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30/10/2015 | BELGIQUE | N°C.15.0051.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 octobre 2015, C.15.0051.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0051.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

1. M. J., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de lasociete anonyme Ebel,

2. C. C., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de lasociete anonym

e Ebel,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cass...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0051.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

1. M. J., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de lasociete anonyme Ebel,

2. C. C., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de lasociete anonyme Ebel,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile,

3. J. P. L., agissant en qualite de liquidateur de la societe anonymeEbel,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 9 mai 2014 parla cour d'appel de Bruxelles.

Le 1er octobre 2015, le premier avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et le premier avocat generalAndre Henkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 99 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites ;

- articles 8, 9 et 19, 3DEGquater, de la loi du 16 decembre 1851 sur larevision du regime hypothecaire ;

- articles 422 et 423 du Code des impots sur les revenus 1992.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir considere que :

« Les precomptes professionnels relatifs à la periode concordatairedoivent [...] etre admis jusqu'à hauteur de 63.695,03 euros comme dettesde la masse au passif privilegie de la societe anonyme Ebel.

Il resulte des considerations qui precedent que la creance [du demandeur]beneficiant de la qualite de dette de la masse est de 63.695,03 euros enprincipal.

Ce montant doit etre integre dans le tableau de repartition, en sorte quele total des dettes de la masse à repartir s'eleve à 427.031,41 euros.

Cette somme est superieure au solde à repartir de 400.219,75 euros »,

l'arret decide que :

« A tort, [le demandeur] soutient qu'en cas de concours, la repartitionentre les differents creanciers s'opere en tenant compte des differentsprivileges attaches à la creance de chacun et que sa creance (tout commecelle de l'Office national de securite sociale) dispose du privilege del'article 19, 4DEGter, de la loi hypothecaire, en maniere telle que larepartition ne peut se faire au marc le franc mais doit s'operer en tenantcompte dudit privilege.

Les dettes de la masse n'entrent en principe pas en concours car elles neparticipent pas à la saisie collective qu'entraine la faillite (M.Gregoire, Theorie generale du concours des creanciers en droit belge,Bruylant, 1992, 124 ; I. Verougstraete, Dettes de masse, privileges etmonnaie de faillite, note sous Cass., 16 juin 1988, R.C.J.B., 1990, 32).`Les creanciers de la masse ne peuvent pas etre soumis au meme regime queles creanciers dans la masse parce que leurs droits sont nes apres laformation de celle-ci. La these contraire aboutirait à creer une sorte deseconde masse dans la masse, ce qui ne reposerait sur aucun fondementlegal' (conclusions de madame Liekendael, alors avocat general, sousCass., 26 novembre 1981, Pas., 1982, I, p. 426).

Un concours pourra toutefois naitre entre creanciers de la masse `dans lamesure ou ils procedent à deux ou plus à des mesures d'execution sur lesmemes biens. La distribution se fera en fonction des disponibilites et, siune demande simultanee est faite, au marc le franc' (I. Verougstraete,Manuel de la continuite des entreprises et de la faillite, p. 560, nDEG3.7.1.16).

[Le demandeur] n'etablit pas que tel serait le cas en l'espece. Larepartition des deniers doit des lors etre operee en fonction desdisponibilites, proportionnellement entre tous les creanciers de lamasse ».

Et, dans son dispositif, l'arret « fixe la creance [du demandeur]beneficiant de la qualite de dette de la masse à 63.695,03 euros etautorise [les defendeurs] à distribuer le montant de 400.219,75 euros enincluant dans leur tableau de repartition ladite creance ».

En substance, l'arret a) reconnait à la creance de precomptesprofessionnels du demandeur la qualite de dette de la masse ; b) constateque l'actif est insuffisant pour apurer la totalite des dettes de lamasse ; c) decide que ces dettes seront apurees au marc le franc sans quele privilege attache à la creance de precomptes professionnels dudemandeur soit pris en compte.

Griefs

L'article 99 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites dispose que lemontant de l'actif du failli, deduction faite des frais et depens del'administration de la faillite, des secours qui auraient ete accordes aufailli et à sa famille et des sommes payees aux creanciers privilegies,est reparti entre tous les creanciers, au marc le franc de leurs creances.

Cet article, tout comme anterieurement l'article 561 du Code de commerce,est usuellement cite comme etant le siege de la distinction entre dette dela masse et dette dans la masse.

L'on peut distinguer deux types de dettes de la masse soit, d'une part,les frais et depens de gestion de la masse et, d'autre part, les dettesnees d'initiatives du curateur.

« C'est au sujet de cette derniere categorie que la Cour de cassation adonne, par ses arrets du 16 juin 1988, une definition de dette de masse,en disant que, `par application des articles 8 et 9 de la loihypothecaire, 184 des lois coordonnees sur les societes commerciales et451 et 561 de la loi sur les faillites, une dette ne peut etre mise àcharge de la masse que lorsque le curateur a contracte qualitate qua desengagements en vue de l'administration de ladite masse' » (I.Verougstraete, Manuel de la continuite des entreprises et de la faillite,Kluwer, 2010-2011, p. 552, nDEG 3.7.1.5).

L'article 44, alinea 2, de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordatjudiciaire dispose que les actes accomplis par le debiteur au cours de laprocedure avec la collaboration, l'autorisation ou l'assistance ducommissaire au sursis sont consideres lors de la faillite comme des actesdu curateur, les dettes contractees pendant le concordat etant comprisescomme dettes de la masse faillie.

C'est au titre de dette de la masse, en application de l'article 44,alinea 2, de la loi du 17 juillet 1997, que l'arret admet au passifprivilegie de la faillite une partie de la creance de precompteprofessionnel du demandeur et que la repartition des deniers doit etreoperee.

La Cour a dejà eu l'occasion, à plusieurs reprises, de decider qu'aucunedisposition legale ne soumet les creanciers de la masse à la memereglementation que les creanciers dans la masse ou ne limite leurs droitsvis-à-vis de la masse.

Ces decisions s'inscrivent dans le contexte d'une procedure d'executionpour les dettes de la masse et les actions pendantes devant lesjuridictions avaient pour finalite que soit dit pour droit (quod non inspecie), d'une part, que la mesure d'execution pratiquee par un creancierde la masse ne peut donner lieu au paiement et, d'autre part, que, pour uncreancier de la masse, seul un paiement effectue dans le cadre de laliquidation de la faillite est possible.

Par ailleurs, la Cour a egalement decide que « seule une situation deconcours entre les creanciers de la masse ou entre ceux-ci et lescreanciers beneficiant d'un privilege special ou d'une surete reelle peutempecher les creanciers de la masse d'introduire des poursuitesindividuelles contre cette masse ».

En l'espece, aucune poursuite individuelle n'a ete formee et il resultedes considerations de l'arret que le total des dettes de la masse estsuperieur au solde à repartir.

L'article 8 de la loi du 16 decembre 1851 sur la revision du regimehypothecaire dispose que les biens du debiteur sont le gage commun de sescreanciers, et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moinsqu'il n'y ait entre les creanciers des causes legitimes de preference, etl'article 9, que les causes legitimes de preference sont les privilegeset hypotheques.

En l'espece, le demandeur soutenait que le montant à repartir devaitl'etre « entre l'Office national de securite sociale et [lui], dont lescreances disposent du privilege identique de l'article 19, 4DEGter, de laloi hypothecaire (cfr article 423, alinea 2, du Code des impots sur lesrevenus 1992), les autres creanciers de la masse ne disposant a priorid'aucun privilege ».

Les articles 99 de la loi sur les faillites et 8 et 9 de la loihypothecaire consacrent le principe de l'egalite des creanciers.

L'article 99 precite dispose que l'actif sera reparti comme il l'indique,deduction faite notamment des frais et depens de l'administration de lafaillite.

L'article 44 de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judicaireassimile à des dettes de la masse les actes accomplis dans lesconditions qui y sont mentionnees.

A la cloture de la faillite, la valeur des biens doit etre repartieproportionnellement entre tous les creanciers concernes sous reserve descauses de preference.

En l'espece, le demandeur revendiquait que lui soit reconnu, enapplication de l'article 423, alinea 2, du Code des impots sur les revenus1992, le privilege de l'article 19, 4DEGter, de la loi hypothecaire.

L'arret viole les dispositions visees au moyen des lors que la courd'appel a decide par des motifs qui ne peuvent etre detaches du dispositifque « la repartition des deniers doit des lors etre operee en fonctiondes disponibilites, proportionnellement entre tous les creanciers de lamasse ».

Et elle a denie au demandeur, qu'elle a reconnu comme creancier de lamasse, le privilege revendique en cette qualite et la preference qu'ilconfere au demandeur sur les autres creanciers de la masse (sauf l'Officenational de securite sociale, lui aussi creancier de la masse et titulaired'un privilege de rang egal au privilege du demandeur).

III. La decision de la Cour

Sur la premiere fin de non-recevoir opposee au moyen par les deux premiersdefendeurs et deduite du defaut d'interet :

Le moyen fait grief à l'arret de decider que « la repartition desdeniers doit [...] etre operee en fonction des disponibilites,proportionnellement entre tous les creanciers de la masse » et sans tenircompte du privilege revendique par le demandeur.

Les deux premiers defendeurs font valoir que la creance du demandeur nepourrait etre qualifiee de creance de la masse et que ce dernier nepourrait des lors revendiquer le moindre droit de preference sur lesdeniers à repartir entre les creanciers de la masse, de sorte que ladecision de repartir les deniers disponibles proportionnellement entretous les creanciers de la masse demeurerait legalement justifiee.

L'arret decide toutefois, par un motif que le moyen ne critique pas etauquel la Cour ne saurait des lors substituer un autre sans exceder sespouvoirs, que « les precomptes professionnels relatifs à la periodeconcordataire doivent [...] etre admis jusqu'à hauteur de 63.695,03 euroscomme dettes de la masse au passif privilegie de la societe anonymeEbel ».

Sur la seconde fin de non-recevoir opposee au moyen par les deux premiersdefendeurs et deduite du defaut d'interet :

Les deux premiers defendeurs font valoir que la decision critiquee necause aucun grief au demandeur, des lors qu'à defaut de mesuresd'execution sur les memes biens, il n'existe aucune situation de concoursentre les creanciers de la masse et que, partant, ces creanciers nepeuvent faire valoir d'eventuelles causes de preference.

L'examen de la fin de non-recevoir est indissociable de l'examen du moyen.

Les fins de non-recevoir ne peuvent etre accueillies.

Sur le fondement du moyen :

L'article 99 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites impose au curateurde regler les dettes de la masse avant toute repartition entre lescreanciers admis au passif.

L'article 8 de la loi du 16 decembre 1851 sur la revision du regimehypothecaire dispose que les biens du debiteur sont le gage commun de sescreanciers, et que le prix s'en distribue entre eux par contribution, àmoins qu'il n'y ait entre les creanciers des causes legitimes depreference.

Aux termes de l'article 9 de la meme loi, les causes legitimes depreference sont les privileges et hypotheques.

Si aucune disposition legale ne soumet les creanciers de la masse au memeregime que les creanciers dans la masse et ne limite leurs droits àl'egard de celle-ci, une situation de concours entre les creanciers de lamasse est de nature à empecher l'exercice de poursuites individuelles deces creanciers contre celle-ci.

En l'absence de poursuite individuelle par les creanciers de la masse, lecurateur procede à la realisation des biens sur lesquels ces creancierspeuvent faire valoir leurs droits et en repartit le produit entre cescreanciers.

L'insuffisance des deniers que le curateur repartit entre les creanciersde la masse fait naitre une situation de concours entre ces creanciers.

Ces deniers doivent des lors etre repartis dans le respect des eventuellescauses de preference dont beneficient les creances.

Apres avoir decide que « les precomptes professionnels relatifs à laperiode concordataire doivent [...] etre admis jusqu'à hauteur de63.695,03 euros comme dettes de la masse au passif privilegie de lasociete anonyme Ebel », qu'il s'ensuit que « la creance [du demandeur]beneficiant de la qualite de dette de la masse est de 63.695,03 euros enprincipal » et que « ce montant doit etre integre dans le tableau derepartition, en sorte que le total des dettes de la masse à repartirs'eleve à 427.031,41 euros », l'arret constate que « cette somme estsuperieure au solde à repartir de 400.219,75 euros ».

Il considere que le demandeur « n'etablit pas que » des creanciers ontprocede « à deux ou plus à des mesures d'execution sur les memesbiens ».

Sur la base de ces enonciations, l'arret n'a pu, sans violer lesdispositions legales precitees, decider que « la repartition des deniersdoit des lors etre operee en fonction des disponibilites,proportionnellement entre tous les creanciers de la masse », et que ledemandeur ne peut se prevaloir du privilege qu'il revendiquait.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il decide que la repartition des deniersdoit etre operee en fonction des disponibilites, proportionnellement entretous les creanciers de la masse, et que le demandeur ne peut se prevaloirdu privilege qu'il revendique, et qu'il statue sur les depens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Mireille Delange,Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononce en audience publique du trenteoctobre deux mille quinze par le president de section Christian Storck, enpresence du premier avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+---------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+-------------+-------------|
| M. Delange | A. Fettweis | Chr. Storck |
+---------------------------------------------+

30 OCTOBRE 2015 C.15.0051.F/2



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 30/10/2015
Date de l'import : 21/11/2015

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.15.0051.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-10-30;c.15.0051.f ?
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