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30/03/2012 | BELGIQUE | N°F.11.0011.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 mars 2012, F.11.0011.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

4810



NDEG F.11.0011.F

DERBY, societe anonyme dont le siege social est etabli à Uccle, chausseede Waterloo, 715,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Anto

ine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfa...

Cour de cassation de Belgique

Arret

4810

NDEG F.11.0011.F

DERBY, societe anonyme dont le siege social est etabli à Uccle, chausseede Waterloo, 715,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 4 fevrier 2010par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 8 mars 2012, l'avocat general Andre Henkes a depose des conclusions augreffe.

Le conseiller Alain Simon a fait rapport et l'avocat general Andre Henkesa ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 76, S: 1er, 91, avant sa modification par le decret du Conseilflamand du 19 decembre 2008 (en Region flamande) et par le decret duParlement wallon du 18 decembre 2003 (en Region wallonne), et 92, avantses modifications par les arretes royaux du 20 juillet 2000 et du 13juillet 2001 et, en Region wallonne, par le decret du Parlement wallon du10 decembre 2009, du Code des taxes assimilees aux impots sur les revenus,coordonne par l'arrete royal du 23 novembre 1965 ;

- article 1er de la loi du 24 octobre 1902 concernant le jeu, complete parla loi du 19 avril 1963 et par l'article 1er de la loi du 22 novembre 1974et interprete par la loi du 14 aout 1978, avant l'abrogation de cesdispositions par la loi du 7 mai 1999 ;

- article 3 de l'arrete royal du 13 janvier 1975 portant la liste desappareils dont l'exploitation est autorisee et son annexe, avant leurabrogation par l'arrete royal du 22 decembre 2000.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare non fondees les demandes de degrevement des cotisationsenrolees et de remboursement des montants payes sur la base de celles-ci,et condamne la demanderesse aux depens, par tous ses motifs consideres icicomme integralement reproduits et, plus particulierement, aux motifs que :

« 1. L'article 92 du [Code des taxes assimilees aux impots sur lesrevenus], dans sa version applicable aux faits, dispose : `Le placementd'un appareil vise à l'article 91 dans les lieux definis à l'article 76,S: 1er, donne lieu à une imposition d'office de 200.000 francs dans lechef du proprietaire de l'appareil ou, si le proprietaire n'est pas connu,dans le chef de la personne qui a autorise le placement de l'appareil dansles lieux precites'.

Les appareils vises à l'article 91 sont les àppareils automatiques dejeux de hasard dont l'exploitation est interdite en vertu de l'article 1erde la loi du 24 octobre 1902 concernant le jeu, complete par la loi du 19avril 1963 et par l'article 1er de la loi du 22 novembre 1974'.

Il n'est pas conteste qu'en 1999 l'exploitation des appareils Wheel ofFortune, Pontoon et International Toote etait en principe interdite, saufs'il s'agissait, selon les termes de l'arrete royal du 13 janvier 1975portant la liste des appareils de jeux dont l'exploitation est autorisee,d'une exploitation `par des exploitants de parcs d'attraction, par desexploitants de lunaparks ou par des industriels forains à l'occasion dekermesses, de foires commerciales ou autres et en des occasions analogues'(article 3).

2. (La demanderesse) soutient qu'elle peut etre consideree, au sens del'arrete royal precite, comme un exploitant de `lunapark' en ce quiconcerne l'espace reserve aux jeux de hasard qu'elle avait fait amenagerdans ses agences de paris hippiques et qu'elle a generalement appele`Magic Hall'.

(La demanderesse) critique le premier juge en ce qu'il s'est attache, enl'absence de definition par le legislateur ou l'autorite reglementaire, ausens usuel du terme lunapark, rec,u dans le langage populaire davantageque dans les dictionnaires ou encyclopedies.

Or, la definition par le dictionnaire Van Dale, auquel se refere (lademanderesse), du terme lunapark comme `gokhal', ce que la cour [d'appel]traduit librement comme `maison de jeu', ne contredit pas la definitiondonnee par le premier juge, qui a considere que, dans son sens usuel, leterme lunapark `evoque assurement une salle de jeux automatiques - voirememe de jeux automatiques de hasard - mais que cette salle doit y etreaffectee, avec un grand nombre d'appareils de nature differente, et doits'identifier comme telle aux yeux du public, à qui il appartient des lorsde s'y rendre de sa propre initiative, sans autre but que celui de jouersur des machines automatiques'.

Les espaces Magic Hall de (la demanderesse) ne repondent pas à cettedescription.

Il ressort des proces-verbaux que lesdits espaces n'etaient accessiblesqu'apres avoir penetre dans les agences et ce, uniquement durant lesheures d'ouverture des agences, et que la porte entre les deux espacesetait souvent ouverte.

Qui plus est, les photos que (la demanderesse) depose devant la cour[d'appel] montrent qu'à partir de la voie publique les passants nepouvaient qu'avoir l'impression qu'il s'agissait d'une agence hippique oul'on pouvait accessoirement jouer sur des appareils automatiques. Eneffet, alors que la plupart des agences avaient un panneau fixe avec lenom `Ladbrokes', qui s'etendait tout au long de la fac,ade, la publicitepour les Magic Halls se limitait à une affiche suspendue aux vitrines del'agence, laquelle affiche avait une taille equivalente aux simplesaffiches vantant les paris hippiques ou footballistiques.

Une telle publicite n'est pas de nature à attirer une clientele propreaux Magic Halls, contrairement à ce que soutient (la demanderesse).

La separation de l'espace Magic Hall de l'agence hippique par des cloisonsn'enleve rien à cet etat de fait.

Les jeux electroniques de hasard n'etaient donc qu'une activite accessoireproposee au public frequentant les agences hippiques.

Peu importe, de ce point de vue, que (la demanderesse) ait beneficie d'unetolerance administrative selon laquelle les agences de paris hippiquespouvaient etre installees, sous certaines conditions, dans un batimentaffecte par ailleurs à d'autres activites commerciales, cette toleranceetant parfaitement etrangere à la question si de telles agences pouvaientabriter, en leur sein, un espace pour des appareils automatiques de jeuxde hasard. Cette tolerance n'a pas pu, comme telle, creer d'attenteslegitimes chez (la demanderesse) en matiere de taxes sur les appareilsautomatiques de divertissement.

Enfin, le renvoi par (la demanderesse) à la legislation actuelle sur lareconnaissance des salles de jeux de classe II (loi du 7 mai 1999 sur lesjeux de hasard, les etablissements de jeux de hasard et la protection desjoueurs) n'est pas pertinent. Outre le fait que cette legislation n'etaitpas applicable pour l'exercice litigieux, (la demanderesse) n'apporte pasla preuve qu'elle a obtenu le statut d'etablissement de classe II.

C'est donc à bon droit que le premier juge a considere que l'exploitationdes appareils Wheel of Fortune, Pontoon et International Toote etaitinterdite dans les Magic Halls et que leur placement etait, par voie deconsequence, taxable sur pied de l'article 92 du [Code des taxesassimilees aux impots sur les revenus] ».

Griefs

Avant ses modifications par les arretes royaux du 20 juillet 2000 et du 13juillet 2001, l'article 92 du Code des taxes assimilees aux impots sur lesrevenus disposait que le placement d'un appareil vise à l'article 91 dansles lieux definis à l'article 76, S: 1er, donne lieu à une impositiond'office de 200.000 francs dans le chef du proprietaire de l'appareil ou,si le proprietaire n'est pas connu, dans le chef de la personne qui aautorise le placement de l'appareil dans les lieux precites.

L'article 91 du Code des taxes assimilees aux impots sur les revenus, danssa version applicable au litige, vise les appareils automatiques de jeuxde hasard dont l'exploitation est interdite en vertu de l'article 1er dela loi du 24 octobre 1902 concernant le jeu, complete par la loi du 19avril 1963 et par l'article 1er de la loi du 22 novembre 1974. Les lieuxvises à l'article 76, S: 1er, du Code des taxes assimilees aux impots surles revenus sont la voie publique, les endroits accessibles au public oudes cercles prives, que le droit d'acces à ces cercles soit subordonne ounon à l'accomplissement de certaines formalites.

Il s'en deduit que le placement d'un appareil interdit par l'article 1erde la loi du 24 octobre 1902 concernant le jeu sur la voie publique, dansdes endroits accessibles au public ou dans des cercles prives, que ledroit d'acces à ces cercles soit subordonne ou non à l'accomplissementde certaines formalites, donne lieu - sauf derogation - à l'impositiond'office prevue par l'article 92 du Code des taxes assimilees aux impotssur les revenus.

Avant son abrogation par la loi du 7 mai 1999, l'article 1er de la loi du24 octobre 1902 disposait que l'exploitation des jeux de hasard estinterdite, le Roi etant habilite à arreter la liste des appareils de jeuxde hasard dont l'exploitation reste autorisee nonobstant les dispositionsqui precedent (article 1er, dernier alinea, de la loi du 24 octobre 1902,tel qu'il a ete interprete par l'article unique de la loi du 14 aout 1978).

L'article 3 de l'arrete royal du 13 janvier 1975 portant la liste desappareils dont l'exploitation est autorisee, avant son abrogation parl'arrete royal du 22 decembre 2000, disposait que l'expoitation des jeuxmentionnes en son annexe reste autorisee, mais uniquement par desexploitants de parcs d'attractions, par des exploitants de lunaparks oupar des industriels forains à l'occasion de kermesses, de foirescommerciales ou autres et en des occasions analogues.

Les jeux International Toote, Pontoon et Wheel of Fortune sont mentionnesà l'annexe de l'arrete royal du 13 janvier 1975 precite ; il s'en deduitque ces jeux automatiques ne sont pas des jeux de hasard interdits parl'article 1er de la loi du 24 octobre 1902 precitee lorsqu'ils sontinstalles par des exploitants de lunaparks.

La notion de lunapark vise toute salle de jeux automatiques ou sontexploites des jeux de hasard, qu'elle soit ou non adjacente à un parcd'attractions, un cinema ou une agence de paris, exploitee à titreprincipal ou accessoire.

L'arret, pour decider que les jeux International Toote, Pontoon et Wheelof Fortune sont soumis à l'imposition d'office prevue par l'article 92 duCode des taxes assimilees aux impots sur les revenus, considere que « leterme lunapark `evoque assurement une salle de jeux automatiques - voirememe de jeux automatiques de hasard - mais [que] cette salle doit y etreaffectee, avec un grand nombre d'appareils de nature differente, et doits'identifier comme telle aux yeux du public, à qui il appartient des lorsde s'y rendre de sa propre initiative, sans autre but que celui de jouersur des machines automatiques' ». Il decide ensuite que « les espacesMagic Hall de (la demanderesse) » ne repondent pas à la notion de« lunaparks » aux motifs que « les jeux electroniques de hasardn'etaient [...] qu'une activite accessoire proposee au public frequentantles agences hippiques ».

Ce faisant, l'arret meconnait la notion de lunapark au sens de l'article 3de l'arrete royal du 13 janvier 1975 portant la liste des appareils dontl'exploitation est autorisee, y ajoutant des conditions qui n'y sont pasprevues, et viole, partant, les dispositions visees au moyen.

III. La decision de la Cour

En vertu de l'article 3 de l'arrete royal du 13 janvier 1975 portant laliste des appareils de jeux dont l'exploitation est autorisee, resteautorisee l'exploitation des appareils de jeux de hasard mentionnes dansl'annexe à cet arrete, mais uniquement par des exploitants de parcsd'attractions, par des exploitants de lunaparks ou par des industrielsforains à l'occasion de kermesses, de foires commerciales ou autres et endes occasions analogues.

Des lors que la notion de lunapark, qui apparait à l'article 3 del'arrete royal du 13 janvier 1975, n'est pas definie plus specifiquement,elle doit s'entendre au sens usuel.

Par les considerations que « la definition par le dictionnaire Van Dale,auquel [se] refere [la demanderesse], du terme lunapark comme `gokhal', ceque la cour [d'appel] traduit librement comme `maison de jeu', necontredit pas la definition donnee par le premier juge, qui a considereque, dans son sens usuel, le terme lunapark `evoque assurement une sallede jeux automatiques - voire meme de jeux automatiques de hasard - maisque cette salle doit [y] etre affectee, avec un grand nombre d'appareilsde nature differente, et doit s'identifier comme telle aux yeux du public,à qui il appartient des lors de s'y rendre de sa propre initiative, sansautre but que celui de jouer sur des machines automatiques », et qu'enl'espece « les jeux electroniques de hasard n'etaient [...] qu'uneactivite accessoire proposee au public frequentant les agenceshippiques », les juges d'appel ont pu decider, sans violer l'article 3 del'arrete royal du 13 janvier 1975, que les espaces Magic Hall de lademanderesse ne s'identifient pas à un lunapark.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de nonante-sept euros dix-neuf centimesenvers la partie demanderesse et à la somme de cent quatre-vingt-septeuros dix-sept centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Sylviane Velu,Martine Regout, Alain Simon et Gustave Steffens, et prononce en audiencepublique du trente mars deux mille douze par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

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| P. De Wadripont | G. Steffens | A. Simon |
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| M. Regout | S. Velu | Chr. Storck |
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30 MARS 2012 F.11.0011.F/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 30/03/2012
Date de l'import : 19/04/2012

Numérotation
Numéro d'arrêt : F.11.0011.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-03-30;f.11.0011.f ?
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