominique Andrien, avocat au barreau de Liege,dont le cabinet est etabli à Liege, quai Godefroid Kurth, 12, ou il estfait election de domicile.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 1er decembre 2011 par lacour d'appel de Liege, chambre des mises en accusation.

Le demandeur invoque deux moyens dans la declaration de pourvoi annexee aupresent arret, en copie certifiee conforme.

Le conseiller Gustave Steffens a fait rapport.

L'avocat general Raymond Loop a conclu.

II. la decision de la cour

Sur la fin de non-recevoir opposee au pourvoi :

Le defendeur fait valoir que le pourvoi n'est pas recevable parce quel'article 31, S:S: 1 et 2, de la loi du 20 juillet 1990 relative à ladetention preventive ne prevoit ce recours que contre les arrets etjugements par lesquels la detention est maintenue.

Mais le pourvoi du ministere public contre l'arret statuant en applicationde l'article 72 de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire,le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers, n'est regi nipar cette disposition ni par l'article 31 susdit, mais par l'article 359,alinea 2, du Code d'instruction criminelle, lequel ne contient pas larestriction que le defendeur veut y mettre.

Dirigee contre l'article 72 de la loi du 15 decembre 1980, la questionprejudicielle proposee par le defendeur concerne une disposition etrangereaux conditions de recevabilite du pourvoi.

Il n'y a des lors pas lieu de la poser.

Sur le premier moyen :

1. Lorsqu'elles sont saisies d'un recours de l'etranger contre une mesureprivative de liberte en vue de son eloignement du territoire, lesjuridictions d'instruction se bornent à verifier si la mesure ainsi quela decision d'eloignement qui en est le soutien sont conformes à la loisans pouvoir se prononcer sur leur opportunite.

Le controle de legalite porte sur la validite formelle de l'acte,notamment quant à l'existence de sa motivation et au point de vue de saconformite tant aux regles de droit international ayant des effets directsdans l'ordre interne, dont la directive 2008/115/CE du 16 decembre 2008,qu'à la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire, le sejour,l'etablissement et l'eloignement des etrangers.

Le controle implique egalement la verification de la realite et del'exactitude des faits invoques par l'autorite administrative, le jugeexaminant si la decision s'appuie sur une motivation que n'entache aucuneerreur manifeste d'appreciation ou de fait.

L'article 237, alinea 3, du Code penal ainsi que le principeconstitutionnel de la separation des pouvoirs interdisent à lajuridiction d'instruction de censurer la mesure au point de vue de sesmerites, de sa pertinence ou de son efficacite.

2. L'arret releve qu'à deux reprises, le demandeur a fait l'objet d'unordre de quitter le territoire notifie sans privation de liberte, qu'iln'a pas respecte ces mesures tendant à son eloignement, qu'il a faitl'objet d'un troisieme ordre assorti cette fois d'une decision de maintiendans un lieu determine, et que la procedure est reguliere.

Pour decider de liberer neanmoins le demandeur, l'arret enonce qu'il a uneadresse fixe, qu'il poursuit avec succes des etudes secondaires et qu'ilne s'est jamais manifeste de maniere defavorable aux autorites. Les jugesd'appel en ont deduit que la detention devait etre consideree, d'une part,comme un traitement inhumain et degradant et, d'autre part, comme uneingerence disproportionnee dans la vie privee ou familiale du demandeur.

3. Est un traitement inhumain, au sens de l'article 3 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, tout actepar lequel une douleur aigue ou des souffrances graves, physiques oumorales, sont intentionnellement infligees. Quant aux traitementsdegradants, ils s'entendent de tout acte qui cause à celui qui y estsoumis, aux yeux d'autrui ou aux siens, une humiliation ou un avilissementgraves.

L'arrestation ou la detention reguliere d'une personne afin de proceder àson eloignement, mesure prevue par l'article 5.1, f, de la Convention, neconstitue pas un traitement inhumain ou degradant, au sens definici-dessus, lorsque, comme il apparait de l'arret, les modalitesd'execution de la privation de liberte ne sont pas elles-memes mises encause et que les mesures moins coercitives prises pour assurer le retourse sont averees insuffisantes par le fait du ressortissant concerne.

4. Le droit au respect de la vie privee, prevu par l'article 8 de laConvention, n'est pas un droit absolu. Cette disposition ne fait pasobstacle à l'ingerence d'une autorite publique dans l'exercice de cedroit lorsque cette ingerence est prevue par la loi et qu'elle constitueune mesure qui, dans une societe democratique, est necessaire à lasecurite nationale, à la surete publique, au bien-etre economique dupays, à la defense de l'ordre et à la prevention des infractionspenales, à la protection de la sante, de la morale ou des droits etlibertes d'autrui.

De la circonstance qu'un etranger en sejour illegal a une adresse fixe,reussit des etudes secondaires, n'est pas connu de la police et n'obeitpas aux ordres de quitter le territoire qui lui sont notifies sanscontrainte, il ne saurait se deduire que sa privation de liberte selon lesformes legales cesserait d'obeir aux fins prevues par l'article 8.2 de laConvention ou constituerait un acte hors de proportion avec l'eloignementque des mesures moins coercitives n'ont pu assurer.

Partant, les juges d'appel n'ont pas legalement justifie leur decision.

Le moyen est fonde.

Il n'y a pas lieu d'avoir egard au second moyen, qui ne saurait entrainerune cassation sans renvoi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Laisse les frais à charge de l'Etat ;

Renvoie la cause à la cour d'appel de Liege, chambre des mises enaccusation, autrement composee.

Lesdits frais taxes à la somme de cinquante-six euros dus.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le chevalier Jean de Codt, president de section, president,Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, Pierre Cornelis etGustave Steffens, conseillers, et prononce en audience publique du vingtet un decembre deux mille onze par le chevalier Jean de Codt, president desection, en presence de Raymond Loop, avocat general, avec l'assistance deFabienne Gobert, greffier.

+------------------------------------------+
| F. Gobert | G. Steffens | P. Cornelis |
|--------------+-------------+-------------|
| B. Dejemeppe | F. Close | J. de Codt |
+------------------------------------------+

21 DECEMBRE 2011 P.11.2042.F/5


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.11.2042.F
Date de la décision : 21/12/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-12-21;p.11.2042.f ?
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