La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2014 | BELGIQUE | N°C.13.0481.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 juin 2014, C.13.0481.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0481.F

WESTWINSTER LTD, societe de droit etranger dont le siege est etabli àl'Ile de Man, Douglas, (IM1 - 2 SH) Jubilee Building, Victoria Street,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

IMMO-SCHUMAN, societe anonyme dont le siege social est etabli à Uccle,avenue Montjoie, 49,

defenderesse en cassation,

representee par

Maitre Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louis...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0481.F

WESTWINSTER LTD, societe de droit etranger dont le siege est etabli àl'Ile de Man, Douglas, (IM1 - 2 SH) Jubilee Building, Victoria Street,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

IMMO-SCHUMAN, societe anonyme dont le siege social est etabli à Uccle,avenue Montjoie, 49,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 25 septembre2012 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 17, 18, 21, 700, tel qu'il etait d'application avant samodification par la loi du 26 avril 2007, 1050, 1056, 1DEG, et 1138, 4DEG,du Code judiciaire ;

- articles 1134, 1165 et 1690, tel qu'il etait d'application avant samodification par la loi du 6 juillet 1994, du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare l'appel de la demanderesse irrecevable aux motifs suivants:

« B. Quant à la recevabilite

9. Le contrat du 28 juin 1991, qui constitue la loi des parties, imposaitle procede de la signification, en cas de cession des droits.

Pour rappel, la signification se fait par exploit d'huissier (De Page,Traite elementaire de droit civil belge, t. IV, 1972, nDEG 404).

Il ne resulte pas des pieces produites que Bepi ou les beneficiairessuccessifs eventuels des endossements aient fait proceder à unequelconque signification de ceux-ci.

Des lors, c'est à juste titre que [la defenderesse] met en cause laqualite et le droit à agir de la Fortis Banque Luxembourg etactuellement, des lors, en outre, pour des motifs propres, de [lademanderesse].

10. C'est vainement que [la demanderesse] invoque la convention de portagedu 27 decembre 1991 et son eventuelle caducite actuelle pour justifier deson droit d'agir.

Pour revendiquer les effets de cette convention et, au demeurant, soninutilite eventuelle actuelle, il fallait que les significations quiprouvaient à l'epoque sa qualite à agir aient eu lieu en son temps.

11. La modification du mode de transport des creances prevu par la loi du6 juillet 1994 relative à l'article 1690 du Code civil est indifferenteen l'espece. Si, certes, l'ancien article prevoyait la signification etle nouveau la notification, il n'en demeure pas moins que le contrat du28 juin 1991 n'envisage que la signification et c'est à ce modusoperandi qu'il fallait donc recourir.

12. C'est vainement que [la demanderesse] soutient que son acte d'appel contient les mutations successives subies par la creance de Bepi de telle sorte qu'elle justifierait de cette signification.

Ni l'acte d'appel ni l'acte introductif d'instance ne constitue la reellesignification necessaire.

Il s'agit de rappels dans l'expose des faits qui ne valent pas pour autantsignification utile des endossements.

En effet, si ces actes evoquent l'existence d'endossements, il n'endemeure pas moins que, pour etre opposable au debiteur cede, il fallaitinformer [la defenderesse] des mutations successives par voie d'huissierde maniere precise et pas par une simple reference dans des actesd'huissier portant sur d'autres procedures. Aucun de ces actes ne faitpart qu'il est signifie les endossements litigieux puisque, d'une part,il est donne citation, et, d'autre part, il est forme appel.

13. Il resulte de ce qui precede, par identite de motifs, que tant lademande originaire etait irrecevable que l'appel actuel ».

Griefs

Premiere branche

La decision qui contient des dispositions contradictoires est entachee d'une irregularite, ainsi qu'il ressort de l'article 1138, 4DEG, du Codejudiciaire.

En outre, la decision qui contient des motifs contradictoires contrevient au prescrit de l'article 149 de la Constitution.

En l'occurrence, l'arret examine, d'une part, la qualite et le droitd'agir de la societe anonyme Fortis Banque Luxembourg, partiedemanderesse en premiere instance, considere que c'est à juste titre quela defenderesse met en cause la qualite et le droit à agir de celle-ci, notamment au motif qu' « il ne resulte pas des pieces produites que Bepiou les beneficiaires successifs eventuels des endossements aient faitproceder à une quelconque signification de ceux-ci » et que « nil'acte d'appel ni l'acte introductif d'instance ne constitue la reellesignification necessaire », et conclut qu' « il resulte de ce quiprecede, par identite de motifs, que tant la demande originaire etaitirrecevable que l'appel actuel ».

L'examen de la recevabilite de la demande initiale presuppose un appelrecevable.

D'autre part, l'arret considere que l'appel de la demanderesse estirrecevable.

Cette consideration implique que l'examen du fond de la demande lui etaitrefuse par la cour d'appel.

De telles considerations et dispositions sont contradictoires.

Partant, l'arret qui, d'une part, procede à l'examen du bien-fonde del'appel en examinant le droit d'agir de la banque et la recevabilite dela demande initiale, introduite par la societe Fortis Banque Luxembourg,ce qui sous-tend la recevabilite de l'appel, et qui, d'autre part,conclut à l'irrecevabilite de l'appel de la demanderesse, ce qui excluttout examen du bien-fonde dudit appel, contient des dispositionscontradictoires et, partant, est entache d'une irregularite (violation del'article 1138, 4DEG, du Code judiciaire).

Contenant des motifs contradictoires, l'arret n'est pas davantageregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).

Seconde branche

Aux termes des articles 17 et 18 du Code judiciaire, l'action ne peutetre admise si le demandeur n'a pas qualite et interet pour la former.

En vertu des articles 21 et 1050 du meme code, toute decision rendue enpremiere instance est susceptible d'appel de toute personne qui etaitpartie à la procedure en premiere instance, ou de ses ayants droit, etqui est prejudiciee par la decision du premier juge.

En l'occurrence, la demanderesse faisait valoir etre la titulaire du droit, contenu dans le contrat du 28 juin 1991, que precedemment seule lasociete Fortis Banque Luxembourg etait en droit d'exercer en vertu d'uncontrat de portage, et qui lui avait ete cede precedemment par Bepi.

L'arret considere quant à ce que le contrat du 28 juin 1991 se refere àl'ancienne version de l'article 1690 du Code civil en precisant que lesendossements devront etre signifies à la defenderesse.

Aux termes de l'article 1690 du Code civil, applicable avant samodification par la loi du 6 juillet 1994, le cessionnaire n'est saisi à l'egard des tiers que par signification du transport faite au debiteur.

Cette signification avait pour but et pour objet d'informer le debiteur de l'identite de la personne entre les mains de laquelle il devait seliberer dorenavant et, partant, d'empecher que desormais le paiement aitlieu au profit de quelqu'un qui n'est plus creancier.

La signification, à laquelle renvoie le premier alinea de l'article 1690 ancien du Code civil, que l'arret declare applicable à la convention, est realisee par tout exploit d'huissier, sans qu'il ne soit necessaireque l'acte meme du transport de la creance soit signifie au debiteur, nique la signification en donne les elements essentiels. Le debiteur est,en effet, un tiers à l'acte de cession, lequel ne cree conformement àl'article 1165 du Code civil en son chef aucune nouvelle obligation ounouveau droit.

Il faut, mais il suffit, qu'il en soit fait etat dans un exploitd'huissier.

Ni l'article 1690 ancien du Code civil ni la convention du 28 juin 1991citee par l'arret ne prescrivent que la signification de la cession sefasse à la requete du cessionnaire concerne ou que les cessions qui se sont succede doivent etre portees à la connaissance du debiteur cede par des actes distincts.

La mention des differentes cessions en un seul acte les rendra toutesopposables au debiteur, lequel ne pourra plus pretendre ignorer leur existence. Le retard dans la signification des cessions successives aurauniquement pour consequence de retarder l'opposabilite desdites cessionsau debiteur cede.

L'article 1690 ancien du Code civil et la convention ne contenant pas deprecision à cet egard, il s'ensuit que la cession pouvait etre portee àla connaissance de la defenderesse par tout exploit d'huissier, y comprisun exploit introductif d'instance ou un exploit par lequel appel estinterjete.

En l'occurrence, il ressort des pieces de la procedure, en premier lieu,que l'exploit introductif d'instance au sens de l'article 700 du Codejudiciaire, d'application avant sa modification par la loi du 26 avril2007, emanant de la societe Fortis Banque Luxembourg, fait explicitementetat de la cession de creance, cedee d'abord par Bepi à la[demanderesse] par apport de la creance, confiee ensuite par uneconvention de portage fiduciaire du

27 decembre 1991 à la societe Metropolitan Bank, aux droits de laquellesucceda la societe Fortis Banque Luxembourg à la suite d'une fusion parabsorption de la societe Metropolitan Bank.

Il ressort de l'ensemble de ces constatations que la defenderesse futinformee par ledit exploit introductif d'instance datant du 15 juin 2001des differentes cessions qui s'etaient succede et qui justifiaient laqualite d'agir de la societe Fortis Banque Luxembourg.

De meme, en degre d'appel, par l'acte d'appel, signifie à la defenderesseà l'initiative de la demanderesse par acte d'huissier en application de l'article 1056, 1DEG, du Code judiciaire le 29 mai 2006, celle-ci futinformee par la [demanderesse], reprenant l'instance mue initialement parla societe de droit luxembourgeois Fortis Banque Luxembourg, qu'elleetait redevenue, par l'effet de l'expiration de la convention de portage, titulaire de la creance à l'egard [de la defenderesse].

Partant, en considerant que les exploits invoques ne valaient pas signification des endossements, au motif que ces actes portent surd'autres procedures et qu'aucun des actes cites ne fait part « qu'il estsignifie les endossements litigieux », alors que l'arret reconnait qu'ily est fait reference aux mutations successives, celui-ci ne motive paslegalement en droit sa decision (violation des articles 1690,d'application avant sa modification par la loi du 6 juillet 1994, du Codecivil, 700, d'application avant sa modification par la loi du 26 avril2007, et 1056, 1DEG, du Code judiciaire), meconnait la force obligatoiredu contrat du 28 juin 1991, en y ajoutant une condition que celui-ci necontient pas, à savoir la signification de chaque cession par un acteautre qu'un acte de procedure, tel que l'exploit introductif d'instanceou l'acte d'appel (violation de l'article 1134 du Code civil), considere illegalement que la signification faite au debiteur, qui est un tiers àl'endossement, doit porter sur plus que sur l'existence de l'endossement(violation des articles 1165 et 1690, d'application avant sa modificationpar la loi du 6 juillet 1994, du Code civil) et n'a pu declarerlegalement irrecevable l'appel de la demanderesse (violation des articles17, 18, 21 et 1050 du Code judiciaire).

III. La decision de la Cour

Quant à la seconde branche :

Apres avoir constate que la convention du 28 juin 1991 conclue entre [ladefenderesse] et la s.p.r.l. Bepi prevoit, en son article 10, que « lacreance resultant du present acte est stipulee à ordre ; [qu'elle] [...]pourra donc faire l'objet d'un endossement [...] [qui] sera signifie auxdebiteurs mais se fera sans mention en marge de l'inscriptionhypothecaire », l'arret considere que « [ce] contrat [...], quiconstitue la loi des parties, imposait le procede de la signification encas de cession des droits » et que « la modification du mode detransfert des creances prevue par la loi du 6 juillet 1994 relative àl'article 1690 du Code civil est indifferente en l'espece » car « lecontrat du 28 juin 1991 n'envisage que la signification et c'est à ce`modus operandi' qu'il fallait donc recourir ».

L'article 1690, alinea 1er, du Code civil, applicable au litige, prevoitque le cessionnaire n'est saisi à l'egard des tiers que par lasignification du transport faite au debiteur.

La signification ainsi prevue, qui peut etre realisee à l'intervention ducedant ou du cessionnaire, ne doit porter que sur le fait de la cession.

Il ne suit pas de cette disposition que la signification doive avoir pourseul objet d'informer le debiteur du transport ni qu'elle doive viser unseul transport.

Le cessionnaire qui, se prevalant du transport, assigne le debiteur pourobtenir l'execution de la creance cedee ou, en cette qualite declaree,reprend l'instance mue par son auteur, satisfait aux formalites prevuespar l'article precite.

Apres avoir releve que « la [societe] Fortis Banque Luxembourg [a] lancecitation [...] à l'encontre de [la defenderesse] » et que lademanderesse a interjete appel « en precisant reprendre les droits de[cette societe] », l'arret considere que, « si ces actes evoquentl'existence d'endossements, il n'en demeure pas moins que, pour etreopposable au debiteur cede, il fallait informer [la defenderesse] desmutations successives par voie d'huissier de maniere precise et pas parune simple reference dans des actes d'huissier portant sur d'autresprocedures » et qu'« aucun de ces actes ne fait part qu'il est signifieles endossements litigieux puisque, d'une part, il est donne citation et,d'autre part, il est forme appel ».

En considerant que la signification realisee par celui qui se pretendtitulaire de la creance ne peut avoir d'autre objet que de porter lacession à la connaissance du debiteur cede, l'arret, qui decide que « nil'acte d'appel ni l'acte introductif d'instance ne constitue la reellesignification necessaire », viole l'article 1690 du Code civil.

En en deduisant que la demanderesse ne justifiait pas de la qualite et del'interet requis et que, partant, « l'appel actuel [...] etaitirrecevable », l'arret viole les articles 17 et 18 du Code judiciaire.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Martine Regout, Alain Simon et Marie-Claire Ernotte, etprononce en audience publique du vingt-sept juin deux mille quatorze parle president de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

+------------------------------------------+
| F. Gobert | M.-Cl. Ernotte | A. Simon |
|-----------+----------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+------------------------------------------+

27 JUIN 2014 C.13.0481.F/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 27/06/2014
Date de l'import : 10/07/2014

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.13.0481.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-06-27;c.13.0481.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award