La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/2012 | BELGIQUE | N°C.10.0569.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 mars 2012, C.10.0569.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1533



NDEG C.10.0569.F

DELTA LLOYD LIFE, societe anonyme dont le siege social est etabli àSaint-Gilles-lez-Bruxelles, avenue Fonsny, 38,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

ETHIAS DROIT COMMUN, association d'assurances mutuelles dont le siege estetabli à Liege, rue des Croisiers, 24,

defenderesse en cassation,
r>representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfor...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1533

NDEG C.10.0569.F

DELTA LLOYD LIFE, societe anonyme dont le siege social est etabli àSaint-Gilles-lez-Bruxelles, avenue Fonsny, 38,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

ETHIAS DROIT COMMUN, association d'assurances mutuelles dont le siege estetabli à Liege, rue des Croisiers, 24,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 26 mai 2010par le tribunal de premiere instance de Liege, statuant en degre d'appel.

Le conseiller Alain Simon a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- articles 3, alinea 1er, b), et 14, specialement S:S: 2 et 3, de la loidu3 juillet 1967 sur la prevention ou la reparation des dommages resultantdes accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travailet des maladies professionnelles dans le secteur public ;

- article 41, alinea 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque condamne la demanderesse, sur la base des articles1382 et 1383 du Code civil, à rembourser à la defenderesse, en qualitede subrogee dans les droits de l'Intercommunale AIOMS, employeur de ladame P., ses decaissements relatifs à l'incapacite permanente partiellede la victime, soit la somme de 176.900,55 euros en principal, montant desrentes payees et de la reserve mathematique, aux motifs que « la(defenderesse) fonde son action sur l'article 1382 du Code civil,fondement conteste par la (demanderesse).

L'employeur public dispose à l'encontre du tiers responsable del'accident du travail dont a ete victime son agent et de son assureur deresponsabilite d'un recours subrogatoire fonde sur l'article 14, S: 3, dela loi du 3 juillet 1967 ainsi que d'un recours direct fonde sur l'article1382 du Code civil.

En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, celui qui cause àautrui un dommage est tenu de le reparer integralement, ce qui implique leretablissement du prejudicie dans l'etat ou il se serait trouve si l'actedommageable n'avait pas ete commis.

En l'etat actuel de la legislation, aucune disposition ne permet d'excluredu droit commun de la responsabilite civile le recours de l'employeurpublic à l'egard du tiers responsable.

Ces deux articles (1382 du Code civil et 14, S: 3, de la loi du 3 juillet1967) sont de meme nature, de sorte que ces recours coexistent, aucun neprevalant sur l'autre.

Reconnaitre l'action directe de l'employeur ne revient pas à nier lerecours legal de ce dernier fonde sur la subrogation, chacun de cesrecours repondant à des conditions qui lui sont propres.

Il appartient à la (defenderesse) qui fonde son recours sur l'article1382 du Code civil d'etablir la reunion des conditions imposees par cettedisposition en demontrant l'existence dans le chef de l'assure de la(demanderesse) d'une faute en lien causal avec le dommage pretendumentencouru.

Tant en droit commun qu'en accident du travail, les medecins ont retenuune incapacite permanente partielle de 23 p.c. avec consolidation au 1erjanvier 1997.

La (defenderesse) reclame l'indemnisation du dommage subi par l'employeurpublic durant la periode d'incapacite permanente, soit des rentes payeeset la reserve mathematique, soit un montant total de 176.900,55 euros,lequel ne fait pas l'objet de contestation quant à son quantum.

La (demanderesse) conteste par contre le droit de la (defenderesse)d'exercer un recours direct, s'appuyant notamment sur les arrets de laCour de cassation des 9 janvier 2006, 28 mai 2008, 12 novembre 2008 et 30juin 2009.

Une jurisprudence ne genere aucune norme juridique obligatoire.

Le tribunal ne peut se rallier à l'opinion suivant laquelle la renteversee devrait rester à charge de l'employeur.

Le dommage de l'employeur public consiste en l'obligation legale de verserune rente alors qu'aucune contrepartie n'existe dans le chef de l'employe,decaissements qui n'auraient pas du etre effectues si l'accident n'avaitpas eu lieu.

A l'instar de l'obligation de paiement de la remuneration durant laperiode d'incapacite temporaire, il ne ressort pas de la loi que cetteobligation doive etre definitivement supportee par l'employeur, ce qui estau contraire contredit par la subrogation legale prevue par lelegislateur.

Il ne se justifie pas en l'etat actuel de la legislation d'operer unedistinction entre le regime applicable aux remunerations payees durantl'incapacite temporaire et les rentes versees.

Le recours de la (defenderesse) est en consequence fonde à concurrence dela somme de 176.900,55 euros ».

Griefs

En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, quiconque cause par safaute un dommage à autrui est tenu de reparer ce dommage integralement,c'est-à-dire de replacer la victime dans la situation dans laquelle ellese trouverait si le fait dont elle se plaint n'avait pas ete commis.

L'employeur public qui, en vertu de ses obligations legales etreglementaires, est tenu de verser une remuneration à son agent sansrecevoir de prestation en contrepartie a droit à une indemnite lorsqu'ilsubit ainsi un dommage.

En vertu de l'article 14, S: 2, de la loi du 3 juillet 1967, les personnesou les etablissements vises à l'article 1er restent tenus au paiement dela rente prevue par l'article 3, b), de la meme loi en cas d'incapacitepermanente.

Lorsque, conformement à cette loi, l'employeur public est tenu de payerune rente pour une incapacite permanente partielle alors qu'il n'est pasprive des prestations de son agent, le paiement de cette rente et ducapital constitue pour la servir ne constitue pas, pour ce pouvoir publicet, partant, pour la partie subrogee dans ses droits en vertu de l'article41 de la loi du 25 juin 1992, un dommage au sens des articles 1382 et 1383du Code civil, nonobstant les circonstances que cet employeur est, envertu de l'article 14, S: 3, alinea 1er, de la loi du 3 juillet 1967,subroge de plein droit dans tous les droits, actions et moyens que lavictime serait en droit de faire valoir contre la personne responsable del'accident et ce, jusqu'à concurrence du montant des rentes et du capitalrepresentatif de ces rentes, et que l'employeur soit contraint à unedepense qu'il n'aurait pas du faire sans l'accident.

Le jugement attaque, qui se fonde, pour condamner la demanderesse àrembourser à la defenderesse le montant de ses decaissements pourl'incapacite permanente partielle, sur les circonstances que ceux-ci« n'auraient pas du etre effectues si l'accident n'avait pas eu lieu »et qu' « il ne ressort pas de la loi que l'obligation (de verser unerente) doive etre definitivement supportee par l'employeur, ce qui est aucontraire contredit par la subrogation legale prevue par lelegislateur », viole, partant, toutes les dispositions legales visees aumoyen.

III. La decision de la Cour

L'employeur public qui, en vertu de ses obligations legales oureglementaires, est tenu de verser une remuneration à son agent sansrecevoir de prestations en contrepartie a droit à une indemnite lorsqu'ilsubit ainsi un dommage.

Lorsque, conformement à la loi ou au reglement, l'employeur public esttenu de verser à son agent, outre une remuneration, une rented'incapacite permanente partielle alors qu'il n'est pas prive desprestations de celui-ci, le paiement de cette rente ou du capitalconstitue pour la servir ne constitue pas un dommage au sens des articles1382 et 1383 du Code civil.

En considerant que la demanderesse n'aurait pas du effectuer lesdecaissements pour l'incapacite permanente partielle de la defenderesse sil'accident n'avait pas eu lieu et qu'il ne ressort pas de la loi que cetteobligation de verser une rente doive etre definitivement supportee parl'employeur, ce qui est contredit par la subrogation legale prevue par lelegislateur, les juges d'appel n'ont pas legalement justifie leur decisionde condamner la demanderesse à rembourser à la defenderesse le montantde ces decaissements sur la base des articles precites.

Le moyen est fonde.

La defenderesse fait valoir que, interpretes comme ne tenant pas pour undommage reparable le paiement de la rente due par son employeur à unagent du service public en raison d'une incapacite permanente de travailalors que constitue pareil dommage le paiement de la remuneration due àcet agent pendant une periode d'incapacite temporaire de travail, lesarticles 1382 et 1383 du Code civil, rapproches des autres dispositionslegales dont le moyen invoque la violation, emportent une discriminationcontraire aux regles constitutionnelles de l'egalite des Belges devant laloi et de la non-discrimination dans l'exercice des droits et libertes quileur sont reconnus, consacrees par les articles 10 et 11 de laConstitution.

La defenderesse ne denonce pas une distinction que creeraient lesdispositions legales qu'elle vise mais critique les effets del'application de ces dispositions legales à des situations de faitdifferentes suivant que l'employeur public est ou non prive desprestations de travail de son agent.

Il n'y a, des lors, pas lieu de poser de question prejudicielle à la Courconstitutionnelle.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugement casse;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant le tribunal de premiere instance de Huy, siegeanten degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Martine Regout, Alain Simon et Michel Lemal, et prononce en audiencepublique du deux mars deux mille douze par le president Christian Storck,en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier PatriciaDe Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | A. Simon |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

2 MARS 2012 C.10.0569.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0569.F
Date de la décision : 02/03/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-03-02;c.10.0569.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award