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02/04/2015 | BELGIQUE | N°C.14.0360.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 avril 2015, C.14.0360.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0360.F

CHARBONNAGES MAMBOURG, SACRE-MADAME ET POIRIER REUNIS, societe anonyme enliquidation, dont le siege social est etabli à Liege, rue Cote-d'Or, 68,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, service public federal des Finances, administration del'Enregistrement et des Domaines, agence de la Caisse des depots etconsignations

de Liege, represente par le conservateur des hypotheques dutroisieme bureau de Liege, dont ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0360.F

CHARBONNAGES MAMBOURG, SACRE-MADAME ET POIRIER REUNIS, societe anonyme enliquidation, dont le siege social est etabli à Liege, rue Cote-d'Or, 68,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, service public federal des Finances, administration del'Enregistrement et des Domaines, agence de la Caisse des depots etconsignations de Liege, represente par le conservateur des hypotheques dutroisieme bureau de Liege, dont les bureaux sont etablis à Liege, Parcd'affaires Zenobe Gramme, square des Conduites d'eau, 5-6,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 30 octobre 2012par la cour d'appel de Liege.

Le 13 fevrier 2015, le premier avocat general Jean-Franc,ois Leclercq adepose des conclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat general

Jean-Franc,ois Leclercq a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* articles 1er, 7, 9, 11 et 16 de l'arrete royal nDEG 150 du 18 mars1935 coordonnant les lois relatives à l'organisation et aufonctionnement de la Caisse des depots et consignations ;

* articles 14 et 22 de l'arrete ministeriel du 27 mars 1935 d'executionde l'arrete royal du 18 mars 1935 coordonnant les lois relatives àl'organisation et au fonctionnement de la Caisse des depots etconsignations ;

* articles 7 et 8 de la loi hypothecaire du 16 decembre 1851, avant samodification par la loi du 22 novembre 2013.

Decisions et motifs critiques

1. L'arret confirme le jugement du premier juge et condamne lademanderesse aux depens de l'appel, liquides à 3.300 euros d'indemnitespour le defendeur.

2. L'arret fonde cette decision sur les motifs selon lesquels :

« Le raisonnement suivi par [la demanderesse] dans ses conclusions, quin'exposent aucun moyen de droit, est extremement confus. Il l'est d'autantplus qu'elle n'y distingue pas les deux qualites differentes en lesquelles[le defendeur] a pu intervenir : soit en qualite de successeur du Fondsnational de garantie pour la reparation des degats houillers, soit en saqualite d'autorite dont depend la Caisse des depots et consignations.

Il ressort toutefois du rapprochement de ces conclusions et descorrespondances adressees par [la demanderesse] anterieurement à lacitation qu'elle fonde ses pretentions sur ce que le montant correspondantaux interets qui n'ont pas ete payes par la Caisse des depots etconsignations [au defendeur] en sa qualite d'ayant droit du Fonds nationalde garantie pour la reparation des degats houillers lors du paiement des190.731,95 euros devrait lui faire profit. En d'autres termes, quel'assiette des interets lui revenant aurait du etre augmentee d'un montantequivalent à celui de ceux qui n'ont pas ete payes [au defendeur].

Ce raisonnement ne peut etre suivi car il se fonde sur la premisse qu'uncompte à la Caisse des depots et consignations fonctionne comme un comptebancaire ordinaire.

Tel n'est pas le cas.

Aux termes de l'article 16 de l'arrete royal nDEG 150 du 18 mars 1935coordonnant les lois relatives à l'organisation et au fonctionnement dela Caisse des depots et consignations, celle-ci `paye, pour le compte duTresor, un interet aux ayants droit de chaque somme consignee' etl'administration de la tresorerie et de la dette publique lui rembourse lemontant des interets ainsi payes. L'article 1er du meme arrete dispose queles fonds qui sont confies à la Caisse des depots et consignations nepeuvent etre confondus avec l'avoir du Tresor.

Il s'ensuit que les interets en question ne sont pas servis au moyen desfonds deposes sur le compte ouvert aupres de la Caisse des depots etconsignations. Par consequent, l'absence de paiement d'interets [audefendeur], ayant droit du Fonds national de garantie pour la reparationdes degats houillers, est restee sans effet tant sur le capital restant encompte à l'issue de ce paiement que sur l'interet revenant, en vertu decet article 16, aux autres ayants droit et à [la demanderesse].

Les decomptes etablis par [le defendeur] en reponse aux interrogations duliquidateur de [la demanderesse] montrent d'ailleurs qu'il a ete fait unejuste application de ce principe. Les montants comptabilises en recetteset en paiements en capital sont egaux tandis que les montants repris endepenses, qui correspondent à ce qui a ete liquide en faveur des ayantsdroit, correspond à la somme des paiements en capital et des interetsnets de precompte ».

3. L'arret en conclut qu'« il resulte des elements qui precedent quec'est à bon droit que [le defendeur] fait valoir qu'il etait indifferentpour [la demanderesse] que la Caisse des depots et consignations paye ounon des interets sur les 190.731,95 euros payes en execution de ladecision du juge des saisies de Charleroi.

Il s'en deduit que la demande n'est pas fondee et que le jugemententrepris sera confirme ».

Griefs

1. Aux termes de l'article 1er de l'arrete royal nDEG 150 du 18 mars 1935,il est institue une Caisse des depots et consignations chargee de recevoiret de rembourser les depots et consignations en numeraire et en valeursdestines à garantir l'accomplissement ou l'execution d'obligations.

La Caisse des depots et consignations poursuit donc, en synthese,l'accomplissement de deux missions : (i) la reception des depots etconsignations et (ii) la restitution de ceux-ci avec paiement desinterets.

La question centrale en l'espece consiste à determiner à qui cesinterets doivent etre payes, ce qui conduit à identifier la titularite decomptes ouverts aupres de la Caisse des depots et consignations.

Pour y repondre, il convient d'avoir egard aux dispositions pertinentesqui determinent les regles de fonctionnement de la Caisse des depots etconsignations.

Quant à la mission de reception des depots et consignations, l'article 7de l'arrete royal du 18 mars 1935 enonce que « tout depot de titres oud'argent donne lieu à une inscription en compte par la Caisse des depotset consignations au profit du deposant. L'inscription en compte formetitre envers la Caisse des depots et consignations ».

L'article 9 precise à cet egard que « le cautionnement est la proprietede la personne qui en a fait le depot de ses deniers ou valeurs ».

L'article 14 de l'arrete ministeriel du 27 mars 1935 prevoit, pour ce quiconcerne les paiements, qu'ils ont lieu aux risques et perils desbeneficiaires suivant les indications fournies à la Caisse des depots etconsignations.

Quant à la mission de restitution des sommes, l'article 11 de l'arreteroyal du 18 mars 1935 dispose que la Caisse des depots et consignationsn'ordonne la restitution des sommes ou valeurs consignees qu'à lacondition que les pieces requises par les lois et reglements applicableslui aient ete fournies et pour autant qu'elle en ait reconnu la validite.A cet egard, l'article 14 de l'arrete royal enonce que la reception et larestitution des valeurs a lieu à l'intervention de la Banque nationale deBelgique agissant en qualite de caissier de l'Etat, ces valeurs figurantà un compte special ouvert par celle-ci à la Caisse des depots etconsignations.

C'est dans le cadre de cette restitution que l'article 16 de l'arreteroyal du 18 mars 1935 prevoit que la Caisse des depots et consignations «paye pour le compte du Tresor un interet aux ayants droit de chaque sommeconsignee », cet interet etant payable par annee.

Ce remboursement est opere, aux termes de l'article 22 de l'arreteministeriel du 27 mars 1935, par l'intermediaire des preposes de la Caissedes depots et consignations, qui payent les consignations en numeraire etles interets y afferents par l'entremise de leur compte-cheques postaux.

Il resulte de la lecture combinee des dispositions decrites ci-dessus quela notion d'ayant droit, au sens de l'article 16 de l'arrete royal du 18mars 1935, vise necessairement le deposant, seul titulaire du compteouvert aupres de la Caisse des depots et consignations.

Une interpretation contraire aboutirait en effet à meconnaitre leprincipe d'unicite de patrimoine consacre par les articles 7 et 8 de laloi hypothecaire du 16 decembre 1851, avant sa modification par la loi du

22 novembre 2013, et rappele, avec vigueur, par la Cour dans son arret du

27 janvier 2011 selon lequel, « en l'absence d'une disposition legalespecifique, les fonds, quelle que soit leur provenance, qui sont deposessur un compte de tiers ouvert en son nom dans les livres d'une banque parun avocat agissant pour son compte font partie de la creance de cet avocatcontre la banque et ne se distinguent pas de l'ensemble de son patrimoine.Les creanciers personnels de cet avocat peuvent, des lors, saisir-arreterentre les mains de la banque le solde crediteur de ce compte ». La Courconsacre ainsi le principe selon lequel le proprietaire des fonds quifigurent au credit d'un compte ouvert aupres d'un organisme tiers etaffecte à un objectif specifique n'est autre que le titulaire de cecompte, lui-meme titulaire de la creance sur le solde crediteur vis-à-visde l'etablissement teneur du compte.

Il s'ensuit qu'à defaut de disposition particuliere venant ecarter ceprincipe, c'est le deposant des sommes consignees aupres de la Caisse desdepots et consignations qui dispose d'une creance envers elle, aucontraire des beneficiaires finaux des sommes consignees aupres de laCaisse des depots et consignations, qui, quant à eux, ne disposentd'aucune creance à l'encontre de celle-ci mais uniquement à l'encontredu deposant, cette creance etant dependante de la realisation del'evenement futur et incertain qu'est la decision judiciaire determinantle quantum de leurs droits.

2. En l'espece, par les motifs repris ci-dessus et tenus ici pourintegralement reproduits, l'arret affirme toutefois que le raisonnement dela demanderesse, suivant lequel elle devrait percevoir, en qualite d'ayantdroit du compte ouvert en son nom aupres de la Caisse des depots etconsignations, le paiement des interets que ce compte a produits, « nepeut etre suivi car il se fonde sur la premisse qu'un compte à la Caissedes depots et consignations fonctionne comme un compte bancaire ordinaire» et que « tel n'est pas le cas ».

L'arret estime ensuite que « l'absence de paiement d'interets [audefendeur], ayant droit du Fonds national de garantie pour la reparationdes degats houillers, est restee sans effet tant sur le capital restant encompte à l'issue de ce paiement que sur l'interet revenant, en vertu decet article 16, aux autres ayants droit et à [la demanderesse] » et que« les decomptes etablis par [le defendeur] en reponse aux interrogationsdu liquidateur de [la demanderesse] montrent d'ailleurs qu'il a ete faitune juste application de ce principe. Les montants comptabilises enrecette et en paiement en capital sont egaux tandis que les montantsrepris en depense, qui correspondent à ce qui a ete liquide en faveur desayants droit, correspond à la somme des paiements en capital et desinterets nets de precompte ».

Il en conclut que « c'est à bon droit que [le defendeur] fait valoirqu'il est indifferent pour [la demanderesse] que la Caisse des depots etconsignations paye ou non des interets sur les 190.731,95 euros payes enexecution de la decision du juge des saisies de Charleroi ».

Autrement dit, la cour d'appel de Liege rejette la demande de lademanderesse en se fondant sur le postulat suivant lequel un interet doitetre servi, le cas echeant, par compensation, aux « autres ayants droitet [au defendeur] », à savoir les beneficiaires finaux des sommesconsignees, et non au deposant de ces sommes à la Caisse des depots etconsignations.

3. En consequence, l'arret, qui, sur la base des considerations quiprecedent, decide que la demanderesse n'a pas droit au paiement desinterets produits par la somme consignee par elle aupres de la Caisse desdepots et consignations, meconnait, d'une part, la portee de la notionlegale d'ayant droit au sens de l'arrete royal du 18 mars 1935 (violationdes articles 1er, 7, 9, 11, 16 de l'arrete royal nDEG 150 du 18 mars 1935,14 et 22 de l'arrete ministeriel du 27 mars 1935), d'autre part, leprincipe de l'unicite du patrimoine, auquel appartient la creance, encapital et interets, nee pour le deposant de la compensation des sommesaupres de la Caisse des depots et consignations (violation des articles 7et 8 de la loi hypothecaire du 16 decembre 1851, avant sa modification parla loi du 22 novembre 2013).

III. La decision de la Cour

L'article 8, alinea 1er, de l'arrete royal nDEG 150 du 18 mars 1935coordonnant les lois relatives à l'organisation et au fonctionnement dela Caisse des depots et consignations et y apportant des modifications envertu de la loi du 31 juillet 1934 dispose que tout depot doit etreaccompagne d'une declaration contenant toutes les indications necessairespour mettre l'administration centrale de la caisse à meme de constater ladestination des sommes ou valeurs deposees.

Aux termes de l'article 11, alinea 1er, de cet arrete royal, la Caisse desdepots et consignations ordonne la restitution des sommes ou valeursconsignees des que les pieces requises par les lois et reglements sur lamatiere lui ont ete fournies et qu'elle en a reconnu la validite.

En vertu de l'article 16 du meme arrete royal, la Caisse des depots etconsignations paye pour le compte du Tresor un interet aux ayants droit dechaque somme consignee.

L'ayant droit, au sens de l'article 16 precite, est la personne àlaquelle les sommes consignees doivent etre versees sur la base des piecesproduites conformement à l'article 11, alinea 1er, de l'arrete royal du18 mars 1935.

Le moyen, qui repose tout entier sur la consideration que l'ayant droitest necessairement le deposant, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de neuf cent nonante-huit eurosquatre-vingt-neuf centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Mireille Delange, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, etprononce en audience publique du deux avril deux mille quinze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean-Franc,ois Leclercq, avec l'assistance du greffier PatriciaDe Wadripont.

+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
|-----------------+----------------+-------------|
| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
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2 AVRIL 2015 C.14.0360.F/10



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 02/04/2015
Date de l'import : 25/04/2015

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.14.0360.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-04-02;c.14.0360.f ?
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