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13/01/2012 | BELGIQUE | N°C.11.0091.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 janvier 2012, C.11.0091.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

77



NDEG C.11.0091.F

C.-W. P.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

1. S.D.W., societe anonyme dont le siege social est etabli à Ans(Alleur), rue des Technologies, 16, ayant fait election de domicile enl'etude de l'huissier de justice Marc Moers, etablie à Huy, quai deCompiegne, 56/57,

2. WETZELS, societe privee à responsa

bilite limitee dont le siege socialest etabli à Chaudfontaine (Beaufays), voie de l'Air Pur, 38, ayant faitelect...

Cour de cassation de Belgique

Arret

77

NDEG C.11.0091.F

C.-W. P.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

1. S.D.W., societe anonyme dont le siege social est etabli à Ans(Alleur), rue des Technologies, 16, ayant fait election de domicile enl'etude de l'huissier de justice Marc Moers, etablie à Huy, quai deCompiegne, 56/57,

2. WETZELS, societe privee à responsabilite limitee dont le siege socialest etabli à Chaudfontaine (Beaufays), voie de l'Air Pur, 38, ayant faitelection de domicile en l'etude de l'huissier de justice Marc Moers,etablie à Huy, quai de Compiegne, 56/57,

3. M.B.O., societe cooperative à responsabilite limitee dont le siegesocial est etabli à Uccle, avenue Chateau de Walzin, 10A,

defenderesses en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 21 octobre 2010par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 19 decembre 2011, l'avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport et l'avocat generalAndre Henkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- principe general du droit relatif à l'effet liberatoire de la forcemajeure ;

- principe general du droit en vertu duquel les delais impartis par la loipour l'accomplissement d'un acte sont proroges en faveur de la partiequ'un cas de force majeure a mise dans l'impossibilite d'accomplir cetacte avant l'expiration de ces delais ;

- articles 860, alinea 2, 1042, 1050 et 1051 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare l'appel irrecevable par les motifs que :

« A l'audience du 23 septembre 2010, les debats se sont limites, del'accord des parties à la cause, à la question de la recevabilite del'appel.

Il resulte des pieces deposees que :

- par lettre du 29 avril 2010, le conseil [du demandeur] a ete invite àindiquer les intentions de son client, suite au jugement [dont appel] quidate du 19 avril 2010 à defaut de quoi la decision serait signifiee etexecutee;

- par lettre du 18 mai 2010, le conseil [du demandeur] a ete averti de ladecision de faire proceder à la signification de la decision [dontappel] ;

- par lettre du 1er juillet, le conseil [du demandeur] a ete informe de ceque l'execution serait entamee;

- le jugement [dont appel] a ete signifie le 28 mai 2010;

- la requete d'appel a ete deposee le 8 juillet 2010.

L'appel est tardif.

Les delais pour former un recours sont prescrits à peine de decheance ;la decheance resultant de la tardivete de l'appel doit etre prononceed'office par le juge (Cass., 12 decembre 1996, C.96.0008.F, Pas.,nDEG502).

La force majeure justifiant la recevabilite d'un appel forme apresl'expiration du delai legal ne peut resulter que d'une circonstanceindependante de la volonte du demandeur et que cette volonte n'a pu niprevoir ni conjurer (Cass., 8 avril 2009, P.08.1907.F, Pas., nDEG248). Ila ete juge que l'erreur de fait invincible ne peut exister dans le chef[du demandeur] à propos de la date de prononciation d'un jugement contrelequel il a l'intention de former appel, que lorsque cette erreur resulted'une cause qui est etrangere [au demandeur] et qui ne peut lui etreimputee, à la condition que tout appelant raisonnablement prudent, setrouvant dans les circonstances identiques, eut aussi commis cette erreur(voir les conclusions du ministere public avant l'arret de la Cour decassation du 8 avril 2009).

[Le demandeur] produit des certificats medicaux.

Le certificat du docteur F. P. ne peut etre retenu, puisqu'il date du 20septembre 2010 et qu'il precise qu'il n'a vu [le demandeur] enconsultation que le 22 juillet 2010, soit apres la signification en datedu 28 mai 2010 ainsi qu'apres le depot de la requete d'appel en date du 8juillet 2010.

Le certificat du docteur C. B. date du 6 juillet 2010 et fait etat d'uneàffection incapacitante remontant à la mi-juin 2010'. La significationdate du 28 mai 2010 de sorte que [le demandeur], qui n'a ete atteint d'uneaffection incapacitante qu'à la mi-juin 2010, etait capable de donner desinstructions pour interjeter appel entre le 28 mai 2010 et la mi-juin2010.

Le certificat de D. S. du 13 septembre 2010 et le certificat de Me V. du22 septembre 2010 sont des certificats de complaisance qui ne demontrentnullement que [le demandeur] etait incapable d'exprimer son intentiond'interjeter appel en temps utile.

Il en resulte que [le demandeur] ne demontre pas qu'il se trouvait dans unetat de force majeure lors de la signification du jugement [dont appel] etqu'il avait [tout] le temps d'interjeter appel ou de donner desinstructions à cet effet d'autant plus qu'il etait dejà au courant, parl'intermediaire de son conseil, des intentions de signification des le 29avril 2010 ainsi que de la decision de signification des le 18 mai 2010.

Il y a lieu de declarer l'appel irrecevable pour cause de tardivete et decondamner [le demandeur] aux frais d'instance ».

Griefs

Premiere branche

Les delais pour former un recours sont prescrits à peine de decheance envertu de l'article 860, alinea 2, du Code judiciaire.

L'article 1050, alinea 1er, du Code judiciaire dispose qu'en toutesmatieres l'appel peut etre forme des la prononciation du jugement, meme sicelui-ci est une decision avant dire droit ou s'il a ete rendu par defaut.

En vertu de l'article 1051 du Code judiciaire, le delai pour interjeterappel est d'un mois à partir de la signification du jugement.

Toutefois, en cas de force majeure, un appel forme apres l'expiration dudelai legal peut etre declare recevable.

Le force majeure ne peut resulter que d'une circonstance independante dela volonte du demandeur et que cette volonte n'a pu ni prevoir niconjurer.

Si le juge du fond apprecie en fait si les circonstances allegueesconstituent un cas de force majeure, la Cour a le pouvoir de controler si,des circonstances retenues par lui, le juge a pu legalement deduire ou nonl'existence de la force majeure.

L'arret releve que « la decision [dont appel] a ete signifiee le 28 mai2010 de sorte que le dernier jour utile pour interjeter appel etait lemardi 29 juin 2010 ».

Apres avoir rappele les principes applicables, l'arret refuse dereconnaitre l'existence d'un cas de force majeure justifiant en l'especel'introduction de l'appel hors delai, au motif que l'« affectionincapacitante » dont a souffert le demandeur, dont l'arret ne contestepas l'existence, ne remonte qu'à la mi-juin et qu'elle n'existait doncpas entre le 28 mai 2010 et la mi-juin 2010, periode durant laquelle ledemandeur etait capable de donner des instructions pour interjeter appel.

Ce faisant, l'arret n'exclut pas que la force majeure empechait ledemandeur d'interjeter appel pendant la partie du delai d'appel s'etantecoulee de la mi-juin au 29 juin 2010 (date qu'il retient comme etant ledernier jour utile pour interjeter appel), mais refuse d'en tenir comptedes lors qu'il constate que le demandeur etait capable de donner desinstructions pour interjeter appel entre le 28 mai 2010 et la mi-juin,soit avant d'etre atteint par l'« affection incapacitante » dont faitetat le certificat du docteur C. B.

Autrement dit, la cour d'appel a decide que le demandeur etait tenud'interjeter appel durant la partie du delai d'appel s'etant ecoulee avantqu'il ne soit atteint de l'« affection incapacitante » constatee par ledocteur C. B., soit entre le 28 mai 2010 et la mi-juin, en sorte que ledelai d'appel se trouvait limite à cette seule periode et que ledemandeur se trouvait prive du droit d'interjeter appel dans le delai d'unmois prevu par l'article 1051 du Code judiciaire. Le delai utile pourinterjeter appel aurait ete ainsi limite pour le demandeur selon l'arretà une periode inferieure au mois prevu par l'article 1051 du Codejudiciaire.

Ce faisant, l'arret viole les articles 1050 et 1051 du Code judiciaire etn'est pas legalement justifie.

Seconde branche

De la meme maniere qu'en matiere contractuelle, la force majeure quiintervient durant l'ecoulement d'un delai imparti par la loi à peine dedecheance a un effet suspensif qui se termine de plein droit lorsquel'evenement de force majeure cesse de produire ses effets.

Dans cette hypothese, la force majeure a pour effet de proroger le delaien faveur de la partie que le cas de force majeure a empechee d'accomplirl'acte avant l'expiration du delai.

L'arret constate que l'« affection incapacitante » dont a ete atteint ledemandeur est intervenue à la mi-juin 2010 soit avant l'expiration dudelai pour interjeter appel qui, selon les enonciations de l'arret,expirait le 29 juin 2010.

Constatant ainsi l'existence d'un cas de force majeure à partir de lami-juin 2010, l'arret refuse neanmoins d'en tenir compte estimant que ledemandeur aurait pu interjeter appel avant cette date.

L'evenement de force majeure permettant d'echapper à la decheanceresultant de l'expiration du delai d'appel ne doit pourtant pas produireson effet durant toute la duree du delai d'appel mais peut intervenir àtout moment durant ce delai en ce compris le dernier jour de celui-ci pourjustifier son effet liberatoire, impliquant la prorogation du delai enfaveur de la partie que le cas de force majeure a empechee d'accomplirl'acte avant l'expiration du delai.

La cour d'appel, qui refuse de tenir compte de l'evenement de forcemajeure ayant empeche le demandeur d'interjeter appel en temps utile parcequ'il n'est intervenu qu'en cours de delai de sorte qu'il etait possibleau demandeur d'interjeter appel au debut du delai jusqu'à l'interventionde ce cas de force majeure, denie ce faisant à la force majeure invoqueepar le demandeur tout effet et viole le principe general du droit relatifà l'effet liberatoire de la force majeure, ainsi que le principe generaldu droit en vertu duquel les delais impartis par la loi pourl'accomplissement d'un acte sont proroges en faveur de la partie qu'un casde force majeure a mise dans l'impossibilite d'accomplir cet acte avantl'expiration de ces delais.

III. La decision de la Cour

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'effet liberatoire de la force majeure, un delai imparti parla loi pour l'accomplissement d'un acte est proroge en faveur de la partiequ'un cas de force majeure a mise dans l'impossibilite d'accomplir cetacte pendant tout ou partie de ce delai. Celui-ci etant suspendu pendantque la force majeure existe, il recommence à courir lorsque la forcemajeure cesse d'exister.

Apres avoir releve que le jugement dont appel a ete signifie au demandeurle 28 mai 2010, l'arret admet que celui-ci a ete frappe d'incapacite enraison d'une affection medicale de la mi-juin au 6 juillet 2010.

En considerant que l'appel interjete par le demandeur le 8 juillet 2010,soit plus d'un mois apres cette signification, est tardif au motif que ledemandeur « ne demontre pas qu'il se trouvait dans un etat de forcemajeure lors de la signification du jugement [dont appel] et qu'il avait[tout] le temps d'interjeter appel ou de donner des instructions à ceteffet [entre le 28 mai et la mi-juin 2010,] d'autant plus qu'il etaitdejà au courant, par l'intermediaire de son conseil, des intentions designification des le 29 avril 2010 ainsi que de la decision designification des le 18 mai 2010 », l'arret ne justifie pas legalement sadecision de declarer l'appel irrecevable.

En cette branche, le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersSylviane Velu, Martine Regout, Mireille Delange et Michel Lemal, etprononce en audience publique du treize janvier deux mille douze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+----------+-------------|
| M. Regout | S. Velu | A. Fettweis |
+------------------------------------------+

13 JANVIER 2012 C.11.0091.F/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 13/01/2012
Date de l'import : 15/02/2012

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.11.0091.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-01-13;c.11.0091.f ?
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