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08/01/2015 | BELGIQUE | N°C.14.0268.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 janvier 2015, C.14.0268.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0268.F

ELECTRABEL CUSTOMER SOLUTIONS, societe anonyme dont le siege social estetabli à Bruxelles, boulevard Simon Bolivar, 34,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Anvers, Amerikalei, 187/302, ou il est faitelection de domicile,

contre

1. A. D.,

2. M. T.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles,

rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassati...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0268.F

ELECTRABEL CUSTOMER SOLUTIONS, societe anonyme dont le siege social estetabli à Bruxelles, boulevard Simon Bolivar, 34,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Anvers, Amerikalei, 187/302, ou il est faitelection de domicile,

contre

1. A. D.,

2. M. T.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 13 mars 2014par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

Articles 2272, alinea 2, et 2277 du Code civil

Decisions et motifs critiques

L'arret declare la demande de la demanderesse prescrite, la condamne auxfrais et depens des defendeurs, liquides pour les deux instances à lasomme de 2.827,86 euros, aux motifs suivants :

« Prescription

Les [defendeurs] invoquent, sur la base de l'article 2272, alinea 2, duCode civil, la prescription de la creance de la [demanderesse] sur lesfactures du 7 aout 2008 au motif qu'elles concernent des consommationsremontant à plus d'une annee.

Les factures litigieuses representeraient des consommations anterieures au31 decembre 2006, contrairement au libelle de la facture litigieuse.

Or, les [defendeurs] pretendent avoir paye les consommations anterieuresà cette date.

L'action `des marchands pour les marchandises qu'ils vendent auxparticuliers non marchands [...] se prescrit par un an'.

Les prescriptions courtes des articles 2271 à 2276quinquies du Code civilsont basees sur une presomption de paiement.

La jurisprudence a ete amenee à preciser la notion de particuliers nonmarchands. Le critere distinctif de la qualite de commerc,ant est relatifà l'affectation des marchandises à un usage professionnel ou non parl'acquereur.

En l'espece, le fait que les [defendeurs] etaient les bailleurs del'immeuble auquel les consommations litigieuses sont relatives ne suffitpas à leur conferer la qualite de commerc,ant, la location d'un immeublepar un particulier n'etant pas un acte de commerce.

Selon un arret de cette cour [d'appel], le non-marchand vise à l'article2272, alinea 2, du Code civil correspond à la notion actuelle deconsommateur (Mons, 9 octobre 2000, J.T., 2001, 635 ; R.G.D.C., 2001,311).

Il y a donc lieu, selon cette logique, de faire application de cettedisposition aux creances des intercommunales pour la fourniture d'energie(voir, à cet egard, M. Marchandise, La prescription liberatoire enmatiere civile, dossiers du J.T., nDEG 64, Larcier, 2007, p. 75 et ref.citee).

Une reconnaissance orale ou tacite de la dette par le debiteur a un effetinterruptif de la prescription (M. Marchandise, op. cit., p. 70).

`En principe la prescription libere le debiteur. Lorsque ce dernier seprevaut de l'ecoulement du delai, il ne soutient pas avoir paye : ilpretend seulement etre libere par l'effet du temps, sans que l'on puisserechercher si la dette a ete acquittee. La prescription de droit commun nesouffre donc pas la preuve contraire' (ibid., nDEG 67).

Le fait qu'une facture ait ete emise n'interrompt pas la prescriptionpuisque la facture n'emane pas du debiteur et ne peut donc comme telleconstituer l'ecrit exige par l'article 2274 du Code civil.

L'article 2275, dont fait application le premier juge, dispose que ceuxauxquels les prescriptions sont opposees peuvent deferer le serment àceux qui les opposent sur la question de savoir si la chose a etereellement payee.

La doctrine admet que ce regime s'applique egalement à l'aveu.

Ainsi, ne peut se prevaloir d'une prescription courte celui qui a faitl'aveu (tacite ou meme extrajudiciaire) que la dette n'etait pas payee, àl'exclusion de toute contestation sur l'existence de la dette elle-meme ;celui qui denie la dette, en tout ou en partie, ne peut se prevaloir de laprescription fondee sur une presomption de paiement (ibid., p. 72, nDEG68).

L'aveu peut etre utilement fait dans le delai decennal de droit commun.

`Enfin, si la facture est acceptee (meme tacitement) apres le delai d'unan, cette acceptation peut etre assimilee à un aveu extrajudiciaire denon-paiement qui renverse la presomption en vertu de l'article 2275 duCode civil' [...]. En effet, `considerant que deferer le serment n'estautre qu'escompter un aveu de celui à qui on le defere, la doctrine et lajurisprudence ont unanimement et rapidement admis que l'aveu, expres outacite, du debiteur du fait qu'il n'a pas paye la creance litigieusel'empeche d'invoquer à son profit une prescription presomptive depaiement' (C. Marr, `Le point sur le delai de prescription applicable auxdettes de fourniture d'energie', J.T., 2009, 592).

Il a en effet ete juge que, `lorsqu'il resulte des actes de la procedureou des moyens de defense invoques par le debiteur que la dette n'a pas etepayee, cet aveu tacite du debiteur l'empeche d'invoquer à son profit uneprescription fondee sur une presomption de paiement ainsi dementie' (A.Gosselin, `Les prescriptions presomptives de paiement de factures', J.T.,1994, p. 34, nDEG 9, et ref. citee à la note 54).

En l'espece, les [defendeurs] ont paye normalement la facture emise par la[demanderesse], leur nouveau fournisseur d'energie, le 12 juin 2007, d'unmontant de 844,05 euros, qui precise qu'elle couvre les consommationsjusqu'au 31 decembre 2006.

Des lors qu'ils ont rec,u et paye cette facture, qui precise, sansreserve, qu'elle couvre les consommations jusqu'au 31 decembre 2006, les[defendeurs] ont de bonne foi soutenu qu'ils avaient dejà paye.

Ils etaient d'autant plus confortes dans leur certitude d'avoir paye quela facture litigieuse mentionnait une periode de consommation du debut del'annee 2007.

Lorsqu'ils ont engage une citation sur la base de l'article 19, S: 2, duCode judiciaire pour faire constater que les factures litigieusesn'etaient pas dues et en demandant la designation d'un expert, ils ontconteste la facture telle qu'elle etait redigee, pour des consommationsrelatives à l'annee 2007.

Ils n'ont pas remis en cause le fait qu'ils avaient paye les consommationsanterieures, comme l'etablit la facture du 12 juin 2007.

Ainsi, ils ecrivent notamment dans leurs conclusions du 10 juin 2009devant le premier juge : `La facture du 7 aout 2008 ne correspondnullement à une consommation effective durant la periode prise enconsideration : du 1er janvier 2007 au 4 aout 2008. La facture du 7 aout2008 tente de regulariser * semble-t-il * une consommation anterieure. Or,ce n'est pas possible. Voir notamment la facture du 12 juin 2007 quiindique tres precisement que le solde à payer de 844,05 euros correspondà une consommation jusqu'au

31 decembre 2006 aupres d'Electrabel'.

Des lors, dans ce cas d'espece, la prescription fondee sur une presomptionde paiement peut donc etre appliquee.

La demande est donc prescrite.

Par consequent, l'appel incident est sans objet.

Les demandes nouvelles des [defendeurs] sont formulees à titresubsidiaire et deviennent sans objet des lors qu'il est fait droit à leurargumentation principale concernant la prescription ».

Griefs

En vertu de l'article 2272, alinea 2, du Code civil, l'action desmarchands, pour les marchandises qu'ils vendent aux particuliers nonmarchands, se prescrit par un an. Cette courte prescription de l'article2272 du Code civil ne s'applique toutefois pas en matiere de livraisond'energie. Elle a ete instauree par le legislateur en raison del'existence d'obligations qu'il n'est pas d'usage de constater par ecrit,dans la mesure ou les debiteurs s'en acquittent tres rapidement aucomptant. Cette courte prescription est fondee sur une presomption depaiement afin d'eviter qu'un marchand, peu scrupuleux, puisse poursuivreson client en paiement d'une dette dejà honoree. En matiere de fournitured'energie, les consommateurs n'ont pas besoin de cette presomption depaiement parce qu'en regle generale, une preuve ecrite est etablie ducontrat relatif à des telles fournitures et des factures sont adresseespar les fournisseurs d'energie aux consommateurs.

En vertu de l'article 2277 du Code civil,

* les arrerages de rentes perpetuelles et viageres ;

* ceux des pensions alimentaires ;

* les loyers des maisons, et

* le prix de ferme des biens ruraux ;

* les interets des sommes pretees, et generalement tout ce qui estpayable par annee, ou à des termes periodiques plus courts, seprescrivent par cinq ans.

C'est cette disposition qui s'applique aux creances de fournitured'energie puisque la dette relative à des fournitures d'energie estsemblable aux dettes visees à l'article 2277 du Code civil puisque, deslors qu'elle est periodique et que son montant augmente avec l'ecoulementdu temps, elle risque de se transformer, à terme, en une dette de capitalà ce point importante qu'elle pourrait causer la ruine du debiteur.Interprete en ce sens que la prescription quinquennale ne s'applique pasaux dettes periodiques relatives à la fourniture d'energie, l'article2277 du Code civil etablirait entre debiteurs de dettes periodiques unedifference de traitement qui n'est pas susceptible de justification etviolerait partant les articles 10 et 11 de la Constitution.

L'arret n'a donc pas legalement decide que la courte prescription d'un ande l'article 2272, alinea 2, du Code civil est applicable aux creancespour la fourniture d'energie, ce type de creances n'etant pas visees parcet article. En decidant que, dans le cas d'espece, la courte prescriptionde l'article 2272, alinea 2, du Code civil fondee sur une presomption depaiement peut etre appliquee, l'arret viole l'article 2272, alinea 2, duCode civil. En refusant de faire application de la prescriptionquinquennale de l'article 2277 du Code civil alors que cet article estapplicable dans le cas d'espece, l'arret viole egalement cet article.

III. La decision de la Cour

En vertu de l'article 2272 du Code civil, l'action des marchands pour lesmarchandises qu'ils vendent à des particuliers non marchands se prescritpar un an.

L'application de cette courte prescription, qui est fondee sur unepresomption de paiement, suppose que l'existence de la creance ne soit pasconstatee par un ecrit.

Ce n'est que si l'existence de la creance est constatee par un ecrit etqu'elle soit payable par annee ou à des termes periodiques plus courtsque, conformement à l'article 2277 du Code civil, les arrerages s'enprescriront par cinq ans.

Le moyen, qui soutient que l'action du fournisseur d'energie contre leconsommateur en paiement de fournitures periodiques d'electricite esttoujours regie par l'article 2277 du Code civil, parce que, en reglegenerale, une preuve ecrite est etablie du contrat relatif à cesfournitures et que des factures sont adressees par le fournisseur auconsommateur, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de huit cent quatre-vingt-quatre eurosdix-huit centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du huit janvier deux mille quinze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

8 JANVIER 2015 C.14.0268.F/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 08/01/2015
Date de l'import : 30/01/2015

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.14.0268.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-01-08;c.14.0268.f ?
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