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22/11/2012 | BELGIQUE | N°C.11.0688.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 novembre 2012, C.11.0688.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

6206



NDEG C.11.0688.F

Republique d'Argentine, dont les bureaux du president sont etablis àBuenos Aires (Argentine), Casa Rosada, et dont l'ambassade en Belgique estetablie à Bruxelles, avenue Louise, 225,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

NMC Capital Ltd, societe de droit des Iles Caimans dont le siege estetabli à Maples Co

rporate Services Limited, PO Box 309, Ugland House,Grand Caiman, KY-1104, Iles Caimans,

defenderesse en c...

Cour de cassation de Belgique

Arret

6206

NDEG C.11.0688.F

Republique d'Argentine, dont les bureaux du president sont etablis àBuenos Aires (Argentine), Casa Rosada, et dont l'ambassade en Belgique estetablie à Bruxelles, avenue Louise, 225,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

NMC Capital Ltd, societe de droit des Iles Caimans dont le siege estetabli à Maples Corporate Services Limited, PO Box 309, Ugland House,Grand Caiman, KY-1104, Iles Caimans,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 21 juin 2011par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 31 octobre 2012, le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a deposedes conclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et le procureur general

Jean-Franc,ois Leclercq a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 22, 3, et 25 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 surles relations diplomatiques, approuvee par la loi du 30 mars 1968 portantapprobation des actes internationaux suivants : 1. Convention de Viennesur les relations diplomatiques ; 2. Protocole de signature facultativeconcernant le reglement obligatoire des differends ; 3. Protocole designature facultative concernant l'acquisition de la nationalite, faits àVienne le 18 avril 1961, et, pour autant que de besoin, cette loid'approbation ;

- article 31, 1, de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droitdes traites, approuvee par la loi du 10 juin 1992 portant approbation dela Convention de Vienne sur le droit des traites, et de l'annexe, faitesà Vienne le 23 mai 1969, et, pour autant que de besoin, cette loid'approbation ;

- article 38, S: 1er, b), du Statut de la Cour internationale de Justiceannexe à la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945, approuve par la loidu 14 decembre 1945 approuvant la Charte des Nations Unies et le Statut dela Cour internationale de Justice, signes à San Francisco le 26 juin1945, et, pour autant que de besoin, cette loi d'approbation ;

- article 32 de la Convention europeenne sur l'immunite des Etats, faiteà Bale le 16 mai 1972 et approuvee par la loi du 19 juillet 1975 ;

- regle coutumiere internationale ne impediatur legatio ;

- regle coutumiere internationale liant à tout le moins la republiqued'Argentine et le royaume de Belgique en vertu de laquelle l'immunited'execution dont beneficient les missions diplomatiques d'un Etat etrangerdoivent faire l'objet d'une renonciation specifique.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare l'appel de la defenderesse recevable et fonde, reforme lejugement entrepris et, statuant à nouveau, dit l'opposition à lasaisie-arret conservatoire pratiquee le 7 aout 2009 introduite par lademanderesse par citation du 14 aout 2009 non fondee, deboute lademanderesse de l'ensemble de ses demandes et la condamne aux depens desdeux instances, y compris l'indemnite de procedure liquidee à 1.320 eurospar instance.

Cette decision est fondee sur l'ensemble des motifs de l'arret, tenus pouretre ici expressement reproduits, et plus particulierement sur les motifssuivants :

« 4. La [demanderesse] conteste le bien-fonde de l'appel en invoquant,tout comme devant le premier juge, l'immunite d'execution des avoirssaisis.

Les Etats etrangers jouissent en Belgique d'une immunite d'execution.

Il est toutefois admis que cette immunite n'est pas absolue en ce sensqu'elle ne s'etend qu'aux biens affectes aux activites de souverainete del'Etat et que les biens dont l'affectation est privee ou commercialepeuvent faire l'objet d'une execution forcee (E. Dirix et K. Broeckx,Beslag, 2010, nDEG 197, pp. 150 - 151).

Les biens des missions diplomatiques et consulaires beneficient egalementd'immunite, ce qui n'empeche cependant qu'il est autorise de saisir desbiens etrangers à ces missions.

Cette immunite, qui protege le diplomate et sa fonction sans astreindrel'Etat de provenance au maintien de cette protection, peut faire l'objetd'une renonciation.

Il s'agit d'une immunite qui s'inscrit dans le principe de l'immunited'execution des Etats dont l'ambassade est un organe, ce qui implique que,pour que la protection soit d'application, la relation entre les bienssaisis et la necessite de ces biens pour la representation diplomatiquedoit etre etablie.

Cette immunite diplomatique repose sur la Convention de Vienne du 18 avril1961 qui en determine les contours dans le cadre de la fonctiondiplomatique de l'Etat.

Le texte meme de la Convention ne parle pas des comptes bancaires,comptes-titres et avoirs en banque de la mission diplomatique, ce quin'empeche qu'ils sont proteges pour autant que ces avoirs soientspecifiquement affectes aux besoins de la mission.

Ainsi il a ete juge : `Il n'est pas conteste que les avoirs des Etatsetrangers, et notamment les avoirs bancaires affectes aux besoins de leursambassades, beneficient de l'immunite d'execution' (Bruxelles, 21 juin2002, J. T., 2002, 714 ; cfr egalement Bruxelles, 4 octobre 2002, J. T.,2003, 318).

Dans la jurisprudence et la doctrine belges et internationales, il existedes opinions divergentes quant au caractere autonome ou non de l'immuniteen ce qui concerne les comptes en banque d'une mission diplomatique, bienque ni le texte de la Convention de Vienne de 1961, ni le droitinternational coutumier, ni les conventions internationales ne justifientla these d'un regime d'immunite d'execution tout à fait autonome,derogatoire par rapport à l'immunite d'execution des Etats en ce quiconcerne les comptes de la mission diplomatique.

Les articles 22 à 25 de la Convention visent certains biens specifiques :les locaux de la mission (article 22, 1), leur ameublement et les autresobjets qui s'y trouvent ainsi que les moyens de transport de la mission(article 22, 3).

L'objectif de cette protection est strictement lie à la fonctiondiplomatique. En d'autres mots, pour ces biens, il n'y a pas lieu deconsiderer l'immunite dont ils beneficient comme fondamentalementdistincte du regime general. Il s'agit plutot d'une application concrete,d'une precision apportee au regime general.

En effet, la finalite de la Convention est, selon son preambule, 'non pasd'avantager des individus mais d'assurer l'accomplissement efficace desfonctions des missions diplomatiques en tant que representant des Etats',ce qui souligne le caractere purement fonctionnel de la protection liee àdes biens determines dans la Convention.

Il y a lieu de souligner ici que ce n'est pas parce que, comme l'affirmeà juste titre la [demanderesse], l'esprit de la Convention de Vienne estde favoriser les relations entre les pays et d'assurer l'accomplissementefficace des fonctions des missions diplomatiques en tant querepresentantes des Etats qu'il peut etre donne aux articles 22 à 25 uneportee qui ne trouve pas appui dans le texte meme.

La [demanderesse] invoque encore que, dans sa Recommandation nDEG R (97)10 de 1997, le comite des ministres du Conseil de l'Europe a declare lescomptes bancaires qui detiennent les fonds de roulement de l'ambassadeinsaisissables.

La cour [d'appel] observe à ce sujet que, comme l'indiquent l'intitule dutexte, l'introduction et le premier paragraphe du point 3, il s'agit d'uneopinion emise dans le cadre specifique d'une 'Recommandation' formulee ausujet de la problematique de l'endettement des missions diplomatiques, desmissions permanentes et des missions diplomatiques 'doublementaccreditees' et de leurs membres, et non dans le cadre d'une execution àcharge de l'Etat meme. Il n'y a donc pas lieu de conferer à cette opinionventilee d'un point de vue juridique portant uniquement sur le probleme dedettes contractees par les representations diplomatiques ou par un membred'une telle representation une portee generale qui ne s'impose pas sur labase du texte de la Convention meme et ce, d'autant plus que, comme lacour [d'appel] l'a dejà observe, il y a lieu de tenir compte du criterefonctionnel.

Quant aux avoirs deposes sur des comptes bancaires, la Convention deVienne ne prevoit rien de particulier. Cela n'empeche que plusieursauteurs soutiennent une lecture extensive assimilant les comptes bancairesdes missions diplomatiques aux biens vises dans les articlessusmentionnes.

L'assimilation des sommes deposees sur les comptes bancaires d'uneambassade ou autre mission diplomatique aux biens vises par la Conventionde Vienne implique que l'immunite accordee par cette convention estapplicable à ces avoirs en banque, immunite d'execution accordee auxEtats et appliquee à l'accomplissement de la fonction diplomatique, cequi signifie que, pour jouir de cette immunite, ces avoirs doivent etrerattaches aux besoins de la mission, qu'ils doivent servir à l'exerciced'une activite de souverainete de l'Etat accreditant.

Cette these ne justifie cependant pas la necessite d'une renonciationportant specifiquement sur les avoirs bancaires des missionsdiplomatiques. La cour [d'appel] y reviendra plus loin.

Contrairement à ce que pretend la [demanderesse], le fait que laConvention des Nations Unies sur l'immunite juridictionnelle des Etats etde leurs biens adoptee par l'Assemblee generale des Nations Unies le 2decembre 2004 - qui n'est pas encore entree en vigueur à ce jour faute deratifications suffisantes - dresse à l'article 19 une liste descategories specifiques de biens qui beneficient d'une presomptiond'affectation à une activite publique et, partant, d'une presomptiond'insaisissabilite dans laquelle figurent 'les biens, les comptesbancaires, utilises ou destines à etre utilises aux fins de la missiondiplomatique', ne permet pas de conclure à l'existence d'une regle decoutume internationale quant à ce puisque, selon le commentaire relatifà l'article 19 repris dans le rapport de la Commission du droitinternational sur les travaux de la quarante-troisieme session, cettedisposition se justifie precisement par le souci de regler de fac,onclaire une matiere en discussion, ce qui exclut l'existence d'une coutumeetablie.

En d'autres mots, les articles de la Convention des Nations Unies sur lesimmunites des Etats ne peuvent etre consideres comme le resultat d'unecodification de coutumes etablies, sinon comme des dispositions creeespour regler un domaine en evolution, exigeant une intervention jugee'necessaire et opportune' servant de fil conducteur aux pratiques en lamatiere.

L'absence de regle coutumiere se voit encore renforcee par le texte de laRecommandation nDEG (97)10 du comite des ministres du Conseil de l'Europe,qui fait etat de pratiques differentes dans les Etats, ce qui exclutl'existence d'une regle coutumiere figee.

De plus, meme en partant d'une lecture extensive de la Convention deVienne, cela n'aurait guere de consequences, l'immunite accordee par laConvention de Vienne - qui n'est autre que l'application concrete del'immunite d'execution des Etats en general en fonction des necessites dela mission diplomatique - exigeant toujours que les biens, que ce soientdes avoirs sur des comptes en banque ou autres, se rattachent àl'exercice d'une activite de souverainete (P. d'Argent, `Le juge dessaisies, le conseil de securite et l'immunite d'execution restreinte desEtats etrangers', note sous civ. Bruxelles (sais.), 27 fevrier 1995 et 9mars 2005, J.T., 1995, 568 ; P. d'Argent, `Jurisprudence belge relative audroit international prive', B.T.I.R., 2003, 610 : 'D'autres considerentque la protection des comptes d'ambassades est double puisqu'ilsjouiraient, outre l'immunite d'execution, d'une immunite diplomatique. Cette immunite, qui n'est pas explicitement prevue par la convention deVienne sur les relations diplomatiques, se degagerait d'une interpretationde l'article 25 de la Convention, lequel dispose de l'obligation generalene impediatur legatio. Cette immunite supplementaire ne serait cependantpas absolue (...). Cette approche pragmatique permet de douter dubien-fonde de la construction qui attribue une double immunite aux comptesd'ambassades. Non seulement celle-ci est fondee sur une lecture del'article 25 de la Convention de Vienne de 1961 qui, bien que nonderaisonnable, va au-delà de ses termes memes, mais elle semble dresserdeux obstacles à la saisie de ces comptes alors que le critere devantetre applique pour les lever est le meme puisque les besoins de lalegation ne constituent qu'une affectation possible à des finssouveraines ; ceci ne manque pas de reveler le caractere artificiel de laconstruction' ; J. Wouters et M. Vidal, `De rechter als hoeder van hetinternationaal recht : recente toepassingen van internationaal recht voorBelgische hoven en rechtbanken', Working Paper, nDEG 92 (mars 2006)).

Il s'ensuit que le regime de l'immunite d'execution applicable aux Etatsest d'application, ce qui signifie que les sommes deposees sur un comptebancaire d'une ambassade ne sont protegees que si ces avoirs se rattachentà une activite souveraine de l'Etat, si elles sont utiles aux fonctionsde la mission et non à une operation economique, commerciale ou civilerelevant du droit prive.

Pour autant que de besoin, ce point sera examine plus loin.

5. En droit belge, la renonciation à l'immunite d'execution d'un Etat parecrit, avant la naissance d'un litige, est generalement admise (J.Verhoeven, Droit international public, Larcier, 2000, 744 ; J. Verhoeven,`La jurisprudence belge et le droit international de l'immunited'execution', dans Melanges offerts à Jacques Van Compernolle, Bruylant,2004, 872).

Il n'est nullement conteste que la [demanderesse] a renonce à sonimmunite d'execution dans le Fiscal Agency Agreement et dans les empruntsobligataires [emis] les 3 fevrier et 21 juillet 2000.

Quant à la renonciation à l'immunite d'execution, la [demanderesse]allegue que sa renonciation à l'immunite d'execution dans le FiscalAgency Agreement (FAA) et les conditions d'emission des obligations emisesles 3 fevrier et 21 juillet 2000 ne fait pas entrave à la protection dontbeneficient les biens saisis, cette renonciation ne visant aucunement lesbiens des missions diplomatiques, en particulier ses comptes bancairesaupres de la societe Fortis Banque, alors que, pour etre valable, larenonciation à l'immunite d'execution sur les comptes bancaires doit etreexpresse et distincte de la renonciation de l'Etat à son immunited'execution en general. Une renonciation à l'immunite d'executiongenerale n'entrainerait pas renonciation à l'immunite dont beneficientles comptes bancaires de la mission diplomatique.

Contrairement à la these defendue par une certaine jurisprudence etdoctrine, qui n'a pas de caractere normatif et ne s'impose des lors pas àla cour [d'appel], ce point de vue ne peut etre suivi : ni la Conventionde Vienne, ni aucune autre convention en vigueur, ni la coutumeinternationale ne prevoient un mode de renonciation specifique pour lesavoirs bancaires des missions diplomatiques. Une renonciation expresse àl'immunite d'execution suffit. Il n'est nullement requis que cetterenonciation porte explicitement sur les comptes bancaires utilises parles missions diplomatiques (en ce sens : Bruxelles, 21 juin 2002, J.T.,2002, 714 : 'Il n'est pas conteste que les avoirs des Etats etrangers etnotamment des avoirs bancaires affectes aux besoins de leurs ambassades,beneficient de l'immunite d'execution. Cette immunite se limite toutefoisaux avoirs bancaires specifiquement affectes au paiement des depenses etfrais de l'ambassade. (...) Il faut admettre que les avoirs bancairessaisis (...) beneficient de l'immunite d'execution. Un Etat peutvalablement renoncer à son immunite d'execution mais, aux termes del'article 32, S: 2, de la Convention de Vienne sur les relationsdiplomatiques, une telle renonciation doit toujours etre expresse. Lavolonte expresse, qui, dans les modes de manifestation de la volonte,s'oppose à la volonte tacite, est celle qui s'exprime d'une manieredirecte, claire, positive. (...) La Conference de Vienne a explicitementrepousse la renonciation implicite (...). En l'espece, le protocole du 25novembre 2000 ne contient pas de renonciation expresse à l'immunited'execution (...). Une telle renonciation ne pourrait se deduirequ'implicitement de certaines dispositions du protocole, aux termes d'unraisonnement. En effet, à aucun endroit, ce protocole d'accord necontient les mots 'renonciation à l'immunite d'execution'. La republiquedu Burundi se borne à prendre acte de l'engagement des consorts Landau delever toutes les saisies à condition qu'une garantie bancaire irrevocablesoit souscrite à leur profit. Il n'est donc pas satisfait aux conditionsd'application de l'article 32, S: 2, de la Convention de Vienne').

L'exigence d'une renonciation expresse n'est pas synonyme de l'exigence -inexistante - d'une renonciation portant specifiquement sur les avoirsbancaires de la mission diplomatique.

Le fait que, lors de l'elaboration du projet de convention des NationsUnies, les redacteurs de la Commission de droit international des NationsUnies sont partis de l'idee d'une renonciation specifique pour les biensproteges par l'immunite diplomatique ne mene pas à un autre resultat,puisque, d'abord, le commentaire des redacteurs du projet non definitifrepris dans l'Annuaire de la Commission du droit international 1991,volume II, 2e partie, sous l'intitule 'Rapport de la Commission àl'Assemblee generale sur les travaux de sa quarante-troisieme session',est depourvu de tout caractere normatif, que cette idee n'a ete consacreeni dans le texte definitif de la Convention ni dans aucune autreconvention ou texte legal applicable à l'heure actuelle, qu'ensuite -comme il est dit plus haut -, cette convention n'est toujours pas entreeen vigueur et qu'au jour ou elle sera d'application, il n'y aura pas lieude l'appliquer retroactivement à une clause de renonciation consentieanterieurement.

Comme il est dit plus haut, le fait que la [demanderesse] etait en droitde renoncer à la protection de l'immunite d'execution n'est pas contesteni d'ailleurs le fait qu'elle a effectivement procede à une renonciationexpresse à son immunite d'execution.

Telle renonciation peut porter sur l'immunite d'execution sans distinctionen fonction des biens vises puisqu'elle peut etre generale et porter surtous les avoirs de l'Etat qui emet sa renonciation à l'immunited'execution.

In casu, la renonciation librement consentie par la [demanderesse] dans lecadre du contrat 'FAA' dont [la defenderesse] tient ses droits estexpresse, univoque et claire. Elle est en outre large dans la mesure ouelle porte tant sur l'immunite de juridiction que sur l'immunited'execution, à l'exception de certains biens limitativement enumeres quin'englobent pas les biens faisant l'objet de la saisie querellee.

Il convient de souligner ici que la clause de renonciation traiteexplicitement du sort des avoirs bancaires qui sont exclus du [champ]d'application de la renonciation pour autant qu'ils aient fait l'objetd'une ordonnance emanant des tribunaux de la [demanderesse] - ce quin'est pas le cas ici -, de sorte que la [demanderesse] est mal venue decontester l'application de cet acte de renonciation aux avoirs saisisvises dans l'acte de saisie du 7 aout 2009.

Les termes et l'enchainement des trois clauses de renonciation successivesdemontrent que la [demanderesse] a consciemment renonce à son immunited'execution, que cette renonciation vise en termes clairs les ressourcesfinancieres de l'Etat, qu'il ne s'agit nullement d'un acte derenonciation-type, mais au contraire d'un texte tout à fait specifiquedans lequel la [demanderesse] a clairement indique les limites à larenonciation qu'elle jugeait necessaires et acceptables pour [ladefenderesse] dans le cadre de leurs relations contractuelles.

Il en decoule que les autres biens que ceux qui sont exclus par l'acte derenonciation sont saisissables.

Vu ce qui precede, l'examen des autres arguments est sans pertinence.

La cour [d'appel] n'examine des lors plus l'argument relatif àl'affectation des biens saisis, le resultat de cet examen ne menant pas àune autre conclusion. Il n'y a pas lieu de poser une questionprejudicielle.

A la lumiere de ce qui precede, l'appel ne revet pas de caracteretemeraire et vexatoire.

[La defenderesse] demande de condamner la [demanderesse] aux depens, ycompris une indemnite de procedure evaluee au montant de base pour uneaffaire non evaluable en argent.

Cette demande est fondee. Compte tenu de l'indexation de l'indemnite deprocedure, celle-ci est liquidee à 1.320 euros ».

Griefs

Premiere branche

Selon l'article 22, 3, de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 surles relations diplomatiques, les locaux de la mission, leur ameublement etles autres objets qui s'y trouvent, ainsi que les moyens de transport dela mission, ne peuvent faire l'objet d'aucune perquisition, requisition,saisie ou mesure d'execution.

Selon l'article 25 de la meme convention, l'Etat accreditaire accordetoutes facilites pour l'accomplissement des fonctions de la mission.

Selon l'article 31, 1, de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur ledroit des traites, un traite doit etre interprete de bonne foi suivant lesens ordinaire à attribuer aux termes du traite dans leur contexte et àla lumiere de son objet et de son but.

A cet egard, les articles 22, 3, et 25 de la Convention de Vienne du 18avril 1961 doivent etre interpretes à la lumiere du but de cet instrumentqui est, selon son preambule, « d'assurer l'accomplissement efficace desfonctions des missions diplomatiques en tant que representantes des Etats».

Par consequent, ces dispositions doivent s'interpreter comme prohibanttoute saisie ou mesure d'execution sur les comptes bancaires de la missiondiplomatique, independamment de l'immunite generale d'execution dontjouissent les Etats etrangers.

A tout le moins, l'immunite d'execution dont jouissent les comptesbancaires de la mission diplomatique resulte de la regle coutumiereinternationale ne impediatur legatio qui vise à garantirl'accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques,independamment de l'immunite generale d'execution dont jouissent les Etatsetrangers.

La force obligatoire de cette coutume internationale comme source du droitinternational est consacree par l'article 38, S: 1er, b), du Statut de laCour internationale de Justice, annexe à la Charte des Nations Unies du26 juin 1945.

Il resulte de ce qui precede que les comptes d'une mission diplomatiquejouissent d'une immunite d'execution distincte de l'immunite d'executiondes Etats etrangers prevue par la coutume internationale. L'article 32 dela Convention europeenne sur l'immunite des Etats confirme le caracteredistinct de l'immunite diplomatique lorsqu'il souligne qu' « aucunedisposition de [cette] convention ne porte atteinte aux privileges etimmunites relatifs à l'exercice des fonctions diplomatiques etconsulaires ainsi que des personnes qui y sont attachees ».

Par consequent, en l'absence d'une renonciation specifique à l'immunited'execution sur les comptes bancaires des missions diplomatiques, la seulerenonciation d'un Etat etranger à son immunite d'execution n'impliqueaucune renonciation à son immunite d'execution sur les comptes bancairesde ses missions diplomatiques.

Par les motifs reproduits en tete du moyen, l'arret decide que l'immunited'execution dont beneficient les comptes bancaires des missionsdiplomatiques ne presente aucun caractere autonome mais constitueuniquement une application concrete du regime general de l'immunited'execution. Il en deduit que la renonciation generale de la demanderesseà son immunite d'execution vis-à-vis de la defenderesse impliquenecessairement une renonciation à son immunite d'execution en ce quiconcerne les comptes bancaires de sa mission diplomatique en Belgique,bien que cette derniere immunite d'execution n'ait pas fait l'objet d'unerenonciation specifique.

Ce faisant, l'arret meconnait le caractere autonome de l'immunited'execution des comptes bancaires des missions diplomatiques, à laquelleil ne peut etre renonce que par une renonciation specifique (violation desarticles 22, 3, 25 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961, 31, 1,de la Convention de Vienne du 23 mai 1969, de la regle coutumiereinternationale ne impediatur legatio, de l'article 38, S: 1er, b), duStatut de la Cour internationale de Justice annexe à la Charte desNations Unies du 26 juin 1945 et, pour autant que de besoin, des loisd'approbation des trois traites precites et de l'article 32 de laConvention europeenne sur l'immunite des Etats).

Seconde branche

L'article 21, 1, de la Convention des Nations Unies du 2 decembre 2004sur l'immunite juridictionnelle des Etats et de leurs biens prevoit que «les categories de biens d'Etat ci-apres ne sont notamment pas considereescomme des biens specifiquement utilises ou destines à etre utilises parl'Etat autrement qu'à des fins de service public non commerciales au sensdes dispositions de l'alinea c) de l'article 19 : a) les biens, y comprisles comptes bancaires, utilises ou destines à etre utilises dansl'exercice des fonctions de la mission diplomatique de l'Etat ou de sespostes consulaires, de ses missions speciales, de ses missions aupres desorganisations internationales, ou de ses delegations dans les organes desorganisations internationales ou aux conferences internationales ».

L'article 21, 2, du meme instrument prevoit que « le paragraphe 1er estsans prejudice de l'article 18 et des alineas a) et b) de l'article 19 ».L'alinea a) dudit article 19 vise l'hypothese du consentement expres del'Etat à une mesure de contrainte posterieure au jugement.

Cette convention des Nations Unies est issue d'un projet d'articles surles immunites juridictionnelles des Etats et de leurs biens, adopte par laCommission du droit international (CDI) lors de sa 43e session [Annuairede la Commission du droit international, 1991, vol. II (2)].

Le commentaire de l'article 19 du projet d'articles - dont le textecorrespond, sous reserve d'une modification mineure etrangere à laquestion litigieuse, au texte de l'article 21 de la Convention des NationsUnies - enonce au point 8), p. 62 : « Nonobstant la disposition duparagraphe 1er, l'Etat peut renoncer à l'immunite en ce qui concerne tousbiens relevant de l'une des categories specifiques enumerees ou d'unepartie de ces categories, en reservant ou en affectant ces biensconformement aux dispositions de l'alinea b) du paragraphe 1er del'article 18 [du projet, article 19 de la Convention], ou en consentantexpressement à l'adoption de mesures de contrainte pour cette categoriede biens ou une partie de cette categorie conformement aux dispositions del'alinea a) du paragraphe 1er de l'article 18 [du projet, article 19 de laConvention]. Une renonciation generale ou une renonciation concernant tousles biens situes sur le territoire de l'Etat du for, qui ne mentionneraitaucune des categories specifiques, ne suffirait pas à autoriser desmesures de contrainte à l'egard des biens relevant des categoriesenumerees au paragraphe 1er ».

Ni la Belgique, qui a signe la Convention des Nations Unies le 22 avril2005, ni la demanderesse ne se sont opposees à l'adoption de l'article 21de cette convention, tel qu'il est eclaire par le commentaire precite del'article 19 du projet d'articles de la commission du droit international.

Au contraire, appele à formuler des observations sur le projet d'articlesde la commission du droit international, le gouvernement belge a declarequ'il « n'a pas d'objection fondamentale à formuler à l'egard du projetd'articles. Il suggere toutefois quelques modifications à apporter àcertains articles » sans rapport avec la question litigieuse (declarationdu 13 janvier 1988, document A/CN.4/410 et Add.1 à 5, Annuaire de laCommission du droit international, 1988, vol. II (1), p. 61).

Or, l'article 23, 2, du projet d'articles (1988) - equivalent del'article 21, 2, de la Convention des Nations Unies - enonc,ait à ladate de ces observations : « Aucune categorie de biens, ou partie decategorie, enumeree au paragraphe 1er, ne peut faire l'objet de mesures decontrainte en relation avec une procedure intentee devant un tribunal d'unautre Etat, à moins que l'Etat en question n'ait reserve ou affecte cesbiens conformement aux dispositions de l'alinea b) de l'article 21 oun'ait specifiquement consenti à l'adoption de ces mesures de contrainteà l'egard de tout ou partie de cette categorie conformement auxdispositions de l'article 22 » (Annuaire de la Commission du droitinternational, 1988, vol. II (1), p. 50).

Il resulte notamment de ce qui precede qu'il existe une coutumeinternationale liant à tout le moins la demanderesse et la Belgique envertu de laquelle une renonciation generale d'un Etat à son immunited'execution ne concerne pas les comptes bancaires de ses missionsdiplomatiques, l'immunite d'execution dont ceux-ci beneficient devantfaire l'objet d'une renonciation specifique.

La force obligatoire de cette coutume internationale comme source du droitinternational est consacree par l'article 38, S: 1er, b), du Statut de laCour internationale de Justice, annexe à la Charte des Nations Unies du26 juin 1945.

Ni le fait que la Convention des Nations Unies du 2 decembre 2004 ne soitencore entree en vigueur ni la circonstance que la pratique des Etats eutete anterieurement divisee n'autorisent le juge à refuser d'appliquercette coutume dans les rapports entre la demanderesse et la Belgique, àtout le moins à dater du 2 decembre 2004.

Par les motifs reproduits en tete du moyen, l'arret decide qu'il n'existepas de coutume internationale en vertu de laquelle l'immunite d'executiondont beneficient les comptes bancaires des missions diplomatiques d'unEtat etranger devrait faire l'objet d'une renonciation specifique. Il endeduit que la renonciation generale de la demanderesse à son immunited'execution vis-à-vis de la defenderesse implique necessairement unerenonciation à son immunite d'execution en ce qui concerne les comptesbancaires de sa mission diplomatique en Belgique, bien que cette derniereimmunite d'execution n'ait pas fait l'objet d'une renonciation specifique.

Ce faisant, l'arret viole la coutume internationale visee ci-avant(violation de cette coutume ainsi que de l'article 38, S: 1er, b), duStatut de la Cour internationale de Justice, annexe à la Charte desNations Unies du 26 juin 1945, et, pour autant que de besoin, de la loid'approbation de celle-ci).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

L'article 22, 3, de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur lesrelations diplomatiques dispose que les locaux de la mission, leurameublement et les autres objets qui s'y trouvent, ainsi que les moyens detransport de la mission, ne peuvent faire l'objet d'aucune perquisition,requisition, saisie ou mesure d'execution.

Aux termes de l'article 25 de cette convention, l'Etat accreditaireaccorde toutes facilites pour l'accomplissement des fonctions de lamission.

En vertu de la regle coutumiere internationale ne impediatur legatio,suivant laquelle le fonctionnement de la mission diplomatique ne peut etreentrave, l'ensemble des biens de cette mission qui servent à sonfonctionnement beneficie d'une immunite d'execution autonome, sesuperposant à celle de l'Etat accreditant.

Il s'ensuit qu'aucune saisie ou mesure d'execution ne peut etre pratiqueesur les biens affectes au fonctionnement d'une mission diplomatique, saufsi l'Etat accreditant consent expressement à l'adoption de mesures decontrainte pour cette categorie de biens ou une partie de cette categorie.

L'arret constate que, le 7 aout 2009, la defenderesse a pratique unesaisie-arret conservatoire sur les comptes bancaires de la missiondiplomatique de la demanderesse accreditee aupres du royaume de Belgiqueen vertu d'un jugement rendu le 18 decembre 2006 par le tribunal federaldu district sud de New York, que la creance de la defenderesse est fondeesur un contrat de service financier (« Fiscal Agency Agreement », enabrege « FAA ») fixant le cadre general de l'emission par lademanderesse de plusieurs series d'obligations et que, tant dans l'annexeA du contrat dit « FAA » que dans les contrats d'emission d'obligationsayant donne lieu au jugement du 18 decembre 2006, la demanderesse arenonce, de maniere generale, à son immunite de juridiction etd'execution, sauf en ce qui concerne certains biens et avoirs precisesdans ces documents.

L'arret considere que « le regime de l'immunite d'execution applicableaux Etats est d'application, ce qui signifie que les sommes deposees surun compte bancaire ne sont protegees que si ces avoirs se rattachent àune activite souveraine de l'Etat, si elles sont utiles aux fonctions dela mission et non à une operation economique, commerciale ou civilerelevant du droit prive ».

L'arret, qui, sans constater que les sommes saisies etaient affectees àd'autres fins que le fonctionnement de la mission diplomatique de lademanderesse, decide que la renonciation generale contenue dans les actessusmentionnes s'etend aux biens de cette mission diplomatique, y comprisses comptes bancaires, sans qu'il soit besoin d'une renonciation expresseet speciale en ce qui concerne ces biens, viole les articles 22, 3, et 25de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 et la regle coutumiereinternationale ne impediatur legatio.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen, qui ne sauraitentrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Martine Regout, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononce en audiencepublique du vingt-deux novembre deux mille douze par le presidentChristian Storck, en presence du procureur general Jean-Franc,oisLeclercq, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

22 NOVEMBRE 2012 C.11.0688.F/20


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0688.F
Date de la décision : 22/11/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-11-22;c.11.0688.f ?
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