La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/09/2014 | BELGIQUE | N°C.14.0095.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 septembre 2014, C.14.0095.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0095.F

J. R.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

1. J.-L. P, avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de J.R.,

2. O. E., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de J.R.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet

est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

3. M.-F. R., faisant election...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0095.F

J. R.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

1. J.-L. P, avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de J.R.,

2. O. E., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de J.R.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

3. M.-F. R., faisant election de domicile au cabinet de Maitre V.-V. D.,avocat,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 3 octobre 2013par la cour d'appel de Liege.

Le 25 aout 2014, l'avocat general Andre Henkes a depose des conclusions augreffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat general Andre Henkesa ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

Articles 16, 80, specialement alineas 2 et 5, et 82, specialement alinea1er, de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites

Decisions et motifs critiques

L'arret confirme le jugement du premier juge, qui avait dit pour droit quel'excusabilite anticipee obtenue par le demandeur n'entraine pas la fin dudessaisissement quant aux biens echus apres la date du 28 mars 2006, etcondamne le demandeur aux depens d'appel liquides pour la defenderesse à1.320 euros et non liquides pour les defendeurs, par les motifs que :

« Antecedents et objet de l'appel

L'objet du litige et les circonstances de la cause ont ete correctement etavec precision relates par les premiers juges, à l'expose desquels lacour [d'appel] se refere.

Il suffit de rappeler que, par jugement du 11 avril 2003, le tribunal decommerce de Liege prononce la faillite [du demandeur], [les deux premiersdefendeurs] etant designes en qualite de curateurs (ci-apres `lescurateurs').

Le failli est declare excusable anticipativement par decision du 28 mars2006.

Le 8 octobre 2009, le pere [du demandeur] et de [la defenderesse] estdecede.

Le curateur en est fortuitement avise le 30 juin 2011 à la suite de lademande du conseil de [la defenderesse], laquelle souhaite sortird'indivision.

Le failli estime que les dettes nees avant le 11 avril 2003 ne peuventplus lui etre reclamees et que les actifs qu'il aurait perc,us ou auraitrec,us depuis l'obtention de son excusabilite ne peuvent par consequentetre saisis par les creanciers dont les droits sont nes avant le 11 avril[2003].

Par requete conjointe deposee le 13 mars 2013, les parties soumettent ledifferend aux premiers juges.

Par jugement du 21 mai 2013, ceux-ci disent `pour droit que l'excusabiliteanticipee obtenue par [le demandeur] n'entraine pas la fin dudessaisissement quant aux biens echus apres la date du 28 mars 2006'.

[Le demandeur] poursuit la reformation du jugement des premiers juges,invoquant en synthese que, par l'effet de l'excusabilite ordonnee parjugement du 28 mars 2006, les creanciers ne peuvent plus le poursuivrepour les dettes anterieures à sa declaration en etat de faillite. Ilconteste en outre la recevabilite de l'intervention volontaire de [ladefenderesse], au motif que `celle-ci ne fait en l'espece en aucun casvaloir un interet (...) elle n'est pas un creancier dans la faillite [dudemandeur] et n'a aucun interet concernant ce litige'.

Les [defendeurs] postulent la confirmation de la decision dont appel.

(...)

II. Des effets de l'excusabilite anticipee (article 80 de la loi sur lesfaillites)

Il echet de rappeler que :

1. Il est tout d'abord certain que, selon l'article 82, alinea 1er, de laloi sur les faillites, `si le failli est declare excusable, il ne peutplus etre poursuivi par ses creanciers' et que cette interdiction depoursuite - qui ne s'identifie pas à une extinction de la dette - vise,sous reserve des exceptions de l'article 82, alinea 3, de la loi, toutesles dettes du failli, quelle qu'en soit la nature, `existant au jour de lafaillite (...), le principe de la cristallisation du passif impos(ant) quece choix soit fait' (I. Verougstraete et consorts, Manuel de la continuitedes entreprises et de la faillite, p. 760 ; Cass., 5 octobre 2007, Pas.,2007, 1709).

Parallelement, la cloture de la faillite, qui intervient par le memejugement qui statue sur l'excusabilite, met fin au dessaisissement dufailli quant à ses biens (I. Verougstraete, op. cit., p. 417).

Il en resulte une parfaite concordance entre les droits des creanciersqui, en cas d'inexcusabilite, retrouvent leur droit de poursuite àl'egard du debiteur failli et ceux du failli qui se retrouve à la tete deson patrimoine par l'effet de la cloture.

2. La loi du 20 juillet 2005 permet dorenavant au failli de demander autribunal de statuer sur l'excusabilite `six mois apres la date du jugementdeclaratif de faillite' en sorte qu'il peut ne plus exister, comme enl'espece, une parfaite simultaneite entre la cloture de la faillite et ladecision d'excusabilite.

L'intention du legislateur etait assurement de mettre fin, par cemecanisme d'excusabilite anticipee, à la discrimination existant entreles faillites sans actifs qui `se regle(nt) beaucoup plus vite (et dont)le jugement d'excusabilite peut alors etre rendu beaucoup plus tot, lefailli (pouvant) etre libere immediatement de ses dettes (et) (...) selancer sans attendre dans une nouvelle activite independante ou travaillercomme salarie sans craindre une saisie de ses recettes ou de ses revenus'(Doc. parl., Chambre, 51 1811/007, p. 9), et les faillites `quicomporte(nt) des actifs realisables (pouvant) durer de longues annees'.

Il reste qu' `un conflit surgit (...) entre l'article 16 de la loi sur lesfaillites qui fait en principe tomber dans la masse tous les biens que lefailli acquiert au cours de la procedure de faillite (donc jusqu'à lacloture de celle-ci) et la declaration d'excusabilite anticipee. Commentle failli peut-il prendre un « nouveau depart » s'il ne dispose d'aucunbien ?' (M. Vanmeenen, `Le nouveau regime en matiere de decharge despersonnes qui se sont constituees surete personnelle et d'excusabilite',R.D.C., 2005, p. 889 ; De Faillissementswet op de valreep aangepast : wiegeen aangifte doet, is gezien !, R.D.C., 2005, p. 1002).

L'article 16 de la loi sur les faillites prevoit que `le failli, àcompter du jour du jugement declaratif de faillite, est dessaisi de pleindroit de l'administration de tous ses biens, meme de ceux qui peuvent luiechoir tant qu'il est en etat de faillite (...)'. Cette disposition, àlaquelle aucune exception n'a ete apportee, s'oppose à ce qu'un bien quivient à echoir avant la cloture de la faillite echappe à la masse (dansce sens, P. Cavenaile et Th. Cavenaile, sous la reserve du produit d'uneactivite nouvelle, in `La situation du debiteur failli, du conjoint et descautions', CUP, vol. 100, Suretes et procedures collectives, p. 118).

En consequence, tant que la faillite n'est pas cloturee, les biensnouveaux echoient à la masse nonobstant la decision d'excusabiliteanticipee qui n'a pas d'effet patrimonial immediat.

Elle n'a pas davantage pour consequence d'eteindre les dettes existantesau moment de la faillite, ce qui, à defaut, impliquerait que la faillitedoive immediatement etre cloturee (M. Vanmeenen, op. cit., p. 889 ;P. Cavenaile et Th. Cavenaile, op. cit., p. 118).

Dans ces conditions, c'est par de judicieux motifs que la cour [d'appel]adopte, qui prennent objectivement en consideration l'ensemble desinformations et pieces deposees et qui rencontrent de maniere aussiadequate que complete les arguments de fait et de droit developpes, queles premiers juges ont considere que `l'excusabilite anticipee ne porte enrien sur les actifs, elle constitue un barrage aux pretentions descreanciers, sans entrainer de disparition de leur creance et ne vise doncque la situation passive du failli qui reste en etat de faillite jusqu'àla cloture (...) Le fresh start voulu par le legislateur lorsqu'il ainstaure l'excusabilite anticipee peut, ainsi, comme en l'occurrence,rester extremement theorique (...) jusqu'à la cloture de la faillite.C'est cependant ce qu'implique l'application de la loi en son etatactuel'.

Le jugement des premiers juges doit etre confirme.

Indemnite de procedure

Aux termes de l'article 1017, alinea 1er, du Code judiciaire, `toutjugement definitif prononce, meme d'office, la condamnation aux depenscontre la partie qui a succombe, à moins que des lois particulieres n'endisposent autrement et sans prejudice de l'accord des parties que, le casecheant, le jugement decrete'.

En vertu de l'article 1021, alinea 1er, le jugement contient laliquidation des depens à l'egard de toute partie qui a depose un relevedetaille des depens.

En instance, les premiers juges avaient constate qu'aucune des partiesn'avait liquide ses depens.

En sa qualite d'intervenante volontaire aux cotes des curateurs, [ladefenderesse] ne peut pretendre à l'indemnite de procedure, n'ayantformule aucune demande à l'encontre [du demandeur].

Ayant ete toutefois intimee par [le demandeur], [la defenderesse] estfondee à postuler, en degre d'appel, sa condamnation à l'indemnite deprocedure ».

Griefs

L'article 16 de la loi sur les faillites dispose que : « Le failli, àcompter du jour du jugement declaratif de la faillite, est dessaisi deplein droit de l'administration de tous ses biens, meme de ceux quipeuvent lui echoir tant qu'il est en etat de faillite. Tous paiements,operations et actes faits par le failli, et tous paiements faits au faillidepuis ce jour sont inopposables à la masse (...) ».

L'article 80, alineas 2 et 5, de la loi sur les faillites enonce que :

« (...) Le juge-commissaire presente au tribunal, en chambre du conseil,la deliberation des creanciers relative à l'excusabilite du failli et unrapport sur les circonstances de la faillite. Le curateur et le faillisont entendus en chambre du conseil sur l'excusabilite et sur la cloturede la faillite. Sauf circonstances graves specialement motivees, letribunal prononce l'excusabilite du failli malheureux et de bonne foi. Ladecision sur l'excusabilite est susceptible de tierce-opposition parcitation donnee au curateur et au failli de la part des creanciersindividuellement dans le mois à compter de la publication du jugement decloture de la faillite. Le jugement ordonnant la cloture de la failliteest notifie au failli par les soins du greffier.

(...)

Six mois apres la date du jugement declaratif de faillite, le failli peutdemander au tribunal de statuer sur l'excusabilite. Il est procede commeprevu à l'alinea 2 ».

Lorsque le failli est declare excusable, l'article 82, alinea 1er, de laloi sur les faillites dispose qu' « il ne peut plus etre poursuivi parses creanciers ».

Il resulte de la combinaison des dispositions qui precedent que, lorsquel'excusabilite est accordee au failli avant la cloture de la faillite, envertu de l'article 80, alinea 5, de la loi sur les faillites,l'application de l'article 82, alinea 1er, de ladite loi supposenecessairement la constatation de la fin du dessaisissement resultant del'article 16 à partir de la date de la decision accordant l'excusabilite.

L'arret releve tant par ses propres motifs qu'en se referant à ceux dupremier juge que :

- le demandeur a ete declare excusable anticipativement le 28 mars 2006 ;

- le pere du demandeur et de la defenderesse est decede le 8 octobre 2009et la succession comporte d'importants actifs.

Statuant sur la demande qui tendait à faire dire pour droit que ledessaisissement des biens du demandeur avait pris fin à partir de ladecision d'excusabilite et qu'en consequence il n'etait plus dessaisi desbiens echus posterieurement à la decision d'excusabilite et, des lors,que les biens echus dans le cadre de la succession de son pere nepouvaient plus etre compris dans la masse en faillite, tant le premierjuge que la cour d'appel ont decide qu'aussi longtemps que la failliten'est pas cloturee, les biens nouveaux echeant au failli sont compris dansla masse nonobstant la decision d'excusabilite anticipee, qui n'a pasd'effet patrimonial immediat.

Autrement dit, la cour d'appel, comme le premier juge, refusentd'appliquer à partir de la decision d'excusabilite du 28 mars 2006,l'article 82, alinea 1er, de la loi sur les faillites qui prevoit que lefailli declare excusable ne peut plus etre poursuivi par ses creanciers.

Ce faisant, l'arret viole :

- l'article 80, alineas 2 et 5, de la loi sur les faillites en privant detout effet l'excusabilite accordee anticipativement en vertu de cesdispositions ;

- l'article 82, alinea 1er, de la loi sur les faillites qui dispose que lefailli declare excusable « ne peut plus etre poursuivi par sescreanciers », des lors qu'il dit pour droit que l'excusabilite anticipeeobtenue par le demandeur n'entraine pas la fin du dessaisissement quantaux biens echus apres la date du 28 mars 2006 ;

- l'article 16 de la loi sur les faillites qui prevoit que : « Le failli,à compter du jour du jugement declaratif de la faillite, est dessaisi deplein droit de l'administration de tous ses biens, meme de ceux quipeuvent lui echoir tant qu'il est en etat de faillite. Tous paiements,operations et actes faits par le failli, et tous paiements faits au faillidepuis ce jour sont inopposables à la masse (...) », des lors que ledessaisissement prevu par cette disposition doit prendre fin lorsqu'unedecision d'excusabilite anticipee intervient en vertu de l'article 80,alinea 5, vise au moyen. A defaut, l'article 80, alinea 5, de la loi surles faillites serait sans aucun effet ni utilite.

III. La decision de la Cour

Aux termes de l'article 16, alinea 1er, premiere phrase, de la loi du

8 aout 1997 sur les faillites, le failli, à compter du jour du jugementdeclaratif de la faillite, est dessaisi de plein droit de l'administrationde tous ses biens, meme de ceux qui peuvent lui echoir tant qu'il est enetat de faillite.

Il est mis fin à l'etat de faillite lorsque la faillite a ete clotureepar une decision prononcee conformement à l'article 80 de cette loi.

En vertu de l'alinea 2 dudit article 80, le tribunal de commerce statuesur l'excusabilite du failli en meme temps qu'il ordonne la cloture de lafaillite.

L'alinea 5 de cet article 80 dispose toutefois que, six mois apres la datedu jugement declaratif de faillite, le failli peut demander au tribunal destatuer sur l'excusabilite.

Suivant l'article 82, alinea 1er, de la loi precitee, si le failli estdeclare excusable, il ne peut plus etre poursuivi par ses creanciers.

Il ne resulte pas de ces dispositions legales que lorsque le tribunalprononce l'excusabilite du failli avant d'ordonner la cloture de lafaillite, les biens qui echoient au failli posterieurement à cettedecision sont exclus de l'actif de la faillite.

Le moyen, qui soutient le contraire, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de mille vingt-trois euros trois centimesenvers la partie demanderesse et à la somme de cent septante-cinq eurosquarante-six centimes envers les premiere et deuxieme partiesdefenderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononce enaudience publique du vingt-cinq septembre deux mille quatorze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+--------------------------------------------+

25 SEPTEMBRE 2014 C.14.0095.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.14.0095.F
Date de la décision : 25/09/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-09-25;c.14.0095.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award