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08/10/2014 | BELGIQUE | N°P.14.1311.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 octobre 2014, P.14.1311.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.14.1311.F

EL M. A.

pere des mineurs d'age A. et M. El M.

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Olivia Nederlandt, avocat au barreau deBruxelles.

* I. la procedure devant la cour

* Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 23 juin 2014, sous lenumero 2201 du repertoire, par la cour d'appel de Bruxelles, chambre de lajeunesse.

Le demandeur invoque un moyen dans un memoire depose par son conseil. Ilfait egalement valoir quatre moyens dans un deuxieme memoire et un dans untro

isieme, l'un et l'autre deposes personnellement. Ces memoires sontannexes au present arret, en copie ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.14.1311.F

EL M. A.

pere des mineurs d'age A. et M. El M.

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Olivia Nederlandt, avocat au barreau deBruxelles.

* I. la procedure devant la cour

* Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 23 juin 2014, sous lenumero 2201 du repertoire, par la cour d'appel de Bruxelles, chambre de lajeunesse.

Le demandeur invoque un moyen dans un memoire depose par son conseil. Ilfait egalement valoir quatre moyens dans un deuxieme memoire et un dans untroisieme, l'un et l'autre deposes personnellement. Ces memoires sontannexes au present arret, en copie certifiee conforme.

L'avocat general Raymond Loop a depose des conclusions rec,ues au greffele 24 septembre 2014.

A l'audience du 8 octobre 2014, le conseiller Benoit Dejemeppe a faitrapport et l'avocat general precite a conclu.

* * II. la decision de la cour

A. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision relative à ladecheance de l'autorite parentale du demandeur :

1. Sur le moyen invoque dans le memoire depose par le conseil du demandeur:

Quant à la premiere branche :

Pris de la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyenreproche à l'arret de ne pas repondre aux conclusions du demandeurinvoquant le caractere non necessaire et disproportionne de la mesure dedecheance de l'autorite parentale, au sens de l'article 8 de la Conventionde sauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales.

L'arret enonce d'abord que la decheance de l'autorite parentale constitueune ingerence dans la vie privee et familiale, mais que cette ingerenceest prevue par l'article 32 de la loi du 8 avril 1965 relative à laprotection de la jeunesse qui en precise les conditions strictesd'application. Il ajoute qu'il s'agit d'une mesure de protection de lajeunesse qui ne vise pas à sanctionner des parents mais à sauvegarderles droits de l'enfant, et qu'elle n'est justifiee que par le devoir del'Etat d'assurer, en cas de defaillance des parents, les conditionsnecessaires à l'epanouissement physique et moral des enfants.

La cour d'appel a ensuite examine si la mesure etait fondee sur un besoinsocial imperieux et proportionnee au but legitime d'apporter aux enfantsdes conditions necessaires à leur epanouissement physique et moral. Auxpages 9 à 11 de l'arret, elle a pris en consideration, en substance, lesexamens psychiatrique et psychologique qui font craindre des reactionsinappropriees vis-à-vis des enfants, nonobstant les regrets du demandeur,le conflit de loyaute auquel ceux-ci sont confrontes, la necessite de nepas perturber la metabolisation de leur vecu traumatique, le fait que ledemandeur n'accepte que contraint le placement des enfants dans leurfamille d'accueil et le besoin de les proteger de toute intrusiondestabilisante par celui-ci.

N'etant pas tenu de rencontrer les elements invoques en conclusions par ledemandeur mais qui ne constituaient pas un moyen distinct, le juge d'appela ainsi regulierement motive sa decision.

Le moyen manque en fait.

Quant à la seconde branche :

Le demandeur soutient que la mesure de decheance de l'autorite parentalen'est pas necessaire et constitue une atteinte disproportionnee aux droitsgarantis par l'article 8 de la Convention. Il fait valoir qu'un laps detemps de pres de cinq ans s'est ecoule depuis les faits pour lesquels ilexprime des regrets sinceres, qu'il veille à exercer son autoriteparentale de la maniere la plus benefique pour les enfants, qu'il aaccepte leur placement dans une famille d'accueil avec laquelle il chercheà rendre le dialogue possible et que les investigations psychiatriques,psychologiques et sociales ne relevent aucun element attestant d'un dangerpour les enfants en raison de la fac,on dont il exerce son autoriteparentale.

En vertu de l'article 32 de la loi du 8 avril 1965 relative à laprotection de la jeunesse, le tribunal de la jeunesse ne peut prononcer ladecheance de l'autorite parentale qu'à l'egard du pere ou de la mere quiest condamne à une peine criminelle ou correctionnelle du chef de faitscommis sur la personne ou à l'aide d'un de ses enfants ou descendants, ouqui par mauvais traitements, abus d'autorite, inconduite notoire ounegligence grave, met en peril la sante, la securite ou la moralite de sonenfant.

La decheance de l'autorite parentale est une mesure facultative qui nepeut etre appliquee que dans des circonstances exceptionnelles,lorsqu'elle est justifiee par une exigence liee à l'interet superieur del'enfant.

Le juge apprecie en fait si la decheance de l'autorite parentale constitueune mesure necessaire à la protection de la sante ou la moralite, au sensde l'article 8.2 de la Convention, et si elle est justifiee par uneexigence liee à l'interet superieur des enfants concernes.

Dans la mesure ou il critique cette appreciation par le juge d'appel ouexige pour son examen une verification d'elements de fait, pour laquellela Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.

Sur la base des motifs resumes ci-dessus, le juge d'appel a considere quela mesure de decheance de l'autorite parentale, qui est prevue par la loiet poursuit un but legitime conforme à l'article 8.2 de la Convention, àsavoir apporter aux enfants les conditions necessaires à leurepanouissement physique et moral, etait proportionnee à ce but parcequ'elle repondait actuellement à l'interet superieur de ces enfants.

Par ces considerations, l'arret a pu justifier legalement sa decision.

A cet egard, le moyen ne peut etre accueilli.

2. Sur le premier memoire presente personnellement par le demandeur :

Sur le premier moyen :

Le demandeur fait valoir qu'ayant ete condamne du chef de meurtre sur lapersonne de son epouse, l'infraction n'a pas ete commise à l'encontre deses enfants de sorte qu'il ne pouvait etre dechu de l'autorite parentale.

En application de l'article 32, 2DEG, de la loi du 8 avril 1965 relativeà la protection de la jeunesse, le juge peut dechoir le pere ou la merequi, par mauvais traitements, abus d'autorite, inconduite notoire ounegligence grave, met en peril la sante, la securite ou la moralite de sonenfant.

Cette disposition ne requiert pas qu'une condamnation ait ete prononcee duchef d'infractions dont l'enfant est l'objet.

Le moyen manque en droit.

Sur le deuxieme moyen :

Le moyen soutient que la cour d'appel n'a pas apprecie l'opportunite de lamesure de decheance au moment ou elle a statue.

Toutefois, l'arret enonce notamment à la page 7, que le meurtre de lamere des enfants par le demandeur constitue toujours une menace actuellepour leur bon developpement et leur adaptation sociale, et à la page 8,que des observations recentes demontrent qu'actuellement encore, lesenfants sont toujours perturbes par ce drame et que leur bon developpementpsychique est compromis par les souffrances morales que le demandeur leura infligees.

Le moyen manque en fait.

Sur le troisieme moyen :

Le moyen fait valoir qu'en citant à comparaitre à l'audience deplaidoiries sur la decheance le service devant assurer eventuellement laprotutelle et qu'en admettant la presence d'une assistante sociale àl'audience, le juge d'appel a manque d'impartialite. Le demandeur endeduit que l'arret viole le droit à un proces equitable.

Il releve des attributions, non du juge, mais du ministere public de citerles personnes à comparaitre devant les juridictions de la jeunesse.

Dans cette mesure, le moyen manque en droit.

En vertu des articles 34 de la loi du 8 avril 1965 et 16 de l'ordonnancedu 19 avril 2004 de l'Assemblee reunie de la Commission communautairecommune relative à l'aide à la jeunesse, en prononc,ant la decheance del'autorite parentale, le tribunal de la jeunesse designe la personne qui,sous son controle, exercera les droits mentionnes à l'article 33, 1DEG et2DEG, dont les parents ou l'un d'eux sont dechus et remplira lesobligations qui y sont correlatives, ou confie le mineur à uneinstitution, laquelle designe une personne qui exercera ces droits apresque sa designation aura ete homologuee par ce tribunal, sur requisition duministere public.

Il resulte de ces dispositions que la designation du protuteur doit enprincipe s'operer dans le jugement prononc,ant la decheance de l'autoriteparentale. A cette fin, des investigations prealables peuvent s'averernecessaires, justifiant notamment la convocation de l'institution àlaquelle le mineur sera eventuellement confie si la decheance estprononcee.

L'intervention durant la phase preparatoire permet en effet au juge dereunir tous les elements utiles à sa decision au fond et de prendre desmesures de protection provisoires dans l'interet de l'enfant. Le fait decumuler une intervention dans la phase preparatoire relative auxinvestigations et aux mesures provisoires et une fonction de juge du fondn'implique pas un manque d'impartialite objective dans son chef.

De la seule circonstance qu'une assistante sociale du service deprotutelle etait presente à l'audience avant qu'il ait ete statue sur lesrequisitions du ministere public relatives à la decheance de l'autoriteparentale du demandeur, il ne saurait se deduire une violation du droit àun proces equitable.

A cet egard, le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le quatrieme moyen :

Le moyen fait valoir que l'arret n'est pas regulierement motive et qu'ilviole egalement l'article 32, 2DEG, de la loi du 8 avril 1965 relative àla protection de la jeunesse.

En vertu de la disposition precitee, le pere ou la mere qui, par mauvaistraitements, abus d'autorite, inconduite notoire ou negligence grave, meten peril la sante, la securite ou la moralite de son enfant, peut etredechu de l'autorite parentale.

En tant qu'il critique l'appreciation en fait des elements de la cause parle juge d'appel ou que son examen exige une verification d'elements defait, pour laquelle la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.

L'arret rappelle d'abord que, par negligence grave, il y a lieu d'entendrele comportement qui a sur l'enfant des effets nefastes non voulusdirectement ou indirectement et, par mauvais traitements, non seulementles souffrances physiques mais aussi morales qui perturbent les enfants.Apres avoir releve que le demandeur avait admis que l'acte irreparablequ'il avait commis avait mis en peril la sante, la securite et la moralitede ses enfants, la cour d'appel a ensuite enonce, notamment, qu'à justetitre, le premier juge avait considere que le meurtre de la mere des deuxenfants par le demandeur etait constitutif de mauvais traitements etnegligences graves au sens de l'article 32, 2DEG, de la loi du 8 avril1965. Elle a precise que ce drame avait gravement perturbe les enfants etmis en danger leur sante, leur securite ou leur moralite et que cet acteconstituait toujours une menace actuelle pour leur bon developpement etleur adaptation sociale, les privant à jamais d'un besoin fondamental, àsavoir l'amour, le soutien et l'encadrement de leur mere, qui ne recevrajamais satisfaction.

L'arret ajoute encore que ces faits ont ete commis dans un contexte deviolence, d'alcoolisme et de toxicomanie, dont les enfants ont ete temoinset qui renforce encore la mise en peril de leur sante et securite.

Apres avoir fait etat des elements figurant dans un rapport du service deplacement des enfants en famille d'accueil et dans un rapport d'entretiende cabinet du juge de la jeunesse, l'arret enonce enfin que cesobservations demontrent qu'actuellement encore les enfants sont toujoursperturbes par ce drame et que leur bon developpement psychique estcompromis par les souffrances morales que leur pere leur a infligees.

Par ces considerations, le juge d'appel a regulierement motive etlegalement justifie sa decision que les conditions de la decheance del'autorite parentale etaient reunies.

A cet egard, le moyen ne peut etre accueilli.

3. Sur le moyen invoque dans le second memoire presente personnellementpar le demandeur :

Pris de la violation du principe general du droit non bis in idem, lemoyen soutient que la cour d'assises ayant condamne le demandeur à verserdes indemnites à ses enfants, la decheance de l'autorite parentale àl'egard de ceux-ci constitue une seconde condamnation pour les memesfaits.

Le principe general precite prohibe la prononciation de deux sanctions dememe nature à charge d'une meme personne du chef d'un meme comportement.

Il s'ensuit que la condamnation civile d'un pere au dedommagement de sesenfants à la suite d'une faute penale n'interdit pas de prononcer à sonegard, au titre de mesure de protection de ceux-ci, la decheance del'autorite parentale.

Le moyen manque en droit.

Le controle d'office

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.

B. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision qui reserve àstatuer sur la designation d'un protuteur, designe un service aux finsd'investigation et remet l'affaire à une audience ulterieure :

Pareille decision n'est pas definitive au sens de l'article 416, alinea1er, du Code d'instruction criminelle et est etrangere aux cas vises parle second alinea de cet article.

Le pourvoi est irrecevable.

PAR CES MOTIFS,

* LA COUR

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux frais.

Lesdits frais taxes à la somme de nonante euros quatre-vingt-un centimesdus.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, GustaveSteffens, Franc,oise Roggen et Michel Lemal, conseillers, et prononce enaudience publique du huit octobre deux mille quatorze par Frederic Close,president de section, en presence de Raymond Loop, avocat general, avecl'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.

+----------------------------------------+
| T. Fenaux | M. Lemal | F. Roggen |
|-------------+--------------+-----------|
| G. Steffens | B. Dejemeppe | F. Close |
+----------------------------------------+

8 OCTOBRE 2014 P.14.1311.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.14.1311.F
Date de la décision : 08/10/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-10-08;p.14.1311.f ?
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